Je pousse les portes de l’abbaye et m’installe sur un banc, face à la statue de Marie.
Je n’ai jamais été croyante. L’idée d’un être tout-puissant ne m’a jamais paru rationnelle. S’il devait exister une religion, je pencherais plutôt pour un panthéon de dieux imparfaits : c’est plus logique, vu les dégâts que nous causons au monde. Un seul dieu, vraiment ? Il aurait alors un humour bien étrange pour nous laisser détruire nos semblables et la planète.

Mais je ne suis pas ici pour philosopher. Je suis venue parce que ce lieu est dédié à Marie, à l’Immaculée Conception. Un endroit de recueillement pour ceux qui peinent à concevoir un enfant.
Et malgré mon scepticisme, je m’y sens bien.
Après deux ans à ruminer, à revivre chaque instant, je crois que je suis prête. Prête à lui dire adieu. À le laisser partir.

Quand cette pensée s’impose, claire, apaisée, je fonds en larmes.
Je l’ai libéré. Et, ce faisant, je me libère moi aussi.

Je continue à m’interroger sur mon esprit.

Suis-je autiste ? Ou simplement… différente ?

Je décide de reprendre mes recherches, avec une autre approche.

Je sais que mon cerveau ne fonctionne pas comme celui des autres. Mais jusqu’à quel point ? Je choisis de passer un test de QI. Un début, peut-être. Quelques jours plus tard, les résultats tombent : je suis au-dessus de la moyenne. Officiellement « HPI ». Haut Potentiel Intellectuel.

Encore une étiquette. Encore des mots que je n’aime pas, mais qui m’appartiennent.

Cela explique pourquoi je pense trop vite, trop souvent, pourquoi mes pensées ne s’arrêtent jamais, malgré tous mes efforts.

Je croyais qu’avoir une réponse m’apporterait un soulagement. Mais en réalité, je me sens un peu vide. Cette réponse, au fond, je la connaissais déjà. Elle n’éclaire rien de nouveau.
Certains vivent ce diagnostic comme une libération, une clé pour accepter leur différence.
Pour moi, c’est autre chose.

Je réalise que ce que je cherche ce n’est pas un mot pour me définir, mais un mode d’emploi.

Savoir que je suis HPI ne m’aide pas si je ne sais pas comment ralentir mes pensées, comment nouer des relations plus simples, comment me concentrer sur ce qui va bien plutôt que sur mes échecs.