— Billet 1
Elle a recommencé cette nuit. Je l’ai senti. Un bruissement sur le matelas, et la masse chaude de son corps qui s’extirpait de là, puis la place vide laissée, un creux tout à côté.
Elle est restée assise un instant, le dos courbé. Je n’avais pas bougé ni même ouvert un œil. Pas besoin. Tout cela se sent. J’y ai repensé au matin, en moulant le café, tandis que les grains craquaient et s’effritaient, que son odeur un peu poivrée me chatouillait le nez. Une pensée très nette, d’un coup comme ça, sans que je n’ai rien cherché. L’habitude n’a pas besoin d’ouvrir un œil. Et c’est vrai, il y a mon corps dans le lit, il y a le sien, nos côtés, nos terrains et le vallon dans le milieu comme frontière commune, débordée, vallon comme âtre, où ses pieds gelés cherchent la chaleur de mes mollets quand elle regagne le lit. Il y a la musique de nos souffles, nos peaux, nos odeurs, la façon de nos corps d’occuper l’espace, et puis les courants d’airs, les bruissements qui appartiennent à ses échappées.
Au bout d’une heure, mais peut-être étaient-ce dix minutes, car le temps de nuit les yeux fermés est aussi farceur que volatile, un soupir puis le poids de son corps dans le creux, un soupir, et ses pieds contre mes mollets à nouveau. Cela ne m’a pas dérangé. Si j’y réfléchis bien cela ne me dérange pas. Mais la plupart du temps, je n’y réfléchis pas en vérité. C’est elle qui s’échappe, moi qui le remarque, moi ou mon corps, ou encore mon souffle en suspens qui cherche l’écho du sien. C’est nos nuits avec leurs interludes, un ballet qui se crée, et les nuits d’échappées un ballet toujours— juste d’une autre articulation. Je n’y réfléchis pas, mais si je me force à le faire, là que je m’y pose, je n’ai pas d’agacement à l’endroit de son absence, pas de rancœur ni de crispation. Je ne crois pas que mon sommeil en pâtisse. Je ne le ressens pas ainsi, plutôt que l’échappée quand elle se produit crée chez elle un autre cycle, et de chez elle un chez moi, et que ces deux cycles sont un un tout, un cycle qui n’appartient qu’à nous.

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