— Billet 5
Une nuit, je m’étais endormi sur le canapé. C’est la lumière du frigo qui m’a réveillé.
J’ai ouvert un œil, puis un deuxième, elle se tenait là, la main sur la poignée, le visage tendu à la lumière plein phare. Chemise blanche déboutonnée à l’encolure, jambes nues. Un frisson remontant de ses pieds sur le carrelage, courant chair de poule sur sa peau. Mais ça, juste je l’imagine. Moi, de désir tendu, le sexe douloureux, déboussolé, puis un peu honteux.
J’hésitais, refermais les yeux, les rouvrais. Respirais lentement. Parler, ne rien dire, ne rien troubler, me lever et regagner le lit, rester là, ne faire comme si de rien, se rendormir. Impossible. Je la regardais à nouveau, son corps balancier, comme en incantation, hypnotisé, dix, quinze, vingt minutes. Toujours cette histoire du temps de nuit, farceur comme volatile. Puis d’un coup le noir, grand froid. Comme un de ces rêves qui m’aurait sorti du sommeil, un de ces moments où l’on ne sait plus si l’on a vécu ou juste rêvé un instant. Je me tourneboulais, une fois, deux fois, puis regagnais le lit, où m’attendaient ses pieds froids.
Je vous pourrais dire que c’est ainsi que je perçais le mystère de ses échappées, mais en vérité je ne perçais rien du tout. Je ne suis guère plus avancé aujourd’hui. Je ne cherche pas à l’être. J’attends et n’attends pas à la fois, que les choses viennent à moi, s’expliquent, ou gardent leur épaisseur. Je ne lui fais pas l’affront d’hypothèses somnambules, vulgaires, ni de facilités. Ce serait nier tout ce que je vois, ressens, pressens, et toute l’épaisseur de ce que j’ignore, nier jusqu’à la lumière qui émane de ces mots tout comme de ces gestes, et emprunte, j’en suis certain, à la magie.

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