Mon amour, Aide-moi
Toc-toc.
Un claquement de porte, violent, résonna dans le couloir.
— Ouvre la porte, Luz ! Je sais que tu es là ! cria Paul.
Silence.
Il sortit son téléphone et composa son numéro. La sonnerie résonna sans réponse. Essoufflé, rempli de rage, il jeta le bouquet de fleurs qu’il tenait et dévala les escaliers, presque en courant, avant de s’engouffrer dans sa voiture garée en bas.
Il n’était pas encore onze heures, et déjà la ville s’agitait. Que penser d’un jeune homme planté devant l’appartement d’une jeune femme, un jour de congé ?
Pendant ce temps, Luz dormait encore, enfouie sous ses draps, la tête couverte. Dans l’air flottait un mélange de vin et de fumée de cigarette. La table croulait sous les papiers et les assiettes de repas commandés. Des vêtements traînaient partout.
Le téléphone sonna de nouveau. Luz bougea lentement, chercha l’appareil à tâtons, décrocha.
— Quoi ? dit-elle d’une voix lasse.
— Comment ça, “quoi” ? T’es où ? demanda Paul.
— Où tu veux que je sois ? Chez moi, évidemment. Quoi.
— Tu te fous de moi, c’est ça ?
— Oh, ne commence pas, s’il te plaît, répondit Luz.
— T’as besoin de quoi ?
— De te parler.
— Et tu ne peux pas me parler comme ça, au téléphone ?
— Non. Face à face.
— Pff… Donne-moi une heure, alors.
— Je ne peux pas attendre une heure. Je monte, insista Paul.
— Comment ça, tu montes ? Tu ne peux pas débarquer chez moi quand ça te plaît ! T’étais déjà là, et en plus tu fais semblant de m’appeler ? C’est écœurant… Mais bon, monte, comme si c’était ta maison.
Luz trébucha sur une bouteille.
— Merde…
Elle ouvrit la porte. Dans l’escalier, elle aperçut Paul, déjà en train de monter. Ses yeux tombèrent sur les fleurs abandonnées à terre. Des orchidées. Ses préférées. Un pincement serra son cœur.
— Luz…, dit-il doucement.
— Paul. Entre, donc.
Paul balaya du regard l’appartement en désordre. Un soupir lui échappa.
— Luz… je sais que tu ne vas pas bien en ce moment. Mais ce n’est pas une raison de laisser tout ça t’envahir.
Il s’approcha, lui prit la main, et déposa un baiser léger sur ses doigts.
— Mon amour, j’ai besoin de toi. Mes parents arrivent demain en ville… et j’ai besoin que tu dises que tu es ma fiancée.
Luz le fixa, interloquée.
— Heu… quoi ?! Tu es fiancé ?
Paul secoua la tête, un sourire tendre, presque coupable, aux lèvres.
— Non, non, mon cœur. Je ne le suis pas. Mais je voulais que tu m’aides à mentir. Tu sais comment est mon père… Il tient à ce que j’aie une vie rangée avant de mourir. Il est malade, tu le sais.
Il marqua une pause. Ses yeux brillaient d’une lueur étrange, mélange de sincérité et de calcul.
Ce que Luz ignorait encore, c’était plus qu’un simple secret. Sa demande n’avait rien d’un caprice : c’était une stratégie. Car à la mort de son père, il hériterait d’une partie de l’entreprise familiale. Et pour cela, il devait apparaître comme l’homme « normal », l’héritier modèle.
Il avait choisi Luz, non pas par hasard, mais parce qu’il savait qu’elle était à la fois assez fragile… et assez fière pour jouer le jeu.
— Tu vas m’aider, hein, ma colombe ? dit Paul d’un air triste, presque désespéré.
— T’inquiète, on va assurer, mon chéri, répondit Luz.
— Je ne vais pas rester longtemps, tu sais… mais il faut que tu te prépares. On dînera avec mes parents à cinq heures, après leur arrivée demain. Et réponds à mes appels, d’accord ?
— De toute façon, je suis ta fiancée maintenant.
— Je t’aime !
— Ouais…, souffla Luz.

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