LA PEUR
Patty n’arrivait plus à dormir. Les lettres s’accumulaient, et avec elles, les questions. Chaque mot semblait brûler ses doigts. Au début, elle croyait que tout était simple : Marc, le bénévole, l’aimait en secret. Mais plus elle lui parlait, plus elle se rendait compte que quelque chose n’allait pas.
Un soir, alors qu’ils rangeaient les revues ensemble, elle prit son courage :
— « Marc… c’est vous, n’est-ce pas ? »
Il leva la tête, surpris.
— « Moi ? »
— « Ces lettres. Ces mots… c’est vous qui les écrivez. »
Il éclata de rire, un rire franc, presque trop.
— « Des lettres ? Non, Patty, ce n’est pas moi. Je n’ai jamais rien écrit à personne. Je suis nul avec les mots.»
Le sang de Patty se glaça. Elle força un sourire.
— « Bien sûr… je plaisantais. »
Mais à l’intérieur, son monde venait de trembler.
Cette nuit-là, elle retourna chaque lettre dans sa main. L’écriture ne ressemblait pas à celle de Marc, c’était vrai. Comment avait-elle pu ne pas le voir ? Elle se sentit stupide, humiliée. Et surtout, elle eut peur.
Si ce n’était pas lui… alors qui ? Qui connaissait ses gestes, ses horaires, sa solitude ? Qui la suivait dans la bibliothèque assez près pour glisser ces enveloppes sans jamais se montrer ?
Le lendemain, elle parla à sa mère.
— « Maman, j’ai fait une erreur. Ce n’est pas lui. »
— « Alors c’est qui ? » demanda Ketline, alarmée.
— « Je ne sais pas. Et c’est ça qui m’effraie. »
Ketline posa ses mains sur celles de sa fille.
— « Ma pauvre Patty… il faut arrêter ça. Tu dois brûler ces lettres. »
Patty secoua la tête, les larmes aux yeux.
— « Non. Je ne peux pas. Et si c’était quelqu’un qui m’aime vraiment ? Et s’il osait enfin venir ? »
Mais au fond d’elle, une ombre s’installait. Chaque craquement de bois dans la maison, chaque souffle dans les rayons lui donnait la chair de poule. Elle commença à vérifier derrière les portes, à se retourner en marchant dans la rue.
Les lettres continuaient d’arriver. Plus enflammées, plus intimes. Trop intimes. Certaines décrivaient sa manière de tenir un livre, de se toucher les cheveux, de fermer la lumière avant de quitter la salle.
La peur la dévorait. Patty ne savait plus si elle devait sourire ou trembler.

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