ILLUSION

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Patty avançait doucement dans les rayons de la bibliothèque de Michèle Tardieu, les lettres serrées contre sa poitrine. Ses longs cheveux noirs tombaient sur ses épaules comme un rideau, cachant son visage crispé par l’angoisse. Les yeux fixés sur les lettres, elle ne voyait pas le jeune homme assis à une table, concentré sur son exposé, une feuille blanche et un stylo devant lui.

Elle passa devant lui, et un détail la figea. L’écriture… c’était la même. Les boucles, les traits, la façon dont les lettres s’enroulaient sur elles-mêmes…

— « C’était toi ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante, tout en s’arrêtant à sa hauteur.
Le garçon leva les yeux, surpris, puis haussa les épaules, un sourire gêné aux lèvres.

— « Euh… oui. »
Patty recula, les lettres toujours en main, la gorge serrée.

— « Mais… pourquoi ? » sa voix tremblait. « Une personne comme toi… tu ne pourrais jamais… jamais m’aimer. »

Le jeune homme, un peu penaud, détourna les yeux avant de répondre calmement :

— « Évidemment. Pourquoi t’aimerais-je ? C’était une blague… un jeu… »

Patty sentit le sol se dérober sous elle. Chaque lettre qu’elle avait lue, chaque battement de cœur qu’elle avait cru partagé… tout avait été un mensonge. Ses mains tremblaient, sa poitrine se serrait, et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de laisser échapper un rire nerveux, incrédule.

— « Une blague ? » murmura-t-elle, la voix étranglée.
— « Oui. On voulait juste voir combien de temps tu tiendrais avant de tomber amoureuse d’un fantôme. »

Patty sentit ses larmes monter, mais en même temps, quelque chose d’absurde dans la situation lui arracha un rire étouffé. Elle tenait les lettres comme des trophées d’une guerre ridicule.

— « Tu te rends compte… tout ce temps… j’ai cru… » dit-elle en secouant la tête.
— « Je sais… » répondit-il, gêné. « Et je suis vraiment désolé… mais c’était juste pour rire. »

Elle leva les yeux vers lui, un mélange de rage, de tristesse et d’étonnement dans le regard :

— « Alors… tout ce que j’ai cru… tout ce que j’ai senti… »
— « … c’était pour te faire rire. » acheva-t-il, toujours en souriant maladroitement.

Patty éclata alors en un mélange de sanglots et de rires nerveux. Le mélange de douleur et de ridicule était insoutenable. Les lettres s’échappèrent de ses mains et tombèrent sur la table et le sol, un chaos parfait symbolisant son monde brisé et l’absurdité de cette farce.

— « Prends ça ! » cria-t-elle, les mains tremblantes.
Le jeune homme attrapa quelques feuilles, tentant de cacher son sourire, tandis que Patty recula, se sentant à la fois humiliée et soulagée que la vérité soit enfin là.

Elle se laissa tomber sur le sol, les yeux encore embués de larmes, et murmura :

— « Je l’aimais… et c’était pour rien… »

murmura-t-elle, la voix étranglée, tandis que ses jambes fléchissaient et qu’elle s’effondrait sur le sol.

Chaque battement de cœur lui semblait une lame. Son esprit tournait en rond, incapable de s’arrêter. Elle revoyait chaque lettre, chaque mot, chaque moment où elle avait cru qu’il y avait un amour secret pour elle. Tout s’était effondré. Et maintenant, le monde lui paraissait vide, cruel et indifférent.

Le silence retomba sur la bibliothèque de Michèle Tardiau. Patty savait qu’elle ne pourrait plus affronter le monde tout de suite. Aller travailler ? Non. Voir les gens, sourire, faire semblant ? Impossible. Son cœur était lourd, sa tête emplie de pensées confuses, et chaque image de son bureau, de ses livres, de ses lettres, la ramenait à cette humiliation.

Elle ramassa ses affaires d’un geste mécanique et quitta la bibliothèque. Chaque pas vers son petit appartement à Laboule 9 semblait peser une tonne. Les rues semblaient plus grises, les visages des passants flous, indifférents. Patty n’entendait rien autour d’elle, comme si le monde entier s’était retiré.

Une fois chez elle, elle referma la porte derrière elle, s’adossa contre le bois froid et laissa enfin tomber les lettres sur le sol. Elle s’affala sur le canapé, le visage enfoui dans les coussins. Son souffle était court, irrégulier. La réalité la frappait par vagues, chaque vague plus douloureuse que la précédente.

Elle repensait à la honte. Comment avait-elle pu se laisser berner ? Comment avait-elle pu croire, ne serait-ce qu’un instant, que quelqu’un pouvait l’aimer ainsi ?

Ses pensées tournaient en boucle. Je suis stupide… ridicule… faible… Chaque mot résonnait dans sa tête comme un écho cruel. Elle se sentait prisonnière de sa propre naïveté, écrasée par le poids de sa déception. Même respirer lui semblait un effort, comme si son corps entier refusait de fonctionner correctement.

Ketline, sa mère, s’assit silencieusement sur le bord du canapé. Elle ne parlait pas, ne cherchait pas à consoler avec des mots qui sonneraient faux. Elle voyait Patty se recroqueviller, pleurer sans bruit, la bouche tremblante, les yeux rouges, le corps secoué de sanglots étouffés. Elle comprit que ce moment serait long, douloureux, que le temps serait le seul médecin capable d’apaiser cette plaie.

Ketline resta là, la main posée sur l’épaule de sa fille, silencieuse mais résolue, consciente que le monde pouvait être cruel, mais que l’amour même feint pouvait parfois servir de pansement. Mais la pensée silencieuse de sa mère planait dans l’air, protectrice et étrange à la fois :
— …et je payais quelqu’un pour être son petit ami?

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