Chapitre 4

6 minutes de lecture

Jill coupa la machine après des heures de travail.

− Je ferai les finitions la prochaine fois. Ta peau n’absorbe plus, expliqua la tatoueuse en contemplant le dessin.

− Tu peux nous laisser, je vais terminer avec lui, trancha Fantôme.

Jill n’était pas à l’aise de laisser quelqu’un d’autre toucher son travail. Elle n’avait pas le choix, c’était lui le patron. Elle savait qu’il voulait évaluer le rendu du dessin. Alors elle enleva ses gants.

− Si vous faites des retouches, prévenez-moi, précisa-t-elle en quittant la pièce.

Dans la boutique, elle chercha l’autre homme. Il n’était plus là. Soulagée, elle s’assit dans le fauteuil et sorti son carnet à croquis pour y tracer deux trois lignes. Cette activité l’apaisait, elle se referma dans son monde, son univers, son repos pendant quelques instant. Une main se posa sur son épaule ce qui la ramena dans la réalité. Le jeune qu’elle avait tatoué la salua avant de partir. Il avait l’air heureux.

Du coin de l’œil, Jill remarqua son patron dans l’embrassure de la porte menant à la salle. Tapis ainsi dans l’ombre, il ressemblait à un tueur attendant sa proie. Elle eut la chair de poule. Il continua de l’observer. Avait-il fait son choix ? Le verdict allait être annoncé. Allait-il la garder ?

− Qu’est-ce que vous en avez pensé ? demanda la jeune femme voulant briser le silence.

Elle était peu sure d’elle.

− Tu es précise, tes lignes sont nettes et les règles d’hygiène sont scrupuleusement respectées mais tu manques de souplesse, les courbes ne sont pas assez fluides, ce qui diminue certains effets du dessin. J’ai fait quelques corrections.

La jeune femme souffla. Elle s’attendait à une remarque plus dure. Il enchaîna.

− Tu es prise, le contrat t’attend sur le bureau. Sache une chose.

Il la fixait une nouvelle fois de ses yeux verts, ce qui l’intimidait. Elle coupa sa respiration dans l’attente du pire.

− En signant le contrat tu fais officiellement partie du club. Les jaguars te protègeront.

− Je ne comprends pas ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Fantôme soupira. Il avait en face de lui une ignorante ce qui l’agaçait fortement. Il devait reconnaitre que sans son ignorance, elle ne serait jamais venue et lui n’aurait pas pu effectuer ce tatouage avec le bras cassé.

Honnêtement, personne ne voudrait travailler pour des « criminels ». La plupart de ses clients étaient des gens peu recommandables. Enfin, c’est comme cela qu’était décrit ceux qui faisaient partie du club des jaguars.

Fantôme faisait partie de ce club depuis des années grâce à sa famille. Et c’est en partie grâce à eux qu’il avait commencé à tatouer. Puis, peu à peu d’autres amateurs étaient passés sous son aiguille et ses dessins avait fait le tour de la ville. Son cœur appartenait au club. Il regarda la jeune femme signer le papier sans se poser de question. Elle ne savait pas ce qu’elle signait comme contrat. Ou peut-être s’en moquait-elle ?

− Le temps que je puisse récupérer mon bras tu tatoueras à ma place.

Il n’était pas du genre bavard. Cependant, il se devait d’expliquer les choses un minimum.

− Tu peux y aller pour aujourd’hui.

Jill finit de nettoyer la salle qu’elle avait utilisé et rangea le matériel. Elle se doutait que son patron aurait du mal de tout faire seul. Elle récupéra ses affaires dans la salle de tatouage et partit, heureuse. Elle envoya un message à Maryline.

« J’ai le job !! »

« Je le savais, tu es la meilleure. »

« Tu viens toujours ce soir ? »

« Jill, je suis déjà là et j’ai tout préparé pour notre soirée. »

Jill imaginait Maryline enjouée, sautant dans tous les sens. Cette image se réalisa quand la cadette sauta dans ses bras.

− Regarde ce que j’ai préparé pour nous. Me regarde pas comme ça. Promis, j’ai rien fait cramer. Bon d’accord peut-être que la première fournée de popcorns y est passé mais la deuxième est clin.

Maryline montra le récipient rempli de popcorn. Elle lui agrippa son bras et la tira vers le divan.

− Mary laisse-moi au moins retirer ma veste et mes chaussures.

La petite rousse la lâcha à contre cœur pour s’affaler dans le divan.

− Dépêche-toi, je lance le film.

Jill s’assit contre Mary et mis la couverture sur elle. Sa journée l’avait épuisée, si bien qu’elle sentit ses yeux lourd se fermer lentement. Elle résista un moment puis fini par ne plus les rouvrir.

− Jill, réveille-toi chuchota Maryline, en la secouant.

− Mmmm, quoi ?

− Tu peux me raccompagner, il fait noir.

Jill observa l’extérieur.

− Oui, attend deux minutes.

− Super, je reprends les Haribo.

− Si tu veux.

Mary se leva d’un bond et Jill se demandait comment elle pouvait avoir autant d’énergie. Ça l’affligeait. Elle s’étira et s’habilla. Puis attacha son casque et en tendit un à Mary.

− Allez viens.

Le trajet se déroula vite. Elles se serrèrent dans leurs bras pour se dire au revoir.

− Rentre bien merveille.

− Rentre bien Jill.

C’est le cœur lourd que Jill laissa une nouvelle fois sa sœur. Elle allait la revoir, c’était indéniable, mais ne pas être avec elle lui déchirait le cœur. La solitude l’impactait énormément, elle avait l’impression de revenir à cette époque où sa mère lui faisait subir ses malheurs. Elle se revoyait assise dans sa chambre seule et sans possibilité de sortir. Sa génitrice avait tendance à l’enfermer dans une pièce sans lumière, ni son. Elle avait peur. Les seules interactions étaient les mouvements des ombres sur les murs.

La solitude était sa pire ennemie. Et la perte de son père augmentait cette angoisse. Il lui manquait, lui et son coté rassurant, protecteur et ses histoires à dormir debout. Elle voyait en Maryline cette même joie de vivre qui lui rappelait constamment la perte de cet homme, son père de coeur. Ses souvenirs remplis de nostalgie firent couler quelques larmes sur ses joues qu’elle essuya automatiquement, ne voulant plus y penser.

Elle chercha un endroit animé afin d’échapper à la solitude. Elle continua sa route vers le « Myors » , le bar où tout avait mal tourné. C’était dangereux, Jill le savait. C’était la seule chose qui lui permettrait d’être entourée sans forcément parler.

Comme espéré, il y avait du monde. Personne ne la remarquerait. La musique fusait à l’intérieur et contrairement à la dernière fois, les chaises avaient été déplacée sur les bords pour laisser place à une piste de danse. Il devait être 22h et la piste affichait complet.

Elle commanda un verre et s’assit dans l’ombre. La musique se coupa pour laisser place

− Une, deux, est ce que vous m’entendez ? après quelques cris, le présentateur repris. C’est une soirée spéciale, les filles ont donc décidé de faire un show rien que pour vous. Musique !

Une musique sensuelle commença dès l’arrivée d’un groupe de danseuses. La piste s’était vidée, et au milieu on pouvait distinguer une chaise. Sous la lumière des projecteurs, Jill distingua le visage du jeune tatoué, Pice. Alors c’était pour lui. Il avait cet air ravi collé au visage.

Jill décida de partir avant de voir ce fameux show. Elle rejoignit sa moto discrètement. Elle aperçut une ombre posée dessus.

− Bouge ! demanda-telle.

− Tu n’étais pas si agressive ce matin.

En se rapprochant, elle détailla l’ombre. Fantôme. Que faisait-il là ?

− Je n’avais pas vu que c’était vous, s’excusa-t-elle.

Son regard était intense. Jill n’aimait pas être regardée si fixement. Elle porta la main sur sa nuque.

− Pouvez-vous décaler. J’aimerai partir. Elle se montra plus insistante.

− Tu conduis ? Toi !

Jill le regarda de haut en bas. Elle avait pris sa remarque comme une pique.

− Bien sûr que oui. Être une femme ne veut pas dire savoir uniquement mettre du vernis sur les ongles, rétorqua-t-elle sèchement.

Ne voulant plus avoir affaire à ce genre de réflexion, elle attacha son casque et pris la fuite. Regardant une dernière fois son patron dont un léger sourire transparaissait sur son visage. Elle était folle. Ce type ne pouvait pas sourire.

Commentaires

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Alyce ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0