chapitre 14
Jill entendit la sonnerie qui annonçait la fin des cours. Assise sur sa moto, un casque à la main, elle vit la masse d’élèves sortir des grilles. Elle reconnut sa sœur, le visage maussade. Cependant, quand la cadette remarqua sa présence, un sourire germa sur ses lèvres colorées.
− Je suis trop contente que tu sois là. Je n’avais pas envie de rentrer en bus.
− Je me doute, répondit Jill en lançant son casque.
Maryline l'attacha immédiatement.
− Où va-t-on ?
− Au parc du centre.
Elles partirent sous les ronronnements caractéristiques de l’engin. Une fois au parc, elles trouvèrent un banc pour se poser. La jeune femme ne voulait pas passer par quatre chemin.
− Mary, comment ça se passe avec maman ?
− Tu veux la version officielle ou l’officieuse ? plaisanta Maryline. Bon, d’accord, souffla la plus jeune. Je ne la croise pas, enfin je fais tout pour l’éviter depuis la dernière fois.
− Elle ne va plus à la maison ?
− Oh si, elle ramène tous les jours un gars différent et ils ne sont même pas perturbés que la maison soit une véritable déchetterie. C’est dingue. En plus, ils ont des têtes à faire peur. Eux aussi, je les évite comme la peste.
− Je suis désolée, Maryline.
− Ah non ! Qu’est-ce qu’on avait dit ! s’écria l’adolescente.
− Je ne m’excuse pas pour elle. Je m’excuse pour moi, je suis partie alors que tu avais besoin de moi. Et honnêtement, je ne t’ai jamais aidée.
Jill prit les mains de sa sœur.
− J’aimerais porter plainte contre elle, Mary, je voudrais la voir tomber pour tout ce qu’elle a fait.
Le sourire de Mary lui fit peur.
− Enfin ! Tu te réveilles. Tu ne sais pas depuis combien de temps j’attends ce moment. Je vais pouvoir me barrer, s’extasia la plus jeune sous l’incompréhension de Jill.
− Qu’est-ce…
− Tu crois vraiment que je t’ai attendue pour trouver des preuves ? Sérieusement, Jill. J’ai pris des photos des marques, de l’état de la maison, des substances bizarres qui traînaient, des hommes plus étranges les uns que les autres qui rentraient dans la maison.
− Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
− Parce que tu n’aurais jamais été capable de porter plainte contre elle. Tu lui mangeais littéralement dans la main, même après toutes ces années ! Mais les choses ont changé. Tu l’as dit toi-même.
Jil n’en revenait pas. Jill réfléchit aux mots de sa sœur. Elle n’avait pas tort. Son envie d’amour et de reconnaissance l’avait empêché de faire quoi que se soit. Néanmoins, les doutes restaient accrocher à son cœur.
- Tu penses qu’ils vont prendre ça au sérieux ? demanda Jill incertaine.
- J’espère.
- Coll, murmura Jill. Coll est flic, si on lui demande. Je suis sûr qu’il va faire quelque chose.
- Tu es sûr qu’on parle du même coll. Le Vice-président ? Celui qui me lance des regards noirs à chaque fois que je vais au club. Tu sais qu’il me déteste.
- Ne dis pas n’importe quoi.
- Je te jure. Heureusement que je m’entends bien avec sa femme, sinon il m’aurait déjà foutu dehors avec un coup de pied au cul.
Jill se leva pour taper le numéro de Fantôme. Elle lui parla de la plainte et lui demanda son aide pour joindre Coll.
- Tu m’en dois une joli cœur, précisa Fantôme.
- Que veux-tu ?
- Mmmhh, toi et moi demain on s’en va.
- Sérieusement, Fantôme ?!
- Très sérieux. Je passe te prendre à 10 h.
Il raccrocha après lui avoir transmis le numéro de Coll.
- Alors comme ça tu t’en va ajouta Maryline sournoisement.
- Aucun commentaire Mary.
La proposition réchauffa tout de même le cœur de la tatoueuse.
« Coll, c’est Jill. J’ai besoin de ton aide. » écrit-elle.
« Rejoins-moi au Myors » répondu-t-il aussitôt.
Le Myors était rempli. Elle chercha énergiquement Coll et le trouva près du billard. Elle se rapprocha.
− Coll, j'aimerais te parler.
L'homme tira d'un coup sec le manche du billard, puis se retourna.
− C'est quoi le topos, chérie ?
− J'aimerais déposer plainte.
L'homme explosa dans un rire tonitruant.
− J'ai l'air d'être au commissariat ?
− Je sais, mais je me suis dit qu'on serait prises au sérieux si c'était toi.
− Chérie, va voir un flic, dit-il en se retournant.
− Je croyais que si je signais le contrat, le club me protégeait ?
Fatigué, le vice-président lui demanda de le suivre.
− Je continue la partie plus tard, les gars. Je vais ouvrir le bureau des plaintes.
Il s'aventura dans l'arrière-salle, débouchant dans un bureau.
− Ferme la porte, la mouche, ordonna-t-il à Mary, qui s'exécuta. Qu'est-ce qui se passe ?
− On veut porter plainte contre ma mère.
− Enfin, génitrice, rectifia Maryline.
Coll les regarda tour à tour.
− Quoi ? Vous allez essayer de faire tomber Annabelle ? Même le prez n’a jamais su.
− On a des preuves, expliqua Mary, des photos, et Jill et moi, on peut témoigner. J’ai une lettre de mon père aussi qui prouve les faits.
− Qu’est-ce qui me dit que tu n’essaies pas de nous entuber, la mouche ?
La façon dont il se comportait avec Maryline, agaçait Jill. Pourquoi la dénigrait-il ?
− Coll, je ne sais pas pourquoi tu es comme ça, mais Mary n'est pas comme elle.
− C’est sa fille, justifia Coll en fixant Jill.
− Et moi aussi, pourtant tu ne me parles pas.
Il souffla.
− Écoute, Annabelle est la pire des profiteuses. Le prez a eu des problèmes avec elle il y a longtemps, mais je ne sais pas pourquoi, il l’a autorisée à vivre ici. Sûrement à cause de sa nostalgie passée avec elle.
− Est-ce que tu vas écouter notre plainte ? Oui ou non ?
− Oui, arrête de me fixer comme ça. Les sourcils froncés, on dirait le prez.
Il sortit son ordinateur.
− Je vous écoute, que s’est-il passé ?
Plus elles racontaient, plus le visage de Coll se crispait. Jill avoua le mauvais traitement qu'Annabelle lui faisait subir. Pas une larme ne coula, son esprit trop déterminé à faire croupir leur génitrice en prison.
− Est-ce que ça suffira ? demanda Mary.
− Avec les photos et vos récits, une enquête va être ouverte. En attendant, Mary pourra rester chez Jill sans soucis. J’en fais mon affaire.
La porte du bureau s'ouvrit sur le Président. Il tituba jusqu’au bureau pour y écraser ses mains.
− Tu devineras jamais quoi, hic, commença-t-il sous le regard attristé de Coll.
Il n’aimait pas voir son président aussi bas. La perte d’un être cher l’avait fait se réfugier dans l’alcool. Cela allait mieux certains soirs. Il savait qu’il avait rencontré Jill quelques heures plus tôt. Il se doutait bien que ses yeux verrons lui avait rappeler l’enfant qu’il été censé avoir. Peut-être aurait-il eu aussi les yeux verrons. Qui sait.
− Les filles, je vais vous demander de sortir.
Elles ne se firent pas prier et sortirent sans un mot. Jill n'aurait jamais douté de voir l’homme qu’elle avait tatoué l’après-midi, ainsi. Elle eut un pincement au cœur.
Sous un dernier regard plein de compassion, elles rentrèrent chez elles.
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