1.2.3 Philosopher

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Les cours sont ennuyeux. Je sais déjà une grande partie de ce qu'on nous enseigne. Je profite de la bibliothèque pour prendre de l'avance sur mes cours. J'y croise souvent la petite chipie qui m'évite. Non, en fait, elle évite tout le monde. Elle est en train de lire. Je m'approche sans bruit. Je lis au-dessus de son épaule. C'est un livre d'histoire de la magie. Elle se renseigne sur les fondateurs de Poudlard.

Elle a aussi plusieurs articles de presse concernant Voldemort. C'est intriguant. Je ramasse un des journaux pour lire plus attentivement l'article. Un ramassis d'injures contre le Seigneur des Ténèbres. La petite a relevé le nez et me regarde. Je lui rends son journal sans dire un mot.

- Benoît ? Tu accepterais de me parler de la guerre des sorciers ? Les journaux sont confus et leur point de vue changeant. Je sais que ta famille a été impliquée et savait beaucoup de choses à l'époque du fait de son importance au sein de la société de l'époque.

Le ton est poli, presque cordial. Je jette un œil à ses notes. Elle a remarqué les incohérences des journaux.

- Tu veux savoir quoi exactement ? Ma famille était des mangemorts puissants et dévoués au seigneur. Tu veux entendre la version des méchants ?

- Oui et non. J'aimerais avoir une version sans mensonge. Peu importe de quel camp. Je ne suis pas là pour juger. Juste comprendre. Je n'étais pas présente à l'époque. Je ne sais pas ce qu'ils vivaient. Je veux juste comprendre. S'il te plaît Benoit. Explique moi.

Et voilà comme je passe un samedi aprèm entier à parler de Voldemort vu par Bellatrix à une fillette curieuse. Pas une fois, elle ne se moqua. Pas une fois, elle injuria ma famille. Maeve écouta et me demanda des précisions. Elle voulait comprendre les raisons des actions de mes ancêtres, les enjeux pour notre famille, les convictions profondes ancrées. Sans aucune arrière-pensée, Maeve tenta de saisir ce qui se passait à l'époque, comment était le monde en ce temps là et aussi ce qui poussa mes ancêtres à suivre Voldemort et d'autres à le combattre.

Lorsque je voulus savoir son opinion, elle me répondit juste qu'elle ne se sentait pas capable de juger ces gens. Selon elle, la situation était complexe et elle trouve bien facile de critiquer après coup. Elle m'étonne en estimant que nous n'avons pas tous les éléments pour comprendre réellement cette période.

Tout n'est pas blanc ou noir selon Maeve. La volonté de puissance de Voldemort et sa haine des moldus, proviennent sûrement de son enfance en tant qu'orphelin où il a dû se sentir faible et incompris. Maeve me cloue sur place en cherchant les raisons des comportements de chacun.

Elle n'approuve pas l'idée de la supériorité des sangs purs, peut-être parce qu'elle n'en est pas une et n'a pas été éduquée dans cette idée. Elle reconnaît que peut être, si elle avait reçu mon éducation, elle partagerait mes idées. Il n'y a aucune colère ou rancœur, juste un constat établi sur des faits.

Elle ne me crache pas au visage, se permettant des comparaisons avec le sang bleu noble des moldus à l'époque médiévale. Elle me parle de contexte et d'éducation, de pression familiale et sociale. Je lui réponds rejet en raison de l'ignorance et de la peur de l'inconnu.

Nous confrontons nos points de vue avec calme et réflexion. Nous établissons des parallèles entre Histoire moldue et Magique. Un débat politique entre deux gamins de onze ans. Le calme et l'intelligence de Maeve sont si différents de ce que j'ai entendu sur les sangs de bourbe. La puissance magique qu'elle semble posséder aussi. Sa culture est impressionnante.

En parlementant avec elle, je me suis aperçue qu'elle connaissait bon nombre de livres moldus et elle avait lu mes auteurs préférés. Elle m'a cité de nouveaux, venant d'autres pays dont la France qu'il faut absolument que je lise. Elle m'a même prêté quelques-uns des siens.

Puisque j'aime le théâtre et l'humour, je me retrouve avec des livres de Molière. Maeve a une malle entière de romans moldus en français. Elle m'a montré le sort qui permet de les traduire, elle l'utilise pour les romans en anglais trop complexes, elle ne maîtrise pas encore à la perfection l'anglais. Voilà de quoi me distraire pour le mois qui arrive.

Cette discussion m'a ébranlée. Je remets en cause tout ce que j'ai entendu depuis ma naissance. J'avais déjà des doutes, mais tellement peur de décevoir mes parents, de faire honte à ma famille et mon rang. Je ne sais que faire. Je suis en pleine réflexion quand Louise Nott vient s'asseoir à côté de moi. La bande de sangs purs avec qui je traîne nous rejoint. J'écoute avec distraction leurs paroles. Ils blaguent joyeusement et disent des âneries, très loin de nos discussions mondaines habituelles. Louise affiche un grand sourire.

- Eh Benoît. Lâche toi un peu. Profite de ne pas avoir ta mère sur le dos pour te détendre comme nous tous. Rire ne fera pas honte à nos familles, me sort t'elle soudainement.

Je la regarde, éberlué. Elle semble différente et plus épanouie, tellement moins sous pression et ben plus naturelle. Les autres aussi me semblent plus heureux. Louise a raison. Ici, Mère ne me voit pas. Je peux m'amuser dans la limite du respectable sans me forcer à être sous contrôle en permanence. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Bientôt deux mois que je suis là et me comporte comme si Mère est présente.

Sans enlever ma cravate, je peux au moins la desserrer. Je participe à leurs discussions puériles à propos des dragées surprises de Bertie Crochue. Je reste trop crispé pour rire, toutefois un rictus de joie se dessine sur mon visage. C'est sûrement à l'idée que hors vacances, je serais enfin libre de faire ce que je veux.

Mon répit est de courte durée. Les congés d'automne se profilent. Je rentre à contre cœur chez moi pour y retrouver l'atmosphère lourde et morne qui fut mon quotidien pendant onze ans. Mon manoir est noir, aucune couleur, même pas de vert. Il est rempli de décorations sinistres faites de squelettes, de têtes-de-mort et de serpents crachant.

Mère et la folle me convoquent. Elles veulent savoir comment se passent les cours. Je n'ai envoyé aucun hibou et elles me le reprochent. Je botte en touche en répondant ne pas en avoir éprouvé le besoin. Je leur dresse un récit qui les satisfait, en critiquant Gryffondors, la nouvelle façon d'enseigner, l'idiotie des autres élèves, ....

Bref, je reprends les descriptions qu'elles m'avaient donné avant la rentrée. Bellatrix me prend au dépourvu en évoquant la sang-de-bourbe ayant intégré Serpentard. Je leur cache délibérément lui avoir parlé. J'évoque un complot du Choixpeau pour discréditer notre grande maison. Je dissimule l'incident avec les dernières années. J'ignore pourquoi, mais je ne veux pas évoquer Maeve avec elles et encore moi cette formule étrange. Une sorte de mauvais pressentiment.

J'ai tenté d'utiliser la formule quelques jours après l'incident. Une goutte d'eau s'est formée dans ma main. J'ai voulu l'écrire à Mère sur le champ pour me vanter, seulement, au moment de rédiger ma missive, l'eau n'arrêtait pas de couler et d'effacer mon texte. Ma magie refusait que je parle.

Le liquide s'est solidifié, devenant de glace, pour emprisonner ma feuille et ma plume. À chaque fois que j'ai voulu en parler à Louise, je sentais des glaçons figés ma langue. J'ignore pourquoi, mais je garde le secret, soumis à la volonté de ma magie. Depuis, je n'ai plus aucun problème, cependant je stagne au stade goutte d'eau dans la main.

Fort heureusement, les deux femmes changent vite de sujet. Mon récit a dû les convaincre de l'ennui de Poudlard. Elles se désintéressent du sujet et de moi. Elles dérivent sur la beauté et la grandeur des sangs purs, sur la magnificence de Voldemort. Je rigole intérieurement en songeant à une réflexion de Maeve sur le statut de sang-mêlé du seigneur des ténèbres, lui qui prônait la supériorité des sangs purs. Je crois que si je sors ça à Bellatrix, elle me tue.

Mère sort de la pièce, puis revient avec une boîte contenant un serpent. Je reste seul avec Bellatrix et le reptile. La folle m'apprend que Voldemort, descendant de Salazar Serpentard, parlait aux serpents. Je descends de Voldemort. J'ai donc cette capacité. C'est pourquoi elle me l'a appris depuis mon plus jeune âge. Je pensais que cela me venait d'elle. Bellatrix ouvre la boîte et se met à parler à la bestiole. Elle la place sur mes jambes et m'ordonne de lui parler.

Je me concentre. Le serpent est venimeux et assez énervé. Si Bellatrix dit que j'en ai la capacité, elle doit avoir raison. Je stresse un peu, je m'entraînais avec des serpents calmes et enfermé derrière une vitre. Je m'adresse donc à l'animal afin de le calmer. À mon grand étonnement, mes paroles rassurent la bête instantanément. Elle vient se lover dans mes mains comme un animal domestique. Bellatrix jubile de joie. Elle récupère l'animal.

Puis elle se met à me parler de ma lignée. Je ne comprends pas où elle veut en venir, jusqu'à ce qu'elle me parle d'une prophétie et du retour de Voldemort. J'apprends descendre des quatre fondateurs de Poudlard, tout comme mon cousin qui lui l'ignore. Nous sommes destinés à accomplir de grandes choses lui et moi. Bellatrix me parle d'une seconde prophétie, une fille qui veut nous tuer Oliver et moi.

La folle m'explique la mort de Père. J'ai toujours cru qu'il avait péri en combattant une créature des ténèbres ou un sorcier puissant, comme un héros. J'avais haï cet être qui avait tué Père. J'avais cru que c'était de ma faute. À l'époque, je ne respectais pas les principes de la famille.

J'ai redoublé d'efforts pour devenir comme Mère et Bellatrix voulaient à la mort de Père. Cette révélation est un choc pour moi. Bien que ce soit pour me protéger, je me sens honteux de savoir que Père et Bellatrix, deux sorciers éminents, ont attaqué une fillette de six ans prétendue sans pouvoir. C'est un acte lâche et indigne. Je perds foi en la grandeur de notre famille. Je donne le change face à Bellatrix, une fois dans ma chambre, je pleure comme un gosse de déshonneur.

Je suis perdu. Je ne sais que faire. Tout ce que je croyais depuis mes six ans s'effondre. Bellatrix ne tient pas à moi parce que je suis son arrière-petit-fils, mais parce que je suis celui qui fera revenir son amour perdu. Elle se contrefiche de moi. Mon père, soit disant si puissant, a été vaincu par une fillette de six ans de père moldu.

Il est un lâche qui a attaqué une fillette sans défense pour faire revenir un monstre et non ce héros ayant combattu un immense danger pour sauver son fils. J'ai honte. Tellement honte. Tout ça pour le retour d'un mage noir qui a détruit des centaines de vies et qui méprisait tout le monde, y compris ses serviteurs. Mon monde s'écroule.

Je ne sais plus sur quoi m'appuyer, qui croire. J'ai l'impression d'avoir été élevé par des fous. Moi qui croyais que Mère et Bellatrix avait de l'affection pour moi, qu'elles étaient froides juste parce qu'un sang pur ne montre pas ses sentiments. Moi qui croyais que Père s'était sacrifié par amour pour moi. Tout ça n'est qu'une vaste fumisterie. Je suis un pantin, une marionnette, un pion dans leur plan, sans autre intérêt que d'accomplir une prophétie. Felly, notre elfe de maison, m'appelle pour le repas du soir. Je me rafraîchis afin de masquer mes larmes. Je ré-adopte mon air suffisant et hautain qui me caractérise.

Lorsque Carrow m'interroge à propos de mes yeux rouges, je lui réponds sèchement que ce que je fais dans ma chambre ne le concerne en rien. Il n'est qu'un larbin. Je suis le descendant de Voldemort. Je le rabaisse avec mépris pour qu'il reste à sa place. Bellatrix me questionne à son tour. J'évoque une prétendue potion qui aurait mal tourné et émis des fumées irritantes. La réponse la satisfait. Bellatrix n'est guère douée en potions fort heureusement.

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