2.1.6 Partager ses cauchemars

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Maeve et moi reprenons notre cycle de disputes et réconciliations. Quand je merde, je me fais pardonner avec des fleurs, du chocolat, des excuses humiliantes publiquement. Quand c'est elle qui dépasse les bornes, il lui suffit de venir me faire un câlin ou juste un sourire et j'oublie tout.

Je sens qu'aujourd'hui encore, on va s'engueuler comme des poissonniers. J'ai eu une sale note en cours et je suis d'humeur exécrable. Maeve rumine, je ne sais quoi. L'attitude de Charline qui est en train de parler de l'aspect merveilleux de la magie nous irrite tous les deux.

Une vraie ode d'amour sur les choses extraordinaires que nous, les sorciers, sommes capables de faire. Maeve n'est clairement pas d'accord. Elle boude et je sens qu'elle retient ses mots vis-à-vis de sa sœur.

- Quoi ? Tu n'es pas d'accord avec elle ? On n'est pas géniaux nous les sorciers? Lui dis-je d'un air triomphant.

- Vous n'êtes pas les seuls à savoir faire de la magie. Vous l'utilisez pour faire du mal. Pour dominer. Vous ne méritez pas votre magie, me répond elle dans un souffle de rage.

- Parce que toi, tu la mérites ? Ouais. Il y a eu des sorciers qui ont fait du mal, mais d'autres ont fait du bien. Le monde des sorciers est merveilleux. Je hausse le ton. Elle aussi.

- T'es sûr ? Parce que si j'en crois les racontars, même le grand Albus Dumbledore a envisagé d'utiliser ses pouvoirs contre des moldus. Il a voulu dominer des enfants innocents comme Charline. La magie des sorciers ça pue la mort. Je déteste être une sorcière.

Nous nous affrontons du regard, debout et tendus tous les deux. Je sens que cette dispute va aller très loin. Maeve est remonté comme un coucou et sa pique à l'encontre du grand Albus Dumbledore vient de m'irriter les tympans. J'en ai marre de toujours l'entendre rejeter sa magie comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse.

Cette fois, ça en est vraiment trop. J'en ai plus qu'assez de la voir cracher sur ses pouvoirs, plus qu'assez d'être son défouloir. Pourquoi il n'y a qu'avec moi que Maeve s'énerve ? Il y a d'autres personnes imbuvables et notamment mon cousin, dans cette école. Il serait temps qu'elle aille casser les pieds à quelqu'un d'autre.

Même sa propre sœur adorée irrite Maeve et c'est encore moi qui trinque. Charline est pourtant un ange, comment Maeve peut arriver à rester aussi énervée alors qu'elle dispose d'une rouquine câline et d'un grand frère bisounours avec Horace? C'est quoi son problème ?

Il serait temps qu'elle tourne la page et passe à autre chose. Ressasser le passé ne lui apportera rien de bon. Comment peux t'elle détester ce qu'elle est, sa magie si puissante et si fantastique ? Je ne peux plus supporter les crises incessantes de Maeve et je vais lui faire savoir.

- Si un jour, je trouve la potion pour retirer tous les pouvoirs de quelqu'un, je te la fais boire. Je ne sais pas comment t'as fait pour ne pas devenir un Obscurial. Tu méprises tes pouvoirs. Lui criais-je au visage en jetant mon bracelet au sol.

- Mes pouvoirs n'apportent que la destruction et la mort. Je ne sais rien faire de ce qui serait vraiment de la magie à mes yeux.

- Ah ouais ? Et tu voudrais faire quoi en cours ? C'est quoi la vraie magie à tes yeux ?

- Je ne perdrais pas mon temps à t'expliquer. Ton cerveau de sang pur est trop étroit pour comprendre en supposant que t'en as encore un.

- Tu sais quoi ? Je pense qu'il aurait mieux valu que ce soit Charline qui ait tes pouvoirs. Elle les respecterait plus que toi.

- Charline est une enfant innocente et naïve. Elle ne voit pas encore les vices des sorciers.

- Toi, tu les vois peut-être ?

Les yeux de Maeve deviennent soudain blancs. Je suis allé trop loin. Je m'apprête à m'excuser quand je ressens un froid terrible. Un sentiment de serrement au cœur. J'ai l'impression de congeler sur place. Je ne parviens pas à me réchauffer. Je suis comme au milieu de l'arctique en pleine tempête de neige, pourvu juste de mes sous-vêtements.

J'ai la vision de plusieurs sorciers dont mon cousin tenant des propos humiliants ou méprisants sur les moldus, les sangs-de-bourbe et des tonnes d'autres choses. Je ressens la peine des personnes visées par les propos. J'ai envie de pleurer, de frapper et de hurler. Je me sens idiot, méprisable et moche. Je suis dans la tête de ses personnes, éprouvant leurs douleurs et leurs pleurs.

Des sorciers en proie à la colère ou à la jalousie m'apparaissent ensuite. Là aussi, je me prends leurs émotions de plein fouet, je serre les poings et les dents, j'ai envie de cracher par terre, de griffer, de taper, de tout casser, de faire du mal aux personnes en face de moi. Je me vois prendre du plaisir à voler ou abîmer les affaires des autres, à les voir être humilié.

Je reviens à mon corps quand je fais preuve d'orgueil puis prends possession de celui d'Alice et Rodrigue, quant à leur tour, ils écrasent les autres par leur fierté. La peine de ceux en face de nous, incapables de faire de telles choses, et leur sentiment de nullité m'explose au visage. Je réalise combien j'ai pu faire mal sans m'en rendre compte.

Je termine mon tour des élèves par Sarah et Jamie l'an dernier demandant à la sang-de-bourbe d'arrêter de les coller, le sentiment de rejet et d'incompréhension qui s'en suivit. La tristesse et le manque de ce lien fraternel qu'avait perdu Maeve et qu'elle cherchait à retrouver avec Sarah et Jamie qui la rejetait juste en raison de son statut de sang, pour des questions idiotes de principes d'un autre âge.

Je suffoque quand soudain, je vois un homme que j'identifie comme mon oncle entrer dans une pièce sombre. Un dortoir. De nombreuses fillettes crient et s'enfuient. Il arrache la couverture de deux d'entre elles qui dorment ensemble. Une rouquine et une brunette. Je rentre dans le corps de la brunette. L'homme gifle la rouquine qui s'effondre assommée. La brunette est terrorisée. Elle se demande ce que lui veut cet homme qui la saisit par les cheveux. Elle a mal.

L'homme lance le sortilège « Endoloris » sur la Brunette. Je ressens sa peur et sa douleur, comme une décharge, qui me tord le ventre. J'ai l'impression qu'on me frappe la tête et le corps avec un marteau. On m'enfonce des milliers d'aiguilles dans tout le corps. Je me fais mordre par des dizaines de chiens en même temps. La douleur est insupportable et me donne envie de mourir.

J'entends une voix féminine dire :

- Dépêches toi. On n'a pas tout notre temps.

Je vois l'homme s'approcher de moi et lancer un « Avada Kedavra », qui me brûle les tripes. Ma peau me brûle comme si j'étais dans un feu ardent. Je n'ai jamais connu de douleur aussi forte. Mon cœur est près à lâcher. Je suis dans un feu ardent et dans un glacier en même temps, au milieu d'un océan dans lequel je me noie et dans une pièce sans air où je suffoque. Je suis en train de mourir. Je réentends la voix féminine.

- Mais t'es un monstre. Comment peux-tu résister au sortilège de mort ? T'es une abomination de la nature. Je me sens salie de t'avoir mis au monde.

L'homme serre mon cou. Je suffoque sans réaction. Puis, son pied frappe la rouquine au sol. Je m'entends alors murmurer « Sanguis Sequi ». Je vois mon bourreau devenir rouge et se tordre de douleur. Il se couvre de pustules comme bouillant de l'intérieur. Il me lâche et je respire enfin.

Terrorisée, je me retourne vers la femme. Une vieille femme aux cheveux fous noirs avec quelques blancs et aussi maigre qu'un squelette. Je ne distingue pas clairement son visage, mes yeux étant brouillés de larmes de terreur. Complètement folle, la femme rigole en voyant son compagnon souffrir. Je m'entends marmonner la phrase. «Sanguis Sequi» sans qu'elle ne bouge. J'entends des bruits. Les lumières du couloir s'allument. La femme ricane comme une hyène.

- Attends que le descendant du Seigneur des Ténèbres soit prêt. Ce sera encore pire et on te tuera dans d'atroces souffrances, démon.

Elle disparaît dans un nuage noir. En tant que fillette brune, je ne comprends pas ce qui s'est passé. En tant que sorcier, j'identifie un transplanage. Toujours dans le corps de la brunette au bord de la mort, je rampe jusqu'à la petite rouquine et m'évanouis sur elle, la protégeant de mon corps au cas où la folle reviendrait.

Je reste dans le corps de la fillette et vois par flash des épisodes de ma vie. Des adultes parlant entre eux devant moi et me qualifiant de monstre, alors que je ne suis qu'une enfant apeurée. Je les entends évoquer la possibilité de me tuer sans que je ne comprenne pourquoi on m'en veut de m'être défendu de manière inconsciente.

Les étranges personnes veulent me juger pour meurtre, me séparer de ma sœur chérie. Le professeur Bordial apparaît alors et prends ma défense en me traitant de petite fille innocente et terrorisée. Il me protège sans m'accorder le moindre regard.

Nouveau flash. J'ai grandi. Je reçois une lettre me parlant de mon admission dans une école de sorcellerie. Je jette le papier à la poubelle. Une femme vient me voir quelques jours plus tard et m'ordonne de faire mes bagages. Elle m'attrape par le bras pour me séparer de ma sœur que je serrais très fort.

Elle me parle de non-mages et d'un monde sans magie à oublier. Je me mets en colère et envoie voler à plusieurs mètres la femme. Elle a mal parlé à ma sœur, j'ai envie de la tuer. Encore cet homme, le professeur Bordial qui s'interpose et me propose une solution.

La vision suivante me conduit dans une salle d'audience. Un procès. Je reconnais plusieurs sorciers du ministère. On m'accuse de meurtre. Des témoins de bonne moralité viennent défendre l'honneur d'un homme qu'on nomme sorcier de haut rang.

Je raconte l'agression. On me balance au visage mes nombreuses colères depuis ce jour. L'une d'entre elle ayant inondé mon village. Encore une fois, le professeur Bordial est là. Il me défend. C'est d'ailleurs mon avocat. Soudain, il montre un portrait aux juges. La femme qui m'a agressée. Il rajeunit son visage par magie. Puis, il la nomme. « Morgane » Il sème le doute parmi le jury. Je suis déclarée non-coupable.

Alors que je m'apprête à le remercier, j'entends d'autres adultes le féliciter, lui dire que ce procès est parfait pour son postulat comme membre du département des mystères. Je les entends le congratuler, qu'il a eu raison de prendre cette affaire sordide comme faire valoir. Son succès lui offrira ce poste à coup sûr. Je sens une colère sourde en moi. Fin de la connexion, je m'évanouis.

Je me réveille à l'infirmerie. Maeve aussi s'est évanouie d'après ce que mes potes me disent. Elle est dans le lit à côté, ayant saigné de nouveau, cependant, je ne parviens pas à la voir. Elle s'est rendue invisible à mes yeux.

Tous les soirs, pendant un mois, Maeve m'envoie ses cauchemars nocturnes en pensée. Je me réveille à chaque fois en sursaut. Je pleure. Je crie. J'ai mal. Je me transforme en monstre. Je revois l'homme qui m'a agressé. La femme. Je vois Charline qui me regarde avec terreur. Je rentre dans un feu qui me brûle. Je me noie dans un océan. Je tombe du ciel et m'écrase au sol.

Durant un long mois, je ne dors pas de la nuit. J'ai peur. J'ai envie de pleurer en permanence. Rien ne me rassure ou me console. En interrogeant discrètement Charline, je comprends que Maeve fait ces cauchemars chaque nuit depuis ses six ans, elle ne fait que les partager avec moi, me terrorisant quotidiennement.

Le jour, je ne vois plus Maeve. Elle reste invisible à mes yeux. Mon petit canard refuse de me parler, mes potes me disent qu'elle part quand j'arrive. Horace et Charline plaident ma cause encore une fois sans succès. L'année se finira sans que je puisse lui ré-adresser la parole.

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