Descente en Enfer
Ma mère était très malade. En rémission jusqu'à présent, elle rechuta brutalement. J'avais neuf ans. Nous l'apprîmes lors de cette première rechute et ce fût un choc. Elle se retrouva en fauteuil roulant. Nous dûmes déménager à la campagne, dans une maison moins onéreuse et pratique pour s'y déplacer en fauteuil, donc un plein-pied. Puisqu'elle ne pouvait plus travailler comme avant ma vie changea du tout au tout. Je m'occupais d'elle comme je pouvais, de mes frères et sœurs et de la maison. Puis mon père perdit son emploi. Il déprima, accompagnant ma mère dans sa mélancolie. Celle-ci m'appela un jour de sa chambre pour m'annoncer qu'elle faisait une dépression et qu'elle avait envie de se suicider. Mon père, lui, devint également très nerveux. La tension à la maison était extrêmement électrique. Et pour me détendre et éviter le stress, j'essayai de voir mes copines de quartier le plus souvent possible. Je continuai la gymnastique mais au collège après les cours. Ce qui me détendait également. Ma moyenne scolaire commença à baisser car j'étais trop stressée pour me concentrer sur mes devoirs. Cela criait beaucoup à la maison. Mon père était devenu particulièrement irascible et ma mère effacée et très faible. Elle ne réagissait pas à cela.
Durant les deux premières années j'eus une bande de copines de classe et une bande de copines de quartier. J'essayai de me réconforter avec mon entourage personnel mais nous étions dans un village et on s'ennuyait. Au début de ma troisième année, j'abandonnai la gymnastique car je n'avais plus de temps de la pratiquer. Il fallait absolument que je me réinvestisse dans mes cours. Ne canalisant plus mon énergie dans le sport intensif, avec le stress de la vie à la maison, je fis une anémie très sévère soudainement. Je n'avais aucun problèmes alimentaires car j'étais une gourmande et je me nourrissais très bien. Mais mon stress était tellement intense que je perdais mon fer à une vitesse folle et toute mon énergie. Je commençai à manquer des cours. Mes camarades de classe cessèrent de me comprendre. Ma meilleure amie Fanny me stressait de plus en plus car elle réclamait que je me hâte vite après chaque cours, et avec de plus en plus de mépris et un jour, soudain sans le prévenir moi-même, après un ultime reproche pour me mettre la pression, je lui mis une gifle. Ce n'était pas prémédité et j'avais agi avec impulsivité sans pouvoir l'expliquer. Je regrette mon geste. Quelques jours après, elle se vengea en me la rendant en plein milieu d'un cours. Sous le choc et la honte public, je pleurai. Personne ne me défendit. Ni le professeur, ni les autres élèves. Quelques temps plus tard, une copine de mon groupe d'amies, que j'avais invitée à mon anniversaire, vînt me voir dans la cour avec un camarade de classe. Je sortais des toilettes et me retrouvais prêt du coin du mur à ce moment-là. Elle s'avança vers moi sans un mot, me coinçant prêt de la fenêtre. Puis sa main frappa ma tête et cogna brutalement contre la vitre. J'eus un choc, un étourdissement et elle en profita pour partir. Je perdis mon estime de moi, et je me mis à me négliger un peu. Durant les deux années suivantes, je n'eus plus qu'une seule amie. Les garçons de ma classe se moquait tous les jours de mes origines polonaises et un soir, l'un deux m'attendit à la sortie de la salle du brevet blanc pour m'étrangler et me projeter à terre. Cette fois-ci, je réagis en allant me plaindre au proviseur et il fut exclue trois jours du collège. Lui et le camarade me faisant du racisme. J'étais profondément triste et stressée. De plus en plus stressée. Il n'y avait que ma seule amie qui me donnait du réconfort. Je ne pouvais plus me réfugier dans mon sanctuaire secret, sur le fameux banc dans le fameux parc avec Dimitri, cet endroit imaginaire, car nous étions loin l'un de l'autre, c'était devenu trop irréel, pas assez concret. Récemment, j'ai appris que pendant cette période il avait connu son premier amour avec une jeune fille rousse. Nos chemins relationnels ont pris des destinations différentes. Opposées même. Je parlais du harcèlement et de la violence que je subissais au collège à mes parents, je leur expliquais également que j'avais besoin d'un meilleur suivi des professeurs et ils acceptèrent que je change de collège. Du public, je passais au privé.
J'avais raté la moitié de mon année de quatrième et la moitié de mon année de troisième avec mon anémie, et je due redoubler. Néanmoins, j'avais obtenu mon brevet. Je choisis un collège en me promettant de retrouver le courage de prendre soin de moi, créer de nouveaux liens et de remonter ma moyenne scolaire. Je relavai mes cheveux régulièrement, me fis des mèches blondes, me fis percer les oreilles et choisis moi-même mes vêtements. J'osai des tenues un peu plus féminines. Et du maquillage. Le tout, pour paraître soignée. Quand j'entrai pour la première fois dans la classe, le professeur m'indiqua une place à côté d'un jeune homme plutôt joli garçon, Charles. Il avait l'air d'un mannequin car il était très grand et mince. Il avait une très large carrure et des hanches très étroite. Il mettait en valeur son beau corps avec des vêtements classiques. Sa tête était plutôt rectangulaire, il avait le même type de visage que Dimitri. Des yeux bruns profonds surmontés de beaux sourcils bien dessinés. Un joli nez droit à l'ossature saillante. Une bouche en relief aux contours flous. Malgré cela je décidais qu'il n'était pas mon genre. Mais tout de même, plutôt beau. Je crois qu'il me remarqua également. Il se montra protecteur et galant. Cela m'apaisa, je me sentis bien accueillie et je fis connaissance avec mes camarades de classe et d'autres classes avec qui je développai vite une amitié. Je cherchai parmi elle une fille acceptant de dessiner avec moi à l'extérieur du collège, et Isabelle se proposa spontanément. Le beau jeune homme compris vite que je me méfiais des hommes en général, il était très observateur et attentif, et il devint amer avec moi. Il se mit à me « charrier », en ses termes, en me faisant des propos sexuels à chaque cours. Ceci me choqua. J'en parlai à mes copines de classe qui ne s'en troublèrent pas. Certaines étaient sous son charme. J'essayai de l'ignorer, mais me concentrer sur les cours dans ces conditions était difficile. Finalement, vers la fin de l'année scolaire, j'avais augmenté de deux points et demi ma moyenne. Ce qui était médiocre. J'étais fan des romans fantastiques d'Anne Rice qui écrivait des histoires sur les vampires. Un jour, alors que je lisais un de ces livres, le vampire qui faisait l'amour avec une future victime se confondit dans mon esprit avec Charles, et j'eus mon premier orgasme. Ce moment de ma vie est important, car j'avais sentie mon cœur se cicatriser. Certes, ce garçon ne me respectait pas du tout, mais il avait réussi à me réanimer un peu. Par la suite, j'ai vis sur internet que Charles avait fini par devenir PDG d'une grosse entreprise, entre autre. Et j'en suis très heureuse pour lui. Je n'ai pas oublié son mépris mais je lui ai pardonné. J'ai décidé, une dizaine d'année plus tard, de le recontacter sur facebook pour lui parler de ma fugace attirance de l'époque.
Nicolas de notre classe m'a recontactée ces dernières années, et m'a fait une déclaration d'amour. Il est plutôt bel homme, mais marié et il a une famille. Il est triste de la santé psychique fragile de sa femme. Lui aussi a remarquablement bien réussi sa vie professionnelle. Il a eu plusieurs restaurants. Je suis également très fière de lui. Je n'ai pas accepté sa proposition de sortir avec lui car je suis, tout comme sa femme, trop fragile à présent. Et il n'est pas mon style. Un autre jeune homme de notre classe que je trouvais sympathique m'a recontacté ces dernières années, Armand, pour me faire part de son « amitié » du temps du collège, il est marié avec une copine de notre classe. Il a réussi sa vie professionnelle également, et a beaucoup de succès auprès de ses clients. Je suis tellement contente de savoir que des personnes qui ont compté pour moi réussissent si bien. Et flattée de leur intérêt de l'époque.
Dans la classe, il y avait un « skined » : François. C'est à dire un raciste neo nazi. Il me « vouait un culte » à cause de mes origines polonaises. Il m'appelait La russe ou la Soviétique sans faire de distinction. Lui aussi avait des propos sexuels pour moi à chaque fois que nous étions assis à côté l'un de l'autre en cours. Il était beau, mais sa perversion me dégoûtait. Et donc je le trouvais laid. Charles et Français était à coté l'un de l'autre et à côte de moi tous les jours et ils s'y mettaient à deux pour me harceler quotidiennement. Globalement, à quatorze ans, j'en concluais que les garçons étaient des pervers.
Lors de cette année, une fille m'avait abordée alors que je prenais le bus pour le collège. Elle s'appelait Marine. C'était un peu mon opposée physiquement, elle était aussi blonde que moi j'étais brune, ses yeux étaient aussi bleus que les miens étaient bruns et elle était très grande. Elle était belle et ressemblait à un mannequin. Elle devint tout de suite mon amie par sa volubilité et son humeur enthousiaste et joyeuse. Elle avait deux frères Xavier et Julien, dont l'un d'eux étaient son équivalent masculin. Je le trouvais très beau, et je décidais à essayer de me mettre à fantasmer sur lui le soir avant de dormir. J'essayai d'en faire un remplaçant à Dimitri. Mais Xavier me semblait un peu déprimé ce qui me rebuta complètement. Il était plutôt poète que sportif ce que je ne trouvais pas attirant. Malgré tout, lorsque je rentrais dans la maison de Marine, j'espérai toujours le croiser. Et lorsque cela arrivait, mon cœur se mettait à battre. Marine et moi avions une copine commune : Pauline. Celle-ci m'invita un jour à dormir chez elle. Avant de me coucher, je croisais un de ses frêres. Je fus immédiatement foudroyée par l'excitation qui me traversa le corps par le milieu. Je nous imaginai en train de faire l'amour, et j'eus un orgasme. C'était tellement soudain et irraisonné, que je m'en effrayai un peu et évitai de faire connaissance avec le jeune homme. Aujourd'hui, je sais que cette fratrie a été traversé par des évènements dramatiques, de l'inceste, et je me réjouie d'avoir gardé une distance. Marina avait un voisin nommé Lucas. Celui-ci vint me voir un soir devant chez moi, et me demanda de sortir avec lui. J'avais quatorze ans et c'était la première fois qu'un garçon me faisait une telle proposition. Malheureusement pour lui, je ne le trouvais pas à mon goût. Mais j'en fut très flattée.
Avec cette moyenne médiocre, je n'eus pas d'autre choix que de faire un BAC technique. Mon choix se porta sur des études médicaux-sociales mais ma mère m'imposa un lycée d'art proposant un BAC STI arts appliqués, en Belgique. A cause de ma facilité en dessin. Je finis par accepter à la condition de partir en internat. Mon anémie, au bout de trois ans, était enfin guérie. A ce moment là, je décidais pour séduire mon futur entourage de m'embellir au maximum. J'avais encore peur d'être maltraitée, et je parachevais donc mon relooking totalement. Je laissai pousser mes cheveux, je les teignais complètement en roux, et me « déguisait » en femme. J'avais comme objectif de devenir une élève populaire. Pour me consoler de mes harcèlements au collège. Je savais que l'apparence était primordiale. Et que mon moral remonterait à l'internat. Je n'afficherai plus cette mine sale et morose qui exaspérait tant les autres.
Avec tous ces projets en tête, juste avant d'entrer au lycée, virent les vacances. Je fréquentais Isabelle depuis un an. Elle avait la particularité d'être une culture presque opposée à la mienne. Je découvrais complètement cette culture lorsque j'allai chez elle pour dessiner. Nous nous entendions bien sur la base de cet échange artistique. Elle avait même pris l'initiative d'écrire un livre que nous devions illustrer. Elle avait pour passion la culture japonaise, asiatique plus largement. A l'époque, le pays venait d'être jumelé à la France, et les dessins animés, les mangas, les jeux vidéos, le cosplay, l'excentricité japonaise faisaient leur apparition dans notre pays. Isabelle collectionnait donc des objets japonais . Elle baignait dans cet univers complètement. J'appréciais beaucoup ces cultures et très vite, je m'y immergeai complètement. Isabelle fantasmait sur un chanteur chinois : Nicholas Tse. Elle me racontait l'avoir rencontré lors d'un voyage en Chine avec son frère pour retrouver son père qui travaillait là bas. Je ne le croyais pas totalement, mais l'entendre continuellement me raconter ses « souvenirs » avec Nicholas alimentait ma tendance romantique. Le frère d'Isabelle, Michael, treize ans, plus jeune que nous, était un garçon très viril de corps. Très grand et musclé, il avait déjà l'air d'un homme.
Isabelle organisa une soirée « festive » avec sa tante, son frère et un ami de son frère. Je ne savais pas à quoi m'attendre, et je me retrouvais à boire du whisky avec eux dans le salon à quatorze ans. Michael, buvait beaucoup, et je décidais de boire sa bouteille à sa place pour lui éviter d'être saoul. Isabelle se retrouva dans la chambre de sa mère avec l'ami de son frère, et elle me confia par la suite que celui-ci lui avait fait des attouchements sexuels. Moi je me retrouvais très alcoolisée écrasée sous le poids de la tante d'Isabelle qui essayait de me violer sur le canapé. Suite à l'intervention d'Isabelle descendue grâce à mes cris, celle-ci finit par me laisser tranquille, et je me réfugiais dans la chambre d'Isabelle. Son frère Michael me rejoint aussitôt. Avec l'alcool, et je posais mes lèvres sur ses lèvres, ni plus ni moins. Il essaya lui aussi d'avoir un rapport sexuel avec moi : il s'allongea sur moi et commença à me caresser les seins. Je finis par trouver le courage de m'extirper de cette situation gênante. Il comprit, s'éloigna, et me laissa seule. Pendant une partie de la soirée, je perdis conscience.
Je rentrai donc dans un lycée d'art. Tout se passa comme je l'avais espéré. Mes tenues firent sensations, je me fis une bande de copine, tout le monde me respecta. J'avais des facilités dans les matières principales de dessins. Il y avait beaucoup de travail mais c'était passionnant. Je passais la première année à me consoler de mes années antérieures. J'avais la sensation de pouvoir souffler un peu. A la maison, l'ambiance s'adoucit et ma mère commença petit à petit à remarcher. J'entrais au lycée d'arts en Belgique, en internat. Ce qui me procura un grand repos, car je pouvais m'occuper exclusivement de moi. La première année je me fis de nombreuses copines fantastiques qui m'invitaient de temps en vacances chez elle à Valenciennes ou à Paris. Je rencontrais également Céline, une fille discrète avec un look masculin que je fréquentais pendant une vingtaine d'années.
Puis durant les vacances d'été avant d'entrer au lycée, il se produisit le traumatisme de ma vie. Celui-ci avec Isabelle. J'avais seize ans. J'introduis l'incident pour ne pas trop vous choquer, car mon but est de me libérer de mes pensées envahissantes et pas de provoquer.
Pour mon anniversaire, j'invitais Isabelle chez moi, à la maison familiale, alors que mes parents étaient absent. Nous étions seules. Nous regardâmes un film. C'était un film d'horreur : Scream. Ce qui s'est passé après n'est pas très clair, car j'ai essayé d'occulter cela un maximum. Il est possible que nous ayons bu un verre d'alcool. Mais je me rappelle qu'elle s'est jetée sur moi, que nous nous sommes bagarrées, ou plutôt que je me suis défendue comme je pouvais. J'avais déroulé le canapé-lit du salon pour qu'on étende nos jambes devant le film. Au début, cela fût des tentatives de chatouilles de sa part qui durèrent une vingtaine de minutes, il me semble, puis peu à peu, elle devint devient de plus en plus brutale. Moi qui ne supporte pas qu'on me touche le corps, je commençais à avoir peur. Ses rires se transformèrent en ricanement. Il me semble qu'elle essayait de me maintenir les poignets pour m'immobiliser. Elle insistait pour me plaquer sur la canapé, et ne comprenant pas la tournure des évènements, je pensais encore à ce moment là qu'elle était innocente. Je ne comprenais pas où elle voulait en venir, je ne savais pas si elle était mal ou bien intentionnée, mais elle me choquait par sa proximité. J'étais pétrifiée, je ne fuis pas. Elle finit par attraper mes poignets tout en continuant d'essayer de me plaquer. Sur le canapé. Au bout d'une trentaine de minutes de bagarre, j'étais épuisée, et je croyais qu'elle aussi. Je décidais enfin de fuir, et je m'assis sur le bord du canapé tout d'abord en croyant que cette bagarre immature était terminée. Elle en profita pour se placer rapidement derrière moi et me toucher le sexe par dessus ma culotte et mes collants, en dessous de ma jupe. Je sentie ses doigts fins et puissants, ses ongles pointus me griffer le sexe par dessus mes vêtements. Ca a été un choc. Ce qu'elle avait fait était pour moi une désacralisation de moi-même, elle m'avait salie alors qu'auparavant, je me sentais pure. Je me suis sentie blessée au plus haut. Ca a été le plus gros choc de ma vie. C'était le douze août et j'avais seize ans. Je me suis sentie profondément trahie par elle. J'avais cru en sa camaraderie. Isabelle n'était pas lesbienne, elle sortait avec des garçons. Donc c'était de la pure provocation. Une manière vicieuse de me blesser. Par la suite, elle m'a dit être jalouse de ma couleur de peau très claire, elle avait comparé des caractéristiques corporelles que j'avais avec les siennes. Et je comprend aujourd'hui qu'elle était très jalouse. Je compris plusieurs années plus tard, également, que je n'étais pas sa seule victime, qu'il y en avait eu beaucoup d'autres, toutes, de cultures très opposées à la sienne. Isabelle était très mal dans sa peau. Elle avait un tempérament dépressif et elle essaya quelques mois plus tard de se suicider. Elle avala une boite d'anti-dépresseur. Je décidai de ne pas la laisser tomber compte tenu de son état de santé. Je me positionnais en infirmière-psychologue. Elle avait des hallucinations liées à son état dépressif. Elle croyait faire de la télépathie avec des asiatiques et avoir des pouvoirs magiques. Et je continuais à venir chez elle pour écouter ses élucubrations patiemment en redoutant une autre crise. Je passai les deux années suivantes à m'occuper d'elle.
Régulièrement, Isabelle et moi, nous nous battions de nouveau et elle finissait par trouver l'entrée de mon sexe en contournant ma culotte sous mon pyjama avec ses doigts fins et pointus et ses ongles durs, et elle me labourait le vagin, elle le griffait. Cela me brûlait les muqueuses, les irritait, me faisait souffrir pendant trois jours chaque fois, le temps que cela cicatrise, et provoquait des contractions de mon vagin autour de ses doigts qui l'empêchait de me pénétrer. Un vaginisme qui a duré dix ans. La première fois, j'allais aux toilettes, et j'observai le sang de mon hymen qu'elle venait de forcer avec les larmes aux yeux. Cela dura un an et demi, au rythme d'une agression par mois. Durant ces moments, j'imaginai le visage d'un bel homme pour m'aider à supporter cela, j'imaginais un pénis rond, doux, ergonomique en fait qui serait beaucoup plus doux. J'apprenais, un jour lors d'une fête où elle but de l'alcool, qu'elle avait été abusée par son oncle étant petite. Avec du recul, je me demande si elle n'a pas voulu m'exciser manuellement, elle m'avait avoué que les femmes de sa famille étaient « sorcières » de génération en génération... Un jour, elle mit les mains autour de mon cou et serra de toute ses forces. J'étais à moitié en train de la veiller quand je la sentis brutalement essayer de m'étrangler, encore une fois, nous nous bagarrâmes. J'imaginai une manière de dénoncer son acte par une bande dessinée à destination des ados. J'imaginais toute sorte de dénonciations de ses actes d'adolescente psychopathe. Dix ans plus tard, j'ai pris mon courage à deux mains, j'ai été au commissariat pour porter plainte, mais il y avait prescription selon le policier qui me reçut. De plus à l'époque, Isabelle étant une fille et n'ayant pas de pénis, cela fût considérer comme de simples attouchements par les policiers, je ne me sentie pas reconnue dans ma souffrance, donc j'abandonnais.
J'ai malgré tout réussi à passer mon BAC avec des résultats moyens mais un jury obtenu parmi les premiers. Je décidais que je ne pouvais plus rien pour Isabelle. Son état de santé psychique ne s'améliorait pas. J'emmenai Isabelle sur Paris chez un homme rencontré sur internet, la laissait chez lui. Sans rien lui expliquer de ses troubles, je lui en donnais la charge. Je revins en vacances chez eux deux ou trois fois pour m'assurer qu'elle resterait chez lui. Ce qu'elle fit. Sexuellement, elle se tourna vers lui. Et j'eus la paix d'Isabelle, définitivement. Il y a quelques semaines, je l'ai recroisée dans un magasin de ma ville où elle faisait la caisse. Ce m'a fait très peur, j'ai voulu changer de file mais j'étais bloquée. Cette rencontre m'a décidée à porter plainte. Justement, j'avais peu de temps auparavant été au commissariat pour une autre plainte et j'avais parlé de cette histoire succinctement à l'agent qui m'avait reçu. Elle m'avait invité à revenir pour en parler et concrétiser la plainte. Cette rencontre avec Isabelle m'a profondément changée. Entre mes seize ans et mes vingt quatre ans, je n'ai plus voulu qu'on me touche. Je ne pouvais plus me déshabiller pour la douche. Alors je me lavais habillée. Aller à la mer et à la piscine en maillot de bain devant tout le monde était impossible. Les vêtements étaient pour moi une couche protectrice. Un bouclier. Avoir un petit ami était inconcevable. Je décidais de rester célibataire à vie. Et cette pensée, ce programme vital était pour moi une grande consolation et me permettait d'envisager l'avenir avec plus de sérénité. Une décision qui m'apaisa pendant un temps. Plusieurs années durant lesquelles j'étudiais. Je n'avais parlé à personne des agressions d'Isabelle, et je n'en parlai pas durant une vingtaine d'années.
Annotations
Versions