2.
Sarah eut du mal à ravaler sa salive, ses mains se mirent à trembler.
— C’est une plaisanterie ?
— Je suis tout ce qu’il y a de plus sérieux.
Un ricanement nerveux lui échappa, incontrôlable.
— Vous devez vous tromper ! Mon mari n’est pas homosexuel, nous sommes mariés depuis…
— Depuis vingt-deux ans, je le sais, la coupa-t-il.
Sarah resta figée, le souffle court, les yeux cherchant une faille dans ses paroles. Chaque mot semblait étrangement lointain, comme si elle l’entendait dans un rêve.
— Henry voulait que je vous l’annonce en personne, même s’il aurait dû vous le dire lui-même…
Son cœur se serra. Des images de leur vie à deux se bousculaient dans sa tête : des moments heureux, des confidences, des éclats de rire — tout cela contredisait la réalité que cet homme lui révélait.
— Nous nous sommes rencontrés il y a dix-neuf ans, en Normandie… C’est là que nous vivions.
— Là… où vous viviez ensemble ? murmura-t-elle, la voix étranglée.
Léandre hocha lentement la tête.
— Oui. J’y possède une maison et nous y avons vécu ensemble durant quinze ans…
— Quinze ans ?! s’étrangla Sarah. Vous vous moquez de moi ? Mon mari… ce n’est pas possible !
La confusion la faisait bouillir. Elle se leva et ses jambes se mirent aussitôt à faire les cents pas sur le perron, comme si bouger pouvait la ramener dans le monde réel.
— Je vous assure que c’est la vérité, ajouta calmement Léandre. Henry et moi…
— Vous mentez ! s’emporta Sarah, la voix brisée. Vous pourriez être un voleur ou un arnaqueur ! Je ne vous connais pas !
— je ne suis ni l’un ni l’autre, il faut que vous me croyiez…
— Vous croire ?! Mais comment le pourrais-je ? De quel droit venez-vous chez moi le jour de l’enterrement de mon mari pour raconter de telles inepties ?
Ses mots sonnaient creux, même à ses propres oreilles. Son souffle saccadé trahissait son trouble intérieur. Son corps tout entier semblait vouloir hurler cette douleur qu’elle ne savait pas encore formuler.
Elle se précipita à l’intérieur et claqua la porte sans laisser à Léandre le temps de répondre. Une colère confuse, mêlée de chagrin et d’incompréhension, la submergea. Elle se dirigea dans le salon, le parfum familier de la maison la frappa avec une intensité inattendue. Chaque meuble, chaque photo lui rappelait Henry. Ses mains tremblaient. Elle se précipita vers la cheminée et attrapa un cadre photo qui lui échappa et se brisa au sol.
Sarah recula d’un pas, le souffle court. Chaque mot résonnait comme une sentence. Sa maison, son foyer, ses souvenirs, tout se trouvait bouleversé par un secret qu’elle n’avait jamais soupçonné. Chaque respiration lui semblait une épreuve, chaque pensée un puzzle incomplet.
Comment réconcilier l’image qu’elle avait de Henry avec la révélation de Léandre ? Le monde qu’elle connaissait venait de basculer et elle s’écroula au sol, seule et désemparée face à ce chaos.

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