3.
La lumière douce du matin glissait à travers les rideaux, caressant le visage de Sarah. Elle ouvrit les yeux avec lenteur, le corps engourdi, les muscles endoloris par une nuit passée sur le canapé. Son dos protestait à chaque mouvement et sa nuque lui rappelait que les années ne pardonnaient rien. Une tasse de café froid trônait sur la table basse, oubliée de la veille. Ses mains, encore tremblantes, s’en emparèrent instinctivement.
Autour d’elle, des photos éparpillées racontaient une vie qu’elle croyait connaître : des vacances en bord de mer, des repas entre amis, des éclats de rire capturés pour l’éternité. Chaque image semblait figée, comme si quelqu’un venait de glisser un filtre sur ses souvenirs. Et pourtant, ce filtre était fragile : quelque chose venait de s’immiscer dans sa perception, un doute sourd qu’elle n’arrivait pas à identifier.
Une missive glissée sous la porte attira son attention. Elle se pencha, hésita, puis la récupéra. Le papier était épais, l’écriture nette, presque rassurante. Ses doigts tremblaient davantage en la tenant et une chaleur étrange s’empara de sa poitrine. Elle prit une profonde inspiration avant de lire.
Chère Sarah,
Je sais que ma visite et mes révélations ont pu vous bouleverser. Je n’ai jamais eu l’intention de troubler votre deuil, mais il m’était impératif que vous connaissiez Henry dans sa totalité. Il m’a demandé, sur son lit de mort, de tout vous révéler. Lorsque vous serez prête, venez me voir. Vous trouverez l’adresse et mes coordonnées au dos de cette lettre.
Amicalement,
Léandre
Sarah resta figée. Son souffle se fit court, chaque battement de son cœur résonnait dans sa poitrine comme un tambour. Normandie. Maison. Léandre. Les mots semblaient flotter devant elle, détachés de la réalité, comme s’ils venaient d’un rêve qu’elle refusait de faire sien.
Ses yeux tombèrent sur un détail inattendu : une mouette esquissée à l’encre de Chine dans le coin supérieur droit du papier, identique à celles que Henry avait l’habitude de dessiner. Un frisson parcourut son échine. Ses mains serraient la lettre avec force, ses doigts se crispant autour.
Elle se leva, marcha vers la fenêtre qu’elle ouvrit pour observer le jardin. La rosée du matin scintillait sur les feuilles et le vent froid caressait son visage. Elle se surprit à murmurer : « Comment savoir si c’est vrai ? Et si c’était une escroquerie… ?» Mais au fond d’elle, une intuition fragile lui soufflait que chaque mot était sincère.
Le parfum des hortensias gelés, la lumière dorée du soleil levant, la quiétude du jardin — tout semblait la pousser doucement vers une décision qu’elle n’était pas prête à prendre. Elle soupira, referma les yeux un instant, et laissa l’angoisse se mêler à une curiosité irrépressible. « Si je veux comprendre… il faudra que j’y aille. »
Et malgré la peur, la confusion et le chagrin, un pas à la fois, Sarah sentit qu’elle s’apprêtait à franchir une frontière qu’aucune habitude ne pourrait effacer.

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