8.
Les deux improbables compagnons ne tardèrent pas à rejoindre les bras de Morphée, la journée avait été riche en émotions. Léandre installa Sarah dans la chambre d’ami, une pièce de petite taille joliment décorée. La tapisserie beige à rayures bleu clair contrastait avec le lit bateau en merisier. Un confortable fauteuil beige, sur lequel un ours en peluche était posé, trônait dans un angle, à côté d’une commode assortie au lit. Au-dessus, une reproduction du tableau Argenteuil de Manet décorait poétiquement le mur.
Sarah s’assit sur le lit et soupira. Partout où elle posait les yeux, la présence de Henry se faisait ressentir. Étrangement apaisante, cette sensation ne lui ôtait pas la douleur qui vrillait encore son estomac. Délicatement, elle se glissa dans les draps de lin et laissa l’atmosphère sereine de la chambre la bercer vers un sommeil réparateur.
—
Lorsqu’elle s’éveilla au petit matin, les rayons ambrés du soleil levant léchaient le plafond blanc. Un sourire doux s’étira sur son visage. Elle avait l’impression que le temps s’était suspendu au son des vagues, emportant peu à peu ses doutes et ses regrets.
« J’aurais adoré vivre ici… » pensa-t-elle, un frisson de nostalgie traversant son échine.
Le bruit du moulin à café la tira de ses pensées. Bientôt, l’odeur du breuvage fraîchement moulu emplit la pièce. Sur le fauteuil, une robe de chambre à carreaux écossais avait été posée avec soin. Sarah sourit : Léandre avait pensé à son confort. Chaque détail témoignait d’une délicatesse silencieuse qui apaisait un peu plus ses angoisses. Elle l’enfila avant que la fraîcheur du matin ne lui glace la peau.
La pièce principale baignait dans une lumière dorée qui apportait une chaleur visuelle bienvenue. Le parfum du pain tout juste sorti du four se mêlait harmonieusement à celui du café.
— Bonjour, Léandre.
— Oh, bonjour, Sarah. J’espère ne pas vous avoir réveillée avec mon ramdam, s’excusa-t-il.
— Ne vous inquiétez pas, murmura-t-elle avec un léger rire dans la voix.
Il lui tendit une grande tasse fumante.
— Un nuage de lait et deux sucres, c’est bien cela ?
Sarah acquiesça, légèrement surprise et attendrie qu’il connaisse ses habitudes. La première gorgée fut un baume immédiat, rappelant la chaleur et la tendresse que Henry avait autrefois mises dans ses petits gestes du quotidien.
— Parfait… exactement comme Henry me le préparait, murmura-t-elle.
La douleur lui serra à nouveau le cœur, mais cette fois mêlée à une chaleur douce, comme si le souvenir de Henry et l’attention de Léandre pouvaient coexister sans se déchirer. Une pensée fugace traversa son esprit : « Peut-être… peut-être que je pourrais lui parler de tout, un jour. »
Elle observa Léandre quelques secondes et pour la première fois, elle sentit que la confiance pouvait naître lentement entre eux, un pas à la fois, comme les vagues qui caressent doucement le rivage.

Annotations
Versions