Chapitre 9 - Une courte nuit
L'angoisse l'envahit. D'autant qu'avec la nuit tombée, elle distingue à peine les ombres au dehors, elle entend une voix venant de l'extérieur :
— Lili ?
Ce timbre avec ses fêlures et sa douceur, elle le reconnaitrait entre mille. Rassurée et intriguée, elle ouvre sa fenêtre et se retrouve nez à nez avec Alex.
— J'étais impatient de continuer notre discussion de ce midi. Je peux entrer ?
— Euh, oui. Attends, je vais t'ouvrir.
Lili referme l'huis et se dirige vers la porte lorsqu'elle prend conscience qu'elle est en pyjama. Elle a voulu se mettre à son aise pour lire. Elle rougit violemment en réalisant qu'elle n'a pas le temps de se changer. Que va-t-il penser ? Elle prend un gilet qu'elle enfile prestamment puis ouvre la porte. En le voyant, elle sent cette chaleur l'envahir et un sentiment de bien-être qu'elle n'a jamais connu jusqu'alors. Son coeur s'accélère à nouveau.
— Désolée, je n'attendais pas de visite. Je suis en pyjama.
Il pose un regard malicieux sur elle et répond :
— Ça te va à ravir !
Le coeur de Lili semble manquer un battement avant de s'emballer. Elle a tellement chaud qu'elle n'a qu'une envie, enlever son gilet. Mais elle aurait trop honte, surtout qu'elle n'a plus de soutien-gorge ! Alors elle fait demi-tour et se dirige vers sa chambre, suivie d'Alex. Elle ne va pas s'installer dans le salon, elle ne veut pas que les filles de l'autre chambre puissent la surprendre en compagnie d'un garçon. Lorsqu'ils se sont assis sur son lit, il attrape le tome ouvert qu'il lui a prêté et lance :
— Tu l'as déjà commencé ?
— Oui. Pas très joyeuse ton histoire.
— Une vision de la noirceur de l'homme.
— C'est vrai que l'homme est souvent sombre et mauvais. J'ai rarement vu quelqu'un dépeindre aussi bien les bassesses de la nature humaine. Et les dessins sont incroyables !
— Tu veux que je te prête la suite ?
— Oh oui, avec plaisir !
Alex sourit et répond :
— Ravi que ça te plaise.
La discussion continue autour de leurs bandes dessinées favorites. Ils remarquent avec enthousiasme qu'ils ont beaucoup de références communes. Ils notent les trouvailles de chacun pour allonger leur liste de lecture.
C'est comme si cette lourdeur et ce vide immense, qui l'enveloppent et l'envahissent continuellement, s'étaient d'un coup dissipés. Le temps file fluide et léger. Tout est facile et spontané avec Alex. Elle n'a pas souvenir d'avoir discuté ainsi avec une personne de son âge depuis des mois, peut-être même des années. C'est comme s'ils s'étaient toujours connus.
Par moment, son esprit abimé se rappelle à elle, se demandant s'il s'agit d'une technique qu'il utilise avec toutes les filles pour les mettre à ses pieds. Pourtant, elle sent la sincérité et la vérité se dégager de lui. Elle serait bien incapable de dire pourquoi, une sensation profondément ancrée en elle, comme une évidence.
C'est lorsqu'il s'absente pour aller aux toilettes que l'adolescente prend conscience de l'heure. Elle n'en revient pas, il est deux heures du matin !
Lorsqu'il revient dans sa chambre, il est interpellé par la surprise marquée sur ses traits :
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien, je viens de voir qu'il est deux heures.
— Ah merde, va peut-être falloir que je rentre, si je me fais choper c'est le renvoi assuré. On aura beau leur expliquer qu'on ne faisait que discuter, ils ne douteront pas de nos ébats torrides.
À ces mots, Lili rougit brusquement, l'idée ne lui a pas effleurée l'esprit. Elle ne se sentirait pas capable d'assumer une telle supposition de la part de tout le camp. La voyant rosir, il lance :
— Tu aurais aimé peut-être ?!
— Mais, j... Ça va pas... Je...
La voyant ainsi dans l'embarras, il explose de rire. Après avoir repris quelques peu ses esprits, il ajoute :
— Je suis désolé, mais tu étais trop mignonne avec cet air gêné.
À ce moment, ils entendent un bruit dans le bungalow, comme des pas se dirigeant vers les toilettes. Sûrement une colocataire qui a eu une envie pressante.
— J'y vais avant de me faire choper, lance-t-il. Fais de beaux rêves.
— Bonne nuit, à tout à l'heure.
Lorsqu'elle a refermé la fenêtre, Lili s'affale sur son lit. Un léger sourire s'est dessiné sur son visage.
Comment ça "mignonne" ? Ah, il doit le dire à toutes les autres ! Je ne dois pas me faire d'idées. Me faire des idées ? Mais cela voudrait dire... qu'il m'attire ? Non, impossible.
Lili reste ainsi étendue pendant de longues minutes à analyser ce qui se passe à l'intérieur de son corps et de son coeur.
Elle doit admettre que sa présence l'électrise, qu'elle se sent vivante, légère comme jamais auparavant ! Le simple fait d'évoquer son nom, lui provoque une vague de chaleur qui la parcourt de la tête aux pieds. Elle n'arrive pourtant pas encore à admettre l'évidence.
Morte de fatigue, elle se pelotonne dans ses draps. Doucement, le sommeil l'enlace de son étreinte. Elle se laisse glisser, apaisée, dans les bras de Morphée.
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