"Freeze"

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« Gel »

Le vent soufflait, résonnait jusqu’aux plaines glacées plus loin entre les montagnes. Soudain, il sentit quelque chose le réveiller, se poser sur le bout de son nez. Il avait les yeux fermés, allongé sur la terre gelée, le visage chatouillé par la fourrure grise de son manteau. Pourtant, ce qui l’avait touché était plus doux que les longs poils de sa doublure. Plus léger aussi. Il ouvrit enfin les paupières, et son regard se perdit dans le bleu du ciel ; un étrange mélange de bleu, de vert et de blanc, aussi profond que l’océan. Son dos écorché par les pierres le lança, mais le froid engourdissait encore le reste de son corps. Au loin, le silence. Pas un bruit, pas un seul chant d’oiseau ne troublait les murmures de la brise hivernale. Le jeune homme se redressa, effleura la pointe de ses narines du bout de ses doigts. C’était quelque chose d’humide et de glacé, un petit flocon qui annonçait déjà les premières neiges dans ces contrées sauvages. Il sourit. Son souffle se changea en légère fumée, comme un léger voile de givre brisé. Sur ses joues, quelques fines veines de glace couraient, comme des larmes à jamais figées. Elles tombèrent cependant aussitôt qu’il passa sa main dans sa longue chevelure argentée. Un léger grondement roula jusque dans sa gorge, lui donnant la preuve qu’il était encore vivant. Le seul signe de vie à des kilomètres à la ronde. Il sourit encore en voyant un deuxième flocon tomber juste à côté de lui. Il l’attrapa du bout de la langue et l’avala avec joie. Voilà des jours qu’il n’avait pas bu, et la minuscule goutte gelée lui donnait l’effet d’une bouffée d’oxygène. Des mois à parcourir la lande sans jamais savoir où aller, à être attaqué par les bêtes affamées, à verser le sang sans aucune volonté de vivre lui-même… le jeune loup en avait assez. Sans but ni famille, loin de tout et des siens, il n’avait plus rien. Rien si ce n’était ces quelques flocons de neige, et l’immensité du monde. Il éclata de rire, d’un rire pur et innocent, et ouvrit grand la bouche. Les flocons virevoltèrent de plus belle, dansèrent tout autour de lui jusqu’à ses lèvres assoiffées. Il se leva enfin, gonfla sa poitrine à peine couverte par sa cape de peau. D’un coup, il poussa un long hurlement qui raisonna à travers toute la contrée. Il avait tout abandonné, quitté son passé et trahi ses amis les plus fidèles. Il avait pleuré des nuits entières en souhaitant mettre fin à sa souffrance. Mais les saisons continuaient à passer. Et sa volonté de vivre revenait. Dans ce cri traversant l’immobile vibraient ses dernières forces, ses dernières joies. La dernière once de chaleur à travers le froid. D’un revers de la main, il laissa quelques pétales de glace se poser sur sa paume, les cils déjà emmêlés par le gel. Enfin, il souffla une dernière fois, secoua sa fourrure, tourna le dos au soleil blafard et continua son voyage.

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