"Build"

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Le Plan

"Une de plus ?"

Hibou leva la tête, remis ses lunettes dans un geste grave et assuré. Mais c'était pour mieux cacher sa surprise ; le son de cette voix si familière l'électrisait, lui rappelait aussi bien les pires moments de sa vie que les meilleurs.

"De quoi parles-tu ?"

Elle toisa du regard l'homme posté en face d'elle, les mains sur les hanches, le sourire blanc et les cheveux brillant comme de l'ivoire. Il était toujours aussi beau, ou en tout cas elle le trouvait encore aussi attirant qu'au premier jour. Mais derrière son regard charmant, son air amicale, elle connaissait l'ambition qui l'animait et la froideur de son cœur. Elle attendait sa réponse en lui lançant un regard noir.

"Les paysans parlent d'une nouvelle fille enlevée...

— En quoi cela vous concerne, Général ?"

L'homme poussa un soupire, posa lentement ses mains sur le beau bureau d'acajou et plongea son regard d'acier dans les yeux de la chancelière.

"Cela me concerne si cela touche l'avenir de notre pays."

Hibou retint un petit rire moqueur.

"Des paysans ? L'avenir du pays ? Depuis quand tiens-tu le petit peuple autant en estime ?"

L'homme se renfrogna, laissa apparaître une ride entre ses sourcils parfaitement dessinés. Le menton volontaire, le nez droit et acerbe, les lèvres serrées, Aigle avait tout du parfait prince charmant. Pourtant, rien ne pouvait intimider Hibou, même pas ses vêtements immaculés parsemés d'or et de médailles. Ni ce regard sévère qui l'avait autrefois autant troublé.

"Tu ne veux pas m'en dire plus ?" continua-t-il.

— Plus ?" répéta Hibou, faisant mine de ranger quelques dossiers.

Aigle soupira une nouvelle fois et se releva, passant ses mains derrière son dos, jetant un œil vers la fenêtre à peine entrouverte.

"Tu voudrais savoir comment vont tes enfants, peut-être ?"

L'homme retourna la tête vers la chancelière, un air lourd de reproche.

"Ce ne sont pas les miens. Le tribunal à tranché, répondit-il d'un ton sec.

-Lâche..."

Elle avait murmuré ces derniers mots avec rancœur, à moitié coincés dans sa gorge.

"Je ne peux pas t'en dire plus..." continua Hibou, la voix plus forte.

Cet homme était le père de ses enfants, mais voilà des années qu'il refusait de le reconnaître. Il l'avait aimé, serré avec passion maintes et maintes fois, continué alors même que son corps changeait et donnait naissance à leurs amours secrètes. Il n'était alors qu'un aspirant, un garde de haute volée, mais encore si loin du poste suprême. Et maintenant, il la regardait, là, presque avec mépris. Et bon sang, qu'est-ce qu'il était encore magnifique, avec son aura blanche et assurée, son auréole de puissance quasi divine. Même la célèbre sagesse de la chancelière n'avait pu y résister ; comme la lune ne peut s'empêcher d'admirer le soleil. Son cœur se pinça avec douleur. Le croiser dans les couloirs du palais était toujours aussi difficile. Et le voir surgir une nouvelle fois dans son bureau sans aucun égard pour elle était inacceptable.

"Me prends-tu pour un idiot ? osa-t-il dans un souffle.

— Quoi ?"

Hibou lui jeta un regard surpris, presque inquiet.

"Ecoute..."

Il avança sa main gantée, effleura presque celle de la dame. Il hésita, la retira rapidement.

"Que manigances-tu ?" demanda-t-il.

Un silence.

"J'ai trouvé ça dans tes affaires...

— Tu fouilles mes affaires ?! "s'écria Hibou, interloquée.

Aigle secoua la tête, déposa les enveloppes scellées qu'il sortait de sa veste militaire.

"Non, on m'a parlé d'une personne qui faisait des rondes étranges à travers le château. Je n'ai pas retrouvé sa trace... par contre j'ai vu un messager qui venait régulièrement te voir et...

— N'en dis pas plus.

— Tu détournes les lettres du Roi ?!"

Hibou se mordit la lèvre, plissa son regard d'or et releva la tête.

"Ne me prends pas pour une conspiratrice. Je suis celle qui les écrit.

— Et alors ? Tu me racontes ou je dois en parler directement à qui de droit ?"

La dame secoua la tête, referma l'un des dossiers ouverts devant elle.

"Ecoute, Aigle. Il y a des affaires qui dépassent de beaucoup un simple général. On ne peut pas toujours tout régler avec le combat. Ou la fuite...

— Quel est le rapport ?

— J'essaye de te garder pour des affaires plus... moins..."

Aigle fronça encore les sourcils, vexé.

"Moins...?" Il pencha la tête, croisa les bras dans l'attente d'une réponse.

"Tu connais les tensions qui existent entre le Roi et l'Empereur de l'Est. J'essaye d'éviter un conflit extrême."

Aigle haussa un sourcil, surpris.

"Et c'est quoi ton plan ?

— Disons que détourner l'attention est une règle fondamentale dans toutes paix qui se respectent.

— Et tu enlèves des gens pour détourner l'attention ?

— Ce n'est pas moi qui les enlève, Aigle.

— Sous ton ordre, c'est tout comme."

La dame se releva, approcha son visage du jeune homme.

"Voilà bien des années que je construis la paix de ce royaume et le bien être de chacun. Alors évite de tout détruire.

— Je n'ai rien fais, rien dit. Je demande juste où tout cela est censé amener.

— Tu verras bien."

Aigle se recula, passa un doigt sur ses boutons de manchette d'un air léger.

"Je te fais confiance... Je voulais juste savoir...

— Voilà des mois que j'ai cette idée en tête. La guerre serait catastrophique... des milliers de morts, Aigle !

— La guerre ne me fait pas peur.

— Crois-moi, ce n'est pas dans ton intérêt. Le sang, la boue, les pleurs... Cela ne t'irais pas.

— Ne me sous-estime pas. Tout cela, je connais !"

Hibou secoua la tête.

"Tu sais aussi bien que moi qu'une guerre serait une catastrophe pour la stabilité du royaume."

Aigle la fixa longuement, pinça ses lèvres dans une intense réflexion.

"Très bien. Tu as besoin d'aide ?"

La chancelière secoua la tête.

"Ne t'en fais pas. Voilà des années que j'ai trouvé les services d'un parfait serviteur. Parfait pour ce genre de situation.

— Fait attention à toi, souffla Aigle d'un air inquiet.

— Général...

Hibou sourit tendrement.

"Ne me donnez pas l'illusion de votre intérêt." continua-t-elle, le regard mélancolique.

Il attrapa enfin sa main d'un geste ferme.

"Tu te trompes. Nos querelles n'ont pas entachés mes sentiments."

Le cœur d'Hibou fit un bond. Puis une douleur lancinante traversa son corps.

"Oubliez-ça Général..."

Ils restèrent immobiles, se fixant longuement. Une légère buée apparu sur les lunettes de la chancelière, trahissant l'accélération de son souffle. Enfin, Aigle lâcha doucement sa main. Hibou se rassit.

"Vous pouvez disposer." finit-elle par conclure.

Aigle resta interdit un instant, reposa ses mains derrière son dos. Puis, dans un mouvement, il salua la dame qui faisait déjà mine de lire autre chose, et se retira.

(coulisse : et en vrai, Hibou après cette scène, est allé serrer très fort un coussin en poussant des petits cris aigus XD Ou en tout cas la jeune fille à l'intérieur d'elle aurait agit ainsi :p

-ils sont compliqués ces deux-là.....)

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