"Pattern"
« Motif»
« Oye Oye, damoiselles et damoiseaux, tisserands et passereaux !
J'ai le plaisir de vous rappeler
Que bourgeois et nobles sont invités
Ce soir, par sa majesté
À la plus grande fête de l'année !
N'oubliez pas, comtes et princesses
Marquis et duchesses
De vos plus beaux atours apprêtés
Il faudra vous présenter ! »
Le Coq se racla la gorge, comme s'il était pris d'une gêne soudaine. Ses belles plumes trônant au dessus de son chapeau hoquetèrent alors en même temps que lui, tressaillirent en rythme. Enfin, l'homme jeta à nouveau un œil sur son parchemin, se mordit la lève. Pourtant, personne ne pouvait sentir d'hésitation dans sa voix. Il reprit alors son annonce :
« Pour fêter cette nouvelle
Notre partenaire de la Grande Ruelle
Sieur Chenillet et Tourterelle
Vous propose présentement
Sur ses plus beaux accoutrements
Une promotion de 10 %...
C'est le moment, profitez-en ! »
Le crieur s'arrêta, stoppé net par une main agressive l'empoignant par le col.
— Où ?! Où est-ce qu'il y ces foutues robes, le piaf ?!
— Haaaaaa ! poussa le jeune homme, surpris. Mais lâchez-moi, voulez-vous ?! Je suis au service du roi, et personne ne m'a encore jamais traité de la sorte !
—Tu vas faire ton boulot et me lâcher ton info, OUI ?!
C'était une jeune femme aux boucles noires, à la robe de jais et à la voix forte qui se tenait penchée sur l'homme, furieuse. Elle l'attrapa par les revers de son manteau, le secoua bel et bien comme un prunier.
—WaHAhaHAhaHAha MaIs Qu'EsT-cE QuE vOuS fAiIiIiIiTeS ???! se plaigna le jeune coq, se débattant comme il pouvait. La GrAnDe RuelLe, J'aI dIs !
D'un coup, la jeune femme s'arrêta, fronça les sourcils d'un air agacé, presque sceptique.
—La Grande Ruelle ? Mais il n'y a plus rien, là-bas !
L'annonceur fit un pas en arrière, s'épousseta l'habit avec empressement. Il voulut conclure d'un mot bien senti, mais la femme disparut aussi vite qu'elle était venue.
« Une robe, une robe... Il faut que j'en trouve une ! » La demoiselle avait filé dans une petite rue juste à côté de l'esplanade, se dirigeant tout droit vers le lieu indiqué par la publicité. Elle était plutôt jolie, le visage gracieux, les yeux brillants, une chevelure en vagues d'ébène tombant sur ses fines épaules. Malgré-tout, elle était étrange : sa robe noire à dentelle sombre, ses bracelets de pics de métal, ses hautes chaussures lourdes et ténébreuses... même ses lèvres peintes d'encre : tout semblait appeler l'ombre et le désespoir.
Elle arriva enfin devant la boutique de toilettes apprêtées. Dans la vitrine étaient exposés de jolis tissus de brocard, de motifs chatoyants, de couleurs douces et pastelles. Tout l'inverse d'elle. Elle poussa la porte presque en courant. La clochette de l'entrée sonna.
—Il me faut une robe ! La plus belle que vous ayez !
Le couturier, choqué et assis derrière sa table à métier, écarquilla les yeux. Il eut à peine le temps de reprendre ses esprits que la sombre demoiselle se rua vers lui, posa ses mains sur le bureau et le regarda avec insistance.
—Je suis désolée, mademoiselle l'agnelle... J'ai malheureusement tout vendu. Avec la fête de ce soir, tout a été pris d'assaut et...
—Et ce qu'il y a en présentation ici alors ?! N'essaye pas de me mythoner !!
—Ce... ce sont des commandes, je suis désolé...
—Je vous les prends quand même !
—Elles ne sont pas finies... Mais si vous passez commande vous-même, je suis sûr que dans deux semaines ou trois, vous...
—ASSEZ !!! Il faut que je trouve de quoi m'habiller ! Pour ce soir !!!
Le vieil homme remonta ses lunettes, secoua la tête d'un air triste. La dame fronça les sourcils, interdite.
« Comment vais-je faire ? » Elle voyait déjà toutes ces femmes aux toilettes impeccables, présentant les plus beaux dessins, les plus beaux tissus du bal. Ce n'est pas que ça l'intéressait ; elle ne pensait d'ailleurs vraiment pas y mettre un pied avant ce matin. Oui, mais voilà, son père l'y avait fortement conviée. Elle n'avait plus le choix... et absolument rien à porter.
Le marchand sourit, la voix tremblotante.
—J'ai peut-être quelque chose, cependant... Une création qui n'avait jamais trouvé preneur.
La belle lui jeta un regard plus intense encore.
—Montrez-moi !
Clopin-clopant, le vieillard s'ébroua, se dirigea d'un pas lent vers le fond de l'atelier. Enfin, il poussa un vieux rideau usé.
Elle était là, d'un velours léger, rehaussé de fils d'argent et de motifs de lys incrustés. Le corset à huit baleines, le panier soulignant la taille. Noire, comme la nuit.
La femme soupira.
—Très bien, je la prends.
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