"Legend"

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Il existe de nombreuses légendes, mignonnes, inquiétantes, un peu folles... Selon les coutumes, selon les régions, connues que par quelques personnes...

Et puis il y a celles qui sont éternelles, universelles, fêtées chaque année sans jamais penser que tout cela pourrait être vrai.

Parlons de Noël. Un gros bonhomme habillé en rouge, un « Ho ho ho » de vieux gâteux, et de pauvres rennes qui bossent toute la nuit sans une minute de répit... Ha, bien ! Bravo l'esprit de Noël ! C'est chez 30 millions d'amis qu'ils vont être contents !

Et si je vous disais, moi, que tout ceci était vrai ? Attendez, pas le papy obèse, pas la hotte et toute sa clique d'animaux maltraités... Mais Noël, lui-même ?

*********

Il faisait noir dans les rues de Paris. La lune cachée derrière son épais manteau de nuage, frémissante, ne voulait pas sortir ce soir. Les réverbères embués laissaient planer une étrange atmosphère glacée, lançaient une lumière tremblotante et blafarde sur les pavés. Plus loin, quelques phares de voitures continuaient leur sarabande, laissaient entrevoir le sombre monde des ruelles en rythme saccadé.

Un homme d'affaire semblait se diriger d'un pas décidé, une mallette à la main, les talons claquant sur le sol humide. Il avait le cheveux court, la veste chic coupée à la dernière mode et les traits élégants et matures. Il était suivi par trois étranges petites silhouettes, trois jeunes enfants bien trop petits pour traîner dans les ruelles de Paris en plein milieu de la nuit. Tous, ils s'enfoncèrent dans l'ombre...

Dangereuses sont les nuits, pour celui qui a peur du noir. Un bruit de chair et d'entrailles, un son poisseux de sang, un claquement... Bienvenue dans l'antre de la Bête. Elle était là, noire elle-aussi, les cheveux lisses comme l'onyx cachant à moitié son visage de lune. C'était un homme, ou tout du moins cela semblait l'être. Il était assis par terre, penché, passionné par sa nouvelle création. Il jouait, s'amusait, découpait avec joie le cadavre posé à ses pieds : un SDF qui n'avait sans doute pas été sage cette année. L'un des étranges enfants s'approcha légèrement, interpela l'homme d'affaire qui s'approchait.

– Maître Nicolas, Maitre Nicolas ! Il est ici !

– Diane, pas besoin de hurler... Il vaut mieux rester discret...

L'homme tapota la tête de la fillette qui souriait avec malice. C'était une petite avec des couettes, la peau bleutée par la nuit profonde – à moins que ce ne soit à cause des larges cicatrices qui parcouraient son cou, son visage, son corps tout entier. Elle ne semblait pas effrayée par l'étrange créature qui se repaissait devant elle, ni du corps démembré de ce malheureux sans abri. Pourtant, elle se glissa derrière l'homme d'affaire qui s'était enfin rapproché. Ce dernier sortit un petit mouchoir, laissant présager un certain dégoût pour la scène.

– Mr Kramp !

Le monstre ne sembla pas broncher, terminant de lacérer la chair avec d'étranges ciseaux de boucher. Enfin, il marmonna, comme agacé.

– Ce n'est pas de ma faute. Il a voulu jouer. Vous allez me mettre à pied... ?

Sa voix était grinçante mais pourtant mesurée, presque inquiète.

– Non, non, s'empressa de continuer l'homme au costume, souriant aimablement. Je suis venu pour une toute autre affaire. Disons que je ferme les yeux pour cette fois. Mais, sinon... Vous souvenez-vous de votre partenaire... ?

Mr Kramp releva légèrement la tête, l'œil noir, un sourire carnassier revenant lentement sur ses lèvres.

– Noël ? Il y a un problème... ?

L'homme d'affaire s'accroupit devant le cadavre sans y jeter un regard. Il était à la hauteur d'yeux de son interlocuteur, et semblait vouloir attirer son attention. Il tendit poliment son mouchoir, comme pour l'inviter à s'essuyer. Mr Kramp fixa le morceau de tissu avec une méfiance effrayée, comme un animal apeuré. Puis, finalement, il l'attrapa et fit mine de nettoyer son visage à moitié recouvert de rouge.

– Non... En fait, je crois que ça va vous plaire...

– Mmh ?

– Comme vous le savez déjà, notre contrat saisonnier vous limite depuis des années dans votre activité.

– Je ne peux rien faire !!!

L'assassin avait élevé la voix, bouillonnant de rage. Malgré tout, il se calma aussitôt, rentrant ses ongles griffus dans sa paume.

– Et votre partenaire est du même avis. J'y ai réfléchit et je pense que je vais augmenter les horaires de votre poste.

– Quoi ?

L'homme-bête releva sa tête, ses longs cheveux noirs glissant sur ses épaules. Il était surpris, presque interloqué. Dans son regard d'ombre cerclé de cernes violacées brilla d'un coup une étrange fièvre.

– Mr Noël m'a supplié de pouvoir consulter toute l'année. Et tout bien réfléchit, je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée... L'humanité aurait besoin d'un petit rafraîchissement.

– Quel est le rapport avec moi... ?

– Vous savez bien que votre binôme est inséparable ; ni l'un, ni l'autre n'a l'autorisation de travailler en solo... Il serait donc essentiel que vous accep...

– Ok !

La voix de l'homme était empressée, presque suppliante.

– Très bien, conclut l'homme d'affaire, souriant aimablement.

Enfin, Nicolas lui tendit la main pour serrer la sienne. Mr Kramp, dépassé par les évènements, tendit son ciseau.

– Vous dormirez chez lui. Les égouts ne sont pas un très bon domicile pour renseigner correctement vos informations dans les dossiers...

L'homme d'affaire reprit son mouchoir posé par terre, l'attrapa du bout des doigts et serra la pointe du ciseau avec. Ainsi, le pacte fut signé.

Maître Nicolas se releva enfin, se nettoya la main avec un nouveau mouchoir qu'il sortit de sa poche.

– Venez les enfants, voilà qui est fait !

– Fait quoi, Maître Nicolas ?!

– Dites, pourquoi il fait cette tête... ?

– Profitez-en, les enfants... Prochainement, ce sera tous les jours Noël !

Des cris de joie retentirent dans la nuit, des claquements de talons sur les pavés, mélangé à l'étrange raclement d'un ciseau de boucher.

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