"Ghost"

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"Fantôme"

Vous rappelez-vous d'un certain Renard, arrêté et mis aux fers à cause d'un fromage ? Le pauvre rouquin n'avait toujours pas bougé, enfermé dans sa cage au fin fond d'une profonde prison.

Il était là, le visage blafard, les lèvres fanées, les habits sales, tel un fantôme qu'il avait déjà été. Sa blessure au bras, pourtant guérie depuis des années, lui faisait mal, le lançait comme un vieux souvenir remonté à la surface. Combien de temps lui restait-il à vivre sans voir le jour ?

L'image se brisa, s'évapora dans une épaisse volute de fumée. La main de Renarde trembla, mais elle s'efforça de ne pas le montrer. C'était Grue qui la fixait longuement de ses beaux yeux perçants, essayant lui-aussi de voir les images apparues dans la vision. L'air tout entier vibrait sous les vagues blanches, sentait le parfum lourd de l'encens.

« Que peux-tu me dire ? »

L'homme de main parlait calmement mais d'un ton décidé.

« Mon frère semble s'être encore attiré des ennuis.

-Et où se trouve-t-il ?

-Tout à l'ouest, sur les terres barbares d'un monarque orgueilleux.

-Cela reste vague... »

Presque par reflexe, mais sans doute aussi comme une sourde menace, le jeune homme gracile enfonça l'une de ses mains dans sa manche, effleura l'une des lames qui s'y cachaient. Renarde savait bien ce que cela signifiait : elle connaissait l'assassin impérial depuis des années, et elle savait très bien ce que dissimulait ce fin visage doux et immobile. Personne n'était plus implacable et mortel que lui. Plus glacial aussi. Elle recula d'un pas, mal à l'aise.

« Que veux-tu lui faire ? Ne l'avez-vous pas oublié depuis des années ? Son corps doit-il à tout prix rejoindre ceux recouvrant le sol de la chambre de l'Empereur ?! »

Grue fronça les sourcils, mais ne desserra pas les lèvres. La voyante continua.

« Ho, je sais très bien ce qu'il en est. Que moi aussi j'aurai pu rejoindre le tapis de cadavres de ton maître malade... Tu m'y as jeté sans le moindre remord...

-Ne parle pas ainsi. Et si je t'y ai envoyé, c'est car je te pensais à la hauteur...

-Il ne peut pas aller mieux.

-Si, une seule personne pourrait le sortir de sa mélancolie...

-Mon frère ? »

Grue hocha la tête. Renarde écarquilla les yeux.

« Tu veux dire que si tu le cherches, c'est pour le ramener près de nous ?

-Ne te réjouis pas trop. Seul notre Seigneur décidera de son sort... »

La dame perdit son regard dans l'épaisse fumée, tantôt rose, tantôt bleutée, roulant au-dessus du foyer. Son cœur se mit à battre plus vite, ses joues rosirent aussi.

« Peut-être pourra-t-il le pardonner. Il l'aimait tellement...

-Ou tout simplement l'écorcher.

-Comme ce que tu as fait à ce pauvre Chat, tu veux dire ?! »

La dame lui lança un regard noir, mais ne semblait pourtant pas lui en vouloir. Le jeune homme ne répondit pas, se figea en la regardant droit dans les yeux.

-Est-il vraiment mort ? continua-t-elle... Je sais très bien qu'il y a des rumeurs à son sujet. On entendrait des cris, la nuit... On parlerait d'un esprit...

-Les chats ont plusieurs vies, parait-il...

Elle frissonna.

-J'imagine qu'il vaut mieux qu'il soit mort plutôt qu'avec toi. »

Grue fit un sourire, léger, imperceptible. Ses minces lèvres ne semblaient presque pas avoir bougé, mes ses yeux brillaient d'une étrange lueur amusée.

« Désormais, c'est ton frère que je dois trouver ».

Enfin, il jeta quelques pièces de cuivre sur la table et la salua avec respect.

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