CHAPITRE 7 - L'étincelle

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Après cette rentrée foirée à la suite d’un virus qui avait décidé de prolonger mes vacances, j'arrive donc dans cette classe de première surchargée, avec une ambiance bien différente de celle que je connaissais de Poudouvre. Bien que le lycée de Yurin Avacarium fût un lycée comme un autre, avec ses écarts et ses côtés moins glorieux, ça restait un lycée de bourgeois. Aussi, il n'y avait pas cette proportion à la provocation constante de l'autorité comme à Kanata. Ici, la classe était surchargée : trente-sept adolescents plus ou moins survoltés dans la même pièce environ sept heures par jours. Parmi eux, des perturbateurs, des insupportables, des instagrammeuses en carton mais aussi des geeks, des plus calmes ou encore des aliens comme Nell, Malo et Wina. Notre premier cours a été un fiasco total : cris, jets d’objets, exclusions à tours de bras … Cette prof avait le don de se faire détester avec son côté hautain et ses mimiques. Elle peinait à asseoir son autorité à chaque cours, si bien que ces derniers devenaient des récréations ou des prétextes pour sécher.

Les autres cours n’étaient pas plus glorieux : mêmes cris, un peu moins de jets d’objets, mais un irrespect de l’autorité à toute épreuve. Un « je m’en foutisme » aberrant. Le commerce semblait être filière dite « poubelle » au même titre que ce que je constatais pour la filière STMG côté filières générales. Je trouvais d’ailleurs dommage que cette filière soit aussi malmenée et que même en stage, on nous considère tous comme des ploucs. Certains avaient du potentiel.

Les cours se suivaient et se ressemblaient, avec les difficultés pour suivre qui s’imposaient de plus en plus. Je voyais les changements qui opéraient autour et en moi : plus les mois passaient, plus nos comportements devenaient ceux de jeunes étudiants, de jeunes adultes insouciants en quête de renouveau. Malgré une classe et des liens très désordonnés parmi elle, quand l’un de nous n’allait vraiment pas bien, cette classe semblait avoir un minimum de solidarité. Je m’en suis aperçu un jour, après avoir demander de sortir de cours car je me sentais mal. Nell, Malo et Wina m’ont suivi après que j’ai essuyé un refus de l’autre mégère de prof principal. Puis quelques minutes après j’ai vu mes autres camarades sortir. Et chacun me demandait pourquoi je me sentais mal, pourquoi je pleurais, mais avec une étrange sincérité. Alors les gens du bahut pourraient être autre chose que des connards sans cœur ? Surprenant. Quand je leur explique que c’est un coup de Kérann, ils se prennent d’une colère et d’une envie de vomir collective. En effet, ce dernier avait fait piquer Rahat, son jeune chien adopté quelques mois avant à peine car il aurait mordu quelqu’un. Il décrivait dans son message que le chien était devenu fou, agressif, méchant. Mais au fond de moi je savais pourquoi Rahat était passé d’un chiot adorable, à un monstre effrayant : Kérann le battait. Il le jetait contre les murs avec une violence inouïe. Ses maltraitances ce n’était pas la première fois que je les constatais : il m’avait déjà frappé moi, il se ventait régulièrement d’avoir casser les dents de plusieurs personnes plus ou moins recommandables, son ex l’avait déjà accusé de violence elle aussi, sa fille en avait parfois même peur. Sophone et Dieter connaissaient eux-mêmes la violence de Kérann, et était effrayé par ce dont il était capable. Il m’est même arrivé de récupérer sa fille, alors âgé de 4/5 ans, avec un cocard ou un énorme bleu dans le dos. Un énième jour de cours supplémentaire me fait remarquer que certains profs sont plus pédagogues que d’autres : notamment celui de maths et de PSE. La prof de français est en revanche plus digne d’un croisement entre une gorgone et un troll que d’une vraie enseignante. On commence à parler du BEP, et j’apprends assez rapidement que je ne suis pas obligée de le passer à cause de mon changement de filière. Tant mieux, pour moi c’est une perte de temps et un diplôme qui ne vaut rien. Comme souvent, avec Nell, on allait à la sortie de derrière pour attendre Audren, son petit-ami, et parfois Estephe.

Novembre arrive, le froid et la pluie avec. Les périodes de formations en milieu professionnel aussi … Les fameuses PFMP et leur convention pénible. Je me retrouve en stage à Monsolatione, un magasin d’ameublement et de décoration. Les premiers temps, on me ressert le b.a.-ba du métier et ses aléas. Je fais la connaissance de mes collègues du G2, celui de la literie, des salles à manger et de l’ameublement. Je dois tester les produits pour savoir comment les vendre. On commence donc avec Maël une période de quelques jours durant laquelle il m’expliquera la politique de l’enseigne, les crédits, le S.A.V, le confort d’accueil et de coucher des matelas et sommier, leurs différents types, gammes, prix … On fait de même pour les canapés mais cette fois avec Stan, un autre collègue ayant les mêmes cheveux que Ronald la mascotte de Mac Donald, mais en brun. Heureusement pour moi, il était moins flippant que ce vieux clown décrépi. A ces côtés, je conclurai ma première vente sur un lit d’appoint à basculement par l’avant ou … BZ. Maxime, mon manager, viendra aussi vers moi pour me faire travailler sur les différentes assurances et options d’achats disponibles pour les clients. Il me demandera d’ailleurs de résumé et réactualiser les vieilles fiches d’explications. Les ventes commencent à s’enchainer, j’apprends de mieux en mieux à me servir de Saturne, notre logiciel de vente, devis et de vu sur stock. N’ayant pas mes propres identifiants et mot de passe, je devais emprunter celui de Maël ou Stan car c’est avec eux que je travaillais le plus et que j’arrivais à faire le plus de vente. Mais Loric, le troisième vendeur du secteur n’était pas du tout content de ce choix pris par notre manager. Et pour cause : il enchainait les retours ou les non-ventes. Si bien qu’à un moment donné, il ne se gênait pas pour me bousculer devant les clients ou me les voler. Exaspérée, j’ai fini par en parler à Maxime et j’ai fais venir Estephe en tant que « client mystère ». Tout s’est passé comme prévu : Loric est venu me piquer ma vente, Estephe l’a envoyé dans les roses et il a été convoqué par Maxime. Ses chiffres étaient mauvais, son rapport client également, et son supérieur commençait à être agacé. Ce mois-ci, pas de prime. Sur un salaire à la commission, c’était comme un couperet qui tombait. Pendant ce stage, je ferais également connaissance de mes collègues de G3, la vente libre-service qui réunissait principalement le luminaire, la décoration et les meubles secondaires comme les bibliothèques, les bureaux, les armoires et autres commodes. Ce dernier secteur était partagé avec le nôtre, si bien que les ventes s’échangeaient parfois. J’allais souvent papoter avec Valia, Dana et Célia. Noël arrivait, le stage se terminait gentiment après quelques déboires avec une collègue des cuisines. Les vacances sont passés, les cadeaux sont arrivés et avec eux mon appareil photo. J’étais très heureuse de l’avoir enfin dans mes mains après l’avoir moi-même réceptionné à la livraison en magasin. J’allais enfin pouvoir laisser exprimer une de mes passions trop longtemps mise de côté.

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