なな

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Le Palais était sens dessus-dessous. L'Empereur, dont l'humeur exécrable faisait trembler tous ses sujets jusqu'aux fondations de Kyoto, n'avait pas dormi depuis la veille. Un jour s'était écoulé depuis l'empoisonnement de son amour, une journée entière que la garde impériale cherchait le fichu pot dans lequel se trouvaient les maudits champignons. Et tout ce temps, Kawamura-dono n'avait toujours pas ouvert les yeux. Le médecin et le concubin Yoshino-dono veillaient sur lui sans avoir pris de repos. De temps en temps, la médecin de l'Impératrice venait leur prêter main forte. Hasegawa-dono et Fujiwara-dono mettaient tout en œuvre pour avancer dans l'enquête eux aussi. Les serviteurs du pavillon jaune avaient été arrêtés et mis aux cachots, après l'exécution des assaillants de la réception.

Pour le moment, ils ne cessaient de dire qu'ils ne savaient rien, même sous la torture. Le Général attendait avec impatience le réveil du concubin, afin qu'il identifie le serviteur lui ayant apporté les plats.

Le médecin impérial avait été formel. Le concubin avait été empoisonné à deux reprises par les mêmes champignons. La première fois avait été légère, comme si l'assassin avait hésité dans son geste. En revanche, la seconde fois, la dose était telle, qu'en temps normal, le pauvre jeune homme aurait dû périr, dans l'heure suivant l'ingestion du poison.

Tout ceci confirma à l'Empereur que Kawamura-dono était d'une excellente constitution, mais surtout, qu'une personne le haïssait profondément...

- Votre Majesté ! s'exclama l'Eunuque en pénétrant à grandes enjambées dans la salle du trône.

- Que se passe-t-il ? s'inquiéta-t-il aussitôt.

- Le concubin Kawamura-dono vient d'ouvrir les yeux. Ikuta-dono lui fait quelques soins de sûreté. Votre Majesté peut s'y rendre séance tenante, si vous le souhaitez !

L'Eunuque n'avait pas terminé sa phrase, que le Souverain descendait déjà les marches pour quitter la salle. Il fut rejoint par le Général, souhaitant aussi entendre la version du concubin.

Kazuma se réveilla avec un mal de tête et de ventre comme il n'en avait jamais eu... Essayant de se redresser sur le futon, Ikuta-dono l'aida en mettant de grands oreillers dans son dos.

- Restez tranquille encore un peu, recommanda-t-il. Vous êtes très faible et votre visage ferait peur à un esprit malin...

- J'imagine en effet... murmura-t-il, la gorge irritée.

- Vous avez échappé de peu à la mort cher concubin... s'attrista-t-il.

La médecin de l'Impératrice pénétra dans la chambre. Malgré ses douleurs, les regards plein de désir des deux médecins, n'échappa pas à Kazuma, lui faisant esquisser un sourire. La vie continuait joliment, dans l'amour et la joie. La violence et la tristesse ne signifiaient plus rien en cet instant. Cette pensée lui donna beaucoup de bonheur et de soulagement.

Il but le grand bol d'eau et de charbon que lui tendait Ikuta-dono. Puis il dût uriner dans une bassine en cuivre devant celui-ci, afin qu'il puisse constater d'un problème rénal ou non. Le médecin lui fit une rapide toilette avec des tissus imprégnés d'huile végétale et d'eau de fleurs.

Lorsque l'Empereur, suivit de ses sujets, entra dans la chambre, il fut à la fois soulagé et triste de l'état de son Favori. Son visage était d'une couleur terne, ses yeux noirs pétillaient et il souriait en dépit de sa douleur visible.

- Kamisama, merci... soupira-t-il. Vous n'êtes pas remis mais vous vous en êtes sorti, c'est le plus important !

- Je remercie Votre Majesté, murmura-t-il en inclinant doucement.

Ses trois amis entrèrent à leur tour et vinrent directement l'entourer sur le futon.

Le jeune homme se sentit heureux et protégé. La médecin impériale quitta le pavillon non sans glissé un petit sourire malicieux à Ikuta-dono.

- Prenez place, Votre majesté, invita Makoto alors que le serviteur plaçait plusieurs coussins confortable autour du futon.

- Kawamura-dono, interpella le Général. Je vous prie de me pardonner mon empressement, mais il faut que vous répondiez à mes questions...

- Oui, oui, bien sûr Daito-dono, chuchota-t-il.

- Soyez bref, il est encore faible... intima le médecin mécontent.

- Oui, ne vous en faites pas... Connaissiez-vous le serviteur qui vous a porté le repas des concubins, dans les Appartements de Sa Majesté ?

- Oui, il s'agissait du serviteur Yonamine Rui-dono... Mais, si je puis me permettre Général Daito, je ne pense pas que ce pauvre jeune homme savait ce qu'il y avait dans les bols... Il paraissait tout à fait sincère et détendu lorsqu'il m'a servi.

- Merci pour ce détail, j'en prends bonne note, cependant il est aux cachots et nous devrons l'interroger de nouveau...

- Ne lui faites pas de mal, je vous en prie... supplia le concubin. Je sais que les serviteurs sont très fidèles aux jeunes maîtres qu'ils servent. Mais je sais aussi que beaucoup de maîtres cachent des secrets à tous afin de ne point être trahis...

- Je suis de son avis... intervint Itsuki, surprenant toute la chambrée.

- Avez-vous des choses à nous avouer Fujiwara-dono ? interrogea l'Empereur les sourcils froncés.

- En aucun cas, Votre Majesté... démentit-il intimidé. Néanmoins, Hasegawa-dono et moi-même avons fait une découverte intéressante. J'espère que tu nous pardonneras d'avoir fouillé dans ta chambre Kazuma-dono, mais nous manquions sérieusement de preuves...

- Ne t'en fais pas... murmura-t-il la peur au ventre qu'ils aient compris qu'il était Mukawara.

- Le mot joint à la boite de biscuit est très bien écrit, expliqua Makoto. Les caractères sont parfaits, appliqués et tracés avec une encre et un pinceau de qualités, sur un papier tout autant précieux. Le tissu, d'après l'analyse de Yoshiro-dono est tout aussi précieux. Ce qui signifie-

- Que le coupable n'est pas un serviteur mais un concubin, le coupa le Souverain.

- Ou que l'un des serviteurs cherche à accuser un concubin... proposa le Général.

- Je n'en suis pas sûr Daito-dono... chuchota Kazuma. Comme je vous l'ai dit, les serviteurs sont fidèles et ne trahiraient pas les concubins ainsi. J'ai pu l'observer lorsqu'ils ont dû me soumettre à effectuer ma punition...

- Bien, je comprends... admit le Général. Nous allons relâcher tous les serviteurs et interroger de nouveau Yonamine-dono. Shohei-dono, j'aimerais que vous vous promeniez souvent aux alentours des cuisines et du pavillon jaune. Vous serez beaucoup plus discrets que les gardes ou n'importe qui d'autre... Rapportez-nous la moindre parole ou le moindre mot qui viendrait à vos oreilles. Je vous fais confiance là-dessus !

- Je m'y atèle dès que possible Général Daito, s'inclina-t-il.

- En suite, nous allons répandre à travers tout le Palais que Kawamura-dono est réveillé. Nous allons faire croire qu'il nous a révélé l'identité du coupable. Les gardes ne seront plus postés devant le pavillon mais dans votre chambre. Ainsi, nous pourrons peut-être prendre quelqu'un sur le fait...

- Très bonne idée Daito-dono, approuva l'Empereur. Mais ne cessez pas les recherches du pot, cela sera suspect...

- Puisque tout est dit, nous vous laissons vous reposer Kawamura-dono... s'inclinèrent le Général et le serviteur.

- Nous allons continuer à chercher nous aussi, s'inclinèrent les trois concubins à leur tour.

Ikuta-dono tendit de nouveau un bol de charbon au concubin. Il l'avala en faisant une petite grimace. Décidément, ce goût ne faisait pas partie de ceux qu'ils préférait. Cela fit pouffer l'Empereur, s'approchant du futon. Il prit la main froide et pâle de son Favori. Celui-ci ne s'en extirpa pas. Trop épuiser pour se débattre, il se laissa cajoler. L'Eunuque prévint qu'il attendait le Souverain au salon. Le médecin feignit de devoir nettoyer des instruments, qu'il aurait très bien pu laisser à ses serviteurs.

- Il faut que je vous dise, tenta l'Empereur, j-

- Votre Majesté ! s'écria le Général en s'engouffrant dans la chambre brusquement. Nous avons le coupable, il s'est trahi tout seul...

- Qui est-ce ?

- Miura-dono, Votre Majesté... Un des gardes faisait une ronde dans le jardin du pavillon jaune, il l'a aperçu en train d'enterrer quelque chose. Il l'a pris sur le fait, le pot de champignons dans les mains. Shohei-dono est venu confirmer que l'un des serviteurs l'avait surpris dans la cuisine il y a deux jours. Il prétextait vous préparer des plats.

- Ce vil... s'énerva l'Empereur. Jetez-le aux cachots, je le ferai avouer avant de le décapiter !

- Ne faites pas cela, supplia Kazuma de sa voix rocailleuse, le faisant souffrir. Bannissez-le, si vous le décapiter, ce sera une déclaration de guerre envers le clan Miura...

- Vous avez raison... soupira-t-il vaincu. Faites en sorte qu'il ne se suicide pas, je veux connaître ses raisons...

- Bien, Votre Majesté... s'inclina-t-il en repartant aussi vite qu'il était entré.

- Vous comprenez pourquoi, Votre Majesté, chuchota Kazuma en retirant sa main de l'étreinte chaleureuse, je ne souhaite pas de votre amour ? Ce rouleau était une prédiction n'est-ce pas ?

- Arrêtez, ne dites point cela... s'attrista-t-il.

- Il faut que Votre Majesté le sache... J'aime un homme qui ne vit pas au Palais. Il se nomme Tosaka Hiroomi. Il était Bushi avant moi. Il m'a initié aux arts martiaux, après m'avoir aidé à m'en sortir contre un groupe de Ronin à Osaka, il est devenu mon Maître. J'en suis tombé amoureux et je lui ai offert ma virginité. C'est à lui que j'ai fait la promesse que je dois tenir, et qui m'éloignera de la vie impériale lorsque vous me l'accorderez.

Tout ce temps, l'Empereur Suzuki avait la mâchoire et les poings crispés. Sa gorge était serrée, retenant un sanglot. Une jalousie venimeuse s'insinua dans ses veines. Et pourtant... Et pourtant, il tiendrait sa promesse... Il laisserait son amour s'en aller loin de lui, parce que c'était le prix à payer lorsque nous aimons une personne qui ne partage pas ces sentiments...

Toujours en proie à ses émotions amères, le Souverain descendit aux cachots. Le concubin Miura-dono était échevelé, son regard empli de folie en disait long sur son état de santé mentale.

- N'avez-vous donc aucune morale Miura-dono ?

- Pour l'amour de vous, Votre Majesté, aucune... sourit-il en s'approchant.

- Pourquoi avoir fait cela ?

- Ne connaissez-vous pas la réponse, Votre Majesté ? minauda-t-il en tentant de toucher son sexe, le bras entre les barreaux sales.

- Rangez votre bras avant que je ne le coupe, et répondez à la question ! intima-t-il, le regard noir.

Comprenant qu'il n'était pas en position de marchander, le concubin s'assit en tailleur au milieu de sa cellule. Ses aveux glacèrent le sang de l'Empereur.

- Depuis le premier jour où Kawamura-dono est entré au Palais, j'ai senti qu'il vous intéressait plus que de raison, Votre Majesté. Pendant six mois, vous n'avez accordé votre attention qu'à sa petite personne. Quel égoïste jeune homme il est, n'est-ce pas ? S'accaparer l'attention de notre cher et tendre Empereur... J'aurais dû exécuter ce plan beaucoup plus tôt... Mais vous vous êtes attaché si vite. Quel malheur... J'ai dû m'y reprendre, à plusieurs reprises. La première fut la plus douce. Une simple punition lui donnant une mauvaise fièvre... J'ai prié tout ce temps que la maladie l'emporte... Mais que nenni ! Cet homme est aussi solide que le Fujisama ! Par tous les Dieux... cracha-t-il. Les rumeurs n'ont même pas eu l'air de l'affecter puisqu'il était dans votre chambre quelques heures après que je les ai répandues... soupira-t-il. Il aurait dû mourir noyez dans votre bain ! Cela lui aurait servi de leçon ! Ne croyez pas que je n'ai rien remarqué, Votre Majesté, avoua-t-il sous le regard stupéfait de son vis-à-vis. J'ai commencé à regagner ma confiance lorsque j'ai testé les champignons sur cet idiot de chien... J'espérais que le poison serait aussi efficace sur le concubin. Cependant, en préparant la soupe, au milieu des plats de mes confrères, je craignis d'être découvert en mettant une trop forte dose. Pour être sûr de mon coup, j'avais préparé les biscuits. Le goût fut facilement masqué avec les noix. D'ailleurs, Votre Majesté, la preuve du manque d'intelligence de votre Favori est là... Il a mangé quelque chose dont il ne connaissait pas l'origine...

- Il pensait que ce présent était de ma part ! ragea l'Empereur à bout de patience.

- Oh... Dommage qu'il y ait survécu ! ricana-t-il, sadique.

- Cela suffit ! hurla-t-il. Miura-dono, je vous condamne, à la demande du concubin Kawamura-dono, au bannissement à vie. Vous ne pourrez plus jamais mettre un pied dans la capitale et encore moins dans le Palais.

- Pourquoi n'ai-je pas droit à une mort certaine comme vous le souhaitez, Votre Majesté ? demanda-t-il surpris.

- Parce que Kawamura-dono m'a fait promettre de vous épargner. Et croyez-moi, je le déplore énormément. À mes yeux, votre tête devrait avoir déjà quitté votre cou.

- Non ! Je vous en supplie Votre Majesté, je ne souhaite que votre courroux pas le sien ! Je refuse que vous l'écoutiez ! paniqua-t-il. Je le déteste !

- La décision ne vous revient pas Miura-dono, raison de plus ! s'agaça-t-il. Gardes, faites chauffer le fer à blanc. Vous marquerez son front du signe " banni " . Attachez-le et amenez-le aux portes de la ville après l'avoir dépouillé de toute richesse.

- Je refuse ! s'écria-t-il en se débattant. Je veux mourir de votre main, Votre Majesté ! Je vous aime plus que ma propre vie !

L'Empereur soupira. Il était atterré et épuisé. Il rejoignit ses Appartements. Beaucoup trop de choses s'étaient produites récemment. À vrai dire, depuis que Kawamura-dono était entré dans leur vie à tous. De façon silencieuse et réservée. Cependant il avait tout chamboulé dans la tête et le cœur de Sa Majesté... Soutenu par l'Eunuque, il rejoignit sa chambre. Le cœur lourd et amer.

Quelques semaines plus tard, afin de remercier tous les sujets de la Cour, Kazuma, de nouveau sur pieds, demanda à organiser un petit banquet. Cela lui fut accordé. Aidé de ses amis, il décora la salle de réception, fit préparer des mets frais et légers annonçant le solstice d'été.

En revanche, la maladresse du concubin s'était exacerbée depuis son empoisonnement. Il avait même dû arrêter les entraînements d'art martiaux, au risque de blesser le pauvre Itsuki-dono.

Tout se passa merveilleusement bien, jusqu'au moment où l'Empereur pria au concubin de lui servir du vin. Tous furent surpris. Il était rare que Sa Majesté fasse cette demande. Les trois concubins du pavillon rouge, implorèrent les Dieux, que leur ami ne fasse pas de bêtise. Kazuma s'approcha calmement de l'estrade impériale. L'Empereur et sa femme étaient assis sur des coussins brodés de fils d'or, derrière une table aux aliments variés. L'Impératrice se délectait et remercia le concubin d'un signe de tête. Il s'inclina aussitôt en souriant à Sa Grâce. Son regard dévia vers le Souverain et se perdit dans ses yeux sombres. Que ressentait-il depuis son aveu ? Était-il triste ? En colère ? Les deux sans doute... Le concubin s'en voulut de penser à de telles choses en cet instant.

Il reprit contenance et avança de nouveau. Cependant, il n'avait pas prêté attention au fin tatami devant lui. Se prenant les pieds dedans, il trébucha et renversa l'intégralité de la carafe sur Sa Majesté. L'Impératrice, choquée au premier abord resta coi, comme le reste de l'assemblée. Un silence s'abattit tout à coup. Personne ne savait comment réagir, pas même les serviteurs et l'Eunuque.

Kawamura-dono, toujours au sol, le front contre le vil tatami, retenait sa respiration. Il attendait la correction de l'Empereur, la peur au ventre.

Un rire tonitruant brisa le silence.

- Mon cher Kawamura-dono ! continua de rire l'Empereur. Je craignais que vous ne changiez en ayant frôlé la mort mais point du tout ! Vous m'en voyez ravi !

Aucun sujet ne comprit l'hilarité du Souverain. Avait-il aussi prit un coup de carafe sur la tête, emportant son esprit avec ? Était-il déjà enivré au point de ne s'apercevoir qu'il était mouillé de la tête aux pieds ?

- Je vous dois une punition... se reprit-il toujours souriant. Vous nettoierez les étagères et rangerez tous les rouleaux de la bibliothèque demain. Je veillerai moi-même à ce que vous l'exécutiez.

- Oui, Votre Majesté, répondit-il le front toujours sur le sol.

- Je vais me changer, je reviens, continuez sans moi, accorda-t-il.

Tous se levèrent et s'inclinèrent. Kazuma rejoignit sa place.

- Tu as encore fait fort... gronda gentiment Makoto.

- Peut-être qu'il va te prendre entre les étagères... chuchota Itsuki taquin.

- Hors de question ! répliquèrent en cœur Hokuto et Kazuma, attirant les regards curieux des concubins autour.

Quelques minutes plus tard, le Souverain revint, vêtu d'un kimono propre et les cheveux lâchés légèrement humides.

Certains concubins le complimentèrent, d'autres gémirent d'envie et les plus discrets, comme Kawamura, rougirent derrière leurs manches.

Les réactions et plus précisément, la réaction d'un certain concubin, fit sourire l'Empereur de satisfaction.

La soirée se termina, cette fois-ci, sans embûche.

Le lendemain matin, Kazuma attendait patiemment devant la bibliothèque impériale. Cela faisait quelques temps qu'elle n'avait pas été nettoyée. Les serviteurs étant trop occupés ailleurs, cette pièce était délaissée malgré le grand nombre de lecteurs.

- Vous voir de si bon matin me rend heureux, sourit l'Empereur en avançant vers lui.

- Votre Majesté, s'inclina-t-il. Je préfère davantage me trouver dans la bibliothèque que de me prélasser sur mon futon...

- Je suis certain que si vous ressentiez du désir à mon égard, vous préfériez vous détendre dans mon lit que d'être ici... taquina-t-il. Quoi que, l'un peu très bien se faire en même temps que l'autre...

Le jeune concubin préféra ne rien répondre. Un léger rougissement apparu sur ses joues hâlées, qu'il masqua immédiatement en se détournant. Ne remarquant pas le sourire satisfait du Souverain et ses yeux brillants d'amour.

- Je commence par le fond, proposa Kazuma. Je trierai les rouleaux après, par période, genre et auteurs si cela vous convient ?

- Comme il vous plaira, du moment que j'accède facilement à vos rouleaux... lança-t-il avec un clin d'oeil.

- Co-comment ? fut déstabilisé l'écrivain secret.

- Allez, mettez-vous au travail ou je vous dénonce à toute la Cour comme étant un écrivain de talent... menaça-t-il gentiment.

- Bien, Votre Majesté, je ne poserai pas de question... abdiqua-t-il toujours surpris.

Il s'attacha les manches avec la bande de tissu, les relevants jusqu'aux épaules. Le Souverain admira les bras forts du jeune homme. Ils étaient lisses et musclés, la peau avait l'air douce et robuste. Les avants-bras étaient parcourus d'un fin duvet brun. Les mains masculines, aux longs doigts fins et aux ongles impeccables lui donnèrent des frissons. Il rêvait qu'elles le caressent partout. Et il imaginait les toucher et remonter jusqu'à ses épaules viriles. Il voulait embrasser chaque parcelle de peau...

Il revint à lui, comprenant qu'il avait été pris sur le fait. Kawamura-dono le regardait avec embarras, les joues rosies.

- Votre Majesté, bafouilla-t-il, me permettez-vous de nettoyer l'étagère derrière vous...

- Oh oui, oui, je vous prie de m'excuser... sourit-il mal à l'aise.

Le concubin continua sa punition alors que le soleil arrivait à son zénith.

- Votre Majesté souhaite-t-elle une collation et du repos ? demanda-t-il avec prévenance.

- Vous pouvez terminer, j'ai tout mon temps... susurra-t-il tendrement, heureux de l'attention qu'il lui portait. Nous irons prendre le repas dans mes Appartements...

- Comme il vous plaira, Votre Majesté, s'inclina-t-il.

Soudain, un homme fracassa les battants de bois et le papier de riz des portes.

Il se jeta en direction de l'Empereur, un couteau à la main. Mais Kazuma, n'ayant oublié aucun des exercices d'art martiaux, s'interposa et contrat l'attaque avec un rouleau.

- Gardes ! Gardes ! hurla le Souverain, effrayé que son Favori ne soit blessé.

Quatre gardes et le Général arrivèrent au moment où le concubin parvint à immobiliser l'assaillant.

- Jetez-le dans une cellule et interrogé-le, ordonna le Général à ses hommes.

- Kawamura-dono ? appela Sa Majesté.

- Ne vous inquiétez pas, Votre Majesté, ce n'est rien... gémit-il.

L'Empereur haussa les sourcils. Le concubin était dos à lui et se tenant un bras. Inquiet, il ne put s'empêcher de le prendre dans une étreinte chaleureuse et de regarder la vilaine blessure. Il somma un des gardes d'aller quérir le médecin.

- Je vous assure que ce n'est rien ! insista le concubin en s'extirpant tant bien que mal de l'étreinte.

- C'est à moi d'en décider ! s'agaça-t-il. Vous vous êtes de nouveau blessé par ma faute, alors laissez moi m'en soucier...

Ikuta-dono pénétra dans la pièce et roula des yeux en voyant le concubin un bras en sang.

- Je passe plus de temps à vous soigner vous, que Sa Majesté ! déplora-t-il.

- Et si vous ne le faites pas rapidement, vous ne pourrez plus vous marier ! menaça l'Empereur.

- Marier ? s'étonna Kazuma oubliant sa blessure.

- Oui... sourit-il avec réserve. Avec la plus merveilleuse médecin de tout l'empire, Sugawara-dono...

- Alors faites ce que je vous demande, rappela le Souverain.

Il posa sa sacoche au sol et en sortit du baume et une bande de tissu propre. Kazuma lui montra son bras. Ce n'était, heureusement, qu'une éraflure. Le sang avait cessé de couler concluant qu'aucune veine ou artère n'était touchée.

Le concubin gratifia le médecin pour ses soins, avant de le féliciter pour son mariage, puis celui-ci partit en s'inclinant.

L'Empereur accompagna Kazuma sur le perron de son pavillon. Le jeune homme le remercia.

- Non, c'est à moi de vous remercier, mon tendre sauveur... chuchota-t-il.

Il se pencha vers son vis-à-vis et déposa délicatement ses lèvres sur son front. Il se recula, le salua de la main avec un large sourire et partit.

Kazuma passa par plusieurs états. Il avait pâlit lorsque Sa Majesté s'était penché vers lui. Puis il avait rougi en sentant la douceur des lèvres, et surtout, en sentant son cœur s'accélérer... Que se passait-il ? Bon sang, il en était resté coi. À l'endroit où elles s'étaient posées, la chaleur des lèvres était toujours présente. Le sourire et le geste tendre l'avaient profondément chamboulé... Ressentait-il quelque chose pour l'Empereur ? Plus que de l'admiration ?

La tête emplie de questions et de doutes, il fut coupé par Shohei-dono revenant du Palais. Il lui conta que l'homme qui l'avait blessé était un membre du clan Miura, envoyé par Miura-dono père. Le chef de clan estimait que ce qu'avait subi son fils était injuste et qu'il ne s'arrêterait pas à une seule tentative d'assassinat. Il ne déclarerait pas de guerre comme son fils était sauf mais l'Empereur ne devait, en aucun cas oublié, qu'il s'était fait des ennemis. Quant à l'assassin, il allait être décapité pendant la nuit. Aux yeux du Souverain, personne ne devait déroger à la règle, surtout quand on avait blessé son amour...

Le concubin rougit furieusement à cette révélation et rejoignit prestement sa chambre, sous le regard pétillant de son serviteur.

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