Chapitre 6 : La chrysalide mue en papillon
Mes années collège se sont achevées sur ce coup d’éclat — pas une crise passagère, non, mais une déflagration intérieure, une vérité qui jaillit et balaie tout sur son passage. La levée d’un secret que l’on croyait enfoui à jamais, comme ces mines oubliées sous les chemins de campagne, prêtes à exploser au premier pas trop franc.
Un de ces moments où l’on comprend, sans encore tout saisir, que plus rien ne sera jamais comme avant.
J’avais bien sûr mis mes cousines au courant, persuadée que la révélation ferait l’effet d’un électrochoc. Mais elles m’avaient regardée comme si je venais de leur annoncer qu’il allait pleuvoir : un haussement d’épaules, une gêne, un silence poli. Je ressentais chez elles une sorte d’aveuglement tranquille, comme si on leur avait appris très tôt à détourner le regard dès que ça piquait un peu les yeux ou que ça dérangeait l’ordre établi.
Notre complicité d’enfance, jadis fluide comme un ruisseau après la fonte des neiges, s’était réduite à quelques flaques tièdes et dispersées. Il restait bien, parfois, un éclat de rire, une tendresse furtive, mais c’était devenu rare — comme un parfum lointain sur un foulard oublié au fond d’un tiroir.
Ne partageant pas l’avis du camp majoritaire, j’ai fini par prendre mes distances — à petits pas d’abord, puis de manière plus tranchée, comme on s’écarte d’une pièce trop pleine d’ombres.
Je m’étais sentie trahie.
Pas par un geste, ni par des mots directs.
Non, par ce silence pesant, cette manière de faire comme si de rien n’était, ce repli sur soi si bien huilé qu’il en devenait presque esthétique.
Heureusement, maman n’était pas de ce bois-là.
Chez elle, le silence n’était jamais complet. Elle ne se réfugiait pas dans le flou rassurant des non-dits.
Elle, au moins, me tendait des morceaux de vérité — pas toujours bien découpés, parfois encore tremblants, mais sincères.
Depuis quelques années déjà, la culture du muguet était devenue la principale source de revenus de la ferme. Chaque printemps, c’était le même ballet : les hommes s’affairaient à l’aube sous les longs tunnels en plastique alignés dans les jardins, véritable royaume de cette matière providentielle. Le plastique retenait la chaleur quand le froid mordait encore les matins d’avril, et se coiffait d’un manteau noir lorsqu’il fallait filtrer les ardeurs d’un soleil trop précoce.
Pendant un mois entier avant la date fatidique de la Fête du Travail, toute la ferme — et nous avec — vivait au rythme capricieux du ciel. Il fallait à tout prix une floraison optimale, à point nommé. Les femmes, elles, s’installaient dans la cuisine de mémé et triaient les brins. Brins courts, brins longs, feuilles parfaites, tiges tordues. Les petits formaient de jolis bouquets destinés aux clients de passage, les grands partaient en bottes bien serrées vers les fleuristes.
L’or blanc.
C’est ainsi qu’on appelait ce fragile porte-bonheur, qui demandait tant de sueur pour une seule journée de vente : le 1er mai. Et ce jour-là, pas question de rater une tige — tout devait être impeccable, droit, net, aligné. Le moindre faux pas, et le bénéfice s’évaporait.
C’est dans ce décor ordonné, presque cérémonial, qu’un grain de sable est venu gripper la machine.
Un après-midi, alors que les femmes étaient en plein tri — leurs doigts agiles courant entre les paniers, les sécateurs, les ficelles — tante Marie est apparue sur l’écran du poste posé sur le frigo.
L’émission : Aujourd’hui Madame. Peu importe le thème du jour.
Dès que son visage est apparu, la tension est montée d’un cran.
— Elle a du toupet, celle-là ! Se faire passer pour une malheureuse et venir raconter ses salades à la télé ! Elle nous fera honte jusqu’au bout !
s’écria ma tante.
Par égard pour mémé, restée figée comme une statue sur sa chaise, elles ont éteint le son. Mais le mal était fait. Même sans entendre, elles savaient. Ou croyaient savoir.
Les langues se sont déliées, les jugements sont tombés comme une pluie froide sur une terre saturée.
Tatie, surtout, ne s’est pas fait prier pour charger la barque. Elle parlait fort, d’une voix sèche, comme si chaque mot était un clou qu’elle plantait dans le souvenir de sa belle-sœur.
— Marie ? Toujours à se plaindre, mais jamais à court d’une combine. Elle savait ce qu’elle faisait, cette fille-là. Et maintenant, elle voulait encore qu’on récupère ses gamins ? C’était trop facile.
Maman m’a raconté cette scène le soir. Presque à mi-voix, sans emphase, comme si les mots lui échappaient malgré elle.
— Tu sais, une assistante sociale est venue à la ferme l’année dernière. Marie avait eu trois autres enfants. Ils lui ont été retirés. Elle était fichée, jugée inapte. Et elle demandait si quelqu’un dans la famille pouvait les prendre.
J’avais le souffle coupé.
Trois autres enfants ? Et personne ne nous avait rien dit ?
— Mais… ils sont où, ces enfants ?
Maman a haussé les épaules, comme pour se protéger d’une douleur qu’elle ne voulait pas nommer.
— Mémé est trop vieille. Tatie a déjà cinq gosses. Et nous… on n’a même pas été consultés.
On dit qu’elle invente, Marie. Qu’elle fabule. Je ne sais pas quoi penser.
Je l’ai regardée, bouche bée. Une boule dans la gorge.
Un mélange de colère, de tristesse, d’incompréhension.
— Quoi ? Mais vous les avez laissés tomber ? Ce sont nos cousins, maman ! C’est pas juste…
Elle a soupiré. Les enfants avaient été confiés à la DDASS. L’État s’en chargerait.
Et là, tout s’est écroulé.
Toutes mes illusions sur les valeurs familiales se sont effondrées comme un vieux mur qui prend l’eau.
Le clan, la solidarité, le « on est une grande famille »... foutaises.
Quand ça craque, ça se replie, ça s’aveugle.
Et ceux qui tombent… tombent seuls.
Je me suis promis, ce jour-là, que je les retrouverais.
À la fin de la troisième, il fallut choisir une orientation.
Mon cœur me guidait vers l’art. Je dessinais depuis toujours, j’avais le trait facile, l’imagination vive.
Maurice, le frère de maman, m’avait remarquée dès mes premiers dessins. Lui-même était passé par les Beaux-Arts et travaillait dans la publicité. Un oncle charismatique, sûr de lui, un brin cabotin, mais brillant. Il m’encourageait. J’y croyais dur comme fer. Moi aussi, un jour, je serais une artiste.
Mais il fallait attendre d’avoir dix-sept ans pour s’inscrire et suivre les pas de tonton. Alors, en attendant, j’ai pris un CAP vendeuse-étalagiste. Je pensais naïvement que décorer des vitrines me ferait toucher du doigt ma vocation. Je me voyais déjà créant des ambiances féeriques derrière les grandes baies d’un grand magasin.
Mon vœu le plus cher ? Travailler dans l’art, quel qu’en soit le support. Être quelqu’un. Me démarquer du clan. Lustrer mes plumes et m’envoler dans un éclat de paillettes vers un avenir éblouissant.
Mais très vite, l’illusion s’est effritée.
La déco ? Tu parles.
Les vitrines féeriques, les ambiances raffinées ? Rien de tout cela.
On nous expédiait en stage dans des parfumeries haut de gamme ou des boutiques de luxe, avec l’élégance du balai en prime, bien serré dans un uniforme obligatoire de soubrette soi-disant chicos. À peine arrivées, déjà exploitées : manutentionnaires, femmes de ménage, petites mains invisibles.
Et si, par chance, on nous laissait toucher à un produit ou dire bonjour à un client, c’était vécu comme une faveur exceptionnelle, presque une consécration.
J’ai vite compris que l’on ne cherchait pas à former des décoratrices, encore moins des artistes, mais des exécutantes dociles, capables de sourire en silence et de courber l’échine sans faire de vagues.
Chez un parfumeur particulièrement arrogant, je faisais tout : poussière, rangement, présentation, balayage — et le soir venu, rebelote. Il régnait sur sa boutique comme un petit marquis au nez poudré, exigeant et condescendant. Le tout avec l’aval bienveillant de la directrice de l’école, pour qui obéissance rimait avec excellence.
Un jour, en fermant les volets, j’ai vu mon reflet dans la vitrine à peine éclairée.
J’avais l’air éteinte, le geste mécanique, le sourire forcé. Quelque chose en moi a craqué.
Alors j’ai pris mon balai, et pour une fois, je l’ai utilisé comme il se doit : j’ai tout balayé.
Le parfumeur, ses manies, la directrice et ses principes. Et avec eux, mes illusions d’apprentie styliste.
C’était fini. J’avais besoin d’air. Et surtout, besoin de vérité.
Mamie Jeanne, je la connaissais bien.
C’est chez elle que je dormais deux fois par semaine pendant mes stages, pour m’éviter les longs trajets en bus.
Son appartement sentait la cire, le linge propre… et un peu le renfermé aussi.
J’y retrouvais une routine stable, des repas pris à heure fixe, un confort silencieux. Et puis, entre une tisane et un gratin, je glanais des bribes de son histoire, des commentaires sibyllins sur les uns et les autres, des regards en coin qui en disaient long.
Maurice, c’était son chef-d’œuvre.
Il faut dire qu’elle y avait mis le paquet — même si elle jurait que non.
À chaque fois que je lui posais la question, elle levait les yeux au ciel, faussement indignée :
— Oh tu sais, il était doué. Il n’a pas eu besoin de mon aide, ton oncle. Il s’est fait tout seul.
Mouais. Pas complètement.
Je soupçonnais depuis toujours une stratégie bien huilée, des ambitions maternelles glissées entre deux olives, un carreau de chocolat et quelques praires citronnées. Elle avait misé sur lui, et il avait gagné.
D’ailleurs, je ne l’ai jamais crue quand elle affirmait que le prénom Maurice était un pur hasard.
— Maurice Chevalier ?
— Oh non, voyons ! On n’y a même pas pensé, ton papy et moi…
Vraiment ?
Dans les années trente, le chanteur était partout : au cinéma, à la radio, dans les bals… Avec son canotier, sa gouaille, ses refrains qui faisaient tourner les têtes.
— Et toi, Mamie, tu aurais donné ce prénom-là, sans y penser ?
Moi, j’ai toujours eu un doute. Elle devait être fan, sans vouloir l’avouer.
Et puis, soyons honnêtes : elle lui avait donné un nom qui sonne, qui claque, qui se retient.
Maurice Chevalier. Comme une promesse. Comme une affiche.
Je voyais bien l’éclat dans ses yeux quand elle le prononçait tout haut.
Comme si, à travers lui, un peu de paillettes s’étaient glissées dans le linge propre de son quotidien.
Un sur deux, c’était déjà pas mal.
Chez nous, c’était la tradition : une fois par semaine, Maurice venait souper avec sa femme.
Mimi. Toujours bien mise, coiffée comme une actrice de série télé, elle avait une élégance discrète, savamment étudiée, qui transformait la salle à manger en décor de film.
Je la regardais avec mes yeux d’enfant — fascinée.
Elle semblait sortie tout droit d’un rêve en soie et en talons fins.
Après leur départ, lorsque je m’exclamais :
— T’as vu, maman, comme elle avait une belle robe, Tata ?
Elle rétorquait automatiquement :
— C’est facile, quand on n’a pas d’enfants, de ne s’occuper que de son derrière. Tu sais, Bérénice, quand je l’ai connue, quand elle a commencé à fréquenter mon frère, c’était moi qui portais de beaux habits. Papy me créait plein de vêtements à la mode. Pas difficile d’être bien habillée quand on a de l’argent. Mais ça, ça ne fait pas la valeur d’une personne.
Moi, je me disais à l’époque que c’était la jalousie qui la guidait…
Maurice ne se déplaçait jamais sans une spécialité de la Halle de Lyon ou un plat raffiné de chez un traiteur au nom imprononçable. La gastronomie était son langage, et chaque bouchée, un petit rappel qu’il évoluait dans un autre monde que le nôtre.
Les conversations filaient, relevées d’anecdotes de bureau, de récits de voyages, de fêtes grandioses, de collègues excentriques et de phrases toutes faites, distillées comme des perles.
Et parfois, un mot de trop, une blague salée, un clin d’œil grivois, qui nous laissait, nous les enfants, mi-hilares, mi-médusés.
Il nous décrivait des scènes de liesse où ses amis et lui se retrouvaient à poil dans une baignoire remplie de champagne — des bulles que nous goûtions les grands jours en trempant le bout des lèvres dans les coupes de nos parents.
Tout cela formait un tableau complet — un univers parallèle à notre quotidien.
Un espace-temps, presque irréel, mais qui nourrissait notre imaginaire.
Dire que mes parents ont compris et accepté ma rupture avec les “études”, ce serait aller un peu vite en besogne.
Mais disons qu’ils n’ont pas fait de drame. Avec tous les autres gosses à gérer, mon besoin d’indépendance tombait plutôt bien.
Moins une bouche à nourrir, moins une paire de chaussures à acheter, moins de trajets à financer.
Ce n’était pas un abandon — plutôt un soulagement logistique, et peut-être même financier.
Au fond, ils se disaient sûrement que mes rêves de grandeur s’aplaniraient avec le temps.
Que la réalité me ramènerait doucement sur terre.
Que le monde finirait par me tasser un peu les ailes.
Ils me laissaient faire mes choix, oui — mais avec ce petit espoir… en coin, que la vie se chargerait de tempérer mes élans.
Ce vœu pieux se heurtait à une réalité : déambuler dans la ville grouillante, je ne m’y sentais pas en terre étrangère.
J’avais découvert le savoir-vivre à la lyonnaise avec ma grand-mère maternelle, qui me prenait régulièrement pour les vacances scolaires. Nous partions faire du lèche-vitrine dans les beaux quartiers — elle, toujours habillée sur son trente-et-un, pommadée, coiffée à la dernière mode. La rue de la République avec ses magasins luxueux, la place Bellecour où l’on se montrait… ces lieux fantastiques ont alimenté mes rêveries de petite campagnarde. L’envie de prendre en marche le train de la liberté, mes ambitions artistiques laissées sur le quai dans la valise de mes désillusions.
C’est comme ça que j’ai atterri chez Jelmoli. Pas en ville, non, mais dans le centre commercial flambant neuf de la Part-Dieu. Ouvert en 1975, ce mastodonte était à l’époque le premier centre commercial de cette envergure en Europe, et Jelmoli l’un de ses grands magasins inauguraux.
Chaque matin, à deux enjambées de chez Mamie Jeanne, je traversais les allées vastes et lumineuses, entre boutiques, cinéma et escalators rutilants, pour rejoindre le rayon où l’on m’avait assignée. Ils m’ont embauchée assez vite. Je parlais bien, je souriais sans être coincée — bref, j’avais ce profil lisse qu’on forme en trois tutoriels et qu’on jette dans la foule d’acheteurs compulsifs, happés par ce nouveau mode de vente super attractif.
Ce n’était pas juste un job : c’était mon premier vrai pied dans le monde adulte. Celui où tu signes des fiches de paie, où tu regardes ton compte en banque comme un trésor retrouvé. Je pliais des jupes en soie, j’organisais des piles parfaites. Sans jamais pouvoir approcher la tenue d’exposition que je ne pourrais pas m’offrir.
Et quand, dans les escaliers mécaniques, je passais devant les vitrines que je rêvais de créer un jour, j’imaginais le moment où mon nom s’y afficherait, avec des tissus que j’aurais choisis, une lumière que j’aurais sculptée.
Mais en attendant, je rangeais les cintres et passais mon badge à l’entrée.
Les jours se suivaient, rythmés par les mêmes annonces en boucle dans les haut-parleurs, les mêmes sourires mécaniques aux clientes pressées, les mêmes allers-retours jusqu’à la réserve — ce ventre sombre où s’empilaient les cartons et les rêves froissés.
J’observais tout.
Les vendeuses plus âgées, déjà abîmées par les horaires coupés, les remarques des chefs, les faux sourires à afficher même quand on a mal aux pieds ou qu’on vient de se faire larguer.
Les jeunes aussi, comme moi, qui jouaient à la grande vie tout en économisant chaque centime pour s’acheter un jean en solde ou une crème miracle.
Ce grand magasin, c’était une ruche climatisée, où chacune s’affairait, luisante de bonne volonté, sous la lumière crue des néons.
Et pourtant… il y avait quelque chose de grisant.
Tenir son badge, son talon de paie, glisser son sandwich dans un sac en cuir bas de gamme mais choisi avec soin.
Gagner son propre argent. Pouvoir acheter ses collants filés sans devoir justifier. Sortir de la case « à charge ».
Ça, c’était précieux.
Chez Mamie Jeanne, le soir, je racontais peu.
Elle, elle préparait ma soupe, repassait mes blouses, et commentait distraitement les nouvelles en attendant Les Dossiers de l’écran.
Moi, je regardais le plafond, déjà ailleurs, le cœur tiraillé entre cette première liberté conquise et le pressentiment sourd que ce monde-là, aussi bien repassé soit-il, n’était pas le mien.
J’ai compris assez vite qu’il y avait une sacrée différence entre ce que j’avais fantasmé et la réalité du terrain.
Dans les rayons, pas de place pour la créativité : il fallait plier, ranger, étiqueter, sourire. Et surtout, se taire.
Je faisais de mon mieux, avec application.
Mais la découverte de cette grande machine commerciale m’a fait l’effet d’une douche froide.
Tout brillait, oui, mais ce n’était pas pour nous.
Ce monde de consommation ne m’inspirait rien d’autre qu’un vague malaise.
Alors je me suis dit qu’il me fallait trouver une autre voie.
Ce n’était qu’un début. Je voulais encore croire qu’un jour, je pourrais m’envoler ailleurs. Vers quelque chose de plus grand. De plus beau. De plus juste.
Et puis, doucement, j’ai commencé à sortir le soir.
À découvrir une autre vie, faite de musique enivrante, de rires qui résonnaient tard, d’amitiés éphémères mais intenses.
Ce vent de liberté, je le respirais à pleins poumons.
Mais ce n’était pas du goût de Mamie Jeanne.
Les remarques ont fusé : sur les filles trop maquillées, trop libres, trop vulgaires à son goût.
À mes 17 ans, comme cadeau d’anniversaire, elle m’envoya la remarque de trop :
— Tu ressembles à une rouleuse de barrière avec ta robe noire et ton maquillage, ma petite !
La référence à ces filles soi-disant faciles, cherchant l’aventure — plus vulgairement, des putes — me poursuivait.
Les réflexions sur mes jupes trop moulantes, mes yeux trop charbonnés, mes allures de petite dévergondée…
Je ne supportais plus ses réprimandes, ni ses jugements glacés.
Alors j’ai déserté son appartement.
Je reprenais le bus matin et soir, même si c’était long, même si c’était fatiguant.
Mais c’était le prix de ma liberté.
Maman, qui avait tant souffert de ses réflexions acerbes, me donnait raison.
Elle respectait mon droit de devenir celle que je voulais être — même si je ne savais pas encore exactement qui.
J’avais acquis mon indépendance financière et faisais ce dont j’avais envie.
Ça a duré une petite année.
Puis j’en ai eu marre.
J’étais perdue dans cette fourmilière, entre un boulot peu motivant et la course au chiffre pour décrocher la prime de fin de mois.
Résultat : une ambiance lamentable entre les vendeuses. Rien qui donne envie de faire carrière.
Mon côté « à part » refaisait surface.
Dévorée d’une envie d’autre chose !
Signe de la providence : l’épicerie du village, sur la place de la mairie, était en vente.
L’occasion était trop belle. Il fallait la saisir.
C’était une évidence.

Annotations
Versions