Les pâtisseries
Je marche dans les rues du district de Trost, en direction du quartier général du bataillon d'exploration. Nous sommes en fin de journée, mais le ciel est clair et dégagé et il fait bon, tant mieux. En passant par l'une des rues les plus fréquentées de la ville, j'entends une voix m'interpeller :
- Bonsoir, monsieur ! Vous êtes en chemin pour rentrer chez vous, n'est-ce pas ? Achetez-donc quelques pâtisseries pour votre famille, ça leur fera plaisir.
Je me retourne pour voir un homme d'âge moyen, vêtu d'un tablier blanc et portant dans ses mains un plateau rempli de gâteaux. Je réalise alors que je viens de passer juste devant sa boutique et qu'il en a profité pour tenter sa chance et gagner encore un client avant la fin de sa journée de travail.
Je suis sur le point de refuser sa proposition car, de toute façon, je n'ai plus aucune famille. Ma mère est morte sous mes yeux alors que je n'étais encore qu'un gamin et j'ai assisté aux derniers instants de mon oncle il y a peu. Ils étaient ma seule et unique famille, mais ils ne sont plus.
C'est alors que les visages des membres de mon escouade me viennent en tête. Cela leur fera sûrement plaisir d'avoir quelque chose de sucré à se mettre sous la dent. Je dis donc au vendeur :
- D'accord, j'en prends sept.
Le sourire commercial qu'il arbore s'élargit et il répond :
- Tout de suite, monsieur !
Il retourne dans sa boutique pour emballer les pâtisseries qu'il m'a présentées sur le plateau et revient bientôt avec une boite, qu'il me tend. Je la prends et lui donne de l'autre main quelques pièces, puis tourne les talons, tandis qu'il me lance :
- Merci et bonne soirée !
Je ne prends pas la peine de lui répondre et continue mon chemin. Après encore quelques minutes de marche, j'arrive enfin devant le grand et massif bâtiment en pierre qui constitue notre quartier général. J'en pousse les grandes portes en bois et pénétre dans la bâtisse. En arrivant dans le réfectoire, je trouve les membres de mon escouade assis à une table. Je savais que je les trouverai là car ils ont l'habitude de se réunir quotidiennement ici pour discuter, manger et passer du temps ensemble. La plupart d'entre eux ne sont encore que des gamins. Il n'y a qu'Éléonore qui ait atteint l'âge adulte.
Je m'approche de la table en bois où ils sont assis et pose la boite dessus. Ils tournent tous la tête vers moi et me saluent en choeur :
- Bonsoir caporal !
- Salut.
- Qu'est-ce que c'est ? demande Armin avec curiosité.
Je n'ai même pas le temps de lui répondre : Sasha se met à humer l'air, puis ouvre des yeux ronds en s'exclamant :
- Ne me dites pas que c'est ce à quoi je pense !
- Si ce à quoi tu penses c'est des patisseries, alors oui, c'est ça.
Ses yeux noisette commencent à briller, tandis que de la bave coule de sa bouche grande ouverte jusqu'à son menton. Elle se jette sur la boite et arrache presque le couvercle en l'ouvrant. Lorsqu'elle voit les pâtisseries, ses yeux redoublent de brillance et elle s'exclame :
- Oh, elles sont magnifiques !
Elle en attrape une sans plus attendre et la fourre dans sa bouche. Des larmes de plaisir coulent sur ses joues pendant qu'elle sanglote :
- Merci, caporal !
- Tch ! Arrête de pleurer sans raison et ne bave pas sur les gâteaux, pauvre gourde, c'est répugnant !
Mais, complètement omnibulée par ce qu'elle dévore, elle ne m'écoute pas. Je lâche un soupir d'agaçement. Jean attrape la brune par sa queue de cheval :
- Tu n'as pas entendu le caporal, ou quoi ? Arrête de baver, tu vas couvrir nos parts de ta salive, c'est dégoûtant !
- Il a raison, ajoute Conny, et ne t'avise pas de te resservir !
En voyant ça, je commence à me demander si c'était une bonne idée de les leur acheter. Dès que ça parle de nourriture, ces gamins, en premier lieu Sasha, son incapables de se tenir correctement.
Finalement, après avoir englouti sa friandise, la jeune fille pousse un soupir de satisfaction en frottant son estomac. Les autres profitent de ce moment de répit pour se servir à leur tour. Une fois que chacun a son gâteau entre les mains, Éléonore regarde la boite vide avant de lever ses yeux bleus vers moi :
- Caporal ?
- Hmm ?
- Vous n'en avez pas pris pour vous ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Je n'en avais tout simplement pas envie.
Elle m'observe en silence pendant quelques secondes, avant de sourire :
- Merci, en tout cas. C'est vraiment très gentil de votre part !
- Oui, merci caporal ! m'adressent les autres.
- Taisez-vous et mangez avant que Sasha ne se jette sur vos parts.
Ils éclatent de rire, pendant que leur amie prend un air indigné :
- Moi, me jeter sur la part des autres ? Qu'est-ce qui vous prend de dire ça ? Je ne suis quand même pas une voleuse ! Par contre, si quelqu'un ne veut pas de sa pâtisserie . . .
- Même pas en rêve ! lui lancent Conny et Jean.
Les autres rient, amusés par la situation. Finalement, c'était vraiment une bonne idée de les leur acheter. Leurs sourires sont loin d'être aussi désagréables que leur vacarme.
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