Dans la neige

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J’ai rayé mon grand-père de la liste. J’ai beau ressasser toutes les personnes de ma famille, je n’arrive pas à en trouver une qui soit compatible. Je ne comprends pas. Normalement, le cas où les pouvoirs sont transmis d’un grand-parent sont très rares. Je commence à en avoir ma claque, du monde de la sorcellerie. Pourquoi faut-il qu’il y ait deux fois plus d’embûches qui me tombent dessus que les autres? C’était pas assez que je sois super en retard sur tous les autres? Il faut en plus que je me débrouille pour chercher mes origines! Pourquoi tout est toujours plus compliqué pour moi?

Une larme coule sur ma joue. Ma déception après tant d’espoir d’enfin comprendre…

J’étouffe. Je suis carrément en train de me liquéfier, entre mes larmes et ma sueur. J’ai de la misère à reprendre mon souffle. J’ai l’impression d’avoir couru un marathon. Ma vision, déjà brouillée à cause de mes larmes, s’obscurcie. Je ressens un picotement incontrôlable dans mes mains. Je porte ma main à ma poche de veste (je l’ai retrouvée, en effet), où je garde une petite réserve de poudre magique. Avant que j’aie pu faire quoi que ce soit, une force extérieure s’empare de moi et je me lève et je pousse la porte pour sortir dehors.

La fraicheur extérieure me fait du bien. La porte claque derrière moi, mais je l’entends à peine. Aucune alarme ne se déclenche, heureusement. Je prends des grandes inspirations. Puis je me rends compte qu’on a frôlé la catastrophe. J’allais jeter un sort, peut-être faire tout exploser.

J’éclate en sanglots. J’aurais tellement besoin de quelqu’un pour me guider! Laissée à moi-même, je ne peux rien espérer.

Je suis à l’arrière du bâtiment, dans le stationnement. L’air est froid et sec. Il n’y a aucune neige qui tombe. Je me couche par terre, dans la neige. Ma petite veste ne me protège pas vraiment du froid. La neige me coule dans le dos. J’ai presque envie de m’endormir.

Je me réveille. Rien ne semble avoir bougé dans le stationnement. Je gèle. Je regarde ma montre. Je pousse un soupir de soulagement. Ça ne fait qu’une dizaine de minutes que je suis couchée là. Avec un peu de chance, personne n’a remarqué ma disparition.

Je me lève, chancelante. Je pousse la porte. Elle ne bouge pas. Merde! Je suis embarrée dehors, et la protection que mes pouvoirs magiques m’offraient contre le froid a visiblement cessée, puisque je grelotte. Je devrais déjà m’estimer heureuse de n’être pas morte d’hypothermie. Je plonge ma main dans ma poche.

- flambus.

Je n’arrive qu’à produire des étincelles. Je réessaye. Je n’arrive pas plus à faire un feu.

Je me résous à repasser par devant. Le problème, c’est qu’il faut sonner et parler à quelqu’un pour se faire débarrer la porte. Je guette le hall. Il est à peine 7h30, mais il est totalement vide. Lentement, j’appuie sur le bouton qui sonne dans la salle des fêtes. Une voix légèrement essoufflée me répond.

- Oui?

- Euh… Allô? Est-ce que vous pourriez ouvrir?

- Qui es-tu?

- Euh… Laurie. Ann. Laurie-Ann.

- Attends deux secondes.

J’entends des voix en arrière-plan, puis la sonnerie de débarrage de porte retentit. Je me glisse à l’intérieur. Ça va être ma fête si ma mère l’apprend…

Les ascenseurs m'ont toujours troublée. Premièrement, j'ai toujours peur qu'ils tombent en panne au milieu, entre deux étages. Et deuxièmement, c'est super malaisant quand il y a un inconnu avec moi. Pourtant aujourd'hui, pas d'inconnu en vue. J'ai l'impression d'être dans un état second quand j'appuie sur le bouton sous-sol. Puis j'attends que les portes se ferment, oubliant le bouton « fermer les portes ». La descente, même si ce n'est que d'un étage, me semble durer de longues minutes. J'ai l'impression d'être saoule, même si je n'ai pas bu une goutte d'alcool. À la lumière des néons, sur le gris métallique des parois, je vois mon reflet. Je peux voir que mon visage est neutre, sans émotion. J’ai l’impression d’être tout le temps dans des états pas possibles, depuis que je sais que je suis une sorcière. Ça commence à me taper sur les nerfs.
L'ascenseur s'arrête. Ça me prend plusieurs seconde avant de m'en rendre compte et de sortir In extremis de là. Les portes manquent de me pincer (ma troisième plus grande peur dans la vie, après me retrouver coincée entre deux étages dans l’ascenseur et tomber dans les rails du métro)
Je fais quelques pas en direction de la salle des fêtes, où l'ambiance semble être un peu retombée. Les gens partent tôt, dans ces soirées. Soudain, ma mère sort de nulle part et marche vers moi, furieuse.
- Qu'est-ce que tu fichais dehors ?!
- Quoi? J'étais...
- Maryse m'a dit que tu l'avais appelée à l'interphone. De dehors. Qu'est-ce que tu fichais là, bon sang ?!
- Ben là... J'étouffais, faque j'suis allée prendre l'air.
- Dehors, en plein hiver ?! Qu'est-ce qui t'es passé par la tête, coudonc? Je te cherchais partout, moi !! Et pourquoi t'es toute mouillée?
- J'suis tombée dans la neige.
Un long moment, mettons.
- En tout cas... Viens dire bye à tes cousins, là!
- Y partent déjà ??
On est toujours les derniers à rester, dans ces soirées. Donc je suis pognée pour faire la vaisselle. Mais genre, ç'a aucun bon sens le nombre de tasses que Ghyslaine a! Et le pire, c’est qu'elles ne servent qu'une fois dans l'année. Ça sert à quoi d'avoir autant de tasses quand on vit seule?
Tiens tiens, d'ailleurs... Ça existerait pas, un sort pour faire la vaisselle? Ça serait bien pratique. Faut que je demande à mes amis (ou à un livre)! 

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