Le Miracle Maudit

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Misérabilis était un village habitué à la souffrance. Chaque jour, ses habitants subissaient des catastrophes aussi absurdes qu’inévitables. Jean-Désastre, par exemple, ne pouvait pas faire un pas sans glisser sur quelque chose. Gisèle, elle, n’avait jamais connu un bon jour sans qu’un malheur ne le gâche. Quant à Roger, il était le seul boulanger au monde dont le pain pouvait casser des dents… et pourtant, il avait des clients, car tout le monde ici souffrait autant que lui.
Mais ce matin-là, quelque chose changea.
Il n’y eut ni cri, ni explosion, ni geyser de yaourt vengeur. Rien. Juste un silence suspect. Un silence comme celui d’un chat qui vous fixe, juste avant de faire tomber un verre. Et pourtant… rien ne tomba.
Bernard l’Optimiste, après des années de réflexion et de prières secrètes aux dieux du Karma, trouva la solution : inverser la malchance du village.
— Ça suffit ! déclara-t-il en montant sur une boîte en carton au milieu de la place du marché.
Les villageois se rassemblèrent, curieux.
— Nous méritons mieux ! Il est temps de dire adieu à la malchance !
Un silence perplexe suivit.
Puis Gisèle soupira.
— Bernard, la dernière fois que tu as voulu changer notre sort, tu as peint un trèfle à quatre feuilles sur chaque porte.
— Oui, et ?
— On a eu une invasion de lapins mutants mangeurs de meubles.
— … D’accord, mauvais exemple. Mais cette fois, j’ai un vrai plan !
Derrière lui, une fanfare invisible semblait jouer un air de triomphe silencieux. Il avait répété ce discours devant son miroir pendant quinze jours. À chaque fois, le miroir se fissurait — un signe, selon lui, que l’Univers validait son projet.
Il brandit un parchemin rempli de symboles étranges et d’équations incompréhensibles.
— J’ai trouvé un rituel qui va rétablir l’équilibre cosmique et nous libérer de notre destin tragique !
— Et c’est sûr que ça marche ? demanda Roger en croisant les bras.
— À 99 %.
— Et le 1 % restant ?
— Le seul risque, c’est qu’on implose dans une bulle de karma inversé et qu’on se transforme tous en flans télépathiques.
Silence.
— C’est mieux que les pigeons, souffla quelqu’un dans.
Silence.
Puis Jean-Désastre haussa les épaules.
— Franchement, vu ce qu’on vit tous les jours, ça vaut le coup d’essayer.
Le village entier se réunit cette nuit-là autour du plus grand cercle de runes jamais dessiné avec de la farine et du jus de betterave. Bernard récita des incantations volées à un vieux grimoire oublié dans une cave.
Roger avait failli tracer le cercle avec du sucre, mais un essaim de fourmis fanatiques interrompit la cérémonie précédente. Cette fois, ils choisirent farine et jus de betterave : les ingrédients les moins agressifs du village.
Le ciel s’assombrit.
Le vent se leva.
Un éclair frappa le centre du cercle, illuminant les visages terrifiés des villageois.
Puis…
Plus rien.
Le lendemain matin, le village semblait… normal.
— Bof, marmonna Gisèle. C’était encore une arnaque.
Mais au moment où elle mit un pied dehors… elle ne trébucha pas.
Jean-Désastre descendit les escaliers sans tomber.
Même le parquet grinçait avec respect. Il n’y avait plus de clou tordu, plus de marche perfide. Il pensa un instant qu’il rêvait… mais aucun rêve n’avait jamais été aussi... fade.
Roger mordit dans son pain… et ne se brisa aucune dent.
Le miracle était arrivé. Ils étaient enfin libres !
Ou du moins, c’est ce qu’ils croyaient…
Et pourtant, dans l’air flottait une odeur étrange. Pas de banane. Pas d’angoisse. Juste une impression tenace : quelque chose n’allait pas. Le bonheur… sonnait faux.

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