Le Temps des Paradoxes
Les quatre amis se tenaient devant un vide d’absurde, où l’air lui-même semblait se tordre, une texture étrange qui défiait toute logique. L’Univers qu’ils avaient créé, ou plutôt celui qu’ils avaient perturbé à leur manière, était maintenant un enchevêtrement de lignes et de points de fuite. La frontière entre la réalité et l’imaginaire s’était estompée, les deux se mêlant dans une danse surréaliste.
Jean-Désastre, le regard fixant un nuage qui se tordait comme une spirale géante, parla le premier.
— Alors, on fait quoi maintenant ?
La question semblait aussi absurde que l’Univers autour d’eux. La réponse était pourtant évidente : rien. Ils étaient arrivés à un point où même l’action semblait dénuée de sens, un terrain de jeu où tout était possible, mais rien n’avait réellement de valeur.
Gisèle, d’un ton presque résigné, répondit en regardant un arbre à l'envers, suspendu dans les airs par des racines lumineuses.
— Je ne sais pas. Peut-être qu’il n’y a rien à faire. On a déjà tout brisé. Elle haussait les épaules, comme si l’idée même de réparer quoi que ce soit lui paraissait ridicule. On a inventé un monde qui se nourrit de nos incohérences.
Roger, toujours plus philosophe dans ce monde déroutant, se mit à tourner en rond, comme pris dans une spirale mentale.
— Et si tout ça n’était qu’un cercle vicieux ? Il se tourna vers eux, une question flottant dans ses yeux. Peut-être qu’on est condamnés à recommencer encore et encore, dans des versions infinies de ce qui se passe ici.
— Un paradoxe ? suggéra Bernard, d’un ton moqueur. On doit choisir de ne pas choisir, peut-être ?
La réponse du Narrateur Suprême apparut alors, comme une voix qui émergeait d’un rêve.
— Exactement. Il se matérialisa devant eux dans un éclair de lumière, se fondant et se déformant dans des formes qui n’appartenaient à aucune dimension connue. Vous êtes pris dans un paradoxe, mes amis. Un choix sans choix, une fin sans fin. Vous avez libéré l’absurde, et il est maintenant votre maître, comme vous êtes les créateurs de ce monde sans règles.
Les amis se regardèrent, un frisson d’incompréhension parcourant leurs esprits. Le temps lui-même semblait jouer contre eux, se tordant comme une écharpe jetée par-dessus une épaule invisible.
— Mais, c’est ça l’absurde, non ? murmura Gisèle, les yeux remplis de confusion. Le choix et la liberté qui n’en sont pas vraiment.
Le Narrateur Suprême sourit, une lueur étrange dans son regard.
— Exactement. Vous avez libéré le chaos, mais vous en êtes devenus les prisonniers. Et c’est cela le véritable paradoxe : vous êtes à la fois le créateur et la créature de cet univers.
Ils étaient coincés dans une boucle sans fin, où chaque question n’apportait aucune réponse et chaque réponse menait à une autre question. Le monde autour d’eux était à la fois figé et en mouvement, un flot incessant de contradictions infinies.
— Alors, si on est prisonniers de tout ça, comment sortir ? demanda Bernard, les sourcils froncés, cherchant une issue dans ce labyrinthe mental.
Le Narrateur se contenta de hausser les épaules, comme s’il venait de leur faire comprendre une vérité évidente.
— Il n’y a pas de sortie. Parce que tout est déjà là. Vous vivez dans un univers qui a été écrit avant même que vous n’y soyez. Et c’est peut-être ça le plus grand paradoxe de tous : comprendre qu’il n’y a rien à comprendre.
Jean-Désastre éclata de rire, un rire pur et libérateur. C’était la seule réponse à une question sans réponse, un cri de liberté dans un monde où il n’y avait plus ni liberté ni prison.
— C’est absurde, et j’adore ça.
Les autres rirent à leur tour, et la scène sembla se suspendre dans un instant suspendu, figé dans le chaos. Ils étaient tous devenus les acteurs et les spectateurs de cette farce cosmique.
Et alors qu'ils se laissaient engloutir dans la spirale de l’absurde, une dernière pensée leur traversa l’esprit.
Dans cet Univers, peut-être que la seule vérité, c’était qu’il n’y avait pas de vérité. Et dans cet instant, tout devenait possible.
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