Le Retour de l’Inconnu
La scène était d’une simplicité déstabilisante. Tout était devenu une vaste étendue de rien, un espace entre deux respirations, suspendu dans un silence absolu. Les amis se tenaient là, toujours un peu perdus dans leur propre absurdité, tandis que l’Univers autour d’eux semblait s’être figé dans un temps suspendu. Aucun vent, aucun bruit, rien, juste l’écho lointain de leurs propres pensées.
Jean-Désastre se tourna vers le groupe, un sourire taquin se dessinant sur ses lèvres.
— Alors, mes chers amis, est-ce que ce chaos d’infini vous plaît toujours ?
Les autres restèrent silencieux, absorbés par cette étrange sensation de flottement sans fin. Ils se rendirent vite compte que, malgré leur liberté apparente, ils étaient toujours coincés dans cette boucle sans issue, cette ligne temporelle déformée.
Gisèle, un peu irritée par le tourbillon d’incertitudes, se haussait les épaules.
— Franchement, Jean-Désastre, je commence à me demander si c’est encore mieux que ce qu’on avait avant. Ce n’est même pas du chaos agréable, c’est un genre de… pur flou existentiel.
Roger, qui observait avec intérêt un papillon géant qui changeait constamment de forme, soupira.
— C’est vrai. On a voulu tout déconstruire, et maintenant on ne sait plus comment reconstruire quoi que ce soit. Peut-être que tout ce qu’on a créé, c’est un vide sans fin.
Bernard, toujours plus pragmatique malgré tout, secoua la tête, exaspéré par la situation.
— Le vrai problème, c’est qu’on a arrêté de savoir ce qu’on voulait vraiment. Ce que nous avons devant nous, ce n’est pas une liberté pure, c’est un espace sans définition. Il prit une pause avant d’ajouter, d’un ton ironique. Et peut-être qu’on est en train de devenir des spectateurs de notre propre folie.
Tout à coup, un gros bruit de fracas se fit entendre, comme si une masse gigantesque venait de s’écraser dans leur dimension. Le sol trembla légèrement sous leurs pieds, et un rayon lumineux perça la brume qui enveloppait l’espace.
Ils se retournèrent tous simultanément pour voir apparaître une silhouette lumineuse, une forme indistincte qui flottait devant eux, comme si elle n’appartenait à aucune réalité. La lumière oscillait entre des tons d’or et de bleu, chaque mouvement semblait défier les lois mêmes de la perception.
Le Narrateur Suprême, apparu plus étrange que jamais, prit la parole d’une voix calme mais puissante.
— Vous avez voulu briser les chaînes de l’ordre. Vous avez voulu réécrire l’Univers. Mais… maintenant vous faites face à une question plus étrange encore : que faire quand la création elle-même est devenue une prison ?
Les quatre amis se figèrent, leur regard se croisant dans un mélange d’incompréhension et de crainte.
— Nous avons tout… détruit ? osa demander Gisèle, la voix tremblante.
Le Narrateur hocha lentement la tête.
— Non, vous n’avez pas détruit l’Univers. Vous avez simplement effacé toute logique. Vous êtes maintenant dans un lieu où l’absurde est roi, mais où il n’existe pas de règles pour le guider. Vous avez joué à être des dieux sans savoir ce que cela implique. Il marqua une pause, ses yeux scintillant d’une lueur malicieuse. Et maintenant, il est temps de voir si vous pouvez vraiment maîtriser ce que vous avez libéré. Un silence pesant s’abattit.
Puis, derrière eux, une voix apparut. Ce n’était ni humaine, ni divine. C’était… une de leurs créations.
Une créature née de leur rêve absurde : une horloge parlante en forme de chaussette, qui clignait du temps.
— Vous m’avez fait naître... Pourquoi ?
Elle cligna lentement.
— Vous m’avez donné conscience, mais pas d’objectif.
Bernard recula, horrifié.
— On... on n’a pas voulu ça.
La chaussette explosa en pluie de confettis, laissant derrière elle un panneau : « Même les idées absurdes veulent vivre. »
Roger, visiblement agacé par cette révélation, se tourna vers l’étrange figure.
— Et maintenant ? Qu’est-ce que vous attendez de nous ? Sa voix tremblait à peine, mais l’intensité de sa question résonna dans le vide.
Le Narrateur Suprême sourit de façon énigmatique, sa silhouette se changeant en un éclat de lumière étincelante.
— Je ne vous demande rien. L’absurde n’attend rien. Mais l’important, mes chers amis, c’est que vous avez maintenant à choisir. Vous devez créer l’ultime fin, l’ultime début. Cette fois, il n’y a plus de règles, plus de limites. Il ne vous reste qu’une seule vérité : vous êtes les auteurs de l’absurde.
Les quatre amis se retrouvèrent, à cet instant précis, face à un choix monumental, qui allait déterminer non seulement leur sort mais aussi celui de l’Univers qu’ils avaient à peine effleuré. Était-il possible de revenir en arrière ? Pouvaient-ils restaurer un semblant de logique dans ce monde dévasté ?
Mais au fond, Jean-Désastre, avec son esprit créatif et insensé, émit un éclat de rire.
— Alors… qui a une idée de comment on réécrit encore une fois tout ça ? Il était évident qu’il ne se préoccupait plus de l’issue, qu’il était désormais pris dans l’extase de l’absurde.
Bernard, Gisèle, et Roger, tout en restant figés par la question, eurent tous l'impression que le monde autour d’eux vibrerait à l’unisson avec cette dernière décision.
Tout à coup, tout devint silencieux. Les secondes s’étiraient, se dilataient, se tordaient dans une spirale infinie. Et puis, comme si la décision avait déjà été prise, l'Univers se déforma à nouveau, devenant une page blanche prête à être écrite.
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