La Danse des Possibilités

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L’univers, une fois de plus, se redessinait, comme une toile vierge prête à être emplie de nouvelles couleurs et formes. Les quatre amis se tenaient face à ce vide d’une beauté à la fois énigmatique et terrifiante. Ils n’étaient plus des simples témoins, mais des architectes, des maîtres du grand néant qui flottait autour d’eux.
Jean-Désastre, comme toujours, brisé par la folie douce de l’univers qu’il avait déclenché, esquissa un sourire en voyant une étoile se former devant lui.
— Regardez-moi ça. Il agita la main et l’étoile se divisa en millions de petits morceaux lumineux, créant une pluie d’astres colorés. Chaque seconde devient un nouvel horizon.
Gisèle, les yeux fixés sur cette pluie d’étoiles, fronça les sourcils.
— C’est magnifique, mais ça n’a aucun sens. Chaque instant nous échappe, tout est trop… Elle hésita un instant. Trop libre. Elle croisa les bras. Si tout est possible, alors tout devient insignifiant.
Roger se tourna vers elle, secouant la tête.
— Peut-être que le sens n’a jamais été là pour commencer. Peut-être que ce n’est qu’une illusion qu’on a cherchée à recréer, et qu’en fin de compte, il n’y a jamais eu de règle, juste un grand mouvement continu.
Bernard, qui avait observé le tout en silence, intervint.
— Non, je pense que la question n’est pas là. Il pointa un doigt vers un vortex au centre de l’espace, une spirale qui absorbait tout ce qui s’en approchait. La vraie question est : jusqu’où peut-on aller avant que tout ne devienne un jeu cruel de répétitions ?
Le vortex tourbillonnait, avec des couleurs qui changeaient constamment, une sorte de chaos maîtrisé. Le Narrateur Suprême réapparut, flottant dans cet espace infini avec une tranquillité surprenante.
— Ah, vous vous êtes enfin posé la question juste. Jusqu’où pouvez-vous aller avant de vous perdre vous-mêmes ?
Les quatre amis le fixèrent, attendant qu’il ajoute quelque chose de plus concret.
— Voici la vérité la plus profonde de l’univers que vous avez créé. Il fit une pause, comme pour ajouter du poids à ses paroles. Vous n’êtes jamais vraiment libres. Le libre arbitre… c’est une illusion. Vous pouvez tout créer, tout détruire, mais chaque mouvement que vous faites est une danse sur la corde raide de votre propre compréhension. Vous êtes à la fois prisonniers et créateurs de vos actions.
Jean-Désastre éclata de rire, comme si cette révélation le touchait profondément.
— C’est ça, c’est ça ! Nous sommes les marionnettes de l’absurde, mais c’est ce qui rend tout ça excitant. Il leva une main, et soudain une pluie d’éléphants en papier se mit à tomber autour d’eux.
Gisèle secoua la tête, un peu agacée.
— Trop de pouvoir, et trop de confusion. Peut-être que la seule vraie liberté, c’est de tout effacer une fois pour toutes. Quitter ce tourbillon sans fin.
Roger, les yeux fixés sur le vortex, murmura presque pour lui-même.
— Ou peut-être que la liberté, c’est juste un état d’esprit. Peut-être que l’illusion de tout contrôler est la vraie prison.
Bernard observa attentivement les étoiles se formant et se désintégrant autour d’eux.
— Mais et si, au fond, tout ça était inévitable ? Et si nous étions toujours condamnés à répéter ce cycle sans fin, sans jamais pouvoir en sortir ?
Le Narrateur Suprême sembla lire dans ses pensées, car il répondit presque instantanément.
— Il n’y a pas de fin. Pas de début. Seulement un enchevêtrement de possibilités qui n’attendent que vos décisions pour les faire vivre. Vous n’êtes pas condamnés à répéter le même cycle. Vous êtes les architectes d’une infinie diversité.
Il s’éloigna légèrement, ses gestes créant des vagues de lumière.
— Mais vous devez comprendre une chose essentielle : tout ce que vous créez, même l’absurde, a un prix. Le seul prix que vous payez, c’est celui de la conséquence. Chaque acte, chaque idée, chaque illusion a des répercussions sur ce que vous devenez, sur la réalité qui se tisse autour de vous. Vous êtes responsables de ce que vous donnez à l’Univers.
Les quatre amis se regardèrent longuement. L’idée de la responsabilité dans un monde où tout semblait fluctuer au gré de leurs volontés les déstabilisa. Mais en même temps, il y avait une liberté sauvage dans cette prise de conscience.
Jean-Désastre, avec son éternel sourire narquois, se tourna vers ses amis.
— Alors, mes chers amis, on continue à jouer à être des dieux ou on ferme ce livre une bonne fois pour toutes ?
Gisèle prit un moment pour réfléchir avant de répondre.
— Peut-être que le véritable défi est d’accepter l’impermanence. Elle observa le vortex se transformer, la lumière s’éteindre puis revenir, comme un souffle suspendu. Peut-être que c’est ça, la liberté : comprendre que rien ne dure, et tout recommence.
Roger acquiesça lentement, le regard fixé sur le vide.
— Peut-être qu’on n’a jamais eu le contrôle. Peut-être que tout ça, c’était juste un grand jeu, où les règles n’étaient là que pour nous tromper.
Le Narrateur Suprême se tourna une dernière fois vers eux, son sourire infini brillant dans ce monde de ténèbres et de lumière.
— Vous comprenez enfin. Vous avez réussi à percevoir l’illusion du contrôle. La vraie liberté réside dans l’accepter. Dans cette acceptation, vous êtes, à la fois, les créateurs et les détruits, les maîtres et les esclaves de l’Univers.
Les amis restèrent là, perdus dans cette idée. L’univers autour d’eux, sans fin ni début, se redéfinissait encore et encore. Le cycle continuait.

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