Chapitre 1 : Le départ

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L'horloge affichait midi, le soleil était à son zénith, éclairant de sa lumière éclatante une journée d'été ordinaire. Le ciel se drapait d'un bleu azur, sans le moindre nuage à l'horizon, baignant ainsi la contrée de Rochebois d'une atmosphère sereine.

Un jeune homme de taille moyenne s'entraînait dans les vergers. Vêtu sobrement d'un débardeur kaki et d'un short noir, il maniait avec adresse un bâton qui faisait office d'épée improvisée. Ses mouvements rapides et précis tranchaient l'air, semblables à ceux d'un soldat aguerri.

Depuis plus de deux heures, Sorenn s'appliquait à reproduire des postures de combat, concentré et déterminé. C'est alors qu'un corbeau se posa près du jeune homme. L'oiseau imposant mesurait plus de trois mètres et était étonnamment paré de paniers en osier accrochés de chaque côté de son corps. On devinait que ces contenants renfermaient une multitude de journaux. Une bourse en cuir était également attachée autour de son cou.

"Déjà midi ?" s'étonna Sorenn. Le temps avait filé sans qu'il s'en aperçoive. Intrigué, il s'approcha du corbeau qui, d'un geste habile de son bec, dévoila un journal enroulé sur lui-même.

D'un geste prompt, Sorenn saisit le parchemin directement du bec de l'oiseau, récompensant son fidèle messager en déposant deux pièces dans la bourse attachée à son cou. Comme à son habitude, il se tourna rapidement en direction de sa demeure.

Toutefois, avant qu'il ne puisse atteindre le seuil de sa maison, le corbeau tapa bruyamment son bec contre le sol, attirant ainsi l'attention de Sorenn qui se retourna, le visage empreint de surprise.

"Que se passe-t-il ?" interrogea-t-il. Le corbeau répéta son geste une seconde fois, éveillant une légère irritation chez notre apprenti soldat.

"Pourtant, je t'ai donné la somme exacte", marmonna Sorenn, légèrement contrarié. Néanmoins, le corbeau insista et frappa à nouveau son bec contre le sol. Agacé, le jeune homme ajouta une pièce supplémentaire dans la bourse de l'oiseau. À peine l'avait-il fait que l'oiseau s'envola d'un bond vif et léger.

Sorenn ne put s'empêcher de suivre des yeux l'oiseau qui s'élevait dans les cieux pendant quelques instants, admirant sa grâce et sa majesté. Puis, détachant son regard de ce spectacle, il se tourna vers sa maison pour annoncer :

"Le journal est arrivé, Bragg !" À peine ces mots furent-ils prononcés qu'un énorme Saint Bernard au pelage brun tacheté de blanc fit son apparition, sortant de la demeure. Ce majestueux chien pesait au moins cent kilos et arborait un collier de cuir marron foncé autour de son cou, auquel était attaché un petit anneau en fer de couleur gris métallique et qui était gravé de symbole.

"Inutile de crier ainsi", pesta Bragg d'un ton blasé. "Tu as toujours ce besoin de hurler", ajouta-t-il, se déplaçant avec une nonchalance toute particulière en direction de Sorenn.

"Quelles sont les nouvelles du jour ?" demanda le jeune homme.

Sorenn, sans grand intérêt pour l'actualité, répondit avec indifférence : "Je n'en ai aucune idée. Je n'ai pas encore ouvert le journal. Tu sais bien que cela ne m'intéresse guère", lâcha-t-il d'un ton teinté d'ironie.

"Mais tu devrais, souffla Bragg. L'information est le nerf de la guerre."

Le jeune homme déposa le journal aux pattes du chien et s'assis en tailleur devant lui, quand soudain, une lueur transparente jaillit de l'anneau accroché au cou du chien. Elle parcourut tout son corps, illuminant ses yeux d'une lueur éclatante. Le journal, qui reposait auparavant au sol, se mit à flotter à quelques centimètres du sol et se déroula de lui-même.

"Whaou, je ne me lasserai jamais de voir ça", s'exclama Sorenn, dont l'admiration pour Bragg transparaissait clairement.

"Quand tu auras ton anneau, toi aussi, tu seras capable de cela", répondit le chien d'un ton assuré. Tout en continuant à lire le journal qui flottait devant lui, il ajouta : "Sans cet anneau, tu ne pourras pas rejoindre l'Ordre. C'est le critère numéro un. Le grand jour est prévu pour demain il me semble. Je suis étonné de te voir si peu confiant. Tu devrais peut-être renoncer à ton rêve", lança-t-il avec une pointe d'ironie dans la voix.

"Qui a dit que je manquais de confiance ?" répliqua Sorenn. D'un bond vif, il se redressa et annonça d'un ton déterminé : "Je vais enfin pouvoir intégrer l'Ordre. Je suis excité à cette idée. Inutile de semer le doute en moi. J'attends ce moment depuis dix ans."

Le gros chien éclata de rire. "Ne dis pas de bêtises, je plaisantais", dit-il avant de s'interrompre brusquement. Son visage s'assombrit.

Sorenn connaissait bien cette expression chez Bragg. Elle présageait rarement de bonnes nouvelles. Après tout, ils avaient vécu ensemble pendant une décennie déjà.

"Une nouvelle attaque du Fléau a eu lieu hier, dans la contrée de Vaporance", annonça Bragg, sa voix empreinte d'une gravité certaine.

"Vaporance ? Mais c'est tout près d'ici", coupa Sorenn, l'inquiétude teintant ses paroles. "Y a-t-il des survivants ?", demanda-t-il avec une expression empreinte d'anxiété.

"Seulement trente-neuf", répondit le gros chien d'une voix sombre.

"Trente-neuf ?" s'étonna Sorenn. Les attaques deviennent de plus en plus violentes", ajouta-t-il d'un ton teinté de tristesse. En effet, les assauts des Fléau se répétaient de plus en plus régulièrement, et à chaque fois, leur férocité s'intensifiait.

Un silence pesant s'installa entre les deux compagnons. Ils tentaient tous deux d'assimiler cette mauvaise nouvelle lorsqu'une petite voix, lointaine au début, se fit entendre. Elle se rapprochait rapidement de la maison.

"Sorenn... Sorenn", répéta la petite voix.

Une jeune femme aux couettes blondes, légèrement plus jeune que Sorenn, s'arrêta devant leurs regards inquiets. Elle posa ses mains sur ses genoux, tentant de reprendre son souffle tout en s'efforçant de prononcer quelques mots entre chaque inspiration.

"Je... Pensais... que... tu étais... déjà parti", réussit-elle à dire tant bien que mal.

"Tu as un jour d'avance", répliqua Bragg. "Le départ est prévu pour demain."

"A bon ?" réagit Léna en se redressant brusquement. La fatigue due à sa course pour rejoindre la maison de Sorenn et Bragg semblait s'être évaporée instantanément. Elle se sentit soudainement idiote d'avoir couru aussi rapidement jusqu'à cette demeure, qui se trouvait être l'une des plus éloignées de la contrée, sans même vérifier la date sur le calendrier.

"Tu es vraiment tête en l'air", sourit Sorenn, amusé par la situation.

"Comptes-tu toujours rejoindre l'Ordre ?" demanda-t-elle d'un ton incertain.

"Bien sûr," répondit Sorenn en se dirigeant vers l'entrée de la maison. Bragg suivit le garçon, et après une seconde d'hésitation, Léna les rejoignit à l'intérieur.

"Les attaques des Fléau sont de plus en plus fréquentes. Es-tu au courant de ce qui s'est passé à Vaporance hier ?" ajouta Sorenn.

La jeune femme acquiesça d'un geste de la tête.

"Penses-tu réellement pouvoir... tuer le Voleur de chance ?" déclara-t-elle avec la plus grande hésitation.

À ces mots, Bragg prit un ton grave une nouvelle fois.

"Ce nom... tu ne dois pas le prononcer avec tant de légèreté," affirma le gros chien. Puis il ajouta, "Le Voleur de chance, maître des Fléaux, est la créature la plus dangereuse du monde. Personne ne peut le vaincre."

"Eh bien, moi je le ferai," répondit Sorenn avec assurance. Puis, après une seconde d'hésitation, il ajouta, "Je serai celui qui tuera le Voleur de chance."

"Mais qu'est-ce que tu racontes, abruti !" hurla Bragg.

"Pourquoi tu hurles ?" répliqua Sorenn.

"Oh non, ça recommence. Vous n'allez pas remettre ça," dit Léna d'un ton blasé. Elle était habituée à voir les deux amis se chamailler et regrettait d'avoir évoqué un sujet si délicat.

Une heure s'était écoulée et la tension entre Sorenn et Bragg s'était dissipée. Les deux amis trinquèrent avec une bouteille de cidre de miel, et Léna les rejoignit pour cette dernière soirée.

A ce moment-là aucun des trois ne pouvait se douter de ce qui allait arriver le lendemain.

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