Chapitre 3

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Ils entendaient maintenant des grattements. Le bruit avait commencé à la porte puis, petit à petit, s’était étendu de chaque côté puis derrière. Ils étaient encerclés.

— Qu’est-ce qu’ils font ?

— Ils grattent, dit Mickael. Ils peuvent y aller, le bois est solide.

— Non, corrigea Anne en se blottissant contre son frère aîné. Ils rongent. Ils rongent le bois.

Déjà, sur leur gauche, un éclat céda. C’était un trou minuscule mais la dent s’éloigna et fit place à un œil rouge comme le sang. Cet œil scruta l’intérieur de la grange jusqu’à les trouver. Ils se sentirent marqués comme une cible militaire. L’œil s’éloigna et des dents se mirent à agrandir l’ouverture.

— Il faut s’en aller, balbutia le plus jeune garçon.

— Prenez vite vos torches, ordonna François, on va à l’étage.

D’un bond, la fratrie fut sur leurs affaires, ils fouillaient rapidement. Claudine qui avait déjà la sienne se précipita un peu plus loin où une échelle menait au grenier. Elle grimpa tout en lançant un « dépêchez-vous ! Vite ! ». Anne, toujours soigneuse, fut la première à retrouver sa lampe. Elle se précipita à la suite de sa cousine. Déjà un rat passait la tête et entrait en couinant. Quelques autres coups de dents terminèrent l’ouvrage et les rongeurs coulèrent dans la grange. De toute part, des trous se formaient, s’agrandissaient.

— Vite ! Ils arrivent ! cria Claudine.

— Je l’ai ! hurla François en détalant vers l’échelle.

Il était à la moitié de la montée lorsque la cousine hurla :

— Mickael, va-t’en ! Reviens ! Ils commencent à être tout autour de toi !

— Je suis sûr qu’elle est là !

— On s’en fiche ! Reviens ! cria sa sœur.

— Je l’ai !

Il se releva et sauta entre les rats, là où ils n’avaient pas encore inondé le sol. Il fit un dernier bond pour atteindre l’échelle mais trop court ! Il atterrit en plein sur un marécage de rongeurs. Déstabilisé, il tomba. En un instant, il fut recouvert de rats.

— Mickaeeeeeel ! hurla Anne.

— Relève-toi ! ordonna Claudine.

Les rats semblèrent s’élever, quelques-uns retombèrent au sol. Mickael s’était redressé à genoux. Les rats le submergeaient, rentraient sous ses vêtements, par le col, par le short, par les manches, rongeaient ses chaussures, tranchaient les tissus, arrachaient sa peau. Mordu de partout, il hurla, un rat s’engouffra dans sa bouche, attaqua sa langue. D’un geste, il tira sur l’animal, le repoussa, la vermine s’accrocha, des griffes, des dents, ne céda qu’en lui arrachant la lèvre. Soudain, il sentit de grandes claques autour de lui, on le soulevait, on le tirait, on le remettait sur ses pieds, on le poussait. C’était son frère.

— Dépêche-toi !

Les rats commençaient à grimper le long de son jean. Il sautillait sur place pour les décourager.

— Il faut qu’on grimpe ! Viens Mickael !

Aidé par la peur, il sauta directement sur le quinzième barreau de l’échelle. Derrière lui, il tirait son frère, encore recouvert d’une vingtaine de rats.

— Courage !

— Dépêchez-vous, crièrent les filles.

Difficilement, mordus à chaque mouvement, les garçons grimpèrent jusqu’à l’étage. Anne avait trouvé des balais et chacune d’elle avait fait tomber les rats. Ils tombaient de l’étage, se brisaient en atterrissant sur leurs congénères au sol, rebondissaient, les os cassés. Au sol, les pestes restantes grimpaient sur leurs blessés, sans attention, comme des robots, juste gênés d’être ralentis.

— C’était le dernier ! dit Claudine en donnant un coup à une bestiole extirpée de sous le T-shirt de son cousin.

— On va être tranquille quelques instants, soupira François. Mickael, tu vas bien ?

— Ils arrivent, dit Anne en pointant du doigt vers le bas.

Les rats escaladaient le bois de l’échelle, plantaient leurs griffes pour mieux prendre appui. Ceux qui n’étaient pas en tête plus bas enfonçaient leurs dents dans le dos de leurs congénères pour monter plus vite en leur grimpant dessus. La masse s’énervait de devoir emprunter un si petit passage. Elle couinait, emplissait l’endroit de cris stridents comme un nuage de sauterelles.

— Il faut qu’on repousse l’échelle ! dit Claudine.

Elle tira dessus pour la décrocher mais elle était coincée. Le L de métal qui l’empêchait de tomber était trop serré. François abandonna un instant son frère blessé. Il s’arc-bouta puis tira, poussa sur ses jambes, gémissait sous l’effort.

— Dépêchez-vous ! prévint Anne. Ils ne sont plus loin.

Déjà un premier rat pointait son museau, posa la patte sur le plancher, se hissa. Puis soudain, le bois qui retenait le L craqua. L’échelle était libre. Ils la repoussèrent. Anne s’empara du balai, frappa de toute ses forces sur le rat et l’assomma. Elle repoussa le corps du bout du pied dans l’ouverture.

— Cette fois-ci, on est bien tranquille, soupira la cousine.

— Mickael ! se rappela la sœur.

Tous se tournèrent vers le garçon. Ses vêtements étaient déchirés, sa peau mordue de toute part, le visage était en sang. Il gémissait doucement, recroquevillé sur lui-même.

— Qu’est-ce qu’on peut faire pour lui ?

Claudine enleva son T-shirt et dit à sa cousine :

— Aide moi à en déchirer la moitié. On va aussi essuyer ses blessures avec les manches. Ça me fera un top.

Le tissu était plus résistant qu’il ne semblait. Elles luttèrent un peu puis purent nettoyer le blessé. Il y avait des morsures de toutes part mais le plus graves se trouvaient sur son mollet et son visage. Une paupière était arrachée, la jambe droite dévorée sur trois centimètres de profondeur.

Soudain, Annie poussa un cri. Ils se retournèrent tous. Un rat, la gueule recouverte de son sang, venait de la mordre. Trop surprise pour avoir vraiment mal, ce fut l’angoisse qui la fit pleurer.

— Oh non, ça recommence.

Ils regardèrent : les vermines apparaissaient du bord des murs. Elles avaient grimpé le long des planches et rongé le sol.

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