Chapitre 13

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Par Julien Neuville: https://www.atelierdesauteurs.com/author/559679119/julien-neuville

*

Charlotte se plaqua une main sur les yeux, puis les rouvrit en grand, comme pour dissiper les nappes brumeuses de fatigue qui étiraient leur voile entre elle et la réalité. Dans l'autre main, la carte de visite à la texture gaufrée crème brillait de paillettes roses.

Escort & More.

Le couloir bouillait d'agitation. Les techniciens de scène de crime étaient affairés entre le bureau et leur chariot, pendant que les discussions inquiètes sur le canapé se mêlaient aux pensées tortueuses de son âme.

Il faut que je dorme, bordel. Pourquoi faut-il toujours que ce genre de galère me tombe dessus quand je suis au plus bas ?

Elle s'approcha du chariot des techniciens et y piocha une pochette du bout des doigts, dans laquelle elle fit glisser la carte de visite, avant de la sceller.

  • Pascal, j'ajoute un cadeau à ta liste de mariage, dit-elle au chef d'équipe, qui approchait en haussant les sourcils.

Elle déposa le sachet dans le bac de collecte du dessus.

  • Oh, merci Charlotte. Fallait pas...

Il se pencha pour jeter un oeil à travers le plastique, avant de ricaner.

  • Bien, mais il me semblait que j'avais déjà ton numéro, pourquoi ajouter ta carte de visite ? répondit-il avec un clin d'oeil.
  • Disons que j'ai entendu dire que t'avais un peu de mal à séduire des femmes que t'aurais pas payées avant...
  • Ouh, touchéééé, finit-il en portant la main à son coeur.
  • Bon, tu as bientôt terminé ?
  • D'ici deux bonnes heures, mais l'idéal serait de me virer ce joli monde, répondit-il en hochant la tête vers Nicolas Bianchi, Gregory Marhic et sa mère, Jane Marhic, assis sur le grand canapé.
  • Je m'en occupe, et je file avant que Garcia ne pète un câble.
  • Quoi, tu veux dire que le chef serait caractériel ? Enfin voyons Charlotte, si lui te parait constipé à l'idée de foirer une enquête sur le magnat des produits pharmaceutiques, qu'est ce que tu dirais d'un Donald Trump battu à la présidentielle ? Qu'il pousserait ses fans à envahir le capitole ? Sois mesurée dans tes propos ma chère...

Pascal fit claquer sa langue et partit en poussant son chariot vers le bureau, dans lequel deux de ses hommes terminaient les prélèvements, avant d'en fermer la porte.

Le lieutenant resta debout, observatrice, les mains sur les hanches. Comme elle en avait pris l'habitude à chaque étape d'une enquête, elle prit une pause en expirant profondément, lentement, les yeux clos. Puis elle les ouvrit et balaya la scène. Le canapé, le visage de chacun, le chariot de la femme de ménage, qui se superposa en une fraction de seconde à celui de Pascal, le sol en marbre, le panneau de l'alcôve en bois laqué. Elle revit le corps, l'aquarium, le bureau avec la tâche de sang...

Elle secoua la tête, les pensées court-circuitées par le visage blême de son fils penché au dessus de la cuvette, puis se dirigea vers deux flics en uniforme, qui encadraient la porte de l'ascenseur. Elle appuya sur le bouton d'appel, et leur dit :

  • Les gars, il va falloir emmener ce joli monde à la ruche, vous pouvez gérer ?
  • Et que fait-on si quelqu'un monte ici, lieutenant ?

Charlotte soupira.

  • Bonne remarque, vous avez quoi comme véhicule ?
  • On est venus avec le tank, vu la configuration.

Le tank, surnom donné à la camionnette noire dont les lettres Police Nationale étaient presque toutes effacées, et dont le kilométrage avoisinait les 300.000.

  • Parfait, je pars avec l'un de vous deux et l'autre reste ici jusqu'au départ des techniciens de nettoyage. Ensuite vous bouclez tout, scellés et tout le bazar. Et voyez si quelqu'un dans ce bâtiment peut bloquer l'accès à cet étage par l'ascenseur, il doit bien y avoir un moyen informatique.
  • Ok, lieutenant, allons-y, répondit le plus petit des deux.

Le brigadier se dirigea vers le canapé et s'entretint quelques instants avec le petit monde assis là, pendant que Charlotte attendait que les portes s'ouvrent. Pour patienter, elle posa son regard sur le chariot de la femme de ménage, et le déclic se fit en elle.

Les portes s'ouvrirent, mais elle n'y faisait plus attention. Elle se dirigea lentement vers les rouleaux de papier. Elle venait de percuter, de trouver ce qui lui avait paru étrange : l'un des rouleaux, par ailleurs parfaitement alignés, était plus haut que les autres. Elle le souleva d'un geste rapide, découvrant un dossier rouge. Le brigadier avait fait entrer les Marhic et le directeur adjoint dans l'ascenseur.

Charlotte ouvrit le dossier, pendant que les portes se refermaient, occultant le regard apeuré de Nicolas Bianchi.

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