Chapitre 16

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Par Laklandestine : https://www.atelierdesauteurs.com/author/251638085/laklandestine

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Nicolas Bianchi avait le goût du risque. La jeune lieutenante avait la tête dans le guidon sous ses airs farouches et Nick aimait bien jouer avec les gens coincés dans leur roue de hamster : parfois il les faisait tourner en bourrique, mais il arrivait que certains se réveillent de leur pilote automatique grâce à ses piques. C’est un « service » qu’il rendait avec beaucoup de plaisir et même un certain sadisme. Provoquer un tantinet la personne qui l’avait mis en garde à vue rajoutait du piment à l’affaire. Une occasion pareille ne pouvait être délaissée.

Quand la porte s’ouvrit, Nick était prêt à jouer. Il attendait assis les jambes écartées, les bras déployés sur les dossiers des chaises dont il était flanqué. Il regarda Charlotte Evra entrer dans la pièce avec le sourire chaleureux du chef qui accueille une nouvelle stagiaire, hochant la tête de manière presque imperceptible, comme s’il avait le pouvoir de lui donner l’autorisation de pénétrer dans son bureau. La suffisance du numéro 2 des Ateliers InVivas ne fit qu'attiser l’ardeur de celle qui en était déjà à son quatrième café de la matinée. Le suspect, quant à lui, examinait sa proie : elle tenait un gobelet en plastique semblant fondre sous la chaleur de ce qui ressemblait à du jus de chaussette : « Elle est pas trop mal la petite, quoique sa démarche de cowboy est un peu ridicule. Elle cherche à se donner une contenance avec son café à emporter : le lot des gens trop importants pour faire une vrai pause. »

Charlotte Evra s’assit en face de son suspect principal et commença l’interrogatoire sur le ton de celle à qui on ne la fait plus :

  • Je vais aller droit au but, Monsieur Bianchi : qu’y a-t-il entre vous et Julie Larsen ?

Nick se mit à rire. Il regarda celle qui surjouait son assurance et lui demanda en la fixant droit dans les yeux:

  • Vous voulez sérieusement enquêter sur les relations que j'entretiens avec notre femme de ménage ? Il me semble que nous avons un problème autrement plus important à régler.
  • Ne jouez pas à ce petit jeu avec moi ! répondit irritée celle qu’il avait déjà surnommé intérieurement "Lieutenant échalote". C’est moi qui pose les questions ici. Répondez.

La gradée haussait le ton au deuxième échange. Fatigue ? Amateurisme ? Nick aimait bien jouer avec les nerfs des gens, mais "Lieutenant échalote" démarrait au quart de tour et il n'était pas dans la meilleure des postures. Cette histoire avait plus de chance de l'envoyer au clou que de réveiller un peu d'esprit chez son interlocutrice. Il choisit alors de changer de stratégie et de baisser le ton. Après s'être penché dans la direction de celle qui avait le pouvoir de lui passer les menottes, il joint ses mains sur la table et reprit la parole sur un ton plus convivial :

  • Ne soyez pas désobligeante. Julie Larsen a vingt ans de moins que moi. Je pourrais être son père ! Je suis un épicurien, mais j'ai une certaine éthique. Je préfère les femmes un peu plus mûres, avec de la personnalité, du vécu, du savoir-faire… , dit-il en recherchant une certaine complicité dans le regard de son interlocutrice.

La gradée n’était pas née de la dernière pluie. Ne se laissant pas impressionner par le bellâtre qui essayait de l'amadouer, elle reprit fermement :

  • Répondez.
  • Que voulez-vous savoir ?
  • Qu’y a-t-il entre vous et Julie Larsen ?
  • Julie est notre femme de ménage. Quand bien même il y aurait quoi que ce soit entre nous, cela n'aurait aucun lien avec votre affaire.

Charlotte se réservait le droit d’en juger. Néanmoins, vu que son prévenu tournait autour du pot, elle remit cette question à plus tard et changea son angle d'attaque. D'un air déterminé, elle se pencha à son tour en avant, les bras croisé sur la table. Elle n'allait pas laisser son suspect se défiler plus longtemps :

  • Monsieur Bianchi, pourquoi avez-vous demandé à votre femme de ménage de subtiliser le dossier qui était sur votre bureau avant de nous appeler ?
  • Je comprends votre préoccupation, Lieutenante Evra. Quand Julie m'a réveillé ce matin, je n'ai pas pris la mesure du crime qui avait été commis et n'ai songé qu'à protéger les Ateliers InVivas. Jo avait l'habitude de laisser des documents confidentiels sur mon bureau et mon devoir était de les récupérer avant que vous ne commenciez votre enquête. Les dossiers rouges ne sortent pas du bâtiment sans autorisation ; c'est la procédure interne.

Charlotte Evra regardait ce Nick d’un air dubitatif. Son argumentation ne valait pas un clou. Elle laissa passer un moment de silence gênant dans l'espoir qu'il se mette à table plus avant.

  • Madame Evra, si j'étais vous, je remonterais la piste de l'indice que Jo nous a laissé.
  • Ce n’est pas à vous de me dicter la direction de mes investigations.
  • Je ne sais pas qui a fait ça, mais j’espère que vous aurez des renforts. Les gens avec qui Jo fricotait sont probablement puissants et malins, un peu moins dociles que Julie si vous voyez ce que je veux dire...
  • Ne changez pas de sujet. Pourquoi avez-vous essayé de subtiliser un élément d'une scène de crime ?
  • Même si Jo est mort, la vie doit continuer. Pour tous les employés, quoi qu'il arrive, le mot d'ordre est clair : "business as usual". Et quels que soient les documents que Jo m'ait laissés dans ce dossier, mon rôle est d'exécuter les ordres sans délai.

Le cynisme du numéro 2 des Ateliers InVivas glaçait le sang de Charlotte. Son ami était mort et sa première réaction aurait été, selon lui, d'assurer le "business as usual". S'il disait la vérité, il fallait sérieusement qu'il révise sa définition de l'amitié celui-là. Néanmoins, cette réponse avait quelque chose de plausible dans ce monde où l'appât du gain était le maître mot. Très difficile à croire, totalement immoral, mais malheureusement pas impossible.

Charlotte écoutait son prévenu sans l’interrompre ni le lâcher des yeux. Il enchaîna :

  • Honnêtement, je ne sais pas ce qu’il y a dans le dossier, Lieutenante Evra. Jo jouait avec le feu en laissant des documents confidentiels sur mon bureau lors de ses soirées. La prise de risque lui donnait une impression de toute-puissance et il aimait que je sois témoin de sa hardiesse.

La gradée regardait son accusé en silence, manifestant ainsi son souhait qu'il continue à s'épancher.

  • Lieutenante Evra. Si ces documents regardaient votre affaire, pourquoi ceux qui ont commis ce meurtre ne les auraient-ils pas emportés ?
  • ....
  • Si j'étais vous, je suivrais la piste de la carte que vous avez trouvé sur notre safe.
  • Ça, c'est à moi d'en juger, Monsieur Bianchi. Et je n'ai pas de conseil à recevoir de la part d'un homme qui vient de demander à sa femme de ménage de subtiliser un indice sur une scène de crime.

Charlotte Evra se méfiait de ce Nick. Il y avait définitivement quelque chose de louche chez cet homme et il ne lui avait en tout cas pas tout dit. Néanmoins, il était effectivement temps de remonter la piste de cette fameuse Gladys.

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