Chapitre 1 : à jamais 

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Kyoto s’éveille sous une lumière douce de printemps. Les ruelles pavées, encore calmes, sentent le bois humide et les fleurs de cerisiers tombées dans la nuit. Les volets s’ouvrent, les vélos roulent déjà vers la gare, et au loin on entend les cloches des temples.

Dans une petite maison à deux étages, Haruto s’affaire discrètement. Sa mère, souvent absente à cause de son travail, a laissé un mot sur la table basse : “Bonne journée, n’oublie pas de bien manger. – Maman ’’

Il attrape une boîte à bento préparée la veille, range soigneusement les couverts, puis jette un dernier coup d’œil à sa chambre. Rien ne dépasse, rien ne déborde. Sa vie est à son image : simple, silencieuse.

Devant le miroir, il ajuste sa cravate de lycéen. Ses cheveux noirs tombent légèrement devant ses yeux.

— … C’est bon. murmure-t-il pour lui-même, comme s’il avait besoin de se donner du courage.

Sur le chemin du lycée, Haruto marche d’un pas tranquille, toujours un peu en retrait des autres étudiants. Il passe devant une petite boulangerie où les gens rient déjà autour d’un café. Plus loin, un vieux couple balaie les pétales de cerisiers qui couvrent le trottoir. Haruto aime ces instants, même s’il n’ose jamais vraiment y prendre part.

Chaque matin, il ralentit devant le café à l’angle d’une rue. Là, à travers les vitres, il aperçoit parfois Aiko entourée de ses amies. Aujourd’hui encore, elle est là, assise, son sac à côté d’elle, en train de rire de quelque chose que Hinata vient de raconter. Haruto s’arrête une fraction de seconde. Il la regarde, juste assez pour sentir ce mélange étrange entre chaleur et tristesse qui serre sa poitrine. Puis il baisse les yeux et repart aussitôt, comme si ses pas refusaient de trahir son cœur.

L’agitation des couloirs résonne jusque dans la salle. Haruto arrive, son sac en bandoulière, et se dirige vers le fond de la classe, à côté de la fenêtre. Renji est déjà là, affalé sur sa chaise, carnet ouvert devant lui.

Renji, levant les yeux avec un sourire moqueur :

— T’as encore fait ton regard de statue vivante devant Aiko, pas vrai ? Sérieux, si tu ne lui parles pas, tu vas finir par en devenir une.

— Tais-toi… c’est pas si simple.

Renji éclate de rire, tapotant l’épaule de son ami.

— Voilà, toujours la même réponse. Tu crois que c’est un film où l’héroïne vient d’elle-même vers le gars discret du fond ?

Haruto ne répond pas, fixant son cahier comme pour fuir la conversation. Mais ses joues deviennent rouges discrètement.

À l’autre bout de la salle, le contraste est frappant. Aiko s’installe avec ses amies, Sayaka et Hinata. Elle dégage une énergie lumineuse, ses cheveux attachés en une queue haute, ses gestes expressifs. Autour d’elle, l’ambiance semble toujours plus vivante.

Hinata, brandissant un petit carnet :

— Regardez ça, j’ai essayé de dessiner Renji… mais on dirait un panda qui aurait trop mangé.

Aiko explose de rire, frappant doucement sur la table.

— C’est parfait ! On dirait vraiment lui quand il baille en classe.

Sayaka, haussant les épaules avec un petit sourire :

— Hinata, sois sympa…

Aiko, encore en riant :

— Oh, mais c’est pas méchant ! Un panda, c’est mignon, non ?

Les trois éclatent de rire, attirant quelques regards autour d’elles. Haruto, de son côté, détourne aussitôt les yeux. Il n’entend pas exactement ce qu’elles disent, mais voir Aiko sourire ainsi suffit à lui nouer la gorge.

Renji, lui, le remarque sans mal.

— Tu vois ? Même de là-bas, t’es incapable de décrocher ton regard.

Haruto serre son stylo, tentant de rester impassible.

— Ce n’est pas… enfin, arrête de dire n’importe quoi…

Sous l’ombre d’un cerisier, Haruto et Renji s’installent pour déjeuner. Haruto sort son bento soigneusement préparé, pendant que Renji déchire maladroitement l’emballage de son sandwich acheté à la hâte.

Renji, la bouche pleine :

— Tu sais, un jour, je t’amènerai à un rendez-vous arrangé. Tu seras obligé de parler à une fille.

— ( soupire )Tu fais toujours des plans idiots.

— Mais au moins, moi je bouge. Toi, t’attends quoi ? Qu’Aiko vienne toute seule s’asseoir ici et t’avoue qu’elle t’aime ?

Haruto reste silencieux, fixant les pétales qui tombent doucement au sol.

La cloche a sonné, les élèves se dispersent. Haruto rentre seul, longeant la rivière Kamo. Les lanternes commencent à s’allumer, reflétées dans l’eau. Kyoto est calme, presque irréelle.

Il s’arrête un instant, posant son sac au sol. Le bruit d’un train traverse la ville au loin. Il sort son carnet de notes et écrit quelques mots rapides.

“Pourquoi est-ce que je veux tant m’approcher d’elle, alors que je ne sais même pas comment faire ?”

Il referme aussitôt, comme si avouer ces mots, même sur du papier, était trop lourd.

Puis il reprend son sac, continue sa marche, et disparaît dans les ruelles. Kyoto s’endort doucement. Et Haruto, lui, reste prisonnier de ses silences.

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