La Fin de Justice

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Le public était circonspect face à la prouesse du jeune humain, aucun être magique n'avait accompli de tels actes à l'intérieur de l'arène, c'était le genre d'exploits auxquels on ne pouvait assister ou qu'on entendait dans les légendes ou les récits de guerre.

Aucune personne au sein de la foule était capable de déterminer s'il était acceptable d'applaudir cet Homme ou non, il était tout de même le vainqueur de ce combat de fou furieux qui devait définir qui aurait droit à un sursis, voire une grâce royale.

Personne n'allait s'y risquer alors qu'il y avait les représentants du Royaume, mais principalement le Juge Fou.

En parlant de lui...

- Mais tu vas te relever oui ! cria-t-il à Jordan, défais-toi des chaines de cet humain et annihile-le !

- Comme si c'était aussi simple..., commenta la reine, tout le monde ne peut pas briser l'Ardésium aussi facilement que l'humain.

- Hein ?

- Ne me prends pas pour une idiote Triface ! explosa la reine, tu as mis des chaines en Ardésium à cet enfant humain sans t'être renseigné sur le fait qu'il les avait déjà brisées auparavant, expliqua Audisélia, ta haine des humains te les a faits les sous-estimer et te voilà face à leur pire représentant.

- Ne me parlez pas sur ce ton, adoratrice des Hommes.

- C'est toi qui ferais mieux de te calmer car je suis la reine de ce refuge pour Féériques ! Je connais très bien les tribulations que nous subissons depuis des millénaires donc ne m'appelle plus ainsi avant que je te réduise en poussière de façon définitive.

Les trois faces de Triface sourirent.

- Mais... je ne suis que poussière. Vos menaces ne me touchent guère, se moqua-t-il, vous êtes effectivement la majesté de ce royaume, mais j'en suis la Justice ! dit-il fièrement, ma Justice est impartiale ! Ma Justice est irréfutable ! Ma Justice est inébranlable ! Ma Justice est inéluctable ! Si j'ai dit qu'il mourra, il mourra !

- Alors va lui ôter la vie de tes propres mains ! le provoqua-t-elle, au lieu de faire un caprice digne d'un enfant et d'employer des stratagèmes du même niveau. Au passage, tu veux savoir pourquoi ils ne fonctionnent pas ?

- Je ne me souviens pas vous avoir autorisé à me tutoyer...

- Parce que tu n'es qu'un tas de boue sans âme, animé par de maigres onces de vie provenant des trois anciens rois dont tu portes les noms, répondit-elle sèchement à sa propre question, tu es une relique d'un ancien temps plus vieux que ce monde, même les machines humaines sont plus performantes et ont plus de volonté que toi ! Tu as perdu, et c'est tout.

- ASSEZ ! s'insurgèrent les trois visages du Juge Fou, s'il faut que je m'occupe de cet impertinent cloporte moi-même, je le ferai.

Triface prit la lance de l'un des gardes, se créa des escaliers avec le sable du stade et les descendit en toute élégance en la faisant tournoyer comme une majorette.

- Toi ! Humain ! s'adressa-t-il au Héros, lève-toi face à ton Juge !

Le Héros se tourna vers son interlocuteur et le voyant descendre comme un mannequin de la Fashion Fiesta alors qu'il était plus proche des robots-mannequins des différentes enseignes des différents sex-shop fourmillant à Vicenti. Il était bien prétentieux pour un assemblage de caillou et de glaise. Il l'envoya à dache d'un revers de la main.

- Pour qui te prends-tu ? fulmina le Juge, je vais te montrer la puissance de l'être qui maintient l'ordre et la prospérité de cette nation Féérique.

Faisant tournoyer la lance du garde Féérique – il avait un casque et il avait une taille similaire à tous les autres gardes, en moyenne, je ne peux pas définir sa race –, il fit apparaître une tornade de sables et s'y engouffra.

Le public du stade fuyait le lieu du combat, les fées s'envolaient, les mages se téléportaient ou se métamorphosaient en rongeurs pour s'engouffrer dans les différentes failles qui se trouvaient dans les gradins, les nains utilisaient les trappes qu'ils avaient construites dans les sièges des gradins, le reste s'enfuyait à pied, pris de panique face à la folie du Juge Triface.

Le mégalomane, adepte du maillot et fait de terre boueuse, tenta d'aspirer le Héros, celui-ci n'ayant plus aucune force saisit les chaines qui saucissonnaient le lézard géant, mais le monstre reptile commençait à lui aussi décoller.

Le Héros réfléchissait, s'il était emporté avec l'assassin, il pourrait l'utiliser comme point d'appui, mais s'il se loupait, il se prendrait simplement ce gros lézard en pleine figure.

Il ne savait pas si c'était la bonne décision, mais il fallait bien qu'il agisse.

Il décida de se laisser emporter par la tornade.

Une fois dans l'œil du cyclone, après s'être ballotté par le tourbillon de sables, il ne vit Jordan derrière lui, mais il le tenait en respect, il se rappela alors qu'il était encore attaché à ses liens absurdement longs. Le pauvre rôti de lézard était encore entrainé dans cette histoire.

Néanmoins, tout ce sable était irritant, il s'insinuait dans tous les pores de la peau du Héros, même dans ses plaies ouvertes. Cela commençait à sérieusement lui gratter de partout, mais il se devait de rester concentré, il ne savait pas à quoi s'attendre avec ce magistrat bien trop zélé, il en avait fait les frais avant son entrée dans le stade. Au moindre écart, il se ferait indubitablement avoir.

À l'extérieur du tourbillon sablonneux, la reine et ses gardes restaient à l'affut, ce n'était pas la première fois que le pantin de pierre pétait une durite, ils avaient juste à le maintenir lui et sa victime dans une zone précise pour qu'il ne se déchaîne pas dans toute la capitale voire plus loin et que les sujets en pâtissent encore une fois.

La reine aurait pu utiliser la Colonne de Foudre pour l'arrêter, en le cristallisant, mais même changé en verre, il ne s'apaiserait, il allait devenir encore plus hargneux et incontrôlable...

Peut-être pourrait-elle le feinter en prétextant que c'était pour arrêter l'humain ?

Non, il allait dire qu'elle interférait avec sa « justice ».

Quelle galère...

Si cet humain pouvait tuer le pantin de pierre, elle lui en serait éternellement redevable même s'il était le possesseur d'Ymir.

Les princesses et leurs champions commençaient à être évacués, Beneltig pressa la Fée de venir se réfugier hors du stade, elle refusa, elle voulait voir le dénouement de ce combat, bien qu'elle craigne cette tempête et cet humain.

- Devenez-vous folle, princesse ? Avez-vous perdu la raison ? Il a aucune chance ! Il est face à Triface, c'est presque sûr qu'il va se faire tuer.

- Ça ne serait pas le premier miracle qu'il accomplirait sous nos yeux, rétorqua la fée aptère sans détourner son regard de la tornade, c'est un miracle qu'il s'en soit sorti, et je suis sûr qu'il va s'en sortir une nouvelle fois.

La Fée était réellement intriguée par cet étrange personnage qu'était cet humain, depuis qu'elle avait croisé sa route, il accomplissait tant de choses surréalistes. Des étoiles brillaient au fond de son regard, bien qu'il l'effrayât, elle était admirative de ses exploits. Et s'il s'en sortait, elle lui demanderait pourquoi il avait pris d'aussi gros risques pour elle, pourquoi il la défendait aussi ardemment, elle qui n'était rien ici, dans ce monde...

Cela changeait par rapport à son quotidien.

- Comme tu veux, Princesse...

Beneltig s'en alla, laissant la Fée devant cette bataille cataclysmique.

Au cœur de la tempête, le Héros se retrouva face au Juge Fou, ses pieds étaient devenus un tourbillon de poussière, de pierres et de sables, les bras croisés, leur air austère sur chacun de leurs visages, sa veste bleue rivetée qui lui donnait l'apparence d'un véritable dictateur.

- C'est ici que ton voyage se termine, humain ! aboya le Juge, as-tu une dernière volonté ?

Le Héros le toisa du regard et haussa les épaules.

- C'est bien dommage. Je vais finir par croire que tu es réellement dénué de voix, dit le Juge, Faux des Mille Jugements.

Le Juge Triface fit apparaître une immense faux avec le sable environnant et fonça sur le Héros pour le trancher en deux, celui-ci appela Ymir dans sa main et l'enfonça dans la poitrine du golem. Le Juge rit et glissa sur la lame du Héros jusqu'à lui.

- Penses-tu vraiment me tuer avec un simple cure-dent ? se railla le juge.

Quelque chose turlupinait notre héros depuis qu'il avait vu cette créature faite de roche et de boue, il lui arracha le bandana qu'il avait sur le front et il eut la réponse à la question qui lui taraudait l'esprit : des inscriptions étaient gravées sur son front dans une langue ancienne, cela correspondait à ce qu'il avait lu dans les livres de la Bibliothèque Universelle de Vicenti.

- Qu'est-ce que tu fais, bon sang ? s'excita Triface, ne me dis pas que tu sais le lire !

Les yeux du Héros s'illuminèrent d'une aura dorée, il lécha son pouce et essuya la première lettre du mot qui était écrit.

- Rien n'entravera notre devoir, créature de sable... Rien n'entravera le Destin du Héros de la légende... Disparais, dirent-ils à travers le Héros avec de multiples voix.

La lueur dans les orbites du juge disparut et ses mâchoires se décrochèrent avant de s'arracher de leurs bouches et de tomber entièrement en poussière, ne laissant que sur le sol son crâne en métal à trois faces.

Le Héros s'éclata le dos par terre avant de pousser un ultime cri de douleur et un dernier crachat de sang, après la chute de l'homme-lézard-saucisson.

Les gardes comme la princesse sans ailes et la reine n'en crurent pas leurs yeux : Triface a été vaincu !

Il est vraiment incroyable ! pensèrent la reine et la princesse.

Quel merdier tout de même !

Il ne se souvenait pas d'une seule seconde où il a pu être tranquille au moins une seconde depuis qu'il avait quitté Novillios, il ne se rappelait même plus quand datait sa dernière grasse matinée ou de son dernier bain chaud. Il espérait juste pouvoir obtenir le repos qu'il souhaitait depuis si longtemps dès qu'il aurait offert le repos éternel à cet homme qui lui avait tout pris en lui prenant sa tête et la source de tous ses ennuis.

Alors qu'il rêvassait à une douche Alpha One, il ne remarqua pas que les troupes de la reine l'encerclaient.

Encore des problèmes...

Il se leva en s'aidant de l'épée maudite comme point d'appui et il reconnut parmi tous ces hommes, les deux gardes qu'il avait rencontrés dans cette prison insalubre. Mais alors qu'il se préparait à un autre combat, il fut surpris de les voir s'écarter et faire place pour laisser passer la reine du Royaume des Fées en personne. Elle était immensément grande, elle devait faire un bon deux mètres cinquante et ses immenses ailes orange et dorées aux contours noirs ressemblant à ceux du papillon monarque la rendait encore plus imposante, elle devait être une anomalie parmi ses semblables – si on met de côté les gardes orcs –, tous paraissaient être des nains à côté d'elle.

A l'instant où elle leva le bras, le Héros se mit en garde, prêt à se confronter à celle qui l'avait foudroyé il y a peu, il allait se battre avec l'énergie du désespoir pour pouvoir s'en sortir et ne pas retourner dans cette immonde cellule.

Ces incessants combats commençaient à lui taper sur le système, il pensait avoir eu sa dose d'adrénaline pour la journée là, à un moment, il faut savoir s'arrêter.

Puis elle redescendit son bras, le Héros mit son épée au-dessus de lui pour contrer la colonne de foudre qui s'était abattue sur lui il y a quelques jours, mais la seule chose qui se passa c'est que les gardes royaux s'agenouillèrent tout autour de lui.

Le Héros était dans une totale incompréhension – en plus d'être ridicule dans cette position absurde avec son épée qui lui servait plus de parapluie que de paratonnerre.

- Par deux fois tu as sauvé l'une de mes précieuses sujettes et je me dois de te remercier en personne, et en bonne et due forme, dit Sa Majesté Audisélia d'un ton solennel, ensuite, je me dois aussi de te remercier d'avoir vaincu ce juge fou qu'était ce cher Triface, personne n'avait eu idée de comment l'abattre ou le destituer de ses fonctions. Donc moi et tout le royaume te devons une fière chandelle. Alors, dans toute ma bonté et clémence que je possède, je te gracie malgré ton humanité, et je suis prête à réaliser n'importe lequel de tes souhaits, tu es même un invité d'honneur dans mon royaume, dit-elle en faisant une révérence.

C'est trop d'honneur !

C'était bien la première fois qu'on le remerciait avec autant de ferveur.

Il se mit à penser à ce qu'aurait demandé Astéron dans cette situation, il fixa la reine et se mit à avoir des pensées obscènes qui le firent sourire, et il souffla du nez.

Vraiment ce dépravé d'Astéron exerçait vraiment une influence néfaste sur ce petit gars, il lui met des trucs dans la tête qui corrompt le jeune garçon et il se met à avoir des pensées de pervers – mais heureusement pour lui, ce n'est que des blagues qu'il se fait à lui-même, il n'aurait jamais osé lui dire, surtout au vu du sérieux du garçon.

Il reprit son sérieux, et s'avança vers elle, il y a bien trop choses qu'il souhaitait. Malheureusement, il ne pouvait les dire à haute voix, la douleur serait bien trop grande.

Baissant son épée, pointant la lame vers le sol pour ne plus l'inquiéter et affoler ses protecteurs, il fit signe à la reine de s'approcher. La reine s'exécuta, intriguée par le petit humain. Le garçon lui chuchota quelques mots à l'oreille pendant deux minutes sans qu'Audisélia ne dise quelque chose. Puis elle sursauta à l'annonce de certains éléments.

Soudain, il s'arrêta brusquement dans sa silencieuse déclaration, une grande blessure lui fendit le dos, effrayant toutes les personnes derrière le Héros, à la vue d'autant de sang. Il tomba sur le sol, les yeux révulsés, la bouche grande ouverte.

Il avait assez parlé pour aujourd'hui...

- Non ! Non ! Non ! répéta-t-elle frénétiquement, ce n'est pas possible ! Pourquoi il a fallu que cela soit toi ?

- Qu'y a-t-il, ma reine ? demanda Globox inquiet de la voir autant perturbée.

La reine expira et inspira de multiples fois comme si son corps se refusait à inhaler l'air ambiant, il fallut une bonne minute avant qu'elle retrouve son calme.

- J'accéderai à tes deux demandes concernant les humains et ton armure, mais la troisième, je me refuse à la réaliser, et je refuse que tu exécutes ce projet, c'est pour ça que c'est avec un immense regret que je vais devoir t'ôter la vie, annonça-t-elle avec tristesse.

Audisélia demanda à l'un de ses gardes de le tuer en transperçant la gorge du Héros, mais c'était sans compter l'apparition soudaine de la Fée qui empêchait cette exécution de se réaliser.

- NON ! s'écria-t-elle.

- Écarte-toi fée sans ailes, lui intima le garde qui allait trancher la tête de l'humain.

- Je ne vous laisserai pas faire.

- Nous devons le faire..., lui dit la reine.

- Je m'y oppose fermement !

- Et pourquoi ?

- Vous le savez très bien.

La reine secoua la tête.

- Je vais te faire embrocher avec lui si tu continues, la menaça la reine.

- Je n'en ai rien à faire ! hurla la Fée, s'il a été prêt à se battre pour moi alors je me dois de lui rendre la pareille.

Que dis-je ? se dit la Fée, me sacrifier pour quelqu'un ? Qu'est-ce qui me prend ?

La reine grogna de colère avant de céder et de dire à son garde de rengainer son épée. Elle pointa du doigt Ymir.

- Sais-tu ce que c'est ? demanda la reine avec une rauque et épuisée par tant d'événements et de révélations.

- Non...

- C'est l'arme des damnés, expliqua Audisélia, enfin du Damné qui nous a condamné à cette vie sans étoiles et sans ciel brillant.

- Que voulez-vous dire par là ?

- Toi qui étudies bien, tu as déjà dû entendre parler du Némésis ?

A la simple énonciation de ce nom, tous le gardes frissonnèrent de terreur, tous savaient de qui il s'agissait, de la crainte qu'incarnait cet être démoniaque. Les plus jeunes pousses de ce monde ou les gens dénués de savoir étaient les seuls à ignorer l'existence d'un tel démon

- Le Némésis est un être vil, empli des vices, de la force et de la puissance du Maléfique de l'Ère des Ténèbres.

- Comme espéré, tu es bien informée.

- Mais où voulez-vous en venir avec cette légende d'un autre temps, lui demanda la Fée avec un sourire inquiet et un pas de recul, le Héros, le Némésis et le Maléfique sont des personnages de contes, vous n'y croyez tout de même pas.

- Je ne sais pas pourquoi vous êtes tous devenus de tels incroyants alors que nous vivons une ère de tous les possibles... Mais étant donné que tu sembles faire semblant de ne pas vouloir comprendre, je vais extirper la réponse qui se trouve dans ta tête avec ma bouche : cet humain, jeune et menu, est l'ennemi naturel du Héros de la Légende, le Héraut du Malin, il est le Némésis !

Oh, oh ! me dis-je en même temps que Sawyer.

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