Lily la Tortue et les Trois Rois-Combattants

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Le bras du Héros virevoltait dans les airs sous le regard de la foule, tournoyant et répandant son hémoglobine au-dessus des combattants dans l'arène, avant d'atterrir lamentablement sur le sol.

Le Héros souffla d'exaspération. Il fallut juste un instant pour que celui-ci perde son bras à cause de son manque d'attention. À force de trop penser à la Fée, il allait finir par perdre ce combat

Il ne pouvait nier que la lame qui lui avait sectionné le bras était bien affutée, elle possédait un tranchant exceptionnel qui se couplait parfaitement avec la vitesse de son possesseur qui était un Coursier, c'était comme s'il avait coupé dans du beurre. Devant lui se trouvait une fée, un elfe et une autre cyclotaupe – petit rappel : une cyclotaupe est une taupe géante qui creusait en faisant des rotations sur elle-même, rares étaient celles qui possédaient le don de parole. Une équipe qui se complétait grâce à sa composition qui était agencée d'un fantassin très rapide qui venait au corps-au-corps, des attaques aériennes et souterraines, et un bon archer qui pouvait le maintenir à distance.

Quelle galère, encore... Si j'avais Ymir, je les aurais balayés d'un revers de lame et de glace... Là, je vais devoir faire preuve d'ingéniosité et de rapidité.

- Donc vous allez tous vous battre contre moi ? demanda le Héros d'un ton rieur.

- On a pu être témoin de tes exploits face au géant homme-lézard et au juge Triface que tu as vaincu avec une simplicité ahurissante, s'expliqua l'un des champions.

- On ne pouvait pas se permettre de nous faire la guerre alors que tu es parmi nous.

- Je comprends, je comprends... Mais vous pensez qu'avec cette simple organisation qui vous avantage, vous avez vraiment une chance de me vaincre ? les provoqua le Héros.

- Seuls les dieux du destin du Panthéon de Razomer connaissent la réponse, rétorqua la fée en plantant son épée dans le bras du Héros qui venait de toucher terre.

- S'ils arrivent à vaincre le Destin du héros de la légende..., ricana le Héros, ah ! Ça, je crois que c'est à moi. Je pourrais le récupérer ? exigea le Héros avec un ton des plus polis.

- Sûrement pas. Magie des Flammes : Combustion organique.

Des flammes pourpres jaillirent du bras et s'y enroulèrent, des bulles de chair éclatèrent sur son membre avant de tomber en cendres face au Héros. Le Héros comprit instantanément que ses adversaires ne lui laisseraient aucun avantage, s'ils doivent user des pires crasseries pour l'abattre, ils le feront.

- Soit.

Quelques minutes avant, dans les loges princières.

La Fée regardait le match de son nouveau champion, tracassée par les événements d'il y a quelques jours. Elle avait en partie honte de s'être réfugiée derrière son amie après avoir vu l'exécution barbare du Héros à l'Alpha Fenrir. Elle savait pourtant qu'il l'avait fait pour la protéger ! Mais voir un corps, même celui d'une bête, arraché en deux par un être de presque même physionomie, même corpulence qu'elle, qui lui parlait de façon aussi amicale à peine quelques minutes avant cet acte abominable...

Pourquoi fallait-il que la violence régisse le monde ?

Marine la voyant l'air pensive et les yeux dans le vague, quitta son siège près de son champion et vint s'assoir sur le siège vacant à côté d'elle pour voir pourquoi elle avait une mine aussi grave. Marine n'était pas vraiment une amie de la fée aptère. Elles étaient camarades de classe, elle lui trouvait des qualités et des défauts, mais pour ce qui est de cette histoire de progéniture de la Félonne ou du fait qu'elle était sans ailes, elle ne lui en tenait pas rigueur. Ce n'était pas sa faute... Ce n'était pas si grave après tout... De toute façon, elle n'avait pas l'air d'avoir la même ambition que la Reine Traîtresse et avait travaillé d'arrache-pied pour être au niveau de ses congénères princesses malgré ses ailes inexistantes.

La Fée lui raconta les assauts qu'elle avait subis de la part des Fenrirs et de comment le Héros l'avait sauvé, et qu'au lieu de le remercier, elle avait pris la fuite.

- Et tu penses qu'il t'en veut ?

- Je ne sais pas trop. Je ne lui ai pas parlé depuis ce jour...

- S'il se bat avec les autres concurrents, c'est qu'il s'en fiche un peu, en conclut la princesse-fée Marine.

- Sûrement...

- Tu n'auras qu'à t'excuser à la fin du match...

À peine eut-elle terminé sa phrase, qu'elles virent le bras du Héros s'envoler dans les airs avant de terminer sur le sol en face de son propriétaire. Les yeux de la Fée s'agrandirent face à l'amputation de son champion ; elle hurla d'effroi devant l'action du Coursier.

Marine se frotta la joue avec sa langue en voyant cette scène.

... s'il s'en sort..., ajouta Marine perplexe.

Les combattants passèrent à l'assaut et assaillirent le Héros. La cyclotaupe s'enfouit dans le sol pendant que la fée s'envola et que le Coursier tourna autour du Héros à pleine vitesse. Il était donc acculé dans une formation qu'il faisait qu'il pouvait être attaqué de toute part sans savoir d'où proviendrait la prochaine attaque. Et les coups ne se firent pas attendre ; ils pleuvaient de partout : des coups d'épée à des coups de griffes à des pluies de flèches magiques, téléguidées ou non. Le Héros n'avait aucun moyen de se défaire de ses adversaires avec un seul bras qui saignait abondamment et avec le sceau de restriction qui bloquait tous ses pouvoirs.

Le public semblait être en accord avec le fait que les quatre enfants allaient défaire le héros de la légende et se mettait à douter de sa légitimité.

Globox dans la loge royale pensait la même chose :

- Comment peut-il être le héros de la légende s'il se fait facilement couper le bras ? Finalement, notre reine aurait pu aisément le vaincre.

La reine Audisélia ne dit mot. Elle observa la scène avec grand intérêt sans pour autant le montrer ; elle voyait que le Héros se comportait différemment. Elle avait vu, dès le début du combat, qu'il n'était pas concentré et qu'il devait ne même pas s'être aperçu qu'il avait débuté étant donné comment il se tenait.

Cet idiot avait aussi eu l'absurde idée de venir se confronter à des guerriers « expérimentés » sans armure.

Elle se demandait si c'était l'événement avec les Fenrirs qui l'avait tant perturbé pour qu'il soit autant dans l'incapacité de fournir une résistance digne de ce nom. Peut-être aurait dû-t-elle intervenir...

Le Héros finit avec le corps lacéré par les attaques de ces combattants, criblé de flèches autant physiques, que magiques qui disparaissaient après avoir atteint ou raté leur objectif. Il s'était protégé du mieux qu'il avait pu, avec son bras unique et en évitant que l'un de ses organes vitaux ou sa colonne vertébrale soit touchée. Essoufflé et affaibli, il posa un genou à terre.

D'un commun accord, les quatre combattants décidèrent d'en finir avec lui en le pourfendant de toutes parts ; C'est la cyclotaupe qui, venant seul, depuis le sol, l'attaqua en tournoyant sur elle-même pour faire un trou dans la poitrine de l'humain.

Mais soudain, par un miracle inattendu, le Héros se releva et fit repousser son bras. Il décocha une droite dans la figure du mammifère fouisseur, le réceptionna et l'attrapa par la patte pour l'envoyer contre la fée qui le reçut de plein fouet et s'écroula sur le sol. Il avait réussi à désorganiser leur cohésion de groupe, donc il pouvait se saisir de cette occasion pour renverser la situation. Il fonça sur l'elfe, celui-ci lui lança une volée de flèches que le Héros esquiva à peine. Il courut à toute vitesse vers lui, arguant un sourire meurtrier, et arriva presque à sa hauteur lorsque le Coursier s'interposa... ce qui était prévu par le Héros.

Il s'appuya sur son pied droit et lui mit un coup de pied dans la mâchoire avec son talon, le laissant s'étaler sur le sol grâce à l'inertie. Ensuite reprit sa course vers l'elfe et lui brisa son arc en deux avant de se diriger vers la fée, de lui écraser le dos avec son pied et de lui attraper les ailes.

Tout le monde se mit à hurler dans le stade, la reine se souleva de son siège ouvrant de grands yeux ; le Héros venait de commettre un outrage plus qu'impardonnable : il avait touché les ailes d'une fée. Sa plus grande fierté, la chose la plus sensible de son corps. Allait-il commettre l'impensable ?

- Arrête ça, sale humain ! lui crièrent les gens du stade, tu n'as pas le droit de faire ça ! Déchet sans magie !

Le Héros fit mine de rien entendre et demanda à son adversaire de tourner son visage de profil et de le regarder du coin de l'œil.

- Je vais être clair ! Je suis vraiment de mauvaise humeur et j'ai pas envie de m'éterniser ici. Donc, je vais vous faire une proposition : vous abandonnez ou je t'arrache tes ailes comme une mouche.

- Tu n'oserais pas...

Le regard du Héros se fit encore plus dur.

- On parie ?

Le sang de la Fée ne fit qu'un tour en entendant la menace de son champion, comment pouvait-il faire une chose aussi ignoble ? Surtout dans un pays à majorité féérique, il allait commettre un sacrilège impardonnable à un noble ! Cela rappelait à certains les mutilations qu'ont fait –et que font toujours – subir les Hommes à leurs congénères en dehors des murs.

Les gardes commencèrent à s'accumuler sur les entrées de l'arène, des archers se mirent à viser la tête du Héros. Au moindre ordre de la reine, il deviendrait un cactus humain.

Audisélia se mordait l'ongle, espérant que le fils d'Elena ne fasse aucun faux pas, il signerait son « arrêt de mort » et son bannissement du royaume, la contraignant à le « tuer » et elle ne pourrait rien y faire.

- Alors décide-toi, insista le Héros, parce que j'ai vraiment pas de temps à perdre.

L'elfe sortit ses deux dagues de son dos, mais ne voulait aucunement tenter le diable. Cet humain semblait si imprévisible qu'il pourrait, sur une mauvaise interprétation de sa part, exécuter sa menace. Le Coursier le stoppa en plaçant sa main devant lui, il jeta un regard à la cyclotaupe qui hocha la tête, puis se tourna vers l'elfe pour savoir son avis, celui-ci fut réticent, mais hocha lui aussi la tête à contrecœur savant l'importance de sa décision sur la suite des évènements. D'un commun accord, le Coursier put déclarer :

- Nous abandonnons si tu relâches la fée.

Le Héros baissa les yeux vers son otage pour savoir si lui aussi était d'accord pour déclarer forfait. Serrant les dents, il ne put que céder, il avait juste espoir que sa princesse soit compatissante sur son abandon.

César déclara la victoire du champion de la princesse sans ailes.

Le Héros relâcha les ailes de son adversaire et partit en direction des loges, la fée l'injuria de tous les noms d'oiseau possible et lui demanda s'il avait vraiment l'attention de lui arracher les ailes, comme les autres représentants de son ignoble race, s'il n'avait pas déclaré forfait.

- Non, avoua le Héros, ma mère m'a trop bien élevé pour m'amuser à torturer des gens innocents ou qui m'ont rien fait. Mais j'ai un conseil : tu devrais t'abstenir d'insulter la mère d'autrui, tu risquerais de perdre bien plus que tes ailes.

Le Héros s'éloigna et la fée cracha, dans sa barbe :

- Démon humain...

La reine et la princesse s'écroulèrent toutes les deux sur leur siège, et toutes les deux dirent en soupirant de soulagement :

- Idiot !

- Vous savez que cela reste quand même un crime grave, leur rappela-t-on.

- On ne peut pas juger durement une personne qui ne connait pas les lois, rétorquèrent-elles

Audisélia se tourna vers son garde du corps Sawyer et lui demanda son avis sur le combat du jeune humain.

- La même chose que lorsque vous l'avez « testé » : trop d'ouvertures, pas assez réceptif, a des sursauts de concentration et se met inutilement en danger, l'accabla-t-il, mais il faut avouer qu'il a toujours ce même cran que dans la salle du trône, vitesse et force exceptionnelles, bien qu'elles ont été réduites par le sceau de restriction des maléfices, et il arrive facilement à retourner la situation, releva Sawyer, toutefois, il ne devrait pas faire intervenir des sentiments extérieurs pour se concentrer sur ceux issus de son combat.

- En plus, il a la même capacité de régénération qu'Elena, lui fit remarquer la rein, admirative.

- J'ai vu ça. Elle est même bien plus grande. Cela prenait beaucoup plus de temps à celle-ci pour se régénérer. Est-ce que chaque génération de héros se renforçait ? se demanda-t-il.

- Ta curiosité va-t-elle te mener à l'entraîner ? demanda la reine avec un sourire en coin

- Oui, oui..., soupira-t-elle.

Cette suggestion titilla l'oreille du compagnon du fils de Torn.

- Quoi ? Tu vas l'entraîner ? s'offusqua Globox.

- Roh, souffla Sawyer, toi tu es un vétéran aguerri qui a vécu plusieurs guerres, tu n'as pas besoin que je t'entraîne...

- Je ne te parle pas de m'entraîner ! s'irrita Globox avant de leur chuchoter, je pense que tu as perdu la tête de vouloir le prendre sous ton aile alors qu'il s'en est pris à notre reine. Et vous voulez l'aider à se renforcer ? Déjà que Dame Audisélia lui a offert un logement et le droit de rester ici alors que c'est un humain...

- Qui est le héros de la légende, intervint la reine, je ne me souviens pas que je me dois de vous demander votre avis sur une décision qui ne vous concerne pas. Si j'ai envie d'en faire mon fils qui d'entre vous se dressera face à moi ?

- Tout ça parce qu'il est l'enfant de cette misérable humaine..., grommela-t-il dans sa barbe en baissant la tête de frustration.

- Tu ferais mieux de me le dire en face en me regardant droit dans les yeux, dit Audisélia en lui faisant face.

Personne n'avait eu le temps de voir la reine se déplacer, ils ne virent que des éclairs après qu'elle se fut retrouvée en face de son garde du corps, le regard aussi froid que la glace et aussi vide que le néant, le buste penché vers l'ogre. Même Sawyer comprenait qu'il était allé bien trop loin dans ses propos. De toute manière, dès que cela concernait la fille dont elle était éprise, elle ne réussissait jamais à être impartiale. Bien évidemment, cela l'énervait lorsqu'elle se comportait ainsi pour de simples mots, comme si elle n'était pas au courant de la vie des nouveaux arrivants au royaume, perpétuant la haine envers les humains à cause du récit de leurs anciennes vies.

Sachant la dangerosité de la reine, il n'avait aucune envie de se confronter à elle. Depuis son couronnement, et bien avant, elle n'avait jamais démérité son surnom.

- Non madame, je n'ai rien à dire...

- J'espère bien.

Audisélia retourna normalement à sa place, attendant le prochain combat.

Globox sortit de la pièce et croisa son compère de toujours, Detsine.

- Pourquoi es-tu en sueur ? lui demanda le conseiller chauve.

- J'ai bien pensé qu'elle allait m'exécuter sur place.

- Quel grand honneur !

- Merci, mais non merci. J'ai une mission à accomplir et je veux la voir avant de mourir.

- Comme nous tous.

Ensuite, Detsine se rapprocha de Globox et tous les deux se mirent à avoir des messes basses.

- Sinon pour les combats ?

- Comme nous nous y attendions, il a gagné avec une aisance à couper le souffle. De plus, le fils de Torn va l'entraîner.

- Mince, s'exprima Detsine en frappant sur sa jambe, nous devons trouver un moyen de le stopper à tout prix.

- Tu as bien vu que même un Alpha n'a pas pu l'arrêter alors que sa force a été réduite, et encore aujourd'hui elle diminue malgré sa capacité de régénération remarquable..., désespéra Globox, l'autre couard s'est bien joué de nous à fuir ses responsabilités ! enragea-t-il, dans combien de temps, il sort lui ?

- Une semaine. Mais tu penses qu'il pourrait avoir une quelconque utilité ?

- Il reste le plus proche de la Princesse-Sans-Aile, nous lui trouverons bien une utilité quoi qu'il arrive.

- C'est vrai... Bon, prends tes jambes à ton coup avant qu'elle veuille se servir de toi comme paratonnerre.

- Reçu cinq sur cinq, Roger ! lui répondit Globox en faisant le signe ok avec sa main.

Puis tous les deux se quittèrent chacun de leurs côtés.

Se retrouvant à l'extérieur du Colisée, ses armes déposées dans le casier de Beneltig – car il n'avait pas encore mis son nom dessus –, il regarda l'azur et devina qu'il avait fini plus tôt que ce qu'il avait prévu – en même temps, si ces adversaires n'étaient pas des manches, le combat aurait duré plus longtemps, aucun moment, les trois autres ne se sont pas dits qu'il n'y avait que la fée qui avait abandonné. Après s'il lui faisait quelque chose, il recevrait sûrement une pénalité, vu comment ils étaient aux aguets lorsqu'il lui avait saisi les ailes. Même les monstres ailés auxquelles il s'était déjà confronté ne s'étaient jamais mis à crier aux abois à ce point.

Cela étant, il n'en avait rien à faire. S'ils étaient bêtes, ils étaient bêtes !

Mais lui aussi se retrouvait bête, car il ne connaissait personne dans aucune partie de la ville, donc il n'avait aucun endroit où aller pour passer le temps à part chez lui. Mais la reine ne lui avait toujours pas fourni un générateur pour faire fonctionner ses appareils électroniques. Peut-être devrait-il aller à la bibliothèque pour s'occuper ? Mais n'allait-on pas lui refuser encore l'accès parce qu'il est humain ? De plus, il détestait se balader dans les rues de la cité en pleine journée : les regards méprisants des citadins à son égard l'exaspéraient.

Ce mélange de crainte et de dédains le rendait furibond, et la reine et la Fée lui avaient défendu d'utiliser la peur pour se faire respecter.

Il ne pouvait que subir en silence.

Ces histoires de discriminations raciales l'agaçaient, que ça soit chez les Hommes ou parmi les Féériques ; il voudrait bien juste faire sa vie tranquille.

En parlant de cela, il n'avait pas remarqué, mais des gens commençaient à l'entourer, de façon éloigné, mais ils étaient, tout de même, menaçants, à son égard. Leurs regards n'annonçaient rien de bon.

Il se mit à envisager cet endroit que les habitants de ce royaume appelaient les Basfonds, avant de percevoir des cris provenant de derrière lui. Le Héros se retourna et vit la Fée courir après lui. Arrivée face à lui, elle cracha ses poumons, essoufflée par sa course. Il la fixa, intrigué, ne disant mot, voulant savoir ce qu'elle lui voulait.

Une fois son souffle repris, elle lui prit la main et l'emmena au château. À l'entrée, elle s'identifia auprès des gardes – bien qu'ils sachent qui elle était – et après deux, trois détours dans des couloirs exigus – le Héros ne se souvenait pas avoir déjà emprunté de tels chemins –, ils arrivèrent à un ascenseur. À l'intérieur, la Fée fit un cercle magique et en son centre, elle y inscrivit le chiffre « moins vingt-sept », en Oli'Ane, et l'ascenseur se mit en marche, et ils descendirent les étages.

- Où tu m'emmènes ? lui demanda le Héros.

- Dans mon jardin secret.

- Généralement, les « jardins secrets » se sont des journaux intimes, lui fit-il remarquer.

- Généralement. Mais pas nécessairement, rétorqua-t-elle.

Arrivés au vingt-sixième étage inférieur, l'ascenseur ne tenait plus sur aucun rebord, il flottait dans le vide, le Héros sentit une odeur âcre dans l'air, un mélange entre celle du pétrichor, celle de l'océan, et une odeur... particulièrement pestilentielle.

Où l'emmenait-elle, bon sang ? Dans une déchetterie où elle pourrait l'enterrer sans qu'il ne puisse jamais remonter, comme l'un des anciens héros.

L'ascenseur atteignant la terre ferme, la Fée fut la première à descendre, le Héros n'avait pas très envie de la suivredans ce lieu inconnu où il faisait aussi noir qu'à l'extérieur du royaume – bien que la salle où ils se trouvaient soit assez bien éclairée en luxinite bleue, et non jaune comme celle de la ville ou de la prison souterraine. Et cette odeur qui envahissait ses narines le gênait plus que tout, elle lui paraissait familière, mais il ne saurait pas situer où il l'avait sentie...

- Tu viens ?

- Réponds-moi d'abord. Où est-ce qu'on est, Princesse ?

- Tu le verras par de tes propres yeux. Tu ne me fais plus confiance ? dit-elle en riant.

- T'apprécier ne veut pas dire que je te fais totalement confiance.

- Comment ça ? demanda-t-elle surprise.

- À l'extérieur de ces murs, j'ai toujours pensé, vis-à-vis des personnes et créatures que je rencontrais : soit ce sont des ennemis, soit ce sont des ennemis potentiels. Que cela soit dans leurs mots ou dans leurs actes, ils mentiront, et donc, me trahiront, bien que je n'éprouve aucune animosité envers eux.

- Ah..., dit tristement la Fée, alors pourquoi m'avoir suivi sans un mot si tu n'as pas confiance en moi et pourquoi... ?

- Car je suis immortel donc je n'ai pas à te craindre puisque tu peux pas me tuer et tu as dit que tu voulais me montrer quelque chose, mais surtout, je voulais voir si cela avait un rapport avec ce qui s'est passé hier. Ça m'étonnerait pas que tu en sois venu à la même conclusion que moi.

C'est à cette phrase que la Fée comprit où il voulait en venir avec sa tirade sur la confiance. Elle lui attrapa une nouvelle fois la main et lui dit :

- Alors viens voir ce que j'ai à te montrer sans faire ta mijaurée.

La princesse entraîna le Héros dans des dédales sinueux et étroits comme s'ils se trouvaient dans une tour poisseuse, le sol, lui, était fait d'une matière inconnue. Il pouvait être parfois visqueux et parfois d'une solidité remarquable, il toucha les parois et reconnut une matière dont il avait déjà été en contact auparavant, son sens du goût réagit à son contact. Cela signifiait que le Héros avait dû en avoir entre les mains et l'avoir déjà gouté, de ce fait... ils se trouvaient à l'intérieur d'une créature et cette odeur repoussante devait provenir à la fois de ses entrailles et de ses rejets naturels.

Le Héros se demandait comment une princesse qui était aussi propre sur elle, qui n'avait jamais connu l'insalubrité, n'était pas gênée par ces effluves nauséabonds.

Le couloir s'élargit et ils arrivèrent dans un espace plus ouvert donnant sur un précipice. À leur droite, le Héros y découvrit un lac d'un bleu fluorescent. Il était sûr que ce n'était pas de l'eau qu'il contenait en son sein. Il se demandait si l'arbre aux racines surélevées s'abreuvait de cette étrange eau.

- C'est avec cette « eau » que nous créons l'eau miraculeuse, lui expliqua la Fée, d'habitude, on les fait contenir dans de petites fioles, mais toi tu as eu droit à un bain, ce qui est quand même rare pour être noté. Normalement, ce sont les nobles les plus proches de la royauté, les princesses-fées et la reine qui y ont droit.

Le Héros ne dit rien. Il sentait un ton de reproche dans la voix de la Fée. Il lui avait juste dit la vérité. Ils ne se connaissaient pas tant que cela. Elle n'avait pas à le prendre aussi mal. Cela lui rappelait quand il avait amené le corps des parents d'Astarté à celle-ci, pourquoi lui en voulait-elle tant, comme si c'était sa faute ? Non seulement il haïssait les Hommes mais en plus, il avait du mal à les comprendre.

À une époque, tout était plus simple pourtant.

La Fée mena le Héros dans une grotte, elle empoigna une torche de luxinite bleue releva sa robe et y fit tomber un peu de poussière d'étoiles, qu'elle sortit d'une besace qu'elle avait sur sa cheville, sur la torche en chuchotant des mots qui étaient inaudibles à l'oreille du garçon. La torche changea de couleur pour prendre son jaune habituel et illumina toute la grotte. Le Héros y vit à l'intérieur un régiment d'immenses salades, la Fée redéposa la torche à son emplacement et dit au Héros de s'approcher pour l'aider à décrocher une feuille de salade. Ils en prirent chacun une entre leurs mains et la Fée alla contre l'une des parois de la grotte et inscrivit sur des inscriptions en Oli'Ane avec sa poussière de fées ; un passage secret s'ouvrit. Le Héros observer la Fée essayer de passer avec sa feuille de laitue géante jusqu'à ce qu'elle trébuche et tombe sur son arrière-train. Elle essuya l'arrière de sa robe et elle ressaya mais cela se voyait que la feuille de laitue était non seulement trop lourde pour ses bras mais aussi trop grande, et le même gag se déroula sous ses yeux – au moins cela lui permettait d'admirer la forme de son fessier (cela provient de son esprit lubrique, pas de moi). Au bout d'un moment, il fallait qu'ils avancent, alors il saisit la feuille de laitue et la transporta dans ce passage qui menait... à l'extérieur du royaume.

- Que... quoi ? s'exclama le Héros.

- Hé oui, il n'y a pas qu'un seul passage qui mène à notre royaume. Allez, maintenant descends. Quelqu'un nous attend.

Des escaliers se dressaient face à lui. Il descendit les marches une à une en regardant bien où il mettait les pieds jusqu'à atteindre la terre ferme. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas vu la nuit noire du monde des ténèbres qu'était devenu cette planète. Cet endroit n'était éclairé que par les cinq, six petits volcans en activité autour d'eux qui pouvaient entrer en éruption à tout moment. Le sol rugueux, poussiéreux et craquelé, cet environnement inhospitalier, bien que ce fut la première fois qu'il se trouvait dans le pays de Kano, lui était plus que familier, bien le danger était le même partout ailleurs. En parlant de ça, n'était-ce pas dangereux que le Héros se retrouve avec une princesse-fée en dehors du royaume ? Il y avait peu de chances qu'il croise la route d'un quelconque marchand d'esclaves ou de bandits de grands chemins sur ces terres volcaniques, mais les bêtes qui vivaient dans ce lieu hostile ne devait pas se trouver bien loin. Il était désarmé et moins fort qu'à son habitude, pourrait-il la protéger convenablement ?

La Fée le sortit de ses pensées en le poussant dans le dos et lui disant d'avancer. Il n'y avait rien à contempler dans sur ces lugubres terres. Ils avancèrent jusqu'à que le Héros se heurte à quelque chose, il décala les feuilles de son visage et découvrit un monticule noir. Il toucha ce monticule du bout des doigts et s'aperçut qu'il s'agissait de peau, d'une peau écailleuse.

Ils étaient donc bien à l'intérieur d'une bête, il y a quelques instants.

Ils continuèrent leur chemin jusqu'au lieu où voulait aller la Fée et elle dit au Héros de déposer les feuilles-là.

- Il est temps de l'appeler ! dit la Fée.

Elle siffla un grand coup, à l'aide de ses doigts, et il y eut un grand tremblement de terre, la terre se mit à s'élever, le Héros fut à deux doigts de perdre l'équilibre et de tomber sur la Fée mais réussit à se maintenir sur place et une explosion de terre jaillit du sol et une immense tête reptilienne leur fit face.

C'était un monstre !

Un véritable monstre comme on le contait dans les légendes !

Le Héros n'en avait jamais vu auparavant, il avait bien affronté des géants, des griffons, des minotaures et autres joyeusetés qui étaient rares sur ce continent, mais cette chose tenait plus du dragon que de l'humanoïde parlant qu'il pouvait croiser sur son chemin.

Tout le corps de l'Homme se crispa ; il ne savait que faire dans cette situation. Si cette chose s'en prenait à eux, aucun des deux ne pourraient s'en sortir.

- Salut, ma belle, Lily ! Comment tu vas ?

La créature expira de l'air de ses narines sur eux et les regarda attentivement.

Comment pouvait-elle s'adresser à cette chose comme si c'était son ami ? pensa le Héros.

Même si elle ne semblait ne montrer aucune animosité à leur égard, rien ne disait qu'elle n'était pas dangereuse.

- Ne sois pas méfiante, Lily ! C'est mon nouvel ami ! lui cria-t-elle en lui faisant des coucous de la main droite ! Il est un peu timide donc saluer les gens ne lui vient pas tout de suite à l'idée, lança-t-elle une pique à l'encontre du garçon.

Princesse le poussa devant elle et lui dit de dire bonjour.

- Euh... Salut...

- Tiens, le grand héros de la légende qui a plus peur que celle qu'il doit protéger, comme c'est amusant.

- Mais qu'est-ce que tu racontes ? s'écria le Héros, ce monstre pourrait nous dévorer à tout moment !

- Non, elle est trop vieille pour ça, son régime n'est composé que de végétaux comme la laitue.

Puis la Fée redressa sa tête pour s'adresser à l'immense créature.

- Je ne sais pas s'ils t'ont nourrie ou non, alors je t'ai amené que deux feuilles pour pas que tu ne veuilles pas manger ou que tu te retrouves repue lorsqu'ils te nourriront !

La créature à tête de reptile baissa la tête et ouvrit la bouche, la Fée attrapa l'une des feuilles et usant de toutes ses forces l'amena jusqu'à la bouche de l'animal.

- C'est quoi ça ? demanda le Héros.

- Ne dis pas « ça » ! le réprimanda-t-elle, c'est une tortue-monde. Une des plus vieilles espèces qui existent sur Fayiera Terra. On raconte que certaines sont si grandes qu'elles sont capables de transporter des planètes entières sur leur dos ! Mais la nôtre ne transporte que notre royaume depuis l'ère des Rois-Combattants.

- Et c'est eux qui l'ont appelée Lily ? se moqua le Héros sans nom.

- Bah non, banane ! T'es bête, un peu, répliqua la Fée sans nom en tapotant sur sa tête.

L'arroseur arrosé ! Il ne s'attendait pas à ce qu'elle le prenne de court ainsi. Néanmoins, bien qu'elle affichait ce sourire enjôleur lorsqu'elle lui disait cela, il se doutait que ce n'était pas à cause d'un caquet bien affilé, mais juste qu'elle lui posait une simple question comme si c'était une évidence pour lui qui n'était pas d'ici.

- Et comment je suis censé le savoir ? répliqua le Héros avec une voix nasillarde.

- Bah si tu venais à l'école peut-être que tu le saurais, patate ! lui répondit la Fée en lui tirant la langue, en vérité, tu pourrais vraiment venir...

- Nooooon, la flemme en vrai, refusa le Héros, je pourrais plus faire de grasse matinée.

- T'as vraiment un navrant mode de vie à te réveiller au zénith, ricana la Fée en mettant la main devant ses lèvres, je me demande comment t'as pu être aussi fort.

- Le Destin l'a permis, c'est tout, haussa-t-il les épaules.

La Fée fut surprise par la voix qu'il avait prise à l'instant, le nombre de questions augmenta et toutes commençaient à affluer, à une vitesse ahurissante, dans son esprit au point de le lui embrouiller.

Pas maintenant, se calma-t-elle, je ne dois surtout pas lui en parler. Il me prendrait pour une folle, déjà que personne ne m'a crue à l'époque.

Elle dévia le sujet sur la tortue Lily pour ne plus penser à la voix qu'elle venait d'entendre de la bouche du jeune homme au visage caché par la malédiction.

- Comme je te disais, son nom n'est pas Lily, c'est un petit nom que je lui ai donné. Les Rois-Combattants ne donnaient pas dans le mignon.

- J'ai vite fait entendu parler d'eux, je ne sais plus où...

- Ça doit être sûrement moi vu le savoir que je t'apporte au quotidien, se vanta-t-elle en secouant ses cheveux.

Le Héros lui aplatit les joues avec ses deux mains et la regarda droit dans les yeux tout en lui disant :

- Du fond du cœur, j'espère que non vu comment tu te la pètes.

- Je rigole !

- Je sais. Reprends ton explication, ça avait l'air intéressant, lui dit-il en relâchant à l'air libre ses joues, j'avais entendu dire que ce n'étaient pas des enfants de chœur.

La Fée remarqua que les mains du Héros étaient, bien que galeuses, fines et, d'une certaine manière, douces. Ce n'étaient pas des mains de bucherons ou de maçons comme possédaient la majorité des gardes. Elle ne dirait pas qu'il prenait vraiment soin de lui, mais plutôt qu'il avait de la chance d'avoir des mains aussi belles d'une certaine manière, dommage qu'elles étaient recouvertes par cette « tâche ».

- Les Rois-Combattants étaient un trio de fées guerrières provenant de l'Europea de l'Est...

- Mais il n'y a rien à l'est, rappela le Héros, tout a été détruit par des êtres « solaires » et la zone doit être encore radioactive, indiqua-t-il.

- L'un est particulièrement faux, l'autre est totalement faux, rectifia la princesse sans ailes, la radiation causée par l'attaque de ces « enfants des cieux », comme ils étaient appelés par les premiers terriens, donc les Hommes de l'ancien temps, a disparu en plus de sept mille ans, tu sais. Et pour la région de l'Est : oui, une grande partie a été vaporisé ce jour-là, mais il s'y est créé plusieurs ilots, iles et péninsules, c'est de là que viennent la fratrie régente et la tortue Lily.

- Ils étaient rois à la même période, donc ?

- Exact, acquiesça la Fée ravie de voir qu'il suivait, ils n'ont pas vécu très longtemps donc ils se sont succédés chacun de leur tour de leur vivant. Mais avant qu'ils soient les dignes rois fondateurs de Sylvania, ils étaient juste de jeunes guerriers qui ont décidé de parcourir le monde pour affronter des personnes puissantes à travers le monde, par pur plaisir.

Il éclata de rire à cette raison complètement délirante à ses yeux, apprendre que des gens doués de raison sont allés perdre leur temps à se battre contre des inconnus juste par plaisir de la bagarre... Des hommes comme on en fait plus, après ils s'étonnent de mourir plus tôt que les femmes.

- La plupart des gens lorsqu'ils entendent cette raison, ils sont outrés, toi tu rigoles, dit la princesse, étonnée par la réaction de son champion, tu es bien étrange comme garçon.

- Mais attends, vos premiers rois sont shonen comme gars.

- « Cho-nein » ? C'est quoi ce mot ? C'est une insulte ?

- Bien sûr que non ! Je l'ai appris à la Bibliothèque en lisant des livres étrangers en ancien Franca que les ordinateurs ultrapuissants de la cité de Vicenti ont traduit, ce sont des histoires où les personnages principaux aiment se battre et deviennent plus puissants à chaque combat, s'extasia-t-il, eux, ils sont pareils, ça me termine !

C'était la première fois qu'elle le voyait si passionné dans ce qu'il racontait. Il était hilare par cette histoire que tout son peuple, qu'ils soient fées, orcs, ogre, lutin, gobelins, Treemen, homme-lézards et autres, connait depuis sa jeunesse. Le Héros se moquait d'eux, plus par amusement que par véritable raillerie, il avait l'air de vraiment les admirer. Ça le rendait vraiment moins terrifiant de le voir rire aux éclats – s'il pouvait mettre les lunettes qu'elle lui avait offertes, ça serait encore mieux.

- Tu rigoles mais il te ressemble.

- Je pense pas, je n'aime pas particulièrement me battre.

- Ah bon ? Pourtant durant le combat contre la reine tu avais l'air de prendre un certain plaisir, nota la Fée.

- Comment tu peux dire ça alors que j'ai fini en piteux état ? se scandalisa le Héros.

La Fée eut un sourire crispé en le regardant droit dans les yeux, elle ne croyait aucunement au faux scandale du Héros. Celui-ci se rassit et eut le même plissement de lèvres tiré en longueur qu'elle.

- C'est l'adrénaline, pas le fait de se battre, rectifia-t-il.

La Fée gonfla ses joues ne comprenant pas où il voulait en venir.

- En gros, tu vois dans le sport... Tu pratiques un sport ?

- Oui, le repousse-balle ! Faudra que tu viennes voir comment je suis forte, se s'enorgueillit-elle.

- Bah tu vois quand tu gagnes, cette sensation de stress intense quand tu es face à une immense difficulté ou peur : « j'ai peur de perdre », « j'ai peur de mourir »... C'est ça être sous adrénaline.

- Donc vous recherchez le sensationnel ?

- Indirectement pour moi, c'est appréciable à vivre mais je préfère taper des siestes que me retrouver sous les tirs laser de flics véreux de grandes cités.

- C'est sans doute cela que recherchaient, au début, les Rois-Combattants. De nouveaux défis, mais bon, leur périple a mal tourné, à peine ils étaient sortis de leurs iles paradisiaques...

Les Rois-Combattants, accompagnés de leur tortue de compagnie, voyagèrent à travers tout Europea, découvrant des lieux qu'ils n'auraient jamais cru exister. Des peuples dont ils avaient entendu l'existence par les récits des hommes et des femmes qui étaient partis en quête de savoir sur ce monde ou quête d'aventure. Mais leurs récits se terminaient toujours par la désillusion et le désespoir de ce qu'ils avaient vécu durant leur long périple. À chaque fois qu'ils leur relataient leurs expériences, ils déclaraient qu'ils avaient été confrontés aux pires horreurs qui pouvaient exister ici-bas, des choses effroyables, des personnes terrifiantes... Nombre d'entre eux étaient partis sans jamais revenir.

Nonobstant, ce n'est pas ça qui allait stopper le trio et la tortue. Si ce monde était si dangereux, alors ils allaient forcément trouver des gens capables de les éprouver en combat, que cela soit physiquement ou intellectuellement.

Djabel, Thor Björn et Bartholomé étaient trois frères nés d'un père différent. Leur mère était une grande romantique qui tombait sous le charme du premier homme venu, mais eux, ne la considéraient que comme une femme facile à berner pour assouvir leurs bas instincts – heureusement que pour eux, elle n'était pas très fertile sinon, elle aurait pu se renommer Fonzi (merci pour la réf). Et la chance pour eux fut de naître tous à partir de la semence d'une fée faisant qu'on peut effectivement les considérer comme des frères de sang.

Malgré les déboires amoureux de leur mère qui était décédée au moment de leur départ de leur village natal, ils l'aimaient d'un amour véritable et ne la jugeaient pas sur sa quête insatiable de rencontrer le grand amour.

Cependant, cette clémence n'était pas au goût de tous et ils étaient souvent insultés de fils de catin par les autres enfants ou adultes de leur village, les menant souvent à se battre dans des faces-à-faces insensés. Et à force, ils y prirent goût, ils en voulaient plus, jusqu'à ce qu'ils finissent par être craints sur la plupart des iles environnantes. Toutefois, ils n'étaient pas considérés par tous comme des bandits, Thor Björn, l'intellectuel du groupe, était l'homme qui apportait le plus d'innovation aux villages, malgré son incapacité à utiliser la magie. Il la comprenait et l'enseignait aux autres pour qu'ils l'aident à réaliser des projets fantasmagoriques pour le bien commun, ses frères étaient sa main d'œuvre mais ne rechignaient pas à la tâche. C'est grâce à eux qu'ils purent lier les iles, grâce à des ponts ou des portails – différents des ecapses – pour faciliter la communication entre elles et pour qu'aucune communauté ne soit isolée.

Ils avaient déjà en eux l'âme de véritables leaders.

C'est pour ça qu'à leur départ, bien qu'ils soient de véritables loubards, les habitants de ces iles ne purent s'empêcher de leur souhaiter de véritables au revoir remplis de tristesse. Ratasquel – la tortue qui les accompagnait à chacune de leurs pérégrinations sur chacune des iles – les suivait bien qu'ils aient tout fait pour qu'elle reste à Zastarinn, cependant, face à sa détermination, ils finirent par céder.

Néanmoins, ce qui devait être un voyage initiatique, finit en voyages de tribulations, passant de tribulations en tribulations face à l'horreur qu'était ce monde plongé dans les ténèbres, seul le mal subsistait. Torturés, tabassés, astreins, ... ils finirent comme la majorité des Féériques ou Hommes, remplis de naïveté, qui voyageaient hors de leurs terres natales sans rien savoir du monde extérieur : utilisés contre leur gré. Nonobstant, c'est en devant combattre dans une arène pour le plaisir de riches humains qu'ils vouèrent une profonde haine contre cette race. Ils réussirent par développer une grande connaissance en magie leur faisant acquérir une énorme puissance magique leur permettant de se défaire de leurs chaines et de se libérer de leurs geôliers avant de réduire en cendres cette ville malfaisante.

Après cette expérience malheureuse, ils prirent une décision : fonder un havre de paix pour toutes les fées du monde entier, mais à travers l'Histoire, ils savaient qu'une cité bien que cachée, finirait toujours par tomber si elle restait dans la même position ; les gens finiraient, indubitablement, par la trouver. Alors, connaissant l'exacte nature de Ratasquel, ils la firent grandir grâce à un sort axcel surpuissant lui faisant atteindre une taille, plus petite que sa taille actuelle mais, assez grande pour y construire un village qu'ils seraient à même de protéger, lui et ses habitants.

Utilisant le bois de la forêt mystique qui était poussé sur le dos de la tortue, ils construisirent les premières habitations et réussirent à obtenir la protection du Cerf aux Bois Blancs Tachetés. À ce qu'on disait, ils étaient un émissaire du panthéon divin, c'est par lui qu'on pouvait entrer en communication avec les dieux et les morts. Mais même pour les élus, il était difficile à voir. C'est ce cerf qui leur offrit, à leur demande, un arbre que tous les habitants du royaume connaissent car c'est à partir de ses fleurs que naissent les fées au sang bleu : Java-Aleim. Mais Thor Björn, grâce au savoir qu'il a obtenu dans les différents cités humaines et Féériques qu'ils avaient visité, a réussi à le modifier pour que toutes les progénitures de cet arbre ait leur sang. Toutefois, pour que les fées royales ne possèdent pas les gènes de leurs différents pères, ils ont décomposé leur ADN pour qu'il n'y ait dans l' « Arbre de Vie » que le sang de leur mère, ce qui a provoqué la naissance que de portées féminines – ce qui gênait moyennement les Rois-Combattants – mais cette modification entraîna aussi une recrudescence de fées au sang royal, alors qu'une fée royale devait naître de façon unique juste après la mort de la précédente reine. Puis ils établirent un pacte magique secret avec les archimages d'un certain lieu concernant la protection de leur peuple, que seules les reines connaissent la nature.

C'est comme ça que naquit le village de Sylphidia, avant de devenir, des générations et des prises de décisions plus tard, le royaume de Sylvania tel qu'il est dès à présent.

- Je vois les ressemblances, avoua le Héros, mais la finalité est différente : moi, j'ai aucune envie de sauver qui que ce soit.

- Pourtant, tu m'as sauvée !

- Quand je dis « sauver les autres », je veux dire que je n'en ai pas l'envie, ni la conviction, mais si je vois quelqu'un en danger, bien sûr que j'irai l'aider comme je le fais pour toi, bien que je reçoive un coup d'éclair sur la tête comme récompense.

- Arrête, je me suis déjà excusée pour ça.

- Je plaisante. Je ne t'en veux pas, ni à toi, ni à la reine...

- Mais je tiens à m'excuser de t'avoir fui, alors que tu n'avais fait que me protéger des Fenrirs qui étaient un danger mortel à mon égard, et la violence dont tu as fait preuve n'était que proportionnelle à la férocité de ces bêtes.

- C'est pas grave, j'ai l'habitude d'être considéré comme un monstre, je te l'ai déjà dit.

- Si c'est grave ! s'emballa-t-elle.

- Pas besoin de monter sur tes grands chevaux...

- Si ! insista-t-elle, je le dois parce que je n'ai pas envie que tu croies que je te considère comme un monstre ! C'est juste que j'ai peur de la brutalité, à cause de toutes les tentatives d'assassinats que j'ai subies... Bien sûr, avant oui, mais maintenant, tu es mon ami et jamais, mes amis, qui qu'ils soient, seront des parias à mes yeux.

Le Héros fixa le ciel noir, pensif, penchant la tête de gauche à droite.

- D'accord, dit le Héros, je vais te croire. Je vais te faire confiance, gamine ! Après tout, j'ai aussi dit que tu es ma pote !

Elle était ravie qu'il ne lui en veuille pas comme lui avait dit la fée Marine. C'est vrai qu'elle l'avait défendu en prétendant qu'elle le considérait comme son ami, mais désormais, elle le considérait réellement comme son compère.

Il se leva et la souleva de terre en la portant en passant ses bras autour de son corps, la Fée s'écria de surprise.

- Mais qu'est-ce que tu fais ?

- Je pense qu'on a passé assez de temps ici, je ne voudrais pas qu'ils nous arrivent quelque chose sur cette terre volcanique.

Attentionné le gaillard, pensa la princesse malgré le fait qu'elle était incroyablement gênée qu'on puisse la porter ainsi.

Ils refirent le chemin inverse en gravissant les escaliers pour remonter au royaume, elle l'aida dans son entreprise en enroulant ses bras autour de son cou. Puis lui vient une question que tout le royaume se pose.

- Au fait, comment cela se fait que tu aies réussi à tuer Triface ? C'était un être que nul n'avait pu défaire dans tout le royaume et il avait la capacité d'avoir la force des trois Rois-Combattants réunis.

- Faut savoir lire l'hébreu.

- « Lébreu » ?

- Une langue morte datant d'il y a bien plus de sept mille ans, bien avant la fusion des mondes, la langue principale de la Bible chrétienne ou la Thora.

- Tu en connais des choses... Tu l'as apprise dans cette « tora » ?

- Non, je les ai acquises malgré moi et j'ai reçu l'indication de comment le défaire, resta-t-il évasive la question, sinon, comment ça se fait que tu sois amie avec une tortue maxi géante ?

Elle réfléchit, quelques secondes, avant de répondre :

- Je ne me souviens plus trop... Je crois qu'on m'avait soulevée du haut de la muraille avant de me balancer hors du royaume. Je suis tombée sur la nuque de Lily, puis j'ai roulé jusque sur le sol parce qu'elle y avait la tête enfoncée. Lorsqu'elle la dressa, j'ai fait la connaissance de ma nouvelle amie Lily.

- Attends... On t'a fait tomber ou balancer dans le vide ?

- Je dirais selon mes souvenirs et les quelques réminiscences que j'en ai... On m'a jetée, conclut-elle.

- Mais ! Les gens sont mauvais ici !

- C'est comme ça pour tous les sans-ailes, mais encore pire pour moi qui suis de pur-sang royal. Mais je ne suis pas la plus à plaindre dans ce royaume...

Le Héros ruminait dans sa barbe ; il n'arrivait pas à croire qu'on ait pu faire un acte aussi horrible à une enfant qui ne devait pas vraiment être âgée si elle n'en avait presque aucun souvenir. Elle pouvait bien dire qu'il avait des similitudes avec les Rois-Shonen mais c'est bien à elle qu'il s'apparentait le plus.

C'est bien pour cette raison qu'il avait décidé d'être son champion au lieu de reprendre sa quête de vengeance contre Némésis Second. S'il pouvait au moins aider quelqu'un dans sa vie avant de mourir, cela le contenterait.

- Et tu n'as rien fait ?

- Je me suis plaint, puis je suis passée à autre chose. C'est tout.

Une fois arrivé au sommet, elle sauta hors des bras de son champion et arrangea sa robe, avant de rester immobile.

- En fait, l'autre jour, je devais te présenter à mes parents, mais avec l'attaque des loups géants et la gêne occasionnée par celle-ci, j'ai oublié donc... si tu n'as rien à faire de particulier demain...

- Bah, je pourrais, ça va être compliqué mais..., je pense pouvoir te caser entre rien et... rien.

La Fée sauta de joie et sauta sur le Héros pour le remercier.

- Je pars devant pour préparer tout ce qu'il y a préparer, on se revoit demain !

- Mais je sais même pas où tu habites !

- À Java-Aleim, je t'attendrais, dit-elle déjà loin de lui.

Le Héros souffla d'incompréhension, avant de glousser bêtement ; cette fille désinvolte était une énigme pour lui. Elle avait l'air bête mais était intelligente, le craignait mais l'admirait et ne cessait de vouloir le voir... Une fille impossible, en somme.

Soudain, lorsqu'il rentra à l'intérieur de la tortue, dans ce local à salade géante, il sentit des mains lui enserraient la gorge, il se débattit comme il put, mais n'arrivait pas à toucher son adversaire, jusqu'à ce qu'il entende des susurrements dans son oreille.

- Tu te relâches.

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