Retour sur les Basfonds

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Le Héros et la Fée allèrent se reposer en compagnie de Sa Majesté et de son fidèle compagnon. La reine leur avait amené un délicieux repas dans un joli panier en osier, mais Sawyer ne pourrait pas le déguster à cause d'un appel urgent de la part de ses subordonnés. Ils le dégustèrent alors tous les trois au bord de la tour d'entraînement et purent admirer le royaume dans toute sa splendeur grâce à la lumière chatoyante du ciel factice.

Un regroupement de personnes les observait depuis le sol et voyait d'un très mauvais œil que la reine puisse passer autant de temps avec un déchet comme la fée aptère et son chien démoniaque qu'était le Héros. La reine les entendait médire sur les deux enfants mais les ignorait complètement. Elle préférait leur parler de leur observation.

- Je ne sais pas si vous vous rendez compte les enfants, les apostropha Audisélia, mais on a une petite vision de ce qu'était le monde auparavant bien que ça soit juste une petite fenêtre sur le monde d'avant.

- Une lumière qui s'étend jusqu'à l'horizon de notre planète..., commenta le Héros la bouche pleine.

C'est donc ça que vous voyez lorsque vous volez dans le ciel..., se fit la remarque la princesse.

En pensant à cela, elle se mit à avoir le regard maussade, ça la déprimait un peu de se rendre compte que sa vision du lieu où elle habitait depuis sa naissance était aussi étriquée. Une grande partie de la population immigrée de Sylvania était dans le même cas qu'elle, mais eux n'avaient pas de semblables qui n'avaient pas ce handicap...

- C'est mon repas qui te débecte à ce point ? lui demanda la reine.

- Non ! Non ! Absolument pas ! Il est tout bonnement divin ! C'est juste que... Non, rien.

- « Tout bonnement divin », c'est bon mais les brochettes de Lalécus, en bas de chez moi, sont meilleures.

Audisélia attrapa la main tenant le casse-croûte qu'il dégustait et lui enfonça dans la bouche.

- Mais tu te prends pour qui pour te moquer du repas que j'ai préparé ? se révolta-t-elle.

- Je suis sûr, c'est même pas vous qui l'avez préparé !

- Une déclaration sans la moindre preuve !

Devant cette scène absurde, la fée aptère rit, oubliant ses pensées moroses. Le but du Héros était atteint et la reine venait de comprendre son objectif. Elle souffla du nez et revint à sa place.

- Tu sais, gamine, si tu as besoin de te confier comme avant tu peux toujours le faire, lui dit le Héros.

- Non mais c'est rien, t'inquiète, comme tu dis ! le rassura-t-elle en essuyant ses larmes de joie, et je ne vais pas m'épancher sur des problèmes qui vont bientôt être résolus grâce à ton aide.

- Si tu le dis.

- En plus venant de toi c'est se moquer du monde, continua-t-elle, tu n'es même pas venu me voir pour me dire que tu te sentais mal à cause de la mort de Thoosa ou ta bagarre lors de la fête des champions.

- J'en voyais pas l'utilité, en vrai. Et de toute manière, je ne suis pas du genre à me confier, je suis plutôt du genre à aider les autres mais mes problèmes je les résous tout seul.

- Durant ma courte vie, j'ai appris que faire confiance aux autres est important, mes petits bonhommes, dit la reine, ça vous épargne la perte d'êtres chers qui se sentent délaissés par vous. Ils vous voient vous morfondre et se retrouvent incapables de vous aider. Vous savoir impuissant dans une telle situation est d'une douleur abominable.

Le Héros se tourna vers la Fée, la regardant droit dans les yeux puis baissa la tête et lui dit qu'il fournirait peut-être un effort, même si ça va être compliqué.

- Pas de problème, j'attendrai.

- C'est quand même fou que cela fasse déjà dix ans que nous ayons plus aucune guerre nous visant, changea la reine de sujet.

- C'est vrai que c'est étonnant, mais ça soit être si reposant pour vous.

- Oh tu sais, beaucoup de nos généraux veulent repartir en guerre car le champ de bataille leur manque, lui révéla la reine, moi ça ne me manque pas tant que cela, je préfère traiter la paperasse. Même si, d'une certaine manière, cela me permettait de me défouler. J'en ai l'occasion, il n'y a pas si longtemps, d'ailleurs...

- Et toi ? dit la Fée en s'adressant au Héros, as-tu déjà participé à une guerre ?

- Oui. J'en ai même été la cause, précisa-t-il le regard de plus en plus vide.

- Ah bon ? Qu'as-tu encore fait ? demanda la reine.

- Vous voyez les Chutes de Marselle...

Prise de stupeur, elle laissa tomber son amuse-gueule, et finit la bouche grande ouverte.

- Ne me dis pas que tu as fait partie de la guerre de la « Plaine Trois Cent Mille Morts » qui s'est déroulée il y a trois ans ?

- La guerre de la « Plaine Trois Cent Mille Morts » ? La guerre qui a duré trois mois ? demanda la Fée, mais il est censé n'y avoir aucun survivant de cette guerre.

- C'est ça, confirma la reine, alors pourquoi y étais-tu ?

- En fait, le Némésis a corrompu trois armées qui allaient se confronter alors que je revenais de l'île du Paradis, grâce à un portail escapien kelvien qui m'a épargné de traverser Eden, et je me suis retrouvé assailli par trois cent mille hommes, sans même attendre que je puisse poser un pas en Francilia. Cela fut l'un des combats les plus éprouvants de toute ma vie. Ces armées immortelles et corrompues qui étaient infatigables m'ont donné bien du fil à retordre, et j'ai dû me faire trucider bon nombre de fois, même avec Ymir. Tranchant, fracassant, mordant, déchiquetant, tout ce qui se dressait sur mon chemin face à cette marée d'hommes qui ne voulaient pas me laisser tranquille.

- En définitive, tu as réussi à l'avoir ce Némésis ? lui demanda la Fée.

- Oui, mais il ne faisait pas partie des corps armées qui s'en étaient pris à moi. Mais ça, c'est une autre histoire que je vous conterai plus tard ! s'esclaffa-t-il.

- Sérieusement ? Tu nous laisses sur un suspens ?

Il hocha la tête d'un air satisfait.

- Je t'ai déjà dit que tu étais fatiguant.

- Oui.

- Bah, je te le reconfirme. Tu as de la chance que je suis une gentille personne sinon je ne t'aurai jamais donné ton cadeau.

- Quel cadeau ?

La Fée se leva et alla vers ses affaires et se mit à farfouiller dedans à la recherche de ce fameux cadeau.

- Dame Sélia, pourquoi ça te choque tant que ça que j'ai survécu à cette dite guerre ?

- Bien essayé mais il va falloir travailler ton vocabulaire, mais c'est déjà bien pour un étranger, même si c'est Helmir qui t'a appris l'Oli'Ane. Cependant, étant donné que tu ne parlais pas, je comprends que ça doit être compliqué. Je te félicite pour le peu que tu puisses faire. Je tenais à te le dire.

Elle lui caressa la tête et lui, hocha la tête en la remerciant.

- Mais pour répondre à ta question : oui je suis surprise que tu aies réussi à vaincre ces trois armées qui font partie des états les plus puissants de Franca. Les cité-états de Toulkoun et Monico, et le royaume de Borléaux n'étaient pas à prendre à la légère, même par nous, mais la principale raison de ma surprise c'est que nous devions participer à cette guerre, toutefois, quelques désaccords ont fait que nous avons dû nous retirer de notre alliance avec Toulkoun.

- Alors nous aurions pu nous affronter...

- Oui.

« Était-ce encore un coup du Destin du héros de la légende ? » fut la première pensée qui vint dans l'esprit du Héros.

Et pour une fois, il le remercia d'être intervenu cette fois-là.

Ensuite, pendant le départ de la Fée, la reine se rapprocha du Héros. Son expression faciale se fit plus grave et elle lui demanda ce qu'il avait appris de la part de Thoosa avant sa mort et de sa visite des Basfonds. Elle n'avait pas pu contacter Helmir depuis pour lui demander un compte-rendu ; elle était occupée sur autre chose.

Il lui expliqua qu'il n'avait rien pu obtenir de Thoosa, ils devaient se retrouver à l'extérieur mais arrivé sur le lieu du rendez-vous, il l'avait retrouvé pendu.

- Tu sais, c'est étrange qu'elle se soit retrouvée pendue, commenta la reine.

- Pourquoi ?

- Parce qu'elle est la fille de la diseuse de bonne aventure Sibylle. Elle avait la même capacité que sa mère à percevoir l'avenir, c'est ce qui a fait qu'elle réussissait dans tout et pour tout. Néanmoins, bizarrement, depuis ton arrivée, elle ne gagnait plus dans tout, donnant sa première place à la fée aptère.

- Depuis que je suis arrivé ?

- Oui. Sérieusement, on connaissait les capacités de Tarkus, on savait à quel point il était fort. On savait que si Thoosa était sa princesse, elle serait invaincue. D'une certaine façon, on se disait que ça serait elle qui gagnerait. Avec ce genre de pouvoir, normalement, elle ne pouvait pas être tuée.

Le Héros serra les poings de colère. À peine l'avait-il remercié qu'il fallait qu'il découvre que ce foutu Destin s'était encore mêlé du destin d'autrui.

Lorsqu'on devient héros de la légende, on comprend vite que la chose la plus puissante que le destin, c'était le Destin du héros de la légende. Imaginez une rivière circulant de façon horizontale, un flot constant et imperturbable, puis soudain ce flot est perturbé par un caillou qui se met à faire circuler cette rivière de façon circulaire quitte à ce que la majorité de l'eau reste coincée et se tarisse juste pour que ce caillou puisse arriver à bonne destination.

Voilà ce qu'est le Destin du héros de la légende pour ses contemporains. Le plus horrible est que ce phénomène peut s'étendre à l'ensemble de la population mondiale.

Une sorte d'effet papillon inversé.

Tout doit se produire pour permettre à la réussite de l'objectif du héros de la légende.

Et ça ! Ça ! Ça ne pouvait pas laisser le Héros de marbre !

Savoir que des gens mourraient pour le bien de l'objectif ultime de ce héros ayant mêlé des générations de personnes dans cette quête infinie de destruction du Malin. Ce qui accentuait encore plus sa haine envers cette légende.

Il se calma et poursuivit son résumé sur ce qu'il a pu apprendre dans les Basfonds et sa décision d'aider Malalalivia et Lelelitio.

Ah oui, vous n'êtes pas au courant qu'il a changé d'avis ? Il faut que je vous raconte ce qu'il s'est passé, il y a deux nuits, quand Helmir et le Héros revenaient des Basfonds.

Revenons alors deux jours plus tôt.

Le Héros et Helmir remontaient la pente jusqu'à la Haute-Ville. Le garçon avançait plus rapidement que Helmir, les mains dans les poches, la tête basse, mordant furieusement dans une baguette en bois de l'une des brochettes qu'il avait amenées, ne sachant pas comment extérioriser sa frustration, il se défoulait sur ce petit morceau de bois. Helmir tenta de le calmer en lui faisant changer ses idées.

- Ce sont les rues insalubres qui te fâchent autant ?

- Non, grogna-t-il, elles sont à peine différentes à celles de Vicenti.

- C'est vrai, avoua-t-il, elles n'ont juste pas ces panneaux de lumière fluorescents t'invitant à entrer dans des maisons closes... ça me rappelle beaucoup plus mon lieu de naissance.

- Qui est ? lui dit-il sans même lui adresser un regard.

- Le Protectorat Obscur.

Le Héros ralentit le pas, se rappelant d'avoir déjà entendu ce nom.

- Peut-être en as-tu déjà entendu parler. Il est même sûr que tu en as déjà entendu parler depuis le temps que tu es ici.

- Oui. De la bouche de la reine, je crois. C'est aussi dégueu qu'à Vicenti ou ici ?

- Non, c'est juste... le Protectorat Obscur. Un lieu plus sombre que l'obscurité, où toutes les créatures de la « nuit » se sont réfugiées étant plus faibles que les monstres colossaux du monde extérieur.

- Ah bon ? lui demanda-t-il en s'arrêtant, curieux.

- Oui. Nous faisons partie des populations réfugiées à l'instar des autres races que tu as pu voir dans tout Sylvania, mais dont la majorité ne peut pas vivre à la lumière de ce faux soleil.

- Mais toi tu le peux, pourtant.

- Je fais juste partie de la minorité de la population qui en est capable. Mais malgré cela, cette minorité ne voudra jamais sortir du Protectorat Obscur car il est si bon vivre là-bas, mieux que dans les Basfonds.

- C'est différent par rapport à ici ?

- Ça ressemble plus à la Haute-Ville mais en juste plus sombre. On a nos propres nobles, hiérarchie et discriminations. Par exemple, si les fées sont les mieux lotis ici, là-bas ce sont les vampires. Mais ce n'est pas si différent d'ici : la même défiance qu'ont les habitants du Protectorat vis-à-vis des gens qu'ils ne connaissent pas est similaire à ceux des habitants qui nous observent actuellement. Bien que ceux du Protectorat soient bien plus portants.

- Si c'était si bien pourquoi tu es partie ?

Helmir réfléchit un petit instant, ses yeux paraissaient plus lumineux qu'à l'habitude lorsqu'elle lui contait cela. Sa voix n'était plus morne et sans vie, ce n'était pas comme si elle était incroyablement enjouée mais elle semblait beaucoup plus vivante qu'à l'accoutumée.

- Je dirai que c'est parce que je voulais découvrir le monde, répondit-elle avec un léger sourire plein d'étoiles dans les yeux.

- Comment ça ? s'étonna le Héros, comme une aventurière ? Toi ?

- Je t'assure que c'est vrai. Avec deux amis à moi.

- C'est si... étrange, douta le Héros, toi qui es si... pragmatique et si... nihiliste, j'aurais jamais pensé que tu aurai pu rêver de découvrir le monde. Même quand Astéron nous avait amené à Anomalia Circus, t'as même pas esquissé un sourire aussi grand que tu affiches actuellement.

Il est à peine visible son sourire.

- Contrairement aux apparences, je n'ai pas toujours été comme cela. Je rêvais du monde extérieur, même s'il était aussi sombre que le lieu où j'habitais, je voulais le voir tout de même. Découvrir des territoires qui nous étaient juste relatés dans des livres ou contés par des nouveaux arrivants. Cependant... comme les hommes-lézards, mon peuple est prisé pour ses capacités spéciales qui sont utiles pour l'assassinat ou l'espionnage. Ce sont nos principaux rivaux dans le domaine. Alors on m'a proposé de devenir une espionne au service de la reine. C'était, et c'est toujours un travail, très bien payé avec beaucoup d'avantages, mais ça serait renoncer à mon rêve d'aventurière.

- Et dans ton pragmatisme, tu as choisi d'être espionne car ça te permettra de voyager tout en étant bien rémunérée et bien couverte, tenta-t-il de deviner.

- Suis un peu, garçon, le réprimanda-t-elle, je viens de te dire que je ne l'étais pas à cette époque. Et étant donné que je ne l'étais pas, je me suis retrouvée à me morfondre dans ma chambre en ne sachant pas si je devais abandonner mes amis et renoncer à mon rêve ou non. Mon indécision avait dû durer un mois.

- Et qu'est-ce qui t'as décidé à faire le pas ?

- La mort de mes deux amis.

Le bâton en bois du Héros tomba sur le sol. Il ne s'attendait pas à un tel dénouement dans l'histoire d'Helmir. Elle l'avait dit avec un tel détachement qu'il avait mis du temps avant de comprendre ce qu'elle venait de dire. Il avait connaissance des difficultés du passé d'Helmir, mais il n'aurait jamais pensé qu'elle avait eu des proches, elle qui était si solitaire, et qu'en plus, qu'elle les ait perdus... Mais qu'est-ce qu'il racontait ? Forcémenet qu'elle avait eu des proches, même si elle était orpheline ! Cela lui donnait un point au cœur qui l'empêchait de respirer.

- Pourquoi tu me l'as jamais dit ? beugla le Héros désemparé.

- Parce que tu ne me l'as jamais demandé.

Le Héros la fixa méchamment, n'aimant pas beaucoup sa réponse.

- Pas besoin d'avoir le regard si mauvais, c'est une plaisanterie, dit-elle en s'appuyant sur le mur d'une des maisons longeant la grande rue, mais d'une certaine manière, ça n'est pas faux. Tu ne me l'as jamais demandé, donc je ne t'en ai jamais parlé. Ce n'est pas comme si c'était un sacré, mais bon. Et là, finalement, je suis en train de le faire.

Tous les deux soufflèrent devant l'argumentation de l'elfe de nuit.

- Reprenons là où je me suis arrêtée, dit Helmir, j'imagine très bien que tu veux savoir dans quelles circonstances sont morts Rure et Ectæ.

Timidement, le Héros hocha la tête en déglutissant, décontenancé par le manque de sentiments qu'elle avait alors qu'elle lui racontait la mort de ses amis.

- Nous n'étions pas les seuls à vouloir échapper à la monotonie de la vie au Protectorat Obscur. Une minorité de la population du protectorat voulait s'en échapper à cause de l'hégémonie sylvaniaise qui ne leur convenait plus. Ils voulaient leur indépendance en se débarrassant de la protection du royaume des fées. Ainsi, de nombreux attentats y ont été perpétrés dans chaque recoin du protectorat. C'est allé si loin que les indépendantistes ont demandé de l'aide à l'un des états, si on peut l'appeler ainsi, les plus violents qui soient à Francilia et l'un des plus grands ennemis des Féériques : l'état de Puy.

- L'état esclavagiste dont c'est la principale activité ?

- Exactement.

Puy se situait dans les Epesses. Pendant longtemps, là-bas, se trouvait un royaume d'animaux humanoïdes, différents des thérianthropes qui avaient des traits humains, eux étaient des animaux bipèdes. Qu'ils soient des canidés, des félins... des lapins... ou tout autre animal existant pouvant se mettre debout – je n'ai jamais vu de la poiscaille debout, au passage. Après deux millénaires de tranquillité dans cette zone visitée par aucune personne, un groupe d'humain avait décidé de les prendre pour cibles et d'en faire leur gagne-pain. Ils étaient bien trop forts pour les habitants du Puy et ces humains aveint réussi à les asservir pour les revendre aux plus offrants. Ce marché finit par s'étendre à toutes les races, mêmes humaines. Ils n'étaient pas les seul à le faire – en exemple : Vicenti – mais la particularité de cet état sanguinaire et sauvage ne venait pas du fait qu'ils soient un état, mais qu'il ait un gouvernement qui dirige tout cela.

Tous ceux qui ont pu y aller et en revenir savent que ses habitants sont indignes d'être qualifiés d'êtres intelligents. Ils étaient incapables de compassion ou de morale, et il y en avait très peu avec qui vous pourriez faire affaire, alors se dire qu'il y avait un homme qui était capable de tenir en laisse d'autres de ses morbides congénères, pouvant vendre leur propre sœur contre quelques pièces, était tout bonnement étonnant.

Par ailleurs, les chasseurs de prime qui avaient été attrapés avec le Héros devaient venir de là.

- Cependant, la fourberie de ces hommes et femmes de Puy a été néfaste pour le Protectorat qui s'est retrouvé attaqué de toute part par eux et une grande partie de la population a été tuée, dont mes deux amis. C'est deux jours plus tard que les dirigeants de Sylvania vinrent rendre compte de la situation. Nous reçûmes aucune condamnation, personne ne fut jugé ou condamné, bien que le juge Triface voulût tous nous exterminer pour trahison alors que bon nombre d'entre nous n'étaient pas liés aux séparatistes. La seule chose qui fut faite est que la reine Audisélia partit venger mes concitoyens toute seule en allant demander des comptes à Vicoriliem Yarotu, chef de Puy. Le reste n'est connu que d'elle.

- Mais ça n'a rien à voir avec toi et ta décision, lui dit le Héros.

- Si, car si j'avais pris la décision de partir à l'aventure avec Rure et son frère Ectæ, ils ne m'auraient pas attendu aussi longtemps et seraient en vie, et si j'avais pris la décision de devenir espionne plus tôt, j'aurais pu agir en allant potentiellement espionner les agissements des ennemis de notre nation. Deux regrets se seraient présentés à moi : soit j'aurais regretté de n'avoir pas vécu une vie pleine d'aventure avec mes amis, soit de n'avoir pas pu être là lors de l'attaque du Protectorat Obscur, mais au moins j'aurais pris une décision et je ne pleurerais pas chaque soir le fait d'avoir été aussi indécise. Désormais, je dois vivre avec le poids de cette indécision.

Le Héros se sentait gêné. Il y a quelques instants, il lui avait reproché de ne pas s'être confiée à lui plus tôt, mais maintenant, il n'aurait jamais qu'elle utilise cela pour cette leçon de morale qui lui avait atrocement tordu les boyaux.

- Ça ne se voit pas, mais leur mort m'a vraiment touchée. Toutefois, depuis ce jour, je me sens incapable de ressentir la moindre émotion, enfin, de façon aussi démonstrative que vous autres. Souvent, je me laisse aller et, parfois, je ressens de la jalousie envers vous autres qui avait des sentiments si... profonds.

- Je pense avoir compris, Helmir. J'ai compris ce que je devais faire.

- Je ne t'oblige pas à agir pour eux...

- Je sais. Tu veux juste que je prenne une décision et que je l'assume en sachant que de toute manière, je pourrais regretter ma décision à cause de ses conséquences, mais mieux vaut ça que mon indécision.

- C'est ça. Et c'est comme ça qu'on devient un vrai homme. Les filles adorent ça.

- Mais parle pas de ça ! « rougit » le Héros.

Il était toujours difficile d'aborder ce sujet avec le Héros : les filles.

Non pas du point de vue du genre, mais des sentiments qu'il pourrait éprouver envers elles. Déjà enfant, avec les autres garçons, il n'osait jamais en parler à cause de ses problèmes physiques. Il imaginait que s'il disait qu'une fille lui plaisait, ils seraient allés tout révéler à la fille en question. Alors il resta toujours muet à ce genre de question.

Plus tard, à cause de ce décérébré d'Asteron, il fut plus intéressé par la chair que par les sentiments humains – la faute aussi aux hormones d'adolescents – mais fut toujours incapable de nouer une quelconque relation avec quelqu'un, à cause de sa malédiction et de son mutisme. Pourtant, d'une certaine manière, il était très apprécié par les femmes plus âgées que lui. Sûrement à cause de sa gentillesse lorsqu'il faisait le serveur dans les différents bars de la ville de Vicenti, contre quelques services. Les filles le remerciaient avec des bisous et des câlins, il avait même reçu des avances une fois, cependant il avait toujours refusé, par pur timidité, même s'il les trouvait superbes. Asteron jugeait cela par le prisme de la couardise – si on peut être poli. Moi, je suis contente qu'il n'ait pas cédé. Il n'avait pas été élevé ainsi, après tout.

- Tu es désormais prêt à pouvoir prendre une décision sans ronchonner tout le retour ? lui demanda Helmir.

- Oui.

- Alors... Monsieur Selino Lelelitio Grave pouvez-vous sortir de votre cachette ?

- Hein ? s'écrièrent les deux garçons.

Lelelitio apparut devant le Héros et l'elfe de nuit. Le Héros écarquilla les yeux en le voyant se dévoiler petit à petit.

- Une tenue de camouflage ? dit le Héros.

- Non, un sort d'invisibilité, voire de camouflage, rectifia Helmir.

- Comment m'as-tu repéré, elfe tunsar ? demanda le servant de la fée aptère des Basfonds.

- « Elfe tunsar » ? questionna le Héros à Helmir, c'est une insulte ?

- Sûrement pas. C'est le nom de mon peuple. Mais pour que quelqu'un puisse reconnaître un elfe selon son ethnie, tu ne peux être qu'un elfe toi-même.

- Comment ça ? Lelelitio, tu n'es pas une fée sans ailes ?

- Hé non, répondit Helmir à la place du principal intéressé.

Elle s'approcha de Lelelitio et enroula son bras autour de ses épaules.

- Il s'agit de l'un de mes congénères.

- Un elfe ? Mais ses oreilles sont aussi courtes que celles des fées.

Helmir pouffa de rire avant de reprendre son sérieux.

- Champion, intervint Lelelitio, avoir des longues oreilles n'est pas une condition sine qua non pour être un elfe.

- Même si ça suscite la jalousie des autres elfes, se moqua Helmir.

- Au moins, on est moins pourchassés par les braconniers.

- Je te laisse ce point, dit l'espionne, car je ne crois pas que tu sois venu débattre des différences ethniques entre les elfes et de leurs bienfaits ou défauts.

- Effectivement.

Lelelitio retira le bras d'Helmir et s'avança vers le Héros. Il s'attendait à une confrontation violente avec l'elfe qui n'était pas un elfe tunsar qui lui reprocherait de ne pas se comporter comme le héros qu'il devrait être, comme la majorité des gens définirait qu'il soit et comme le monde attendait qu'il soit.

Toutefois, cela se déroula autrement.

Lelelitio avait bien le regard rempli de reproches mais il n'invectiva pas le jeune garçon, il fit même l'inverse, il enjoignit ses mains, les mit au-dessus de sa tête qu'il baissa en posant un genou à terre et émit des supplications à l'encontre du Héros.

- Ô héros de la légende, je vous supplie, au nom de ma princesse et des gens des Basfonds, de bien vouloir nous aider à combattre ces gens qui s'en prennent à ces pauvres personnes démunies, grâce à cette force légendaire que vous possédez. Il n'y a que vous qui puissiez aider la protectrice de ce lieu de non-droit. Ni les gardes, ni les élites, ni même la reine ne nous aideront, nous ne pouvons compter que sur la princesse Malalalivia Talemilia Grave qui est notre dernier et seul rempart face à cette menace. Alors je vous prie de bien réfléchir à la demande de ma maîtresse.

Autour d'eux, des chuchotements se faisaient entendre, le Héros ne percevait pas ce qu'ils se disaient, mais les elfes entendaient bien ce que les gens, qui s'agglutinaient autour du Héros et de Lelelitio qui implorait son aide, disaient.

- Tu as dû entendre ma conversation avec Helmir, alors tu es au courant qu'elle m'oblige à prendre une décision, donc pas besoin de te mettre à genoux pour me supplier de faire un choix car je vais en faire un, dit-il d'un ton un peu gêné.

- C'est bien pour ça que je vous supplie à genoux ! renchérit Lelelitio, je veux que vous fassiez le bon choix pour que ma princesse ne sombre pas dans le désespoir ! Même si elle paraît forte, elle est à bout de nerfs, elle a déjà atteint ses limites et ne voit pas comment sauver ces enfants qu'elle recueille. Leur donner un toit n'est pas suffisant pour les protéger de ces sacrificateurs. Je veux juste que vous considériez la demande de ma maîtresse.

- Laisse le gentilhomme tranquille ! cria une femme en haut d'une bâtisse, si ton incapable de princesse n'est pas capable de protéger les siens, ça ne sera pas un noble qui le fera.

On prenait encore le Héros pour un noble à cause de ses habits clinquants, alors qu'il n'en était rien... Il était comme eux, mais lui a eu la chance que sa mère soit amie avec la reine de ce pays mouvant sinon... il ne serait même pas là, finalement. Il servirait encore de croque-mitaine pour le compte de ses anciens parents, si on pouvait les appeler ainsi.

D'un coup, le servant de Malalalivia reçut une boîte de conserve qui jaillit de l'une des fenêtres qui les entouraient. Lelelitio ne broncha pas. Il garda la même position. Il en reçut une deuxième, puis la peau d'un fruit, de la boue, des déjections animales, des pierres, des briques... En plus des insultes et du mépris des habitants du Basfonds qui lui crachaient allègrement dessus, à lui et à sa princesse, à base de « faiblards », « bouffons », « inutiles », « parias royaux », « faux protecteurs »...

- Vous autres, vous nous promettez d'améliorer nos conditions de vie mais rien ne change ! beugla une voix masculine.

- Maintenant, on nous tue sans quiconque nous prête attention et vous suppliez un homme inconnu de vous aider ! dit une autre voix.

- Vraiment les déchets du royaume de Sylvania !

- Comme si vous alliez nous faire croire qu'un être aussi prestigieux que le héros de la légende descendrait ici pour nous ! Nous ne sommes pas dupes !

- Il a des choses bien plus urgentes à faire que de s'occuper de misérables comme nous !

Le Héros se tourna vers Helmir, la questionnant du regard, l'elfe lui répondit simplement en le lui rendant, lui faisant comprendre qu'il pouvait avoir la réponse de la part du principal intéressé. Alors il s'avança vers son interlocuteur, réceptionnant en plein vol l'une des briques lancées par l'un des détracteurs de la princesse Talemilia Grave et la renvoya au lanceur l'explosant contre un mur, faisant cesser les jets. Il s'agenouilla en face de Lelelitio et lui posa une main sur l'épaule.

- T'avais pas besoin de t'agenouiller face à moi pour me demander mon aide. Je suis pas un dieu ou quoi que ce soit d'autre pour mériter autant de respect.

- Vous êtes plus qu'un mythe pour nous autres, quémander votre aide tient de la prière divine.

- C'est pitoyable de prier un mec qui prie aussi, rétorqua le Héros, et en plus t'étais pas aussi distant avec moi à la réception. Lève-toi et demande-le moi comme à n'importe qui.

Lelelitio refusa la demande du Héros, continuant à avoir cette pose de supplication. Alors le Héros le souleva du sol par les aisselles et le mit face à lui en lui donnant les mains du bout des doigts. Le servant gardait toujours la tête basse.

- Je peux pas accepter une demande de façon aussi formelle alors que je possède pas de nom propre à moi pour me définir alors si au moins, si tu pouvais te comporter avec moi comme j'aimerais être à vos yeux, ça me donnerait une existence propre.

Ses mots résonnèrent étrangement dans le cœur de l'elfe tunsar, elle n'avait jamais pensé à comment se sentait le protégé d'Asteron de ne pas posséder de nom propre, ce qui est le premier geste d'amour que fait tout être vivant à son enfant. C'était aussi peut-être ça le but du procédé de ne pas donner de nom à ces personnes « maudites », au-delà du fait de nier leur existence : ne même pas leur offrir le plus d'amour possible.

- Champion de la princesse aptère, tu veux bien nous sauver de ces gens malfaisants pour le bien des habitants du Basfonds et pour le cœur de ma princesse ?

- « Champion de la princesse aptère », c'est encore un titre mais ça va, on va faire avec. Étant donné que je n'ai pas à être indécis dans ce genre de situation et que je me dois de prendre position, t'imagines bien que j'ai pris la décision de vous aider immédiatement.

Lelelitio écarquilla les yeux, étonné de la décision si rapide du Héros, il ne fut en capacité que de lâcher, d'une voix faiblarde, presque inaudible :

- Vraiment ?

- Hé comment ! lui répondit le Héros avec un grand sourire, bottons le cul à ces sectaires qui pensent pouvoir prendre la vie d'autrui impunément !

Pour la première fois depuis qu'elle l'avait rencontré, elle le vit sourire à plein dent rendant son visage rayonnant. Helmir le savait au fond d'elle : elle savait qu'aider les autres était ce qui faisait le plus plaisir au garçon. Même si, au début, elle ne voulait pas se mêler de la décision du Héros, le voir ainsi la ravit de bonheur – bien qu'elle ne sût pas comment l'exprimer. Lorsque Selino Grave avait croisé le Héros à la réception, il avait perçu en ce jeune garçon un certain mal-être qui se dégageait de lui, à la simple vue de ses yeux et de la façon dont il était avachi sur sa chaise, il percevait en lui un jeune homme triste et désabusé, duquel l'âme était aussi noire que la tâche qui recouvrait son corps, mais là, c'était un visage ténébreux rayonnant de lumière qui lui faisait face, au point de l'en faire pleurer. Et comme pour son « Vraiment ? », il ne fut capable de ne répondre qu'un simple, les lèvres tremblantes :

- Merci.

Le Héros s'approcha de l'oreille de Lelelitio, il lui demanda, en chuchotant, s'il devait faire un discours à la population qui le regarde.

- Ça serait bien, oui.

- Tu veux pas me le chuchoter ? Je parle assez bien l'Oli'Ane mais faut pas abuser.

- La grande majorité des gens sont des illettrés et n'ont pas vraiment d'éducation, si tu n'arrives pas à faire totalement la négation, ce n'est pas très grave.

Alors il se releva et inspira un grand coup avant de faire face aux citoyens du Basfonds :

- Population désœuvrée ! Contrairement à ce que vous pensez je suis pas un noble, je suis même plus proche de vous que vous le pensez. Dans tous les cas, je suis le fameux héros de la légende dont tout le monde parle dans le royaume. Celui qui a vaincu l'homme-lézard et qui est le champion de la princesse sans ailes. Et à la demande de cet elfe, je vous jure d'arrêter ces répugnants personnages qui vous arrachent vos vies comme si vous comptiez pas et de faire la lumière sur leurs méfaits ! Quoi que cela m'en coûte !

Un long silence s'installa avant que des applaudissements retentissent de la part des citoyens, le Héros repartit en direction de la Haute-Ville. Helmir sourit et le suivit au pas en disant à l'elfe de ne plus s'inquiéter pour ces hommes malfaisants mais plutôt de l'état de ce quartier s'ils se trouvent qu'ils sont forts.

- J'ai vu sa force, lui répondit Lelelitio, je sais à quoi m'attendre.

Désormais, le Héros se retrouvait avec une nouvelle mission de sauvetage. D'une certaine manière, il comprit qu'Helmir aurait voulu intervenir car cette situation semblait similaire à celle qu'avait vécu le Protectorat Obscur. Il serra sa poitrine espérant du fond du cœur qu'il pourra sauver ces enfants comme il avait pensé le faire avec le père et la mère d'Astarté et ne pas décevoir les attentes de sa belle-sœur...

Non, cette fois-ci, cela ne se reproduira. Les yeux remplis de détermination, il se jura d'arrêter ces criminels pour que leurs victimes ne deviennent pas un poids sur sa conscience comme les trop nombreuses morts qu'il a pour fardeau – autant les siennes que celles de ses prédécesseurs.

La reine, ayant entendu son histoire dans les grandes lignes – pas tout, il n'y a que vous qui êtes au courant des états d'âmes de chacun des protagonistes du résumé de l'histoire du Héros dans les Basfonds –, demanda au Héros ce qu'il allait faire concrètement pour endiguer cette menace. Il lui répondit qu'il n'avait pas encore de solution surtout si c'étaient des nobles de la cour de la reine, il faudrait qu'elle intervienne.

- Porter des graves accusations à leur encontre ne jouerait pas en la faveur de la descendante du quatrième roi, dit la reine, il nous faut des preuves solides pour les confronter, surtout si ces accusations proviennent d'une paria de la royauté...

- En fait, demanda le Héros, pourquoi les citoyens du Basfonds comptent plus sur la royauté du quatrième roi que sur vous ?

- Car il en est ainsi depuis la mort du premier roi. Il a décrété que c'était à lui de gérer les populations indésirables du saint royaume féérique. Cela lui donnait de quoi s'occuper puisqu'il n'avait plus aucun pouvoir. Et le connaissant, ils savaient qu'il ne provoquerait aucune révolution.

- Même parmi les fées, il y avait des indésirables...

- Hé oui. Les discriminations ne s'arrêtent pas à la discrimination raciale.

- Puis la charge de ses descendants a augmenté avec la venue d'autres races.

- Exactement. La continuité du plan de la Grande Félonne était de réformer la loi sur les Basfonds pour que ça ne soit plus un gouffre de pauvreté où stagne toute la laideur du royaume féérique et que tout le monde soit égal.

- Une bonne initiative, nota le Héros, mais abandonnée à cause de la félonie de cette reine.

- C'est cela...

En entendant le récit du Héros, Audisélia se rendit compte qu'il y avait encore plus de gens qui ne se sentaient pas en sécurité avec elle. Elle était vraiment devenue qu'une simple arme dégénérée aux yeux de son peuple, une personne inatteignable qui massacrait les ennemis de leur nation.

Ce peuple se souvenait-il qu'elle était censée être la grande libératrice des Féériques ?

Elle se dit qu'elle avait raison de leur laisser cette charge : ils seront plus à même d'être aidés par ces gens que leur nation avait délaissés.

- Je pourrais quand même réavoir mon armure pour le tournoi ? demanda le Héros.

- Non. Laisse tomber.

- Pourquoi ?

- C'est une armure de combat qui est truffée de gadgets qui peuvent tuer tes adversaires.

- Comme si une épée ne le pouvait pas...

- C'est vrai, avoua la reine, en vérité, j'ai juste envie de... la garder pour moi.

Le Héros se pencha vers Audisélia, avant de comprendre ce qu'elle sous-entendait.

- C'est bon, c'est pas grave. Gardez-la jusqu'à ce que je parte.

- Oh comme c'est gentil... fiston..., se hasarda-t-elle à dire en feintant la taquinerie.

Cela surpris le Héros qui ne savait pas comment réagir, il n'arrêtait pas de cligner des yeux et de faire d'étranges bruits avec sa bouche comme s'il riait en toussant, alors il tenta de la taquiner en la suivant dans cette voie.

- Rien de plus normal pour moi... mamounette ! dit-il entre ses dents avec un sourire plus que mal à l'aise.

Il ne connaissait pas d'autres alternatives à ce mot en Oli'Ane alors il dû le prononcer en Franca. Il espérait qu'elle avait compris ce qu'il avait dit, et compte tenu du teint rouge qu'avait pris son visage, elle avait l'air d'avoir très bien compris ce qu'il venait de dire.

- Mamounette ? demanda la Fée, ça veut dire quoi ?

La reine et le champion hurlèrent tous les deux de surprise, bien trop absorbés par leur discussion qu'ils en avaient oublié la présence de la princesse.

- Depuis quand t'es là ?

- Maintenant.

Le Héros soupira de soulagement.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as quelque chose à me cacher ?

- Absolument rien.

- C'est cela, oui, douta la princesse, tu es soulagé que je n'ai rien entendu mais tu ne me caches rien.

- Euh..., bredouilla le Héros.

- Il te prépare une fête surprise pour sa victoire durant le tournoi.

- Sérieusement ?

- Quoi ? Mais ?

Audisélia haussa les épaules.

Mais à quel moment elle avait besoin de partir sur un mensonge aussi gros ? s'énerva le Héros.

Le Héros voulut dire la vérité à sa princesse, mais à voir les étoiles qui brillaient dans son regard, il abandonna rapidement l'idée, ne voulant pas lui briser le rêve qu'elle venait de se créer dans son esprit.

J'ai pas de blé, moi. Elle va raquer Sa Majesté des Mouches !

Cette dernière phrase le surprit, il n'avait entendu quelqu'un employer cette expression de toute sa vie, pourtant elle lui paraissait si familière et pertinente dans son utilisation.

- Bon, c'est plus une fête surprise..., dit le Héros.

- Non mais je vais faire semblant de pas être au courant, s'excita la Fée, je peux bien m'effacer la mémoire.

- Arrête ça, l'avertit la reine, je veux bien que tu sois ravie par cette nouvelle, et assez compétente en magie pour effectuer un tel sort, mais évite de faire des absurdités pareilles pour de telles broutilles. Nous avons la chance de pouvoir utiliser la magie à « notre guise », mais ça ne veut pas dire qu'il faut que vous l'utilisiez n'importe comment.

- Oui c'est vrai, concéda la Fée.

Elle se tourna vers le Héros, les mains dans le dos, avec un grand sourire, elle avait l'air de lui cacher quelque chose.

- Moi aussi, j'ai une surprise pour toi. Ferme les yeux.

Il s'exécuta et tendit les mains. Il sentit un objet lourd atterrir dans le creux de ses mains, puis les ouvrit lorsqu'il avait bien empoigné la surprise, et vit que c'était un livre.

Ça c'était plutôt inattendu, il lui avait bien dit qu'il aimait lire mais jamais quel type d'œuvres lui plaisait.

- Tourne le bouquin.

Il le fit et s'aperçut, à sa grande surprise, qu'il s'agissait d'une Bible, une Bible chrétienne de plus – il la pensait assez bête pour lui en ramener une du dieu Frezan.

- Ah bah merci.

- Ça m'a pris du temps à l'obtenir, j'ai dû demander à ton amie l'elfe de nuit pour qu'elle m'aide, sinon je ne l'aurais jamais eu.

Il est vrai qu'il en reste peu dans le monde de ces bouquins.

- Elle est allée en demander une copie à la Bibliothèque Universelle de Vicenti ?

- Oui ! Mais tu savais que ça valait une fortune ce bouquin ?

- Tout vaut une fortune là-bas...

Heureusement que celle de Paris-la-Déchue a été trouvée...

- J'ai essayé de la lire mais c'est en un vieux Franca incompréhensible, même en le retraduisant à la machine, ça reste compliqué comme Franca.

- C'est vrai qu'il y a des tournures de phrase que plus personne n'use de nos jours.

- En tout cas, ravie que ça te plaise. Tu me la liras un jour ?

- Je pense pas que ça t'intéressera, en vrai. Mais y a un conte que j'aimerai te lire un de ces jours, ça te dit ? lui proposa-t-il.

- Avec plaisir.

Les voir si épanouis mettait du baume au cœur de la reine Audisélia, c'est comme si elle arrivait enfin à construire quelque chose de bien dans sa vie, au lieu de n'être que source de destruction. Voir leurs efforts pour s'épanouir malgré ce que le monde leur prenait lui donnait, elle aussi, envie de faire de son mieux pour s'améliorer et devenir une meilleure personne.

- Je vais aider les habitants du Basfonds, gamin, annonça-t-elle.

- Pour de vrai ?

- D'une autre manière que la tienne, mais je compte bien apporter ma pierre à l'édifice.

- Qu'est-ce que tu vas faire dans les Basfonds ?

- Je peux pas te le dire ça concerne ta fête ! mentit-il.

- Ah oui c'est vrai !

Et tous les trois rirent de bon cœur.

Dans quelques semaines allait se dérouler la prochaine étape du tournoi pour le Héros et sa fée, des évènements allaient réveiller la colère du Héros et mettre en péril la paix de Sylvania, mais pour l'heure, il restait encore quelques activités à faire et quelques personnes à rencontrer avant d'en arriver là.

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