Les Tristes Vies de Talemilia et Lelelitio Grave: l'amputation

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Elle lança un regard circulaire de toute la pièce et prépara leur plan d'évasion qui se déroulera avant l'ouverture du portail.

Sachant que les mages vont prendre quinze minutes pour effectuer la création du portail et cinq minutes supplémentaires pour le calibrer correctement avec les coordonnées que leur ont données les mercenaires, je devrais avoir le temps de sortir tout le monde en empêchant les mages d'agir. Si j'avais été plus puissante, j'aurais pu m'en prendre aux gardes comme aux mages mais je vais devoir faire avec... Allez, ma grande ! Tu n'as droit qu'à une seule chance !

S'accroupissant, elle posa une main sur le sol et incanta un sort :

- Solock, déesse de la terre et de la nature, prête-moi ta force et permets d'effectuer ce sort grâce à tes pouvoirs : Marécages boueux.

L'énergie magique se répandit jusqu'aux mages devant le cercle préparatoire et le sol les aspira, les y enfonçant et les bloquant dans la terre en le resolidifiant autour de leur poitrine.

Voyant disparaitre soudainement leurs transporteurs, les mercenaires s'agitèrent, ils actionnèrent leurs armes et se rapprochèrent de leurs otages pour mieux voir ce qu'il se tramait à cause des ténèbres qui englobaient la pièce. C'est alors que Talemilia déploya un nouveau sort, moins complexe.

- Métaux divers et variés, répandez-vous-en moi et activez vos pouvoirs ! Magie métallique : magnétisme !

Toutes les armes des mercenaires autour d'elles atterrirent dans la main de Talemilia, ils lui hurlèrent de lui rendre leurs armes en s'avançant délicatement vers elle, mais elle n'avait aucune raison d'être intimider par eux et donc n'avait aucune intention de leur rendre. Elle les compacta pour leur donnait la forme d'une boule de masse métallique et sentant que ces armes à énergie étaient en train de défaillir les lança contre les portes qui les retenaient dans ce sous-sol, la déflagration fracassa les portes et la sortie leur ouvrit les bras.

- Partez ! Je les retiens ! cria Talemilia.

Aucune ne se sentit la force de se mouvoir, leurs esprits qui étaient enchainés au désespoir ne semblaient percevoir qu'elles pourraient enfin s'en sortir et qu'elles n'auraient pas à subir, cette fois-ci, leur misérable chance. Excédée par leur inactivité, Talemilia fit trembler le sol avec son pied pour les pousser à la fuite. Ce qui évidemment fonctionna.

La petite fée qui l'avait interpellée se retourna pour voir si l'instigatrice de cette évasion les suivait, mais, d'un simple du geste de son index et de son majeur, elle lui ordonna de continuer à courir jusqu'à la sortie.

- Comment on aurait pu savoir qu'une autre fée maîtrisant la foudre aussi bien que la reine de ces lieux résidait dans les Basfonds ? éructa l'un des mercenaires, sinon on aurait apporté nos flingues avec des balles en plastique dur.

- Détrompez-vous, ce n'est pas la foudre qui est ma magie personnelle mais la terre. Et je peux vous dire qu'en ce lieu fait de roches, de pierre, de poussières et de bois, vous êtes condamnés.

Elle bluffait.

Complètement.

Non pas que sa magie personnelle n'était pas la terre, mais sur le fait qu'elle pouvait les vaincre aisément grâce à elle. Bien que l'essence magique qu'offrît les terres de Sylvania – dont la tortue-monde – était bel et bien présente en grande quantité, dans les Basfonds elle avait dû mal à être captée par ses habitants, expliquant leurs difficultés à se ressourcer, comme si elle était absorbée par quelque chose.

Le sort qu'avait effectué Talemilia sur les mages n'était pas bas de gamme. Elle n'aurait pu eu besoin de l'incanter pour l'effectuer si l'essence magique était aussi abondante qu'au Sanctuaire ou à Haute-Ville. Et si ces mages provenaient bien des hauteurs du royaume, ils avaient dû venir équipés de cristaux magiques pour les aider à faire le portail, compensant le manque d'énergie magique des Basfonds.

- Heureusement que ce n'était pas une commande, mais une initiative prise par notre groupe sinon dans quel merdier on serait, dit Zajo.

- Chef ?

- Ne vous inquiétez pas, les rassura Zajo, il nous reste le plus important des lots de ce tas de déchets crasseux : notre princesse.

- Pas besoin de me présenter à ce que je vois, dit Talemilia feignant l'arrogance.

C'est dans ces moments que je comprends Lelelitio qui dit qu'elle était bien trop honnête.

- Alors je vais vous donner deux avertissements : en aucun cas, vous devriez me sous-estimer et le plus important, je serai vous je n'insulterai pas mon peuple sous mon nez car je vous le ferai payer au centuple.

- Ou la la la ! La noble des poubelles montre les crocs, se moqua-t-il bruyamment, qu'est-ce qu'une fille isolée comme toi peut faire face à nous qui avons l'expérience du terrain ? la nargua Zajo.

- Tu tiens tant que ça à voir ce qu'une fille isolée comme moi peut faire pour protéger les siens ? lui rétorqua-t-elle en levant le menton.

D'un simple coup de pied, elle éclata le sol faisant trembler toute la pièce. Un bluff consistant à une simple incantation qu'elle recita dans son esprit pour faire croire à une quelconque surpuissance. Bien qu'elle ait une force hors du commun, elle l'est par rapport aux autres fées, elle n'était pas de la même nature que la reine, la sienne était juste tout bonnement hors de portée. Mais elle était assez forte pour ne pas se faire emmerder par des impertinents comme ceux qui l'entouraient actuellement.

Devant la « puissance phénoménale » que venait de dégager la princesse, deux des mercenaires tentèrent de s'enfuir mais en levant son index et son majeur, elle fit lever un bloc de pierre qui leur bloqua le passage les faisant le percuter.

- Ne comptez pas vous enfuir pour capturer à nouveau des Féériques pour les revendre, les avertit la princesse, aucune des citoyennes de Sylvania ne sortira de ces terres sans leur consentement. Vous êtes désormais enfermés avec moi.

- Ou plutôt, tu l'es avec nous, précisa le chef des mercenaires, évite de jouer les durs lorsque tu es toute tremblotante. Aussi compétente que tu sois, je parie que tu ne t'es jamais vraiment battue, toujours protégée par ce gamin elfe qui t'accompagne partout. Moi, Zajo, je peux te garantir qu'on ne te fera aucun mal si tu te laisses faire, c'est à prendre ou à laisser.

- Tu peux toujours courir, lui cracha-t-elle.

- Soit. Les gars, chargez-vous d'elle, je m'occupe de retirer nos moyens de locomotion hors de sol.

Tous hochèrent la tête et se jetèrent sur la fée. Prête au combat, elle esquiva aisément leur charge en lévitant avant de changer ses bras en fer et de les combattre.

Bien qu'elle ne fût pas aussi forte que la version qui a rencontré le Héros, elle n'en restait pas moins une combattante aguerrie grâce aux entraînements que lui avait prodigué Malalalivia depuis qu'elle avait l'âge de dix ans. Bien qu'elle fût été la servante de Talemilia mère, elle avait reçu une éducation spartiate de la part de ses propre parents et oncles qui ont fait partie de l'armée régulière de Sylvania et au vu de sa force actuelle, elle ne faisait aucunement honte à ses ascendants. Malalalivia aussi en avait fait partie de cette armée régulière, c'est là-bas qu'elle y rencontrera son futur mari, Goliasim, un autre elfe de la même ethnie qu'elle, ce qui était plutôt rare.

Et cet entraînement qu'avait subi Malalalivia, c'est ce même entraînement qu'elle avait fait subir à Talemilia fille et peut-être cela qui allait lui permettre de se sortir de cette terrible situation... D'ailleurs, à cause de ses nombres voyages, Talemilia mère n'avait jamais reçu d'entraînements de la part de Malalalivia.

Voler sans user de ses ailes lui donnait un avantage considérable sur ses adversaires qui prenaient du temps à l'atteindre vu qu'ils couraient sur le sol, et sa grande agilité lui permettait de se mouvoir à loisir malgré le plafond très bas de la pièce et d'esquiver les coups de couteaux que tenter de lui mettre ses assaillants. C'est par de simples attaques en piqué qu'elle réussit à les combattre, quelques coups par-ci par-là, avant de redescendre sur le sol et de les projeter au sol avec des croche-pattes. Le stress de Talemilia était immense, elle ne savait si elle réussirait à les vaincre.

Ce Zajo a raison. C'est moi qui me suis enfermée avec eux comme une imbécile. Mes coups ne sont pas assez forts pour les assommer... Comment faire ?

Et alors qu'elle réfléchissait à prendre la fuite, un coup de feu retentit dans la pièce et une giclée de sang sortit du bras de Talemilia. Elle s'écroula au sol et hurla de douleur, se tenant le bras spontanément pour atténuer la souffrance.

- Vous êtes des incapables et ça me sidère, vomit Zajo, vous êtes tellement nul à chier qu'elle aurait fini trouée de plomb ou de laser si vous aviez eu vos armes alors que je vous ai explicitement dit qu'elle, elle devait être entière.

- Mais on lui avait fait aucun mal, protesta l'un des mercenaires.

- Je suppute juste, en voyant vos exploits actuels, qu'elle serait morte parce que vous êtes pas capable de la capturer. Heureusement que j'avais mon arme en plastique pour éviter qu'elle l'attire avec son magnétisme. En tout cas, félicitations à toi, princesse Avelilinélia, d'avoir pu leur résister.

La douleur était si grande que Talemilia n'arrivait à prononcer aucun son si ce n'est des beuglements qui empêchaient ses injures de sortir. Zajo passa devant elle allant voir les deux mercenaires qui s'étaient pris la pierre qui empêchait leur fuite et les exécuta de deux balles dans la tête pour chacun.

- Pourquoi ? toussota-t-elle.

- Oser fuir face à un danger sans ses camarades n'est pas digne des hommes que j'ai engagés. Cependant, tu devrais plutôt t'inquiéter pour toi.

- Ce qui peut m'arriver, je n'en ai cure, déclara-t-elle en serrant les dents, j'ai sauvé ces jeunes filles que vous alliez utiliser pour vous enrichir et elles vont appeler les gardes pour venir me sauver.

- Et tu crois que les gardes vont venir aider une lépreuse comme toi qui es la lie de la société de Sylvania ? lui demanda le braconnier avec un sourire narquois, princesse ou pas, tu as été abandonnée à cause de ta lignée. Donc ta meilleure espérance est de souhaiter que ton acheteur soit un homme bon...

- Si ce n'est pas les gardes qui me sauvent, ça sera Lelelitio.

- Et si ce n'est pas ce « Lelelitio », ça sera qui ?

- Si ce n'est pas Lelelitio ça sera... ça sera le héros de la légende lui-même !

Affichant des yeux hallucinés, il pouffa avant de carrément exploser de rire suivi de ses compagnons qui se jetèrent par terre, hilares. Même les mages qui se devaient d'être concentrés pour activer le portail gloussaient dans leur coin.

- Moi qui te prenais pour une fille mature, tu n'es finalement qu'une sotte qui croit encore aux « contes de fées » comme disent ces humains dénigrants. Une vulgaire légende qui n'est pas là pour faire espérer les plus niais de cette planète et tu penses que cet être imaginaire va débarquer te sauver.

- J'en ai l'intime conviction !

Zajo secoua la tête, hébété, et la tira par les cheveux jusqu'au cercle magique.

- Je suis certain que beaucoup apprécieront une petite idiote comme toi qui leur raconte des histoires après le coït inversement à la princesse Shéhérazade, ricana-t-il, ça leur évitera d'aller dormir à la Bibliothèque Universelle. Enfin, c'est pas la principale raison pour laquelle je dormais là-bas...

Et soudain, une incroyable et intense lumière bleue jaillit du cercle magique, celle-ci était aveuglante, au point qu'ils devaient se cacher les yeux avec leurs bras.

Vais-je réellement disparaître vers ce lieu inconnu ? se demanda la princesse, sans jamais revoir ma famille, ni Maman Malali, ni Leli, ni les enfants...

À cette pensée, elle commença à s'agiter en se débattant de toutes ses forces, en hurlant « Je veux pas ! », « Lâchez-moi ! », « Arrêtez ! ». Zajo lui écrasa son bras blessé pour la faire taire mais cela amplifia ses cris. Puis soudain, ils entendirent une voix étouffée à travers le passage bloqué.

- Talemilia, c'est toi ? T'es ici ?

C'était Lelelitio ! Il l'avait retrouvée. Elle hurla à l'aide de toutes ses forces, criant son nom, le suppliant au plus vite de l'aider.

Derrière la paroi rocheuse se trouvait Lelelitio en compagnie du chevalier. L'elfe frappait de toutes ses forces contre le mur de pierre en espérant pouvoir y faire quelque chose.

- Pousse-toi, garçon, lui ordonna le chevalier royal, remonte même les escaliers pour ne pas me gêner. Quand tu entendras un grand boom, redescends fissa, c'est clair ?

Il hocha la tête et gravit les marches à toute vitesse.

La fée-chevalier leva son bras droit perpendiculairement à son épée qui pointait vers le mur, ferma les yeux et canalisa toute sa force dans son bras, puis le concentra dans son poignet, serra les dents. Il se devait de la réussir du premier coup sinon comment pourrait-il vivre en portant le nom de son illustre paternel en échouant à sauver une habitante de Sylvania ?

Concentre-toi... concentre-toi... concentre-toi... Maintenant !

- Technique de l'école de l'art de la lame sonique : Premier arcane de la lame vrombissante : lame vibrante !... Impact finale !

Un trou se créa dans la pierre et l'attaque se poursuivit au-delà de la pierre atteignant le portail sans lui faire aucun effet. Comme convenu, Lelelitio redescendit au son de l'explosion.

- Bordel ! Zajo, c'était pas prévu qu'un chevalier royal se mêle de nos affaires, commenta Yarwuik.

- Ah bon ? Tu crois ? ironisa-t-il, rentrez tous dans le portail et on prend un mage pour qu'il ferme de l'autre côté.

Le trou n'était pas assez grand pour que le chevalier puisse passer avec ses ailes et son armure malgré toutes ses tentatives.

Putain ! Même à mon maximum, je n'ai pas pu réduire cette pierre en poussière !

Les mercenaires commencèrent à s'enfuir par le portail, Lelelitio retira la fée du trou en le remerciant pour ce qu'il avait fait et se jeta à l'intérieur de la cave à la poursuite des ravisseurs de sa princesse. Il était à dix mètres d'elle, pas très endurant, ni très sportif, il avait du mal à courir, mais à ce moment précis, à cet instant clé, il savait qu'il se devait de faire son maximum pour la sauver sinon il ne la reverrait jamais plus.

Dix mètres.

Neuf mètres.

Huit mètres.

Sept mètres.

Six mètres.

Cinq mètres.

Plus que quelques mètres et je t'atteindrai Avelilinélia !

Quatre mètres.

Trois mètres.

Deux mètres.

Il tendit son bras jusqu'à elle, criant son nom à plein poumons, elle essaya de lui attraper sa main, les larmes aux yeux. Alors que ses doigts allaient atteindre les siens, que son regard rencontre le sien, que leurs voix parcouraient la même distance jusqu'à leurs oreilles, le portail se referma, éclatant la main de Lelelitio contre le mur. Néanmoins, rien n'était comparable la frustration de voir sa « cousine » être enlevée sous ses yeux. Cela dépassait grandement la douleur qui parcourait sa main tordue.

Il frappa furieusement le sol avec ses deux mains, aggravant la blessure qu'il avait à la main droite, s'arrachant les cheveux devant l'inutilité de son acte.

Comment pourrait-il regarder sa mère droit dans les yeux et lui avouer qu'il avait été incapable de protéger la vie de la fille de la princesse qu'elle chérissait tant ? Si c'était lui qui était le digne héritier de sa famille de servant, quel opprobre jetait-il sur ses ascendants et ses descendants.

Mais se dire cela c'était se voiler la face.

Ce n'était pas par devoir qu'il se torturait l'esprit ainsi, mais bien parce qu'il tenait farouchement à elle bien qu'il ne lui montrât jamais. Se demandant toujours si elle lui en voulait de l'avoir frappé alors qu'elle faisait le deuil de sa mère, de lui avoir reproché son existence et d'accaparer sa mère comme un vulgaire égoïste.

- Quel misérable être je suis..., se morfondit-il en sanglot.

Le chevalier s'avança vers lui et le souleva du sol en lui attrapant le col.

- Remets-toi sur patte, le combat continue.

- Hein ? Mais de quoi parlez-vous ? Elle est partie définitivement et ces imbéciles ne vont sûrement pas nous aider. En parlant de vous...

Il s'apprêtait à se jeter sur eux mais la fée-chevalier le réceptionna au vol et le remit devant le cercle magique.

- Ce n'est pas le moment de se défouler, il reste un mince espoir de les rattraper.

- Lequel ? dit Lelelitio, commençant à ressentir la douleur de sa main cassée.

- Vous là ! invectiva le chevalier en se tournant vers les mages, si vous voulez que votre peine soit réduite, soignez ce garçon. Et pas d'entourloupes ! Vous savez très bien qu'en une action, je peux faire tomber l'enfer sur vous. Moi, je me charge d'ouvrir ce portail.

- C'est impossible, dit l'un des mages, il vous faudrait les coordonnées menant au lieu où ils sont partis et surtout, un certain niveau en magie, et vous n'avez pas ce niveau bien que vous soyez le chef des Saints de la Reine.

Lelelitio se tourna vers son bienfaiteur, les yeux éberlués, ne s'attendant pas à ce genre de révélation.

- Vous... vous... vous êtes Sawyer... Sawyer Stelenincia Vanguard, fils de Torn Stelenincia Vanguard, l'illustre héros de Sylvania...

- Ne t'inquiète pas, je connais bien le palmarès de mon illustre père. Pas besoin de rappel.

- Mais vous ne devriez pas rester auprès de la reine ?

- Oui. Mais non. Je crois qu'en ce moment, il y a des choses bien plus importantes que gérer les crises de nerfs de ma reine. Et plus tu me poseras de questions moins on aura de chance que je réouvre le portail.

Rouvrir ? se demanda le jeune elfe, il doit se tromper, c'est impossible de faire ça.

- Technique de l'école de l'art de la lame sonique : Arcane secrète...

Une tempête de magie entoura le chevalier en armure de plate, elle était si forte que l'essence magique se fit voir à l'œil nu, absorbant la vie des végétaux qui se trouvaient dans cette cave et peut-être même au-delà.

- Qu'est-ce que vous faites ? demanda Lelelitio.

- Au lieu de quémander à l'essence magique comme toutes personnes ayant déjà pratiqué la magie ou l'ayant apprise, il force la magie à venir en lui, et l'oblige à donner plus qu'elle ne peut lui offrir comme... certains humains font, lui expliqua l'un des mages, c'est pour ça que tout meurt autour de nous. Il extorque jusqu'à leur énergie vitale et s'il continue cela pourrait bien nous toucher nous, êtres magiques.

- Et si en plus c'est la technique que je pense, intervint un autre mage, ça sera la preuve que cet homme n'est pas comme nous.

- Mais s'il échoue... le contrecoup risque d'être bien trop important.

Sawyer expira tout l'air qu'il avait dans les poumons avant d'inspirer grandement, ferma les yeux et se fit l'image de l'action qu'il allait effectuer comme son père lui avait expliqué. Cette fois-ci s'il se ratait, il y perdrait la vie et aurait échoué en tant que gardien des vies des citoyens de Sylvania – déjà que ce n'était pas fameux en ce moment. Il plaça son épée face à lui, mit sa main droite sur la face arrière de la poignée et la main gauche sur le dessus de la poignée, concentrant toute la magie qu'il avait accumulée entre ses mains. L'énergie qu'il avait entre était si fabuleuse qu'il ragaillardit la fée.

- Maintenant ! Technique de l'école de l'art de la lame sonique : Arcane secrète : Inversion magique !

Sans trembler, avec une précision chirurgicale, il enfonça son épée au milieu du cercle magique et réussit à réactiver le portail mais ça allait prendre quelques secondes supplémentaires pour pouvoir l'ouvrir complétement.

- C'est... c'est tout simplement impossible ! s'écrièrent tous les mages, c'est de la sorcellerie ! C'est contre-nature !

- Comme si votre avis comptait, rétorqua le fils de Torn, laissez-moi me concentrer. Tiens-toi prêt, garçon, dès que c'est ouvert, on rentre, la suite appartient à l'avenir.

Derrière le portail, en plein milieu d'une forêt, face à un vieux portail runique se trouvaient encore les mercenaires en compagnie de leur marchandise, pensant s'être tirés d'affaire, ils se permirent de se reposer.

La princesse souffrait encore de sa blessure par balle, la douleur lui paralysait tout le corps la rendant incapable de fuir, et ils le savaient.

- Vous avez vu ce chevalier débarquer ? dit Yarwuik essoufflé, son regard faisait trop flipper.

- Je peux vous dire que s'il vous avait rattrapé, il n'aurait fait qu'une bouchée de brigands comme vous, déclara la fée.

Les brigands pestèrent mais ne purent rien faire : ils ne pouvaient se permettre d'abîmer leur marchandise.

Talemilia se tourna vers Zajo et lui planta son regard dans les yeux.

- Et finalement Zajo, maintenant est-ce que tu crois ?

Sang-froid perdu, il lui mit un coup de pied dans le ventre pour la faire taire.

- Je ne crois pas t'avoir donné voix au chapitre, paria ! explosa Zajo.

Crachant ses poumons à cause du coup de Zajo, elle se mit à baver à cause de sa respiration coupée et sa vision se floutait. Zajo poursuivit en lui écrasant le bras où il avait tiré, la faisant crier de douleur. Elle frappait sa botte pour qu'elle le retire mais celui-ci insista violemment dessus.

- Arrête ! Son bras risque de s'infecter, l'avertit l'un des mercenaires.

- Qu'est-ce que j'en ai à faire ? On a deux mages pour la soigner.

Et sans s'en rendre compte, le portail derrière Zajo se réouvrit. Enfin, ça tenait plus de la faille spatiale que d'un véritable portail.

Tous étaient choqués par la possibilité que leurs poursuivants puissent les rattraper aussi vite, les mages en tombèrent par terre en se rendant compte qu'ils allaient être exécutés pour leur félonie.

- Ce n'est pas possible... C'est impossible ! s'écria l'un des deux mages en grattant désespérément le sol.

- Alors la véracité sur les capacités du fils de Torn n'étaient pas infondées, déclara son compère.

Yarwuik prit par le bras son chef et le tira vers lui pour qu'ils puissent s'échapper tous ensemble.

- Ah parce que vous croyez qu'un homme qui défie les lois magiques en créant un portail sans aucune coordonnée n'est pas capable de vous rattraper ? se moqua Talemilia

- La ferme, toi ! lui cracha-t-il, il faut y aller chef, on a échoué, on retentera une prochaine fois.

- Non. Je repars pas sans un butin quel qu'il soit... Passe-moi le couteau-vampire que nous a refilé l'autre gros plein de soupe ! ordonna-t-il au faune.

- Vous allez faire quoi ?

- Lui prendre ses ailes.

Sacrilège ! Quelle offense ! Quelle disgrâce allait commettre ce brigand !

Le faune donna au brigand Aberios ce qu'il lui avait demandé. Les mages s'apercevant de l'affront qui allait être commis envers l'un des membres de leur race voulurent s'interposer – peu importe les différences culturelles, sociales ou hiérarchiques, une fée ne laissera jamais une autre fée se faire arracher les ailes par quiconque. Zajo en tua un avec son pistolet à balle en plastique durci et pointa son arme en direction du deuxième.

- Interviens et tu finis comme ton collègue.

Il donna l'arme à Yarwuik et se baissa sur le corps de la fée, plaça le couteau spécial sur la racine des ailes de Talemilia.

Comme attendu, cela fonctionna : ses ailes étaient devenues tangibles.

Les ailes des fées étaient semi-magiques, semi-tangibles. Il était difficile pour quelqu'un qui n'était pas une fée de les toucher, mais pas impossible et au cours du temps, les gens comprirent la méthode, mais il était beaucoup plus simple d'avoir des matériaux spéciaux que d'employer cette méthode qui était longuette quand on ne possédait pas le toucher.

Au moment où la lame toucha les ailes de la fée, elle poussa un cri de douleur beaucoup plus effrayant que celui qu'elle avait fait lorsqu'elle eut le bras écrasé par le chef des mercenaires. La magie qui recouvrait les immenses ailes de la princesse commençait à être absorbée par la lame, elle se débattit comme un diable mais Zajo sut la retenir avec vigueur. Une fois le contact bien établi entre la lame et les ailes, il commençait à les découper en une seule fois.

La douleur était similaire à une amputation, bien trop longue, bien trop douloureuse... C'était comme si on lui sciait le bras, sauf que les ailes d'une fée étaient bien plus sensibles que n'importe laquelle des parties de leurs corps.

L'expression de la fée fit détourner le regard de tous les témoins ici présents, le mage vomit tout ce qu'il avait dans ses tripes ; ce spectacle lui était bien trop insoutenable. La souffrance de Talemilia dépassait tout ce qu'elle avait pu vivre durant toute sa vie, rien n'y était comparable.

En même temps que le sang de ses ailes s'écoulait tout le long de son dos, ses larmes se répandaient sur son délicat visage qui se tordait de douleur. Aucune supplique, aucune demande ne put sortir de sa bouche, seulement d'incessants cris qui n'en finissaient pas, elle ne pouvait que supplier par la pensée qu'on la libère de cette effroyable épreuve.

Je Vous implore de me sauver... Qui que Vous soyez... C'est insoutenable ! Je vais mourir ! Sauvez-moi ! Je t'en supplie héros de la légende viens me sauver comme tu l'as fait pour tant d'autres !

De l'autre côté du portail, les cris suppliants de Talemilia résonnaient dans toute la pièce. Les membres de Lelelitio se crispèrent aux appels à l'aide de sa cousine, une douleur sans aucune mesure transperçait le cœur de celui qui s'était juré de toujours la protéger à cause de ses remords. Ne pouvant plus supporter d'entendre les cris de Talemilia, il se jeta sur le bras du chevalier à la fin des soins prodigués par les mages le suppliant de se dépêcher.

- Je fais du mieux que je peux..., dit Sawyer la voix coupée par l'effort, si tu veux... m'aider... renforce tes mains avec de la magie et ouvre la faille de tes mains.

- Mais vous êtes fous ? s'insurgea l'un des mages, s'il s'y prend mal, il risque d'y laisser des membres. Ou même de finir dans une autre dimension !

- On n'en serait pas là si vous étiez fidèles à votre royaume ! s'énerva la fée-chevalier., en plus vous débitez de ces conneries...

- Nous... nous... n'avions pas le choix...

- Je me fous... de vos aveux... pour l'instant, si vous voulez alléger votre peine, allez l'aider !

Et les deux se précipitèrent sur la faille spatiale menant au lieu de la position de la fée, et tous les deux recouvrirent leurs mains de magie et insèrent les mains dedans pour l'écarter, usant de toutes leurs forces pour l'ouvrir. Sawyer força le passage avec son épée et y engouffra de plus en plus de magie pour pouvoir réaliser un véritable portail.

Je manque bien trop d'entraînements. Mère aurait réussi ce tour sans même l'aide d'une épée. Père aurait réussi à sauver cette jeune fille sans difficulté. Je ne peux pas me permettre de ne pas être capable de protéger le royaume qu'ils aimaient tant !

Observant que le portail commençait à s'ouvrir, Zajo ne perdit pas plus de temps à bien découper les ailes de Talemilia au couteau-vampire et décida de les arracher comme un boucher. Il les saisit à pleines mains et tira dessus comme un acharné, déchirant le dos de la princesse qui subissait un supplice inimaginable, une souffrance au-delà de toute émotion descriptible ! C'était comme si cette souffrance lui était infligée, de façon égale, dans les moindres pores de sa peau, les moindres cellules de son corps. Ce tourment était bien trop grand pour que son corps accepte de s'évanouir, elle devait donc supporter cette amputation de charcutier, en ne pouvant que supplier, avec toute la peine du monde, que ça s'arrête, priant de tout son cœur, de toute son âme, qu'on vienne la sauver.

Dans la cave, Lelelitio était à deux doigts d'injurier le chevalier Saint de la Reine en entendant les cris et les larmes de sa cousine.

- Je fais ce que... je peux...

Il faut que je le fasse ! Je ne peux pas me cantonner à surveiller Audisélia. Je dois dépasser mes maigres limites... maintenant !

Ce sentiment de culpabilité le poussa à injecter toute sa puissance magique dans son épée et la fit exploser dans le portail, l'ouvrant complètement mais il était totalement instable, il fallait que quelqu'un le tienne le temps qu'ils y rentrent, le jeune elfe et lui. Il rengaina son épée tout en ordonnant de maintenir le portail aux deux mages.

- Gamin, on y va tout de suite.

Et tous les deux coururent à travers le portail et arrivèrent dans la forêt où s'étaient enfuis les mercenaires. Les prenant sur le fait, ils assistèrent, impuissants, à un spectacle effroyable : Talemilia, le dos sanguinolent, la peau et la chair arrachées, des fils lumineux ressortaient du corps de la fée et pendaient le long des ailes qui avaient été dérobées par Zajo, des petites poussières d'écailles d'ailes de fées se répandaient sur le corps meurtri de la fée. Celle-ci, voyant ses sauveurs arriver, elle leur tendit une main fébrile, le regard soulagé, un visage meurtri par la douleur, embué de larmes et un douloureux sourire de soulagement d'enfin les voir arriver la sauver de son tortionnaire.

D'une voix tremblotante, elle ne put dire que, d'une voix presque inexistante :

- Tu... es enfin... là... Leleli...

Puis s'évanouit. 

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