Obscure Festivité Sectaire

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Selon les idées du Héros – on ne pouvait décemment pas appeler cela un plan tellement c'était brouillon –, ils ne feront qu'espionner les fanatiques et dénicher dans leurs conversations une quelconque information sur leur identité.

S'il avait su qu'il ferait ça, il aurait au moins prévenu Helmir pour les rejoindre et les soutenir, heureusement, il avait gardé un petit objet qui lui serait utile si tout se déroule comme il l'avait prévu : mal.

Le groupe traversait les endroits les plus lugubres des Basfonds, marchant sur ces chemins poisseux et boueux, où aucune lumière n'osait pénétrer, les fenêtres étaient soit closes, soit brisées. Dans ces rues ténébreuses, il n'y avait pas âmes qui vivaient, aucun être vivant qui ait ou qui ait eu la moindre étincelle d'intelligence, on pouvait croiser toutes sortes d'êtres revenus à l'état sauvage, même les fées dont la race n'était pas née comme des êtres violents et sauvages, et pas très dégourdis au combat à main nue, affrontaient tous les êtres qui se trouvaient sur leur route.

Pour passer inaperçus et ne pas avoir à se battre contre ces créatures qui ont dégénéré à l'état de bêtes sauvages, Lelelitio avait exécuté Silencio sur ses partenaires et lui. Même si ce n'était pas un sort poussé, il était assez puissant pour tromper les plus bêtes.

Et ils arrivèrent enfin au lieu de la réunion, face à « l'Hydragon ». Par commodité, les habitants de la Forêt des Fées l'appelaient l'Hydragon mais, en vérité, c'était l'amas de deux cadavres de dragons, on devinait sur leurs squelettes que l'un était plus grand que l'autre, possédait quatre ailes plus grandes que ses six pattes et trois têtes et l'autre avait six ailes, deux têtes et quatre pattes.

Ces dragons étaient gigantesques, leurs tailles étaient totalement démesurées, rien de comparable à tout ce que le Héros avait pu voir durant son long périple, ils étaient tout bonnement... des créatures de cauchemars. Ces choses qui étaient venues à la surface de la Terre pour décimer les derniers Hommes et les Féériques.

Le Héros crut percevoir sur la mâchoire les signes d'une « hybridation cybernétique » - un processus « naturel » fait par certaines créatures de tout type qui fusionnent avec des objets mécaniques ou technologiques pour devenir des sortes de cyborg « naturels ». Personne ne savait d'où provenait cet instinct de vouloir se mécaniser – cela semblait dater de bien avant la fusion des mondes selon certains livres « Féériques » –, mais cela lui paraissait n'être que des particules de métal qu'on pouvait retrouver dans la dentition de monstres cracheurs de feu, ayant la capacité de stocker un gaz inflammable dans un organe de leur corps et le choc de leurs dents créeraient des étincelles permettant à leur souffle de s'enflammer et aux monstres de cracher du feu. Tous n'avaient pas cette particularité, elle était même très rare mais le dragon à trois têtes paraissait la posséder.

Notre petit groupe s'approchait petit à petit du lieu du rendez-vous, plus ils s'avançaient, plus ils entendaient des murmures, ce qui signifiait qu'ils arrivaient aux masses basses qu'ils recherchaient. Lelelitio les arrêta et leur conseilla de faire très attention.

- Peut-être que nous sommes en total furtivité, mais mon sort n'est pas aussi puissant que celui que j'ai placé sur l'orphelinat, donc faites très attention à là où vous marchez et comment vous marchez.

Tous hochèrent la tête et ils se dirigèrent vers le centre de la réunion comme un seul homme, à pas feutrés, s'obligeant à respirer le moins bruyamment du monde. Ils découvrirent une scène des plus étranges : tout un tas d'hommes vêtus de cette tunique rouge à la longue capuche pointue autour d'un immense feu de joie et tournant autour, au-dessus d'eux se trouvaient deux hommes dont les visages étaient cachés par la pénombre, mais leur physionomie permettait de dire qu'il y en avait un qui était plutôt maigre et l'autre un immense lourdaud, et tous les deux ne possédaient pas d'ailes. À ce stade, ils ne pouvaient pas savoir s'ils étaient les chefs du groupe ou non – si même Lelelitio avec ses yeux d'elfes était incapable de les observer, ce n'est pas deux fées, un cyclope et un humain myope qui allaient faire la différence –, néanmoins leurs paroles étaient plus qu'audible.

Alors finalement, ils se sont réunis, se dit le Héros, ça accélère mes prévisions et c'est pas plus mal.

À ce moment précis, les yeux du Héros s'illuminèrent de cette lueur dorée, il ferma les yeux pour empêcher qui que ce soit de le voir dans cet état. Les pouvoirs du héros de la légende s'étaient activés, il comprit que les individus qui se trouvaient à l'intérieur du squelette parlaient une langue étrangère, ou plutôt... une langue morte. Comme leur avait dit Beneltig, les fanatiques parlaient anglais pour couvrir leurs arrières. Et cette fois-ci, contrairement au moment où il avait dû lire un livre en français, il devait se concentrer un maximum pour comprendre ce qu'ils étaient en train de se dire.

- Mes frères ! dit l'un des deux hommes sur la balustrade, aujourd'hui nous avons subi une traîtrise au sein de notre groupe.

Tous sentirent le tremblement de Beneltig, ce qui donna envie de rire au Héros et Tarkus – bien qu'il n'ait pas compris ce que disait le chef –, qui réussirent à se retenir. Malalalivia tapota l'épaule du Héros et lui chuchota qu'il s'avérait qu'elle reconnaissait la voix de l'homme qui parlait, elle était semblable à celle des Cisailleuses de Mortalis. Le Héros leva le pouce pour lui confirmer qu'il avait aussi remarqué et lui dit qu'il leur expliquerait ce qu'ils se disaient à la fin.

Cependant, cette voix lui était vraiment familière.

- Ce cuistre a réellement cru pouvoir trahir notre cause pluricentenaire pour des pouilleux. Il a reçu sa digne punition, alors je veux que vous vous souveniez que lorsque vous intégrez notre groupe, vous n'en sortez jamais jusqu'au retour de la véritable régente de notre royaume et, bientôt, de toute cette planète.

[Domination planétaire ? Cliché, un peu. Mais rien d'étonnant en voyant les adeptes.]

- Seigneur Gris, dit l'un des adeptes autour du feu, comment allons-nous alors nous débarrasser de l'Usurpatrice s'il n'est plus là ?

- Ce n'est pas faute d'avoir essayé plus d'une fois, ajouta un autre.

- Il est vrai, leur répondit l'autre homme, ce petit moucheron est intuable. Nous avons tenté bien des choses à son encontre depuis quatorze longues années, mais rien n'y fait, et même cet imbécile n'a rien pu faire. Maintenant cette légende qui vient compromettre nos planifications, en plus de ce héros et de la reine qui s'en est entichée... Rien ne va n'est-ce pas ? Mais j'ai eu un appel ! Un appel de notre maîtresse !

Tous les fanatiques s'agenouillèrent à cette annonce et un bruit sourd monta du centre de l'assemblée, ils se mirent à agiter les mains en direction du ciel.

- Hé oui ! Mes frères, le Seigneur Diaphane ici présent a reçu une communication de notre maîtresse nous indiquant la marche à suivre. Selon la retranscription que nous avons pu en faire, elle nous dit de continuer à amasser de l'énergie pour son réveil et de rechercher l'emplacement du lieu où elle a été enfermée dans Sylvania, mais surtout, nous devons mettre hors d'état de nuire tous ces gêneurs qui veulent nous mettre des bâtons dans les roues alors que nous poursuivons notre devoir le plus sacré.

- Si elle dit cela, est-ce que cela veut dire qu'il y a un moyen de vaincre la reine ?

Leurs chefs se mirent à rire à gorge déployée et leur assurèrent qu'il y avait bien un moyen de vaincre la reine.

- Et le mieux pour notre affaire, c'est que nous pourrons faire porter le chapeau à cet humain envahissant. Lorsqu'elle nous a expliqué la méthode, j'ai tout de suite compris qu'elle était viable puisqu'ayant assisté au combat de la reine face à lui, nonobstant cette fois-ci, à contrario de ce héros de pacotille, moi je n'aurai aucune pitié face à elle.

Cela veut dire qu'il était dans la salle du trône lorsque j'ai combattu la reine ? se dit le Héros, donc j'ai réellement déjà entendu cette voix... Mais de quelle méthode parle-t-il ?

- Nous vous laissons alors effectuer la procession habituelle pour la résurrection de notre bien-aimé reine. Nous, nous allons retrouver le corps du traître.

Leur discussion prit fin et les deux « seigneurs » s'en allèrent, une troisième personne, qui semblait moins importante que les deux seigneurs, arriva mais aussi en haut de la hiérarchie puisque le haut de sa capuche portait une ligne grise en son centre et les trous qui lui permettaient de voir étaient aussi cernés d'un cercle de la même couleur.

- Amenez le tribut d'aujourd'hui, ordonna le gourou à la ligne grise.

Et un enfant elfe était amené jusqu'au cercle formé par les adeptes, il se débattait de toutes ses forces pour leur échapper, mais les hommes étaient bien trop forts. Ils l'attachèrent sur un poteau. L'enfant pleurait toutes les larmes de son corps à en faire couler la morve de son nez, il les suppliait de l'épargner mais aucun ne lui répondit continuant de chantonner une sinistre mélodie du fond de leur gorge.

Malalalivia se leva et s'apprêta à partir à son secours, le Héros lui attrapa le poignet et la regarda, il n'avait pas besoin de mot pour lui faire comprendre ce qu'il voulait lui dire.

Fais comme tu veux, mais assume.

Elle se détacha de son entrave et sauta au milieu de la foule. Lelelitio le rassura en lui disant que sa magie cacherait leurs apparences, bien que pour le Héros ça soit un plus dur puisqu'il faisait des interférences magiques, il lui dit alors de la retirer complètement.

Tarkus partit à sa suite en se craquant les deux doigts suivi de Lelelitio pas très loin, Beneltig tenta de s'échapper mais le Héros l'attrapa par le col et lui dit :

- Ne crois pas pouvoir t'en sortir comme ça, j'ai encore besoin de toi donc tu vas participer au combat.

Il le jeta contre des fanatiques et partit se battre avec le reste de ses camarades. Au premier abord, voyant débarquer ces intrus, le fanatique chef remplaçant se dit que cela serait réglé très rapidement, mais en voyant arriver le héros de la légende, sourire aux lèvres, rictus carnassier, le fixant d'un regard de prédateur, il comprit rapidement que s'il ne filait pas de là, il finirait en petits morceaux.

- Comment nous ont-ils trouvé ? s'épouvanta le fanatique, c'est pas possible !

- C'est la reine qui les envoie !

- C'est forcément elle !

Ni une, ni deux, il s'enfuit en courant dans la direction opposée du Héros. C'était bien dommage, cela lui aurait ravi de connaître l'identité de cette personne, mais il ne devait pas quitter ses compagnons, les gens qui les entourait devait sans doute provenir de l'armée de Sylvania donc, bien que Tarkus, la princesse et son servant soient forts et qu'ils étaient des prodiges du combat, il y avait des chances qu'ils ne fassent pas le poids face à l'élite de l'armée de leur royaume – ne mettons pas Beneltig dans l'équation.

La coterie se défendait bien, mais le Héros avait bien dit qu'il n'était pas là pour les attaquer, et grâce au pouvoir de Lelelitio, leur identités étaient cachées, sauf pour le Héros qui utilisait son affreuse allure pour effrayer les plus couards du groupe. Il en profita pour détacher l'enfant et le jeta dans les bras de Malalalivia.

- Courez, je les retiens ! leur dit-il.

Ils obéirent et tous s'enfuirent, à l'exception de Beneltig qui fut été retenu par le Héros qui lui saisit la nuque avant de le jeter à terre. Il lui fit un petit coucou avec ses doigts s'enfuit à toute vitesse.

- Sale fils de...

Les fanatiques l'attrapèrent et le collèrent contre le poteau, l'un d'eux lui enserra le cou et lui exigea de révéler son identité, ne pouvant être entendu correctement à cause du sort de Lelelitio, ils le désenchantèrent et révélèrent l'identité de Beneltig.

- Mais qui voilà, dit l'un des membres du culte, ça ne serait pas notre petite brebis égarée ?

Il le lâcha, le laissant se relever contre le poteau en bois.

- Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de toi ?

Plus loin, retournés en hauteur, le groupe fit une pause, voyant que personne ne les poursuivait, le Héros arriva après, perdant haleine et leur annonça la terrible nouvelle de Beneltig.

- Comment on va l'annoncer à Lin ? demanda Tarkus.

- J'en fais mon affaire...

Et comme attendu, Lin partit au quart de tour en apprenant que Beneltig avait été retenu par les fanatiques.

- Mais il faut aller le chercher ! s'écria Lin.

- On peut pas, ces mecs sont clairement d'un autre niveau, si je n'avais pas cette restriction magique imposée par le sceau jeté par les médecins de l'hosto, j'aurais pu y aller mais là, c'est...

C'était clairement un mensonge.

Pas seulement sa pitoyable comédie mais de prétendre qu'il ne pouvait pas sauver Beneltig à cause de la « restriction », il avait été dans des situations bien plus ardues avant qu'il apprenne comment se régénérer correctement.

- Qu'est-ce qu'on fait alors ? lui demanda Tarkus.

- Ce n'est pas que sa mort ne m'attriste pas, mais je n'ai aucune envie de le sauver, lui avoua Malalalivia.

- Ça fait pas très héroïque, ça, se moqua le Héros.

Elle sursauta et fut gênée d'avoir pensé cela ouvertement.

- Mais elle a raison, Lin, aucun des autres ne voudra le sauver car ils ont chacun leurs rancunes personnelles.

Lin serra le poing de frustration et leur cria :

- Si j'avais su que cela finirait ainsi, je ne vous aurais aucunement aidés et je vous aurais empêchés de vous y rendre !

Le Héros l'attrapa, enroula son bras autour du cou et lui chuchota :

- T'inquiète pas, il va s'en sortir, j'ai un plan, alors arrête de leur en vouloir. Fais semblant de me pousser et de t'en aller.

Le Héros devait s'en vouloir de ses petites manigances pour avoir cédé aussi facilement aux révélations.

- En es-tu réellement certain ?

- Non, mais y a de fortes chances qu'il s'en sorte.

- Alors qu'il y a une heure et demie, ils ont tenté de le tuer ?

- Oui.

- Y a intérêt qu'il soit en vie.

- Je te promets qu'il va s'en sortir, parole de héros de la légende.

Lin le poussa comme convenu et s'en alla du groupe, il enrageait de voir son ami être mis en danger de la sorte, mais il ne pouvait en vouloir aux autres de le haïr alors que certains tentaient d'améliorer les choses dans ce lieu maudit et qu'un autre avait perdu sa meilleure amie pour la survie de son ami.

- Putain, Benti, pourquoi tu as fait ça ? se lamenta-t-il en murmurant, les yeux embués de larmes en se mordant la lèvre inférieure.

De leur rencontre avec les fanatiques, le Héros en était reparti, tout de même, avec un bout de tissu appartenant à leur tunique.

Le reste des jours avant le retour du Héros à Haute-Ville et au Sanctuaire fut de déplacer les enfants et les meubles vers un nouveau lieu de résidence : l'ancienne maison des servants Grave.

Ils aménagèrent les pièces de façon que les enfants et les deux nobles de sang de déchus aient des pièces de vie communes et personnelles. À la fin de leur installation, le Héros décida qu'il était temps qu'il prenne la tangente pour donner signe de vie à sa princesse et à la reine. Mais avant de partir, Malalalivia vint le voir pour lui parler seul à seule :

- Oui ?

- J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit sur mes profondes convictions à...

- Je t'ai déjà dit que tu auras la réponse à ma question au moment propice bien que tu y aies réfléchi. Et arrête de me regarder aussi admirativement, lorsque tu... me... regardes, je vois ton regard s'éteindre lorsque tu sembles te rappeler que je suis pas le héros de la légende des récits que tu as lus.

- Mon regard n'est pas éteint lorsque je me rappelle de ton vrai toi, rectifia la princesse, ce n'est pas simplement parce que tu es différent des récits mais parce que je ressens quelque chose de foncièrement malsain au fond de ton cœur et ça n'a rien avoir avec ce que devrait être le héros de la légende.

- Roh ! râla le Héros, la fameuse « Perception des Sentiments Féérique », tellement efficace que vous...

Il se retint de devenir insultant auprès de son interlocutrice étant donné la longue histoire que lui a raconté Lelelitio.

- J'ai vraiment pas envie de me battre sur ce sujet, finit-il par dire, et si tu n'es pas satisfait de mes méthodes, bah débrouille-toi.

- Je te laisse faire comme tu veux parce que je te fais confiance et que je me fiche de Beneltig, bien que si on apprend qu'il lui est arrivé quelque chose et que malgré ça, il est toujours vivant, j'irai le chercher moi-même. Mais je te parle de ce trouble qui est en toi, cette rage qui sort même à travers tes pores que tu as tant de mal à cacher. Comment un héros de la légende pourrait sauver le monde en ayant de tels pensées ? Tu ne peux pas te comporter ainsi. Pourquoi une telle haine ?

- Si tu le savais, tu m'empêcherais de poursuivre ma quête parce que ça n'entre pas dans le code d'honneur du héros, lui sourit-il faussement, même la reine veut s'immiscer bien qu'elle ne l'exprime pas ouvertement, mais tout ça ne vous concerne pas. Alors tenons-en nous là. J'y vais.

Le Héros s'en alla, les mains dans les poches, le regard fixant la direction où il se dirigeait, sans un mot, le visage ferme, ignorant les paroles de Malalalivia. Mais celle-ci s'immisça dans son esprit en lui hurlant :

- Je trouverai ce qui te trouble autant et je te ferai changer.

Grand bien te fasse, pensa le Héros.

Il comprit la différence qui existait entre eux avec tous ces échanges : il se laissait manipuler par le destin alors qu'elle n'avait de cesse de combattre sa condition, qu'on lui mettait des bâtons dans les roues, que la vie s'acharnait sur elle. Il comprenait pourquoi Lelelitio croyait en elle.

Est-ce que s'il lui donnait le bâton de relais pourrait-elle combattre le Destin du héros de la légende et réussirait à couper les fils qui les manipulaient lui et les autres prédécesseurs ?

Désormais, nous pouvons reprendre où nous avons laissé la reine et le Héros dans leur discussion.

- Je ne te savais pas aussi malicieux, remarqua la reine.

- Je sens une pointe de déception dans votre voix, dit le Héros.

- Sûrement, mais c'est plus de l'étonnement.

- Je vous rassure : il ne m'a pas servi d'appât pour m'échapper.

- Tu l'as peut-être fait pour te débarrasser de la concurrence.

- QUOI ? s'insurgea le Héros, mais ça va pas ?!

La reine fut hilare devant la réaction du Héros, puis brusquement se perdit en une quinte de toux, le Héros lui frappa doucement le dos pour qu'il se rétablisse.

- Tu sais, ça ne marche pas ça, lui dit la reine, en plus, tu touches la racine de mes ailes, c'est extrêmement gênant.

- Ah désolé, je ne voulais pas...

- Roh ! Je plaisante. On se connaît maintenant, ça ne fait rien si tu les touches, du moins, si tu le fais pour une bonne raison. En plus c'est pour prendre soin de moi. Et excuse-moi, je voulais juste t'embêter avec cette histoire de concurrence.

- Comme si j'avais peur de ce type.

- Cela est presque des aveux dis-moi.

- Sûrement pas ! lui rétorqua le Héros le visage crispé par la gêne.

La reine pouffa de rire, mais évita l'explosion de rire pour éviter de repartir sur une nouvelle quinte de toux.

- Sinon, cette histoire de point faible, d'addiction ou que sais-je encore ? C'est véridique ?

- Je ne peux pas vous répondre.

- À cause de ton plan ?

- Qui sait ?

Le Héros tourna sa tête dans la direction d'où provenait la lumière de la pièce, pensif.

- Franchement, maintenant, je me rends compte du dur labeur que vous effectuez étant donné le peu de personne de confiance que vous avez autour de vous.

- J'imagine que dans les autres royaumes et dans l'ancien temps, les rois et les reines avaient aussi des traîtres au sein de leur cour, souffla-t-elle, et ces gens sévissent depuis des siècles au sein de notre royaume.

- Selon les paroles de Beneltig, oui.

- Hé bien, nous nous devons de régler cela.

- Dans votre état ça va être difficile, rappela le Héros, déjà comment ça se fait que l'Arme de Guerre du Royaume de la Forêt des Fées de Sylvania, ait réussi à tomber malade ?

- Oh ça arrive à tout le monde, un coup de froid, la grippe, je ne sais quel maladie saisonnière et puis ça s'évanouit.

- Ca ne serait pas parce que vous utilisez trop vos pouvoirs ?

- Mais non, nia-t-elle, c'est juste que je me dois de les utiliser constamment pour me...

Elle grommela quelque chose de tout à fait inaudible en voyant les yeux du Héros suspicieux. Il lui demanda de parler plus fort, mais elle continua de parler en grommellement, alors il l'obligea à parler ouvertement en lui faisant des chatouilles ?

- Mais arrête ! Arrête ! C'est bon je vais te le dire ! Je ne dors pas.

- Comment ça ? Tout le monde dort.

- J'oblige mon corps avec mes pouvoirs et des potions à ne pas dormir pendant un mois au moins avant de me retrouver dans cet état.

Le Héros lui tapa le front à plusieurs reprises pour la punir de faire des choses aussi stupide.

- Vous. Allez. Maintenant. Vous. Reposer.

- J'ai compris, pas besoin de me violenter, bredouilla-t-elle, mais ne pas m'endormir me permet de garder un œil sur tout ce qu'il se dit dans le royaume mais malgré cela je n'ai jamais entendu une seule de leur conversation dans cette langue morte...

- Peut-être c'est à cause de ça, lui dit le Héros en lui donnant le bout de tissu qu'il avait acquis lors de son échauffourée avec les membres du culte.

Elle le prit et reconnut que ce n'était pas un tissu qui provenait de leur royaume, sans doute une importation. À l'intérieur il y avait une sorte de matière métallique qu'elle ne connaissait pas.

- Qu'est-ce que c'est ?

- D'après ce que j'ai lu auparavant à la Bibliothèque Universelle de Vicenti et des renseignements que j'ai pu acquérir des souvenirs de mes prédécesseurs, il se pourrait que cela soit de l'aluminium. L'intérieur de leur costume doit en être revêtu c'est pour ça que vos ondes ne les atteignent pas et que vous ne pouvez pas lire dans leurs pensées.

- Habile, s'extasia la reine, ces gredins doivent être dans mon entourage proche pour connaître les spécificités de mon pouvoir et pouvoir s'en protéger.

Le Héros retourna s'asseoir et soupira.

- Vous vous surmenez bien trop, bien que ça soit pour le bien de votre peuple, mais je comprends le désespoir de Sawyer maintenant quand il me parle de vous. Vous êtes pas possible, Sélia.

La reine sourit à l'énonciation de son diminutif. Le Héros était peut-être incapable de la tutoyer à cause du grand écart qui les sépare, mais il se démenait pour être plus familier avec elle. Il finirait bien par la tutoyer, un jour.

- Je suis incapable de prendre aussi bien soin de vous que vous le faites pour moi, l'avertit-il, je suis déjà incapable de m'occuper de moi-même, alors je ne veux pas que vous vous effondriez et que je me retrouve dans l'incapacité de vous aider.

- Merci. Tu m'aides déjà bien assez avec ces impudents qui veulent ma mort et celle de ta protégée.

- Vous savez où se trouve le corps de Marrynela ? lui demanda le Héros.

- Je n'en ai aucune foutue idée, lui mentit la reine, cela aurait bien été utile pour que je puisse en débarrasser le royaume. Mais j'imagine que si on attrape l'un de ces félons, il nous dira où il est.

- C'est bien mon intention. D'où mon plan. Si Beneltig s'en est sorti, alors je pourrais aisément attraper l'un de ces types. En fait, même s'il est mort, je le pourrais puisque je me suis dévoilé à eux.

Il espérait du fond de son cœur qu'il était en vie, il n'avait nullement l'envie d'assister à ses obsèques où il devrait faire semblant qu'il était un bon ami à ses yeux – il devrait sûrement y assister sur demande expresse de la Fée, ce qu'il ne pourrait bien évidemment pas refuser, sous peine de se la mettre à dos.

- Dites-moi, dit le Héros, vous avez entraîné la princesse Malalalivia et son servant Lelelitio en compagnie de Sawyer, n'est-ce pas ?

La reine eut un petit sourire en coin, le regard rempli de nostalgie lorsque le Héros lui posa cette question. Ses yeux s'illuminaient d'une lueur juvénile et, le temps d'un instant, son allure maladive disparue de son visage. En soit, ce n'était pas vraiment parce que c'était une époque heureuse, elle n'avait rien d'heureuse ni pour elle qui venait de traverser une énorme dépression de plusieurs années et ni pour le royaume qui avait dû subir la « Grande Épuration Gouvernementale Foudroyante » comme l'avait nommé les Archivistes, et toutes les réformes qui s'en suivirent pour remettre le royaume sur la bonne voie.

C'était juste que... à cette époque, malgré la disparition d'Elena, l'ancienne Audisélia avait une vision utopiste du futur : un futur où elle aurait pu créer son royaume égalitaire entre toutes les races de Féériques et espérer sauver Elena de son funeste destin...

Un futur fantasque qui n'avait toujours été qu'un doux rêve où tout s'arrangerait facilement...

Sûrement que les choses ne s'arrangeront pas de son vivant.

- Oui comme il te l'a raconté.

- Vous avez dû passer beaucoup de temps ensemble...

- Six ans et demi pour être exact.

- Alors pourquoi elle a une certaine animosité envers vous ?

Cette fois-ci, c'est un petit rire qui se saisit d'elle, elle ricanait les yeux fermés, tête basse, un ricanement triste et mélancolique. Si la reine ricanait, c'est bien parce qu'elle se rendait compte de l'ironie de la situation : elle qui rêvait de tout pouvoir tout arranger, autant personnellement que vis-à-vis de son royaume, se retrouvait à subir l'animosité de différentes factions et de différentes personnes alors qu'elle n'avait rien demandé.

Pourquoi était-elle devenue reine ?

Ce rôle dure depuis bien trop longtemps, se dit-elle d'une voix aigre-amer.

Le Héros l'observait sans rien dire, ne savant pas comment réagir face à la réaction de la reine. Quand son fou rire nerveux fut passé, qu'elle se reprit et essuya les gouttelettes de larmes – de tristesse ? – qu'elle avait au bord des yeux.

- Cela doit être dû au fait que j'ai refusé de changer le royaume selon sa vision des choses et que le tournoi se faisait bien trop attendre à son goût, lui répondit-elle, je ne lui en veux pas. Je comprends sa frustration, mais je ne peux pas accomplir ce qu'elle veut faire, elle doit le faire par elle-même. Je tiens déjà par des fils comme une marionnette, je ne peux pas être en plus sa marionnette... De plus, leur entraînement n'a pas été de tout repos, à sa demande et à cause nos exigences, puisqu'elle voulait et devait être capable d'atteindre mon niveau.

- Mission impossible donc.

- Pas autant que tu le crois.

- Au-delà du potentiel vous voulez dire ?

- Si elle n'avait pas eu les ailes arrachées, elle serait encore plus forte mais elle doit faire avec.

- Mais si elle est aussi forte que vous le prétendez, alors Lelelitio doit avoir un niveau démentiel.

La reine haussa un sourcil d'étonnement et se retint d'éclater de rire.

- C'est ce que tu crois ? C'est fort intéressant. Après je ne dis pas qu'il est mauvais, hein.

Le Héros ne comprit pas la réponse de la reine, mais n'en tint pas compte.

- Je pense que j'ai assez pris de votre temps, mais sachez que notre conversation doit rester entre nous, je ne l'ai même pas dit à Helmir pour pas que, par mégarde, elle en parle à quelqu'un qui ferait partie du culte.

- Est-ce que ton plan va fonctionner ? Je ne suis actuellement pas en état de fournir un meilleur plan, mais est-ce bien la seule solution ?

- À moins de faire une nouvelle purge comme vous l'avez fait auparavant et que des alliés à vous soient touchés à cause de la suspicion, je pense, sincèrement, que ce que j'entrevoie est la meilleure solution. Après j'ai que quinze ans moi, je suis pas censé m'occuper de ce genre de choses...

- Je te fais confiance, petit génie.

Sans qu'on puisse le voir, le Héros rougit au compliment de la reine. Néanmoins, sa gêne était peinte sur tout son visage et ses membres qui tremblaient et agissaient d'eux-mêmes.

- Quand même pas, je fais juste preuve de déduction pour vous aider, moi, bredouilla le Héros, bon, c'est pas tout ça mais je vais devoir m'en aller pour me préparer à cette fête à laquelle m'a convié Princesse.

- Le Samarin ? Si c'est demain, ça doit être ça. Alors amuse-toi bien et fais pas trop de bêtises.

Il se leva et s'apprêter à partir, mais s'arrêta, il voulut lui dire une dernière chose.

- Vous... Tu remplis ton rôle de reine et... de maman à merveille..., maman Sélia.

Toute la discussion, il avait réfléchi à la meilleure formulation et pour lui, c'était la meilleure manière d'accéder à l'exigence, ou plutôt, la demande d'Audisélia tout en faisant que cela paraisse naturel à son esprit. Il aurait voulu lui offrir plus mais c'est tout ce qu'il...

- Merci... Mais j'ai réfléchi pense que je ne remplacerai pas les liens du sang qu'il y a entre toi et ta mère.

- Ça serait pt'être vrai si ma mère et moi partagions le même sang... mais étant donné que c'est pas le cas... au final, ça change rien, lui sourit-il.

À l'annonce de cette révélation, Audisélia ne put s'empêcher d'afficher un large sourire sur son visage.

Était-ce parce qu'elle se réjouissait d'avoir la possibilité d'être vraiment à la hauteur d'Elena en tant que mère ou est-ce que cette joie ne provenait pas du fait qu'elle se satisfaisait que le Héros ne fût pas le fils biologique de sa meilleure amie qu'elle adorait tant ?

Il ne préféra pas y penser et il n'eut pas le temps d'y penser puisque Audisélia fondit en larmes.

- Cela veut-il dire que je m'en suis pris à toi pour rien ? Je t'ai traité de la plus misérable des façons juste parce que je n'arrivais pas à faire mon deuil. Je t'ai acheté et t'aie laissé te battre dans l'arène pour que tu y meurs alors que tu étais le fils de ma meilleure amie, peu importe si tu es de son sang ou non...

Elle essuya ses larmes avec son drap et se moucha avec. Sawyer avait averti le Héros qu'il devait se méfier de la reine lorsqu'elle était troublée émotionnellement, des éclairs sortaient, sans faire exprès, de son corps, preuve de son instabilité émotionnelle.

Et vu qu'elle était malade, cela devait empirer, devina le Héros.

- Sélia est vraiment incorrigible, se lamenta-t-elle

C'était la première fois que le Héros l'entendait parler d'elle à la troisième personne. Il ne le savait pas encore, mais il assistait un phénomène très rare qui ne se produisait que quand Audisélia était dans un profond état de mal-être.

- Peu importe le temps qui passe, je ne fais que blesser les gens autour de moi.

- Tu sais, c'est pas si grave, j'ai l'habitude, dit le Héros pour la calmer.

- Tu n'as pas à avoir l'habitude qu'on te traite comme un moins que rien ! objecta la reine, tu n'as rien d'un démon comme le suggère tout le monde, donc tu mérites d'être traité comme tout le monde. Cesse de te dévaloriser comme si tu ne valais rien !

La sentant au bord de la dépression nerveuse, il revint vers elle et lui attrapa les mains.

- C'est vrai que nous avons eu des débuts difficile vous et moi, mais au fur et à mesure, vous vous êtes rattrapée. Pour me mettre en confiance, pour que mon corps me fasse moins mal lorsque je marche, lorsque je cours, lorsque je me balade avec mes nouveaux amis, grâce à ce sceau sur mon corps j'arrive à m'exprimer normalement. Je vous vouvoie encore, non pas pour être distant, mais c'est juste l'habitude d'être poli avec les adultes, mais je te promets, môman...

Elle rit au « môman » du Héros, à force, elle s'amusait presque de cette façon de l'appeler.

- ... que je t'en veux pas. Tu es une personne formidable, lui déclara-t-il, mais qui se surmène un peu trop.

- C'est vrai.

- Bien sûr que c'est vrai ! renchérit le Héros, sinon je ne serai pas là à veiller sur une malade, maman Sélia.

- Alors je te crois. Et toi, reste un gentil garçon auprès de tous.

Malgré son visage taché de larmes, elle garde cette face angélique qui la rendait si chaleureuse et si belle avec ses longs cils bleutés et ses cheveux iridescents. A chaque fois qu'il l'observait attentivement, elle lui semblait si irréelle. Un monstre sanguinaire à l'allure innocente.

- Je ferai de mon mieux.

Il l'aida à se rallonger sur son lit et l'embrassa sur le front comme sa mère faisait lorsqu'il tombait malade – plus qu'il ne l'eût été. Elle tendit sa main sur son visage et lui caressa sa joue ciselé de contusions et autres étrangetés invisibles de sa peau, sa main était si délicate. Le Héros voulut la retirer mais la reine était déterminée à continuer.

- Ce visage que je vois tous les jours et que pourtant je ne connais pas. Cela est si triste.

Je pense pas que ça soit de mon vivant que vous pourrez le découvrir, dit le Héros en son for intérieur.

- Néanmoins, avec le temps, tes yeux ne brillent plus de ce rouge écarlate que tu avais à ton arrivée.

- Sûrement que mon âme s'assombrit, lui répondit le Héros.

- Je ne pense pas, je dirai même que c'est tout le contraire..., le contredit-elle avec une voix qui se faisait de moins en moins audible.

Le Héros se laissa caresser le visage en lui tenant cette main si douce, acceptant le temps d'un instant cette si bonne attention à son regard, se reconnaissant, lors de cette pause fugace, comme ce qu'il devait être aux yeux d'une mère : un enfant. Puis il attrapa doucement sa main qui lui avait permis cette si douce sensation et la posa contre son torse.

- Vous êtes fatiguée, il est temps de vraiment vous reposer.

Il lui étendit sa couverture sur tout le corps avant de stopper l'enregistrement et de s'en aller, la laissant paisiblement se reposer.

Le Héros trouvait qu'elle se prenait bien trop la tête pour lui. Méritait-il autant de déférence de sa part ? Cela lui faisait extrêmement plaisir mais... Non, cela ne vaut pas la peine de déblatérer dessus.

De plus, cette histoire de yeux rouges moins brillants était-elle vraie ou elle hallucinait complètement ?

Il partit simplement préparer ses vêtements pour la fête à laquelle la Fée l'avait convié.

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