Les remords de Malalalivia

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Le lendemain, le chef des chevaliers Saints vint à la rencontre de la reine qui était presque remise de son état d'alitement. Il n'avait été prévenu que la soirée de la veille par le Héros de l'état maladif de la reine. Il débarqua en trompe dans sa chambre.

- Tu vas bien ?

- Arrrgh ! cria la reine.

- Ah ! Désolé, je ne savais pas que tu t'habillais, s'excusa Sawyer.

- Je rigole, le rassura Audisélia, comme si cela pouvait arriver alors que j'entends tout le royaume.

La reine avait menti au Héros. Elle utilisait, même en convalescence, son système de surveillance, mais son état n'était pas assez stable pour que cela n'est pas des répercussions directes sur son état de santé. Heureusement, elle s'était retrouvée avec une simple migraine, elle était douloureuse mais cela aurait pu être pire.

- Pourquoi ne pas m'avoir prévenu que tu étais encore tomber malade ? Pourtant, j'étais passé te voir.

- Parce que tu t'inquiètes pour un oui ou un non, à chaque fois.

- C'est bien normal : je suis ton garde du corps. C'est mon rôle.

- Rôle, que je trouve, que tu prends bien trop à cœur. Mais bon, étant donné que tu es là, profitons-en pour parler de choses bien plus urgent.

Audisélia avait attendu la venue de Sawyer pour lui parler de tout ce que lui avait informé le Héros. Elle avait bien fait de lui faire enregistrer leur conversation, bien qu'elle soit totalement désordonnée, elle réécouta l'enregistrement et compris de nombreuses choses qui ne lui étaient venues à l'esprit.

Elle le fit écouter à Sawyer et partit chercher un chiffon pour l'imbiber d'eau et l'apposer sur le front et baisser sa fièvre.

Une fois terminée, Sawyer se retrouva consterné devant toutes ces informations qu'ils venaient d'obtenir, comment ont-ils pu ignorer un complot de cette ampleur ? Cela voulait-il dire qu'ils faisaient partie de ses rangs ? Oui, il était indéniable qu'ils en fassent partie.

Cependant, apprendre que ces deux gamins des Basfonds parvenaient à s'en sortir malgré les difficultés, l'entraînement qu'Audisélia et lui leur avaient fourni n'a pas été vain. Surtout pas la fée qui en est sorti bien différente.

Audisélia se pencha à la fenêtre pour sentir l'air frais de l'extérieur et apaiser son esprit.

- Finalement, le niveau de danger et encore plus élevé qu'on aurait pu le penser, dit Audisélia.

- Ça va bien au-delà de tout ce qu'on aurait pu penser, s'énerva Sawyer, comment une telle chose a pu passer inaperçu ? Que faisait Triface ?

- Tu sais bien que Triface était occupé avec des conneries qui nous dépassent tous. Il manquerait plus que l'armée à l'extérieur soit de mèche avec eux et la guerre civile serait inévitable.

- Et ils le savent, dit Audisélia, exaspérée, aucun roi ou aucune reine digne de ce nom mettrait son royaume en danger pour garder le trône. En tout cas, je ne le ferai pas. Si c'était un roi-combattant, je n'imagine pas à quoi aurait ressembler le royaume. Finalement, c'est une bonne chose que Triface n'ait pas été au courant.

- Et donc, on doit compter sur le plan du fils d'Elena pour nous en sortir ?

- Si on ne peut faire confiance à personne mis-à-part à ces enfants, car mêmes les enfants des nobles pourraient jouer contre nous, il se peut que cela soit le seul moyen.

- Et ton système de surveillance ? Normalement, si quelqu'un manque à l'appel, tu devrais le savoir.

- Il pourrait infaillible, mais sa principale faille vient du fait que oui, je peux entendre tous les comploteurs qui ne disposent pas de cet aluminium mais je ne peux pas deviner la non-présence de quelqu'un, il se peut qu'ils dorment ou qu'ils ne pensent, les idiots dans notre pays sont légion.

- Merde.

- Comme tu dis.

- Je devrais au moins en informer Globox, on pourrait effectuer des...

- Non. Personne ne doit être au courant à part nous six.

Sawyer semblait en désaccord avec l'ordre de la reine, il a une totale confiance en Globox, bien que ça soit un lourdaud, égoïste, égocentrique, arrogant, fainéant et imbu de lui-même, il restait tout de même l'un des gardes du corps d'Audisélia et un ami fiable. Elle ne pouvait pas l'écarter ainsi d'une aussi grosse crise.

Néanmoins, il ne désobéirait pas à sa reine. Ses ordres sont absolus.

- Sélia, j'espère que tu te rends compte que si on les perce à jour, nous serons sept, dont cinq enfants, même s'il y a le héros de la légende parmi eux, contre toute une armée.

- Tu doutes de la puissance de « l'Arme de Destruction Massive de Sylvania » ? plaisanta la reine.

- SÉLIA !

- Tu vois une autre solution ? Si on en trouve un, on pourra le relier aux autres et remonter jusqu'à la source de tous ces maux. Et de toute manière, Avelinélia, enfin, Malalalivia et Lelelitio, ils se sont entraînés pourquoi à ton avis ? Je n'ai même pas à te poser la question car tu la sais. Si tu as acquis cette capacité ce n'est pas parce que tu ne voulais plus que ce genre de chose comme il y a une dizaine d'années ne se reproduisent ? Je bouillonne d'une rage incommensurable de voir que tu crains encore de l'utiliser alors que le royaume a besoin de toi, que j'ai besoin de toi !

Sa rage la fit partir dans une quinte de toux incontrôlable, Sawyer voulut l'aider mais elle le repoussa.

- Ça va, j'en ai connu d'autre, enfant.

- Ce n'est pas une raison pour te surmener ainsi.

- Si je ne le fais pas qui le fera ?

Audisélia partit s'asseoir sur une chaise pour reprendre sa respiration.

- Sawyer, je n'arrive pas à comprendre comment tu arrives à encore à douter de ces deux jeunes enfants. C'est à cause des reproches qu'elle nous a fait, il y a trois ?

- Je ne suis pas rancunier comme toi, Sélia. Et leurs reproches sont plus que légitimes, c'est bien pour cela que tu es sur les nerfs.

- Savoir qu'une gamine beaucoup plus jeune que moi était beaucoup plus mâture... oui, ça me mettait en rogne. Mais j'ai fini par comprendre : cette fille ne possédait pas qu'un simple gros potentiel magique, c'était un génie. Je pense qu'avec son ingéniosité et un peu plus d'érudition, elle pourrait aisément me surpasser.

- Tant que je ne l'aurai pas vu, je ne le croirais pas.

- Au fait qu'elle puisse me battre ?

- Déjà. Mais surtout qu'elle est un génie.

- Tu ne peux pas le savoir, mais moi je le sais, je le sens.

- Ahrg ! grogna le chevalier saint, je vais te laisser te reposer, parce que je crois que tu perds la tête. Je reviendrai te voir quand tu iras.

Sawyer la salua faisant la révérence féérique, puis s'apprêtait à sortir mais la reine le stoppa.

- Sawyer.

- Oui ? demanda le garde, intrigué.

- Tu as entendu ce que m'a dit le fils d'Elena.

- « Maman Sélia » ?

- Non. Qu'il n'était pas le fils biologique d'Elena.

- Tu as dû être jouasse...

Audisélia ne répondit pas, elle détourna même le regard.

- Oui, je l'ai été. Mais je le regrette amèrement, c'était indigne de ma part d'avoir un tel comportement, se désola-t-elle, ce garçon a dû souffrir amèrement de cette situation. Je ne mérite même pas d'être nommé mère par lui... Pourquoi suis-je aussi mauvaise ? Suis-je destinée à lui ressembler, en définitive ?

- Je ne crois pas qu'il t'en tient particulièrement rigueur sinon il n'aurait pas continué à plaisanter avec toi et à t'appeler « môman ». Il doit être conscient que, comme lui, tu ne t'étais pas remise de la mort d'Elena. Rassure-toi, Sélia, il n'est pas une bête, il a un cœur sous toute cette noirceur.

- Tu as sûrement raison.

- De toute manière, Elena t'a confié la mission de t'occuper de lui pour qu'il devienne meilleur parce que vous vous ressemblez ? Alors prends conscience de tes erreurs et accomplis ta tâche sans rechigner, c'est clair.

- Oui ! dit-elle en essuyant ses larmes.

- Allez, je vous laisse ma reine. Le devoir n'attend pas.

Sawyer partit, laissant la reine avec elle-même.

Cette histoire de secte le préoccupait, mais il était impuissant face à l'énigme qu'elle représentait, il allait devoir laisser la vie du royaume entre les mains de cet Homme. Bien qu'il doutât de la bonne santé de l'appât utilisé, il avait confiance en ce jeune garçon, il était intelligent et il savait dans quoi il s'embourbait avec cette folle idée.

Espérons que Beneltig s'en sorte vivant.

Le soir, le Héros allait se rendre, bien habillé à la mode Féérique, sur le lieu où se déroulait cette fameuse fête du Samarin, juste en-dessous de l'arbre Java-Aleim. Mais avant de s'y rendre, il se demandait si Malalalivia et Lelelitio allaient venir à cette fête. Alors il décida de passer une tête là-bas pour leur demander. Une fois là-bas, il ne trouva que le servant de la princesse s'occupant d'une horde d'enfants qui avaient encore augmenté depuis la dernière fois qu'il en était parti. Le Héros lui avait demandé où elle se trouvait, il lui répondit que soit elle aidait les habitants des Basfonds en traquant les rats sauvages et autres vermines qui pullulent ici-bas, soit elle s'entrainait.

- Et toi, tu t'entraînes pas ?

- Comment veux-tu que je m'entraîne décemment avec ces gosses ? dit-il en soulevant ses bras où y étaient accrochés un nelfe et une fée.

Même s'il le disait, cela sonnait comme une excuse aux oreilles du Héros, mais il ne dit rien. Peut-être avait-il des techniques secrètes qui lui donnaient confiance en une victoire certaine ? Le Héros fit déguerpir les deux enfants et tous les deux reprirent leur conversation en rangeant les affaires que les enfants avaient laissés traîner.

- Et de toute manière, elle est devenue beaucoup trop forte par rapport à moi pour que je prétende être son champion...

- Beneltig était bien le champion de ma princesse, lui rétorqua le Héros en riant.

- Pour toi, il est moins fort que ta princesse ?

- Oui. Absolument. Sans aucun doute.

- Détrompe-toi, bien que tu jalouses Beneltig...

- Hé !

- ... il reste plus fort que la fée aptère. Je l'ai déjà vu et elle a aucune notion de défense. Elle a aucun instinct de combat. Ce n'est pas un mal en soit, elle n'est pas la seule à être ainsi, mais malheureusement, si elle gagne, elle sera ta partenaire donc celle qui devra se battre avec le Némésis.

- C'est vrai.

- Tu penses réellement que c'est une bonne idée qu'elle soit la fée de la légende ?

- Si nous n'étions pas alliés, je penserais que tu essaies de me manipuler pour que j'abandonne pour le bien de ma fée, Lelelitio Grave.

- Peut-être bien, peut-être pas.

- Ne t'inquiète pas pour elles, je ne compte pas l'emmener avec moi après le tournoi, que ça soit elle ou une autre fée. Cette histoire de légende, je la réglerai moi-même. Bon, je repasserai plus tard, je suis attendu en haut-lieu pour la fête du Samsam.

- Du Samarin..., fais un effort, même si c'est une fête de noble.

- Vous n'y allez pas.

- Ce n'est pas obligatoire, donc non. Et à qui pouvons-nous confier ces gamins.

- C'est vrai. Bon, bah s'il y a des restes je vous les amènerai.

- Très bien, héros des gueux, le railla-t-il.

Il les salua puis s'en alla. Il croisa à la sortie de la maison, Malalalivia. Transpirante et un peu blessé aux mains, elle les avait enroulées avec des bandages. Sa traque des rats avait dû être éprouvante.

- Je te cherchai justement, mais bon, je risque d'être en retard donc je passerai plus tard.

- Reste ! Un peu... je voudrais te parler.

- Tu voudrais pas te laver avant ? T'es pleine de transpi'.

- Contrairement à vous, même si nous sécrétons de la sudation, elle n'a pas d'odeur comme vous.

- Pratique, mais tu restes collante, mais vas-y c'est pas si grave. Je suis pas si à cheval sur la propreté.

On l'a tous vu !

Il la suivit jusqu'à un banc à côté de chez elle puis tous les deux s'y assirent. Le Héros la laissa reprendre son souffle, elle avait dû remplir un dur labeur, donc il ne lui en demanderait pas trop – il percevait sur son corps les morsures et les griffures qu'elle avait subies, elle avait aussi des bleus mais je ne crois pas que les rongeurs avaient la capacité de donner des coups de poing.

Une fois, qu'elle n'avait plus le souffle court, elle parla :

- Ne le prend pas mal, mais je trouve que tes méthodes ne sont pas dignes de ceux du héros de la légende.

- Je sais.

- Alors pourquoi continues-tu sur cette voie ? lui demanda la fée.

- Parce que c'est plus rapide et que j'emmerde le héros de la légende.

- Pourquoi ? se plaignit-elle, tu as l'immense honneur d'être le héros de la légende et tu te comportes comme un vaurien. Voire pire !

Il soupira de désespoir. Pourquoi fallait-elle qu'elle lui prenne la tête à propos du héros de la légende un soir de fête ? Il s'affala sur le banc en expirant l'air entre ses lèvres les faisant trembler et postillonner.

- Je le suis devenu, ni par choix, ni parce qu'on m'a élu comme tel. Je le suis devenu parce que j'étais le plus proche à la mort de ma mère. Alors au lieu de mourir de la maladie qui ronge mon corps, je mourrai simplement à la fin de ma mission ou de la main du Némésis. T'auras peut-être une chance d'être l'héroïne de la légende comme tu rêves de l'être, rit-il.

- Il n'y a rien d'amusant, bougonna la fée, ce n'est pas une excuse pour que tu laisses un enfant mourir pour le bien des autres.

- T'inquiète pas pour ça. Même si je suis cruel comme les gens le colportent, j'ai des principes et si mon plan fonctionne, il sera vivant.

- Et s'il ne fonctionne pas ?

- Non seulement, il sera mort mais en plus, on retournera à la case départ ou plutôt, la case où on était lorsqu'il nous a révélé l'organisation qui allait tuer la Fée-Sans-Ailes-Et-Sans-Nom. C'est un vachement long nom juste pour pas lui donner de nom quand même, non ?

- Ce n'est pas moi qui fais les règles, et c'est bien pour les faire que j'ai envie de gagner ce tournoi.

- Alors laisse ces assassins tuer ma fée.

Malalalivia écarquilla les yeux devant la proposition du Héros. Il l'avait dit de façon si anodine et si... franche, que cela perturba la princesse. Elle en balbutiait même.

- Hein ? Mais... de quoi ?

- Bah oui. Si la fée aptère sans nom meurt, ça te fait une candidate en moins pour accéder au trône, et Lelelitio n'aura pas à m'affronter dans l'arène. Oui quelques enfants vont mourir au passage, mais ça sera le prix à payer pour que tu aies tes chances pour obtenir ce trône.

- Non, mais je peux pas faire ça.

- Et pourtant, ça serait plus simple. Tu pourrais même faire semblant d'adhérer à leur volonté de ressusciter la Félonne pour qu'il t'aide à prendre la place de maman.

- Maman ?

- La reine Audisélia, je voulais dire ! se rectifia le Héros, oublie mon erreur, c'est des erreurs d'enfants à l'école, c'est rien ! Concentre-toi sur ce que je viens de dire ! lui dit-il en lui attrapant la mâchoire et en la fixant droit dans les yeux, si nous laissons les fidèles tuer ma protégée, ça augmente inévitablement tes chances.

La fée prit une grande inspiration, prit la main du Héros et la posa sur son genou, elle garda sa main sur la sienne et releva la tête et lui répondit :

- Déjà, en premier lieu, je refuse. En aucun cas, je laisserai quelqu'un mourir pour moi et les miens. Ensuite, rien n'indique que la laisser se faire tuer et que j'aille sur le trône empêchera ces fanatiques de tuer, de plus...

- C'est bon, j'ai compris. Je voulais juste te tester et voir si tu obéis aux préceptes humains du genre « Le jeu en vaut la chandelle » ou le plus évocateur « La fin justifie les moyens ».

- Je pense que tu voulais dire (?), non ?

- C'est bon ! Je le maîtrise c'est suffisant déjà.

- C'est stupéfiant, en effet, que tu maîtrises le registre familier à ce point, normalement c'est le bas Oli'Ane qu'on maîtrise avant de se perfectionner et de parler le haut Oli'Ane, toi tu parles l'Oli'Ane des jeunes et des... « vauriens », notifia Malalalivia.

- Ouais, mes professeurs étaient pas les plus aptes à me l'apprendre correctement et les imbéciles à l'intérieur de ma tête ont fait n'importe quoi, donc je le parle comme ça. Sans la négation comme dit la fée aptère. Et arrête de dire « vaurien ».

Malalalivia gloussa.

- En tout cas, j'aurai pensé que tu m'aurais frappé.

- Je ne vais pas frapper le héros de la légende.

- Et arrête de voir le héros de la légende en moi, je suis juste moi...

- D'accord.

La fée lui mit un grand coup dans le torse, ce qui fit saigner le Héros. Elle avait frappé pile dans une de ses blessures qui ne s'étaient pas refermées correctement.

- Oh merde, mes habits, s'écria le Héros en se relevant et en se tapotant le torse.

- Nom d'un Ciem ! Attends, je vais t'arranger cela.

Elle agita les mains et un cercle magique apparut devant la tache de sang, puis la tâche disparut. À la fin du sortilège, la fée poussa un cri de douleur en touchant son dos.

- Ça va ?

- Non, ce n'est rien. C'est juste que j'ai trop utilisé de magie.

« Les ailes des fées sont le centre de leur pouvoir, plus précisément leur colonne vertébrale », se souvint le Héros.

Le Héros se rassit auprès de Malalalivia, il souleva son haut et souffla sur son dos.

- Qu'est-ce que tu fais ? Ne regarde pas !

- J'ai lu dans un livre, il y a longtemps que c'était un moyen de soulager les douleurs des amputations magiques.

- Oui, mais le souffle de la personne doit être empreint d'essence magique ! Et toi, tu en es dépourvu ! Alors arrête !

- Ça te soulage, oui ou non ?

- Un peu...

- Donc arrête de te plaindre.

Le Héros continua à souffler sur son dos. L'humain put observer dans toute son horreur les cicatrices dorsales qu'avaient la princesse. Effectivement, le scélérat qui l'avait amputé de ses ailes n'y étaient pas allés de main morte. Malgré les années, elles étaient encore rouges, on dirait que la magie n'avait pas suffi à la soigner correctement et cela n'avait pas donner une belle cicatrice. Surtout qu'elle avait une beau clair donc elle était plus que voyante. Si elle était allée dans une ville humaine, on lui aurait appliqué une crème pour qu'elle est une belle cicatrisation, mais le Héros ne savait pas si, sur la source de magie d'un être Féérique, le remodelage de la peau aurait fonctionné.

Le Héros voulut la rassurer, mais l'entendre pleurer l'empêchait d'agir. Il s'était pourtant amélioré en communication sociale, mais cette situation lui était bien trop familière pour que cela ne le touche pas directement. Bien qu'il se sentît proche de la Fée-Sans-Nom, elle et lui, sur le plan du drame, n'étaient pas si différents. Elle ne possédait peut-être pas une maladie aussi contraignante que la sienne, mais la façon dont elle réagit à la vue de sa cicatrice, rappelait au Héros, celui qu'il était avant la destruction de Novillios. La carapace qui lui permettait de se lever chaque latin et aider les autres devaient être immenses. Elle lui paraissait, alors, beaucoup plus courageuses qu'il ne l'avait jamais été.

Peut-être méritait-elle le Destin du héros de la légende plus que lui ? Cela en était même sûr.

Malalalivia essuya ses larmes et lui dit que cela allait mieux. Elle lui fit un sourire en guise de remerciement.

- Princesse Malalalivia, tu es courageuse. Lelelitio m'a raconté ce qu'il t'était arrivé et la source de la grande cicatrice que tu as sur le dos... Je suis vraiment désolé pour toi.

- Tu n'as pas à l'être, ce n'est en aucun cas ta faute.

En vérité, il connaissait l'homme qui lui avait lacéré le dos, il avait même traité avec lui, enfin... Astéron avait eu affaire avec lui et le Héros s'était retrouvé à travailler pour et avec Zajo pour certaines missions de mercenariat. S'ils avaient su qu'il faisait dans le trafic d'êtres vivants, jamais ils auraient collaboré avec lui – étant donné ce qu'ils ont déjà fait Astéron et son petit-frère, je ne crois pas que cela soit très pertinent de se sentir indigné par les mauvais agissements de ce contrebandier, avec le palmarès qu'ils avaient à eux deux.

Le Héros se gratta la joue de gêne en repensant connaître le faussaire de Malalalivia.

- Tu sais, je trouve cela fascinant que malgré tout ce qu'il a pu t'arriver, tu continues à vouloir changer les choses en espérant pouvoir être meilleur grâce au pouvoir du héros de la légende. Lelelitio m'a dit le courage que tu as eu lorsque tu as défendu ces enfants dans cette ruelle sombre. Une véritable héroïne.

- Ah bon ? Il te l'a relaté comment cet événement ?

- Bah, tu as combattu deux immenses monstres avec un courage flamboyant dans le regard et que tu t'es juré de défendre ses enfants comme tu auras qu'on te défende lors du jour où on t'a arraché tes ailes, et c'est avec cette conviction nouvelle que tu as décidé de vouloir être reine de Sylvania et héroïne de légende.

- Ah bon ? dit-elle avec un grand étonnement, il ne peut pas s'empêcher de raconter cette histoire de façon grandiloquente. Je ne vois même pas comment il peut être aussi admiratif de cet événement.

- Pourquoi ? Peu de personnes se seraient jeté dans la bataille, handicap ou pas, force ou non.

Malalalivia soupira grandement et détourna le regard. Elle croisa les mains au-dessus de ses genoux et eut un tic étrange : un coin de ses lèvres qui n'avaient de cesse de remonter et de descendre. L'image de la femme forte et pleine d'assurance commençait à s'effriter dans l'esprit du Héros, mais cela ne le gênait pas tant que ça, sa droiture monolithique lui était plutôt... culpabilisant.

- C'est le garçon qui m'a protégé des deux Féériques qui m'ont agressé..., expliqua la princesse-fée, je ne me souviens même plus pourquoi je m'étais rendu dans les profondeurs des Basfonds, peut-être pour retrouver celle qui avait rendu la mère de Lelelitio à l'état de viande hachée. Finalement, j'y ai fait la rencontre de ses deux fils qui arrivaient à pister les bêtes esseulées et blessées comme moi, ils m'ont acculé jusque dans une rue sans issue comme celle-ci. J'aurai eu mes ailes, j'aurai pu filer mais bon... Alors que je ne pouvais que voir ma vie arriver à sa fin, un garçon aussi crasseux que moi débarqua et fit barrage avec son corps, ses sœurs m'aidèrent à me relever tellement je n'avais plus de force dans les jambes face à cette menace. D'abord ils l'ignorèrent puis devant l'insistance du garçon, savant le destin terrible que j'allais subir, ils se déchaînèrent sur lui sous les yeux terrifiés des fillettes, je me retrouvais impuissante, les yeux hagards, face à ce garçon qui tentait de me protéger tant bien que mal. Et malgré les coups et mes écrasements qu'il subissait, il resta droit et m'encourageait à m'enfuir, je lui demandai alors pourquoi... Pourquoi me défendre, il me répondit tout simplement « Parce que si je ne le fais qui le fera. ». Et pendant que les deux géants se moquaient ouvertement de lui face à sa phrase, je tombais à genoux, les larmes aux yeux. J'étais...

Elle expira en regardant le ciel noir qui nous surplombait, le regard rempli d'admiration en se remémorant cet épisode passé.

- J'étais mortifié de voir cette lueur dans l'œil de ce garçon que je voulais tant avoir pour ressembler à l'« héroïne » qu'était ma mère dans ses écrits, même si elle n'était pas l'héroïne de la légende. Avait-il connaissance du héros de la légende ? Sûrement ! Tout le monde la connaissait, qu'on soit mendiant ou dieu sur cette terre. Et même si les adultes peinaient à retrouver leur espoir perdu, les enfants de part toutes les strates de la société ne cessaient d'avoir de l'espoir et de rechercher un modèle malgré les vicissitudes de la vie. Et pourtant, même si nous partagions le même modèle, que nous avions des handicaps tous les deux, il lui manquait un bras, lui ne s'était pas découragé pour protéger les autres et combattait vaillamment pour protéger les autres. Je m'en veux parce que, ce jour-là, je n'ai pas réussi à m'enfuir, il devait être le genre de garçon espiègle à se jouer de ses adversaires, mais comme je mettais du temps, il s'évertuer à gagner pour permettre ma fuite.

« Je ne le laisserai pas passer alors... Fuis ! », se souvint le Héros, de quand date ce souvenir ? Pourquoi il me revient ?

- Au final, tu as réussi à les sauver ces gamins ? lui demanda le Héros.

- Oui... on peut le dire ainsi... Mais pas empreint des mêmes sentiments que décrivait Lelelitio : j'avais une versilès qui tordait mes boyaux lorsque j'ai combattu ces deux anthropophages !

- Une quoi ?

- Une trouille bleue, si tu préfères, me dit-elle en Franca.

- Je ne savais pas que tu parlais le Franca.

- J'ai quelques notions, mais pas beaucoup contrairement aux autres princesses, déclara-t-elle honteusement, mais pour en revenir à la fin de mon sauvetage, j'avais une trouille bleue. J'en étais réduit à ne plus savoir comment utiliser la magie, mais je ne pouvais me résoudre à laisser un gamin mourir à ma place, alors je me suis lancé dans la bataille sans savoir si j'allais m'en sortir, avec mon petit kilo pour combattre ses deux géants, et je ne sais même pas comment j'ai réussi à m'en défaire. Je ne sais pas si Lelelitio t'a dit que je les avais tués mais ce n'est absolument pas le cas, je ne crois même pas que ça soit moi qui les ai fait fuir mais l'arrivée soudaine des gardes envoyés par Lelelitio. Quand il m'a trouvé, j'avais le corps du garçon qui m'a défendu dans les bras, suppliant les gardes de l'amener à l'hôpital de la capitale, de l'emmener au Sanctuaire, mais ils ont refusé, parce que c'était un crasseux des Basfonds donc j'ai dû l'emmener chez moi et l'ai placé dans mon lit, incapable de le soigner. J'ai été témoin de sa longue agonie... Il n'avait même plus la force de parler à la fin. Jusqu'à sa mort, je n'ai fait que m'excuser auprès de lui, lui demander pardon d'avoir été aussi faible et qu'il doive me protéger des méchants. Mais dans son regard, je ne voyais aucune haine à mon égard, il me dit juste, avec toutes les forces qui lui restaient : « C'est pas grave, madame, tant que vous allez bien... ». Puis il s'éteignit sous mes yeux impuissants, devant ses sœurs. Je peux te dire que j'en ai pleuré. Avec la mort de ce garçon, je me suis juré de ne plus être faible, de faire de ce corps le bouclier des plus démunis et des plus pauvres de ce royaume, être un modèle rayonnant faisant fuir le mal et donnant de l'espoir aux plus vertueux... comme le héros de la légende, en somme, conclut-elle.

- Et la reine ne pouvait pas le prendre en charge ?

- Elle n'est venu que le lendemain. Elle n'était même pas au courant de l'existence de ce garçon, on lui avait informé assez tardivement de ce qui m'était arrivé dans les Basfnds. Après tout, princesse ou non, je restais une gueuse des Basfonds donc mon destin importait peu aux gardes de ce quartier. Cependant lorsqu'elle l'a su, elle est venue à toute vitesse nous voir. Et le reste doit être comme mon gentil servant à la mémoire défaillante te l'a raconté.

- Je pense surtout qu'à ce moment-là, impuissant lui aussi devant ce que tu as subi, par deux fois, s'est retrouvé admiratif de ton courage et que ses souvenirs ont occulté ce passage de vos vies, tellement il était heureux de ne pas te perdre.

Malalalivia eut un petit rire.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le Héros.

- Quand j'y repense, cette façon de penser : ce n'est pas si altruiste que ça. Je le fais parce que j'ai vécu quelque chose, au lieu d'être mue par un idéal et...

- Je t'arrête tout de suite : ce sont des conneries. C'est de par leur vécu que les gens agissent.

- Tu ne penses pas qu'on peut naître avec ce sentiment ?

- Peut-être. Mais je n'ai toujours pas rencontré ces gens, lui répondit sobrement l'Homme, en vrai, te prends pas la tête avec ce genre de fadaises de grande personne au-dessus de nos têtes, je ne vois que le Christ pour être mu par ce sentiment à la naissance. C'est admirable ce que tu fais pour les autres, alors sois-en fier, peu de personnes, en ce monde qui court vers sa perdition prendrait le temps d'aider autrui.

- Je vois.

Par curiosité, je guette quand même l'heure sur la montre à gousset fournis avec mes vêtements et voit que je vais être en retard dans vingt secondes.

- Bon. A la base, moi j'étais venu pour savoir si vous alliez venir à la fête organisée au sommet, mais Lelelitio m'a dit que c'était pas vraiment votre truc.

- Truc de nobles. Ça fait longtemps que ma famille n'est plus considérée comme tel.

- Parce que j'ai une gueule de noble, peut-être ?

- Étant donné ton accoutrement, on pourrait le penser.

- Ouais, j'avoue. Mais bon, j'y vais parce que ma protégée y va et que j'ai surtout envie de vérifier si Beneltig est en vie. C'est le meilleur endroit, sinon je vais devoir une nouvelle fois rentrer par effraction dans son domicile, rit-il, allez à plus. Je repasserai vous voir d'ici peu avec de la bouffe ou si j'ai des infos sur nos insurgés.

Le Héros se leva en secouant ses habits et repartit vers les hauteurs du royaume, toutefois, avant qu'il aille trop loin, la fée le rattrapa et lui posa une question :

- Euh...

- Tu cherches comment m'appeler ?

- Bah, tu n'as pas vraiment de nom.

- Appelle-moi, Héros, c'est simple. Mais pas devant tout le monde STP.

- Je vois que tu n'es pas si mauvais que ça, Héros, alors pourquoi te bats-tu pour une fille qui n'en a rien à faire de ce royaume et qui ne s'inquiète que de sa petite personne. Toi comme moi, nous voulons que ces enfants vivent heureux, alors pourquoi la faire gagner elle ?

- C'est très simple, ma chère : elle me l'a demandé en premier.

Tu réécris l'histoire, mon jeune enfant ? Tu t'es proposé.

- Et vu que je n'ai qu'une parole... Mais entraîne Lelelitio pour que si nous nous rencontrons, il est une chance de bien te représentant !

- Tu as regardé le tableau ?

- Non, je me garde la surprise de mes futurs combattants.

- Tu es un peu arrogant.

- Ou un Homme sans réel source de bonheur et qui profite d'un petit rien.

- C'est cela... alors je vais te laisser avec ton petit rien.

Et tous les deux prirent leurs routes respectives. L'un avançant vers les lumières d'Haute-Ville, l'autre par celle de cette maison enfoncée à la racine de cette arbre pluricentenaire.

Le Héros se repassait dans son esprit les paroles de Malalalivia.

Se battre en étant investi de la volonté de cadavres du passé... Sans même être l'héroïne de légende, elle avait déjà cette pression inutile sur les épaules.

Le garçon commençait un peu à comprendre l'envie de cette fée de ressembler au seul sauveur de l'humanité capable d'éradiquer le mal qui avait mis ce ciel noir au-dessus de leur tête. Tous les deux avaient vécu des drames innommables, peut-être plus que lui, et pourtant, elle, malgré ce qu'elle laissait montrer, était beaucoup plus vaillante que lui, altruiste malgré les cadavres que son dos portait, une gentillesse à toute épreuve – je crois que ni lui, ni moi ne perdrions notre temps à traquer des rats à mains nues. Il finissait par se dire qu'ils étaient bien plus proches tous les deux qu'il pouvait l'être avec la Fée. Il comprenait l'admiration que pouvait avoir Lelelitio envers sa « cousine ».

Elle était une magnifique et admirable personne. 

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