L’entière personnalité de la Sans-Ailes sans nom

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La personne que vous avez connue auparavant ne vous est jamais apparue entière.

Je ne dis pas que la Fée est une personne bien trop complexe pour le commun des mortels, non, loin de là, mais je dis qu’il vous manque certaines clés de compréhension pour appréhender la suite des évènements futurs.

Alors… Faisons un retour en arrière express.

Depuis sa tendre enfance, comme vous le savez, la Fée est une petite fille martyrisée par son peuple : qu’elle se balade dans la rue, dans les couloirs du palais royal, qu’elle joue en bas de Java-Aleim ou qu’elle soit en classe, elle était souvent moquée et brimée.

Les autres fées tendaient leurs ailes et les agitaient devant sa face pour l’humilier, on lui tirait les cheveux en la traitant d’esclave, de bonnes ou encore de « éraslem » - la fameuse chair à canon utilisée lors des conflits mêlant le royaume –, on insultait ses parents en prétendant qu’elle était un rejeton d’humain ou de porc – apparemment, il n’y a aucune différence entre les deux…

Tout cela, elle l’avait vécu de ses deux ans, jusqu’à ses quatorze ans actuels. Rien n’avait changé, si ce n’est qu’on ne s’en prenait plus à elle directement : on l’insultait, mais dans son dos, on ne lui disait plus ses quatre vérités, on les sous-entendait, et personne ne s’en prenait à elle. Et cela était dû à l’influence de la reine Audisélia qui l’avait pris sous son aile et avait averti tout le peuple de Sylvania que si quelqu’un s’amusait à la brutaliser que cela physiquement ou psychologiquement, elle lui ferait payer personnellement – Triface ne voulait aucunement appliquer une quelconque peine pour les harceleurs de la fée sans ailes, elle avait le droit, pour lui, qu’à une protection mais pas plus de considération. Cependant, cette protection, elle la refusa. Pour une simple raison qui met en exergue le conditionnement dans lequel s’est plongé la Fée : elle l’avait accepté.

Elle haïssait ses gens.

Elle les maudissait du plus profond de son âme.

Elle voulait voir périr ces personnes malveillantes qui lui crachaient dessus, qui s’en prenaient à ses amis qui n’avaient rien demander, mais qui avaient eu le malheur de la considérer malgré son handicap.

Mais d’un autre côté, elle voulait être comme elle. Elle voulait s’assimiler à leurs coutumes, leurs dogmes, qu’elle connaissait si bien et qui pourtant ne faisait pas d’elle l’une des leurs. Tout cela parce qu’elle n’avait pas d’ailes.

Et ce traitement se répercuter au-delà de la race des fées.

Dans la constitution du royaume féérique post-adhésion des autres races Féériques, il était écrit que les races Féériques sont autant les égales que le peuple féérique, que leurs cultures et leurs dieux s’assimileront aux leurs – ce qui explique le panthéon des dieux de Sylvania. Alors, puisque tous les Féériques ne forment qu’un, leurs dérives s’étendent alors au reste de la population féérique, alors les coutumes étranges concernant les féés, toutes les autres races s’y sont accommodés sans même jamais se poser la question de pourquoi, il faisait cela ; ils le faisaient un point, c’est tout. Tout cela pour être comme les autres.

Subséquemment, la Fée subissait de la discrimination de la part de toutes les races du royaume, lui rappelant chaque jour qu’elle n’avait pas été foutu de naître avec des ailes. Et ainsi, comme la constitution était écrite de cette manière, elle ne pouvait déroger à la règle et vouloir être une dissidente comme l’autre princesse-fée sans ailes des Basfonds, elle se devait de se conformer au moule. Même si ses parents l’acceptaient ainsi. Même si ses amis la traitaient indifféremment, peu importe son absence d’ailes. Elle se devait d’être comme les autres fées, car son plus grand souhait n’était pas de posséder des ailes, mais d’être comme celles et ceux qui le détestaient, et pour cela, il lui fallait des ailes.

Ainsi, si ses bourreaux lui disaient que ces cheveux étaient sales et avaient une couleur dégueu, la Fée se les coupait et changer de couleur de cheveux pour leur faire plaisir, s’ils lui faisaient croire que la mode, c’était de porter des chaussures en ferraille, elle en portait pendant des semaines…, et ainsi de suite. Il avait fallu que Mina, Lin, ses autres amis et ses parents interviennent pour la stopper dans son délire avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle commette le pire.

Bien qu’elle fût calmée à ce niveau, une partie de son esprit ne pouvait s’empêcher de vouloir se faire aimer par les autres pour qu’il l’accepte malgré sa différence. Elle était bien trop couarde pour les combattre cette méchanceté à son égard ; chaque soir elle pleurait de ne pas pouvoir être comme ses camarades fées.

C’est pour tout cela qu’elle avait du ressentiment envers la princesse-fée des Basfonds.

Sans qu’Avelilinélia ne le sache, la Fée la connaissait. Elle l’observait à travers un garde dont elle s’était fait ami, et qui lui rapportait tout ce qu’elle faisait lorsqu’elle avait dix ans, onze ans. Pendant plus de six mois, elle apprit les exploits d’Avelilinélia, comment elle réduisait avec ses maigres forces la criminalité dans cette zone de non-droit. Chaque jour, on lui contait ses aventures, on lui disait à quel point, elle était exceptionnelle, qu’elle se battait, alors qu’on lui avait arraché ses ailes, que malgré la douleur, elle était rayonnante de vie… Et à force d’entendre ces histoires sur Avelilinélia, anciennement nommé Malalalivia, une certaine jalousie maladive commença à naître dans son cœur et se mit à la détester car une simple pensée lui traversa l’esprit : « Elle n’a pas d’ailes, et elle fait tout ça alors que moi… ». Et elle comprit que Avelilinélia Malalalivia Talemilia Grave allait à l’encontre de la bienséance de leur royaume et qu’elle était une dissidente. Insoumise à la condition qui lui avait été donnée.

La Fée dit à ce garde de cesser de lui raconter les aventures de cette fée au sang impur et oublia l’existence de sa congénère sans ailes, jusqu’au jour où le Héros lui en reparla. Elle n’y avait pas prêté grande attention jusqu’au moment où elle détecta une certaine admiration à son égard. Elle ne dit rien. Manifestant un peu de jalousie mais rien d’autre.

Mais le plus grand moment d’humiliation qu’elle subit fut lorsqu’Avelilinélia révéla à la face du monde – qui ne constitue que le royaume Féérique – qu’elle était capable de voler… Une rage d’une violence inouïe monta dans le corps de la Fée. Une rage et une haine qu’elle n’avait jamais ressenties de toute sa vie, puisqu’être aussi colérique n’avait jamais été un trait de sa personnalité, elle qui était plus prompte au larme et à la peur qu’à l’animosité. Elle fut la première à lancer des pierres sur la princesse-fée sans ailes des Basfonds. La première à la huer et à la conspuer. Car sa jalousie atteignait des plafonds insondables.

Comment une fée pouvait à se point déroger à la règle ? Pourquoi ne pouvait-elle pas se conformer comme nous tous ? s’irritait la Fée.

Ces questionnements, elle se les posait car elle avait, devant elle, une personne qui s’est battue contre ces préjugés et qui a fait une force de ce désespoir qu’elle vivait pour être meilleure que nulle autre. La Fée, elle, se contentait d’être au même niveau que ses semblables pour ne pas se faire remarquer, pour ne pas être différente de ses comparses.

L’une visée l’ « excellence » relative, liée à son désir d’être comme les autres, l’autre n’avait en tête que le dépassement d’elle-même, se musclant le corps et l’esprit grâce au poids des autres qu’elle avait sur le dos.

La cerise sur le gâteau – l’ademin dans le cochon pour vous autres Féériques gourmets de Nalemin – fut lorsque le Héros prit la défense d’Avelilinélia pour laquelle il a été prêt à montrer toutes ses blessures, abcès et tout autres problèmes de peau, quitte à subir les moqueries de ce royaume qui le haïssait déjà bien assez. En le voyant faire cela, elle se rendit compte que le Héros était bien plus proche de cette fée sans ailes que d’elle : il n’avait aucunement eu une volonté de s’assimiler à eux, il faisait bien des efforts pour qu’ils apprennent à se connaître, mais elle n’avait jamais réussi malgré tous ses efforts à le modeler comme elle voulait – peut-être était-ce pour cela que, bien qu’elle puisse l’aimer de tout son cœur et de toute son âme, comme disaient les chrétiens, elle n’arrivait pas à se voir avec lui ?

Lui et Avelilinélia étaient voués à changer l’ordre des choses.

Ils étaient définitivement le héros et la fée de la légende.

Et son égoïsme à vouloir à tout prix posséder des ailes avaient conduit l’humanité féérique à sa perte.

Elle venait indubitablement de condamner l’humanité à endurer ce ciel noir indéfiniment, voire à mourir sous la pression du Némésis et de ses sbires.

Si elle avait été plus courageuse, peut-être que le monde aurait été sauvé ?

La Fée, pendant un court instant, s’était mise à détester le Héros à cause de sa présence. Parce qu’il était resté, il l’avait laissé être un bâton dans les roues du destin. Mais comment pouvait-elle le détester outre-mesure alors que dès l’instant où elle avait besoin de lui, il s’était proposé.

Cependant, en faisant cela, il avait obligé le Héros, que le peuple avait désormais appelé Nalo-vace, à aller contre sa volonté altruiste d’aider tout le monde et à condamner les peuplades des Basfonds à rester des pouilleux. Non, puisqu’il lui avait intimé de se charger de cela.

Le seul plaisir de la Fée aurait pu être, que cette fée sans ailes qu’elle admirait tant, lui soit redevable. Que tous ses efforts soient nuls et sans effet puisque la Fée détenait entre ses mains la clé permettant aux siens de potentiellement avoir une meilleure vie.

Nonobstant, le destin se jouait encore une fois d’elle.

La Fée n’avait jamais su, jusqu’à cette réunion, qu’est-ce que le Héros traficotait lorsqu’elle ne le voyait pas. Ces entrainements étaient bien trop longs et les commandes de la reine ne pouvait pas être de l’envoyer en dehors du pays puisqu’il participait au tournoi – il serait bête comme il finisse dans un trou comme Bastès, hein ? Mais elle ne se posa pas plus de questions.

C’est alors qu’à cette réunion, elle subit un dernier coup de grâce : non seulement, il avait participé à l’arrestation de cette secte avec Lin et Mina, mais en plus, cette… était encore dans cette histoire. Comment pouvait-elle être autant…

La Fée n’avait plus de mots pour qualifier la rancœur qui existait à l’encontre de sa congénère sans ailes.

Pour la première fois de sa vie, elle voulait tuer quelqu’un !

Et la reine qui la félicitait avec une médaille ?

Qu’avait-elle pour être autant humilier ?

Qu’on mette en plein jour sa couardise, son manque de courage, sa pleutrerie ?

Comment pouvait-elle se satisfaire d’avoir une championne du peuple sous ses ordres ? Elle devait être honorée plutôt.

Voilà les pensées qui envahissaient l’esprit de la Fée.

Elle était le sherocid déplumé !

Cela venait à la faire rire.

Le Héros ne l’avait-il pas incité à être plus courageuse ? N’avait-il pas voulu la rendre plus forte ?

Qu’il aille se faire voir ! s’insurgea-t-elle.

La seule chose qui comptait c’était qu’elle devienne reine et qu’elle puisse envie respecter la règle.

Qu’elle soit soumise à la pleine grâce de cette règle, au lieu d’être une défiante comme le sont le Héros, Avelilinélia et la reine…

Qu’elle soit enfin entière.

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