Les préoccupations de la Fée

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Deux jours après la réunion avec la reine concernant l’épreuve finale de l’élection de la nouvelle reine, la Princesse-Sans-Ailes n’avait pas encore revu son homologue des Basfonds pour discuter de la politique et de la stratégie qu’elles adopteraient pour obtenir le trône, toutefois la Fée n’avait pas l’air inquiète vis-à-vis de l’absence de sa directrice de campagne. Dans la salle attitrée qu’on leur avait donnée, juste au-dessus de leur salle de classe, elle se plaçait sur les quatre tables du fond et observée l’extérieur, le regard évasive. L’une des princesses, pour une raison qui lui échappait elle-même, vint poser la question à la Fée de son soudain désintérêt pour la compétition.

- Ça doit être l’humain qui obsède son esprit au lieu de se préoccuper de…, dit Mananélia avant de se faire interrompre par la Fée.

- J’en ai rien à faire de ce sale menteur…

Ce semblant d’air désintéressé mêlé à une once de colère n’était pas habituel chez la Fée, du moins, ce n’était pas le trait le plus marquant qu’elle voulait qu’on lui connaisse. Néanmoins, depuis le départ du Héros, elle n’avait pas refréné ce trait dès plus… arrogant.

Toutefois, comme elle le disait, ses pensées n’étaient portées sur le Héros mais sur sa propre personne… concernant l’homme qu’elle aimait.

Un petit moment s’était écoulé depuis le démantèlement de la secte de Marrynélia, pour Beneltig cela a été l’occasion de se mettre en avant en prétendant avoir été un agent double durant tout le temps qu’il faisait partie de cette organisation, ce qui justifiait pourquoi il avait des gardes du corps pour chacun de ses déplacements, pour le protéger de certains enfants et descendants de ces comploteurs – cela était en partie vraie, vous imaginez bien que c’est la deuxième partie, la première n’était rien d’autre qu’un énorme mensonge le servant à se faire mousser auprès d’autrui. Ses mensonges vinrent aux oreilles de la reine, mais elle n’en eut pas particulièrement cure : elle aurait très bien pu tout révéler et l’humilier en place publique, mais le Héros lui avait demandé de lui pardonner tout ce qui avait rapport à cette affaire.

« Tu es bien conciliant. », lui avait-elle dit à ce moment-là.

Toutefois, elle ne pensait pas que cela serait acceptable d’envoyer au trou un gosse de seize ans révolus.

Ce fut à cause de cet accommodement que Beneltig pouvait profiter de cette notoriété mensongère pour s’attirer les faveurs des dames – de tout âge – qui étaient éblouis par son « courage » lors du démantèlement de cette conspiration. Et déjà qu’avant, il n’était pas le garçon le plus recommandable qui soit, alors maintenant… vous imaginez bien que la situation a empiré.

Et dans la tête de la Fée, le regarder minauder avec d’autres filles, qu’elles soient des fées ou non d’ailleurs, commencer à lui monter à la tête.

Auparavant, c’étaient ses amis qui la rassuraient en lui disant qu’il ne s’agissait de rien, il aimait juste être proche des autres – surtout des filles vraisemblablement –, elle n’avait aucune raison de s’inquiéter. Quand elle confessa ses inquiétudes au Héros, celui-ci, au lieu d’en profiter comme son frère l’aurait fait, il éludait la question et quand elle le mettait au pied du mur, à la recherche de conseils comment agir, il n’avait presque aucun échappatoire pour s’échapper de cette situation, et créait un mensonge assez facile à avaler – après tout lui aussi était au courant étant donné qu’il avait donné sa relation proche de l’adultère avec la fille adoptive de la médium Sybille. Néanmoins, il en profitait pour glaner quelques informations sur son riva… son… son…

‘Tain comment je pourrais tourner ça sans qu’il me prenne la tête ?

Son…

On va dire sa connaissance par l’intermédiaire de l’amitié qu’il a avec son ancienne protégée.

Voilà !

Alors, il grapillait quelques informations sur Beneltig – il était un peu comme les autres vivants, bien que ce ne l’intéressait nullement, il aimait bien les racontars, mais attention : vérifiés, sinon ça n’a aucun intérêt, alors les avoir depuis la source principale, au moins proche de la source principale – et il apprit que les deux ont failli avoir leur première fois, un soir où leurs parents respectifs s’étaient rendus à une soirée entre eux, mais alors qu’elle lui donnait sa virginité, celui-ci avait pris ses jambes à son cou et s’était enfui de la fleur d’habitation de la Fée. La Fée, qui s’attendait à voir le Héros le railler, fut surprise de voir le Héros avoir un simple rictus en coin et souffler du nez. Elle lui demanda alors ce qui lui prenait à ne pas se moquer de lui pour une fois et le Héros lui répondit :

- Contrairement à mon grand frère, je vois pas ce qu’il y a de drôle à se moquer de quelqu’un qui n’était pas prêt. C’est bien de comprendre ses peurs, pour soi-même, pas aux détriments des autres, alors…

Il lui caressa les cheveux.

- … soit contente qu’il te respecte assez pour ne pas t’infliger son baptême du feu, que cela soit un bon moment ou non.

C’étaient dans ces moments précis qu’elle appréciait le Héros. Elle aurait voulu le connaître un peu plus, au-delà de sa réputation, de son titre et de cette carapace à laquelle il s’agrippait si fermement. C’était bien à cause de cela qu’elle le détestait autant qu’elle aimait – et qu’elle s’était mise à détester la fée sans ailes des Basfonds. Son protecteur était si obstiné et si peu ouvert à elle… Désormais, il s’était en allé pour un bon moment, il ne verrait pas son intronisation, le moment tant attendu de la découverte de ses ailes, qu’à ce moment-là, elle se serait jetée dans ses bras et lui aurait dit à quel point elle l’aimait, et qu’au moment où ils auraient plongé leur regard l’un dans l’autre, elle l’aurait sûrement…

Rien que d’y penser, elle rougit d’un rouge bien écarlate et rejeta cette odieuse pensée de son esprit à coups de main dans le vide.

Néanmoins, ce qu’elle aurait voulu, c’est bien plus de moments avec lui… Malheureusement, le quelconque amour qu’elle pourrait avoir pour lui a été avorté. Vaincu par sa rage vengeresse et insatiable envers l’ennemi plurimillénaire de l’humanité Féérique. Juste d’y penser cela lui tiraillait les tripes car elle avait l’intuition de ne plus le revoir. Elle ne pouvait qu’espérer qu’un jour il se reverrait, qu’il la découvrirait dans sa robe de reine, coiffée de sa couronne royale et armée de l’arme de ses prédécesseurs – bien qu’elle ne saurât pas comment en user, elle n’était pas faite pour cela malgré le titre de sa race.

Alors, comme à son habitude, elle fit la meilleure chose qu’il y avait à faire dans ce genre de situation : passer à autre chose.

L’heure de travail sur son projet en vue de la course pour le trône prit fin et la Fée fut la première à sortir. Comme dit plus tôt, elle n’avait vraiment pas la tête à cela ces temps-ci, donc elle n’avait sorti aucune de ses affaires. Et de toute manière, Avelilinélia lui avait juré qu’elle s’occuperait des grandes lignes pour l’aider à devenir reine de Sylvania.

Alors elle n’avait plus qu’à aller rejoindre cet homme qui lui tourne autour depuis quelques temps : Lucello Ficas.

Celui-ci l’attendait en bas de l’entrée des sujets du palais royal, accoudé contre la rambarde des escaliers menant au palais royal.

Au cas où vos souvenirs ne seraient pas frais, Lucello Ficas était l’« amoureux » d’Acamélia et aussi son protecteur, mais il a perdu lors des premiers tours du tournoi. La Fée le trouvait atrocement laid avec son corps pâle et filiforme – en plus, cela dénotait avec son imaginaire qu’elle avait des vampires, puisqu’elle n’avait jamais eu l’occasion d’en croiser durant sa courte vie –, elle ne lui trouvait aucune qualité : un simplet, prétentieux, vulgaire, imbu de lui-même et se prenait plus haut qu’il n’était. Il pouvait bien prétendre qu’il était issu d’une digne lignée du Protectorat Sombre, cela valait kopeck aux yeux de la Fée. Elle n’était pas du genre à l’insulter de roturier, mais son comportement si arrogant lui donnait envie de le rabaisser.
Et aucun de ses amis

Toutefois, pour une raison qu’elle ignorait, sa compagnie n’était pas si déplaisante que cela.

Ce jour-là, celui-ci lui proposa d’aller le voir jouer au shoot-balle – [FOOTBALL !] – vers un terrain construit pour les sports collectifs dans la partie agricole du royaume.

Mais tu sais que personne ne t’entend à part nous ? Et je m’adapte juste au langage des personnes qui parlent, donc arrête de faire ça. Que ça soit la dernière fois, gamine.

Reprenons.

La Fée avait humblement accepté sa demande car elle n’avait rien à faire de bien plus intéressante, elle ne referait qu’Avelilinélia que le lendemain ce qui lui laissait le temps d’être distrait par cet homme.

- Pas trop difficile, la route vers le trône de Sylvania ?

- Ça va, sans plus, lui répondit-elle sèchement, j’ai de l’avance alors je peux me permettre de perdre mon temps avec toi.

- Pardonnez-moi future reine de vous grappiller le maigre temps qu’il vous reste avant de prendre vos appartements dans le lieu qui vous sied.

Il avait bien des défauts, mais il avait la qualité de bien savoir parler.

- Je sens que vous avez encore le départ de votre protecteur en travers de la gorge, notifia-t-il.

- Qu’est-ce qui te fait dire ça ? maugréa-t-elle, il a accompli son devoir envers moi, et je lui dois bien plus que l’inverse, et il a sa vie à mener.

- Il n’y a aucun mal à avouer qu’on est affecté par la trahison d’un être qui nous est cher…

- Je le sais bien. Mais il ne me doit rien, et aucun cas, sa disparition soudaine ne m’affecte, il était un ami de circonstances, et les circonstances ont changé, donc il n’avait plus aucune raison de rester, donc il n’y a plus besoin d’aborder ce sujet.

- Très bien, lui sourit-il, néanmoins, j’espère que cette journée vous fera retrouver ce sourire si enjôleur qui vous sied bien mieux.

La Fée rit un petit coup en entendant le compliment du vampire.

- Vous semblez m’avoir espionné avant de finir m’aborder devant ma salle de classe.

- Je pense plutôt que vous ne m’avez jamais remarqué avant ce jour-là, lui rétorqua Lucello.

- Il se peut.

Lucello, en grand gentleman qu’il était – mais surtout, en entendant le ventre de la princesse ronronnait –, il profita qu’ils étaient encore à côte des commerces de Haute-Ville pour prendre une collation pour tous les deux. Pour la Fée, il lui acheta une figue de Nusélia – un gâteau au nappage marron qui avait l’apparence d’une figue qui était extrêmement sucré, en son sein on pouvait découvrir une coulante crème rose au goût exotique qui en sortait. Il fallait faire extrêmement attention en la dégustant car elle tâchait rapidement irrémédiablement les vêtements. C’était dans péninsule arabique qu’on pouvait retrouver ces délicieux gâteaux si appréciables, les habitants de Nusélia les dégustait souvent dans les bords de plages ou sur les baies, tout en regardant la danse de leur eau lumineuse qui rencontrait leurs rivages. La légende raconte que la bioluminescence de l’eau était similaire à celle des cieux avant que sa lumière ne leur soit prise – et vampire attentionné ne se délecterait que d’un simple steak saignant, à la limite de reprendre vie.

- Mais ne pouvez-vous pas que du sang pour vous nourrir ?

- Les vampires qui sont morts, pas les vivants, précisa-t-il, nous nous pouvons apprécier la viande crue, les plats et boissons sucrés, mais il nous faut à tout prix éviter…

- L’ail ! lui dit la Fée.

- C’est exact, mais aussi le sel. Enfin, c’est ce que disait min grand-père, mais c’était sûrement pour éviter les plats atrocement salés de mon aïeul, rit-il.

La Fée l’accompagna dans son rire et tous les deux reprirent leur chemin vers les terrains agricoles.

- Comptez-vous jouer avec ses vêtements ? demanda le vampire.

La Fée était vêtue d’une très belle robe courte rose pâle en velours avec des manches en tuile légère, coiffée d’un ruban surmontant une chevelure bouclée en trois parties – deux à l’avant et la plus grande boucle à l’arrière –, ses mains étaient habillées de gants blancs transparents en dentelle et ses pieds étaient chaussés d’escarpins.

- Je ne comptais pas participer, lui répondit la Fée tout en dégustant sa figue.

- J’aurai pensé, et aimé, que vous participeriez…

- Désolée, mais le shoot-balle n’est pas mon sport favori, lui dit la Fée, je suis plus une joueuse de repousse-balle.

- Je sais, Acamilia m’en a parlé. Vous êtes tous les deux des joueuses de volle… repousse-balle.

- D’ailleurs, l’interrompit la Fée en se saisissant de l’occasion, cela ne dérange pas Acaminélia que son champion fasse une sortie avec moi.

- Nous… cela va peut-être vous surprendre mais Acamilia et moi n’avons pas une relation si fermée que cela, lui dit Lucello, nous nous voyons quelques fois pour des rapports charnels, mais nous n’avons noué aucune relation amoureuse ensemble.

- Et vous espérez la même chose de moi ? lui demanda son aucune forme d’hésitation la Fée.

Lucello lui attrapa le menton et la fixa droit dans les yeux son interlocutrice, plongeant son regard écarlate dans le sien qui était rosé.

- J’ai bien plus d’ambition pour un être si beau que vous qu’une simple relation charnelle, que cela soit pour un soir ou plusieurs nuits, la charma-t-il.

- Comme ?

- Comme avoir l’ambition de voir ces magnifiques lèvres qui vous appartiennent me sourire, ou plus : que je puisse m’en délecter tendrement.

Il rapprocha son visage du sien et la Fée resta là, interdite, puis soudain elle reprit ses esprits et s’écarta de Lucello. Les yeux grands ouverts, elle semblait s’être libéré d’une emprise mystérieuse ou plutôt… c’était comme si son moi intérieur avait pris possession d’elle pour accomplir un profond désir. Mais comment pouvait-elle désirer cela d’un homme qu’elle ne connaissait que depuis trois mois et des soufflettes ?

- Peut-être suis-je allé trop vite en besogne ?

- Bien sûr que vous l’êtes ! s’exclama-t-elle en se redressant agacée, j’ai quand même un amoureux !

- Il est vrai que j’avais oublié que vous étiez en couple avec cette fée-là, Beneltig.

Si même en dehors de Sylvania, Beneltig ne pouvait obtenir du respect…

- Beneltig… ? demanda la Fée, ah oui ! Oui, je suis en couple avec Beneltig, alors mes lèvres n’appartiennent qu’à lui !

- Vous n’aviez pas l’air de penser à lui lorsque je vous l’ai fait remarquer, jugea Lucello en haussant les sourcils.

La Fée plissa les yeux puis détourna le regard avant de continuer sa route vers les terrains agricoles.

Lucello l’observa de derrière, rit en secouant la tête et lui aussi poursuivit sa route.

La Fée n’était pas dupe – du moins, c’est ce qu’elle pensait –, elle avait très compris pourquoi elle avait voulu poser ses lèvres sur les siennes. Bien avant cette journée, elle n’était pas aussi froide et aussi fermée avec lui : elle s’était mise à discuter avec lui comme avec un bon ami qu’elle venait de rencontrer, bien qu’il lui eût fait part de ses vues sur elle dès le début. Et comme toute fille de son âge – et plus d’ailleurs –, elle était flattée de recevoir de l’attention, alors qu’elle en recevait déjà de toute part, que cela provienne de ses amis, de sa famille ou d’autres prétendants, elle ne manquait pas de flatterie concernant sa beauté, mais jamais elle ne flanchait…

Du moins jusqu’à maintenant.

La chose qui fit pencher la balance, et vous le devenez certainement, n’est rien d’autre que le comportement exécrable que Beneltig avait avec elle. La prenant pour acquise, il la traitait comme un jouet de réserve qu’il pourrait sortir de sa boîte dès qu’il s’ennuyait alors qu’elle était son officielle. La Fée l’avait bien remarqué, toutefois son tempérament timoré, timide, mais aussi sa fidélité, l’ont toujours poussé à recoller les morceaux.

Du moins, jusqu’à maintenant…

Et ce n’était pas Lucello qui était l’instigateur de ce changement chez elle, il était celui qui avait profité de cette brèche dans le cœur de la Princesse-Sans-Ailes pour s’y engouffrer et manœuvrer pour faire de cette douce son bien. Le principal instigateur de ce changement de paradigme chez la Fée n’était autre que le Héros !

Les deux n’étaient pas des imbéciles – du moins, l’un plus que l’autre concernant ce domaine –, la Fée lui avait même avoué ses sentiments sous le ton de la plaisanterie et du relâchement, mais le Héros n’y avait guère répondu. Plus par lâcheté que par une quelconque aversion. Non cela serait médisant de dire cela… Le garçon au corps maudit n’y a pas répondu car il savait – en tout cas, il en était persuadé – qu’il ne pourrait pas la combler de bonheur. Peut-être finirait-elle par être dégouté par son corps meurtri sous la malédiction ? Après tout, ne l’avait-il esquivé quelques heures après sa victoire contre la prétendante des Basfonds ?

Quelle idée aussi de dévoiler ses meurtrissures aux yeux de tous pour défendre cette… fée de bas étage ! Il aurait dû les lui révéler avant de les montrer pour la secourir. Mais elle était au courant au combien le Héros, derrière cette carapace maudite où il s’était recroquevillé, se cachant derrière cette quête de vengeance sans aucun sens, se cacher la bonté incarnée. Celle d’un Homme capable de tendre une main pure à tous les maculés qui croisaient sa route sans distinction de race, de genre, de sexe… peu importe leurs crimes, leurs péchés, leurs souillures ou leurs veuleries.

Mais tout cela lui a été pris par ce monstre plurimillénaire qui terrorise tous les êtres qui peuplent cette planète, qu’ils soient issus dans l’ancien monde ou des Faieri Lands – le seul mot anglais connu des Féériques et des humains de ce monde. Il l’avait souillé, sali son âme et son cœur, et a sorti de cette crasse impie un monstre affamé de revanche et de vengeance, terreur de toute l’humanité Féérique.

C’est bien à cause de cela qu’elle savait, au fond d’elle, que toute relation avec lui était impossible. Il lui aurait suffi d’un seul mot pour que…

Non, il faut cesser de resasser le passé et passer à autre chose, se disait-elle.

Désormais, elle se devait de se décider si elle quittait Beneltig pour cet homme qu’elle critiquait auparavant, qui pourtant la faisait rire, la complimentait, la choyait avec ses taquineries ou qu’elle restait avec son amoureux actuel, supportant son comportement abject avec elle.

L’heure n’était pas encore à la réponse parce que… malgré cette envie de se débarrasser de lui, elle en restait éperdument amoureuse ! Avant lui, elle n’avait connu que Lin.

Et tout ce cheminement de pensée qui lui trottait dans le crâne, Lucello en était au courant.

Tous les deux finirent par arriver au terrain de sport. La Fée y vit une tripotée de personnes qu’elle n’avait jamais vues auparavant. Ils ne figuraient même pas dans les races de Féériques qu’elle avait l’habitude d’apercevoir au quotidien. Elle pensa d’abord qu’on avait voulu la piéger et fit un pas en arrière. Si elle se souvenait bien, c’était de cette façon, en fonçant tête baissée dans un guet-apens similaire, qu’Avelilinélia s’était fait arracher ses ailes.

Contrairement aux autres fées, elle n’avait pas la possibilité de s’enfuir en s’envolant, la seule chose qu’elle pourrait faire c’est prendre ses jambes à son coup – heureusement pour elle qu’elle était une sportive.

Elle fit un pas en arrière mais elle est arrêtée par Lucello juste derrière elle.

- Les gars, vous pourriez vous présenter quand même quand vous voyez quelqu’un arriver, leur cria Lucello, ce n’est pas comme si elle vous connaissait

Les onze personnes présentes sur le terrain d’herbe vinrent à sa rencontre. À ses yeux, de plus près, ils lui parurent plus amicaux, mais surtout, elle comprit pourquoi elle n’avait jamais croisé l’un d’entre eux, ou plutôt l’un de leurs congénères : ils provenaient tous du Protectorat Sombre. Il est vrai qu’elle avait entendu parler d’une délégation provenant de là-bas qui était arrivé, il y a des mois de cela au sein de leur royaume car certains de leurs représentants venaient prendre part au tournoi. En revanche, il y avait une fille parmi eux dont la Fée doutait de la « Fééréicité », si je puis dire, elle lui paraissait quand même très humaine.

- C’est elle la fille pour laquelle tu nous as fait patienter ? dit un homme à la carrure très masculine.

D’apparence, il semblait humain, mais la Fée ressentait qu’il avait la capacité de se transformer. Sans doute, un change-loup.

- Qu’elle n’est pas jolie, cette fille ! siffla une gorgone en attrapant les joues de la Fée, je connais tes coups princiers Lucello, mais celle-ci est des plus charmantes.

- Euh… Merci ! la remercia timidement la Fée.

Voyant que la Fée était mal à l’aide, Lucello s’interposa entre lui et ses amis et écarta l’attroupement qui s’était créée autour d’elle, et ainsi, il put les présenter convenablement.

- Voici mes amis, mais surtout mes fidèles, hommes et dames de compagnie. Il y a d’abord : James Wallow…

… qui était effectivement un loup-garou…

- … originaire de Brittany, un grand amateur de sport équestre et de bâton-shoot-balle.

[Il parlait du golf.]

James s’inclina devant elle, montrant son respect pour la Princesse-Sans-Ailes-Et-Sans-Nom.

Puis il y a Délia, une belle gorgone presque nue, couverte simplement d’écailles qui cachaient venant Romitalia qui, comme tu t’en doutes avec sa longue queue verte écailleuse, elle ne pourra jouer avec eux malgré la rapidité de ce peuple.

- Ne t’inquiète pas pour son regard, la rassura Lucello, elle ne te pétrifiera pas.

- Je pense que si tu ne lui avais pas dit, elle ne s’en saurait pas douter puisque cette information a été oubliée et gardée secrète depuis des milliers d’années, lui reprocha-t-elle en lui saisissant les jambes avec sa queue en lui frappant les épaules.

- Désolé, désolé, rit-il, mais ne la sous-estime pas, elle est d’une intelligence hors-pair.

Encore une fois, la Fée rougit devant ce nouveau compliment. Encore plus, lorsque cela touchait à autre chose qu’à son physique.

Puis il y avait Stenan, un Narasimha venant du royaume semi-céleste de Praslinada – un royaume se trouvant aux limites de l’Ancien Monde des Hommes. Il avait une tête de lion avec une crinière incroyablement soyeuse surmontée d’une coiffe d’or et ornée de joyaux de toutes sortes, il avait de multiples bras décorés de bracelets aussi beaux que sa coiffe d’or, et il était habillé d’un sherwani noir et rouges aux boutons d’or de partout. Un personnage très noble vous me direz.

Ensuite, il y avait une triplette de faux jumeaux qu’on surnommée le quatuor Filabi – sans doute une blague qui n’appartenait qu’à eux car la Fée ne voyait pas le rapport. Il y avait Félabi, Walti et Tralaw, une fille et deux garçons, et toutes étaient issues de la race des Voirloups – à ne pas confondre avec les loups-garous et les Changeloups car eux avaient la capacité non seulement de se changer en loup, mais aussi en renards, en sangliers, en boucs ou encore en chats, c’est à cause de cela que bien qu’ils soient issus de la même mère, ils avaient une apparence totalement différente chacune des autres. Comme ils faisaient jour, comme pour James, ils étaient sous leur apparence humaine et on ne pouvait savoir leur appartenance à cette dite race que grâce à leur tâche en bas du dos et la fourche rouge sur leurs épaules droites. Ils étaient considérés comme l’une des races maudites de Francilia, mais contrairement à leurs congénères « maléfiques » ou dénués d’intelligence, les trois étaient doués de parole et d’humour. Tous les trois se présentèrent et décrivirent leur apparence animale : Félabi était une renarde noire à la queue tachetée de petits points blancs, Walti était un loup au pelage blanc cassé et aux yeux bleus et Tralaw avait l’apparence la plus disgracieuse puisqu’étant un sanglier, il avait la particularité d’avoir des pointes rouges au bout de ses crocs.

Et comme cela prenait un peu beaucoup de temps, Lucello les présenta rapidement sans que la Fée ne puisse assimiler le nom de tous. Toutefois, ils avaient un match à jouer, ils avaient le temps de se connaître plus tard.

Après que Lucello eut fini de présenter tous ses autres amis, tous aussi extravagants et aussi affectueux chacun, ils purent commencer, après s’être habillés de leurs tenues de sport – ce qu’aurait pu faire la Fée, mais elle n’en avait aucune envie, et de toute manière, ne savait nullement jouer au shoot-balle –, à composer les deux équipes pour le repousse-balle. Et comme explicité par la Fée plus tôt, elle ne participerait pas au match.

Durant le match, la Fée, assise sur des petits gradins, put observer le talent sportive du vampire, et sans qu’il use ses capacités vampirique. C’était assez appréciable de voir un compétition amicale sans qu’il y ait d’enjeux faramineux, les dépassant tous, juste pour l’amour du sport – et cela la changeait de voir quelqu’un de compétent pratiquer du sport devant soi à contrario de son amoureux qui était plus attiré par les matières artistiques. Elle était assise au côté de la gorgone Délia qui ne tarissait pas d’éloges son ami et poussait fortement les acclamations et encouragements.

Puis à la suite d’une petite pause bien méritée et d’une petite collation, la fille qui était soupçonnée par la Fée d’être humaine vint à leurs côtés, fatiguée par cet exercice physique de longue haleine.

- Alors tu viens déjà nous rejoindre ? dit Délia d’un ton sarcastique.

- Tu sais bien que je me fatigue rapidement en ce moment, et désolée de ne pas avoir les capacités surhumaines qu’affichent Stenan ou James.

- Tu es pourtant l’une de nos plus grandes représentantes pour le sexe féminin au sein de notre groupe, tu te dois de bien nous représenter, fit Délia en faisant mine de se fâcher.

- Si tu avais des jambes peut-être que tu pourrais en être la plus grande représentante, lui rétorqua la fille « humaine ».

- J’en ai, mais elles ne sont pas faites pour le sport, idiote !

- Au moins, je ne suis pas une faiblarde comme toi !

Et toutes les deux se mirent à se disputer gentiment en se donnant des petites tapes sur les bras. La Fée gloussa en les voyant se battre.

Tout ce qui attrayait à cette journée l’apaisait : les confrontations, les disputes, les découvertes… Toutes n’avaient rien à voir avec son rôle de future reine de Sylvania. Pendant le temps d’un instant, elle était totalement déconnectée de ses futures responsabilités qui lui pesaient déjà sur le dos alors qu’elle n’était encore qu’une princesse. Si son rêve n’était pas aussi pesant sur son moral, peut-être qu’être qu’une simple dame de compagnie pour la future reine lui serait suffisant… Finalement, elle n'avait pas vraiment les rêves de grandeur d’Avelilinélia qui œuvrait avec le plus grand des courages pour les siens et les plus démunis. Si elle n’était pas sûre de son choix, elle penserait qu’elle était en train de devenir jalouse de cette fée à la grande cicatrice dorsale.

Totalement plongée dans sa rêverie, elle fut ramenée à la réalité par cette jeune femme dont elle ne sentait pas la Fééréicité qui balançait sa main de gauche à droite devant ses yeux.

- Il y a quelqu’un ? l’apostropha la jeune inconnue.

- Ah désolée, j’étais totalement absorbée par mes pensées.

- Je vois ça, lui dit la belle inconnue aux cheveux roux.

- Et où est passée Délia ? demanda la Fée.

- Elle est partie revêtir ses jambes dans un buisson pour jouer au foot avec les autres.

- Au « foot » ? interrogea la Fée.

- Au shoot-balle si tu préfères, se corrigea-t-elle, là d’où je viens, on dise plus foot.

- Surtout les anciens humains disaient « foot », lui fit remarquer la Fée, tu sais je ne suis pas antihumain et tout, d’ailleurs, deux de mes amis les plus chers le sont, mais c’est plus qu’étrange qu’une humaine puisse entrer dans le royaume sans que les gardes ne les mises dehors ou que le garde absolu de ce royaume n’est pas agi. Je me souviens d’un jour où…

La fille éclata de rire, ce qui décontenancée la Fée.

- J’ai l’air si humaine que ça ? demanda la fille, pourtant, je ne vois aucune différence avec James, Félabi, Walti et Tralaw ou Rakelle.

- Généralement, les Féériques arrivent à sentir ce genre de choses.

- Alors désolée d’être différente des autres.

- Oh je ne voulais pas te vexer.

- Mais je ne suis pas vexée, rit la rouquine, ne te fais pas un sang d’encre pour rien. C’est vrai que je ne suis pas totalement Féérique, mais j’en suis devenue une par accident

- Oh ! s’étonna la Fée, quel genre d’accident ?

- Je ne pense pas qu’on soit assez proche pour que je t’en parle frontalement comme ça.

- Oh désolée ! Où avais-je la tête ? C’est vrai que je ne peux pas me permettre d’aborder de tels sujets comme ça ? s’excusa-t-elle platement.

- Arrête de t’excuser tout le temps, ce n’est pas si grave.

La fille lui mit une tape dans le dos pour la rassurer, tape qui paraissait un peu trop forte pour Princesse qui faillit tomber du gradin. Pour garder sa prestance, une fois qu’elle se remit en place correctement, elle ne lui fit aucune remarque sur son coup qui était un « poil » trop fort – la rousse avait clairement remarqué qu’elle y était allée un peu trop fort.

- Au fait, commença la Fée pour détourner la conversation de sa presque chute, je me souviens plus de ton nom, vu que Lucello a expédié les présentations pour aller jouer.

- Ah moi ? Mon nom n’est pas si mémorable que ça. En plus, on m’a dit que les fées avaient du mal avec les sons avec les lettres en « r », « q », « k »…, exposa-t-elle, les sons qui font du bruit en résumé et mon nom contient la lettre r donc je comprends que tu ne l’aies pas mémorisé.

- Ne sois pas bête, la fustigea la Fée, c’est juste la faute de Lucello de vous avoir nommé comme si vous n’étiez pas important. Et puis, tu m’entends bien utiliser ses lettres quand nous conversons là.

- C’est vrai…, avoua-t-elle, alors laisse-moi me présenter : mon nom est Astarté, une semi-humaine de dix-sept ans.

- Waouh mais tu es plus grande que moi, s’extasia la Fée, pourtant, on dirait on a le même âge.

- Bizarre, moi je t’aurais donné une centaine d’année.

Cette fois-ci, c’est la Fée qui lui donna une tape sur l’épaule et Astarté qui s’esclaffa.

Et à peine s’était-elle présentée, que Lucello sonna la fin du match et tous vinrent s’attrouper dans les gradins pour continuer leurs fringales. Il manquait juste Délia qui vint, comme annoncé, avec une paire de jambes et son énorme queue sur le bas de son dos.

- Comment as-tu fait ? demanda la Fée.

- C’est un secret !

Et en plein dans leur repas, c’est Astarté qui reprit les présentations.

Elle lui présenta tout d’abord : Marsaten, un métalhomme de la région minière des Clairières Métallique, un lieu où toute la flore et la faune était recouvert de métal et où toutes les infrastructures des métalhommes fonctionnent au charbon. Et comme feu Triface, il faisait partie de ces êtres artificiels créés par la magie – je me demande s’ils peuvent mourir de la même façon…Marsaten était un grand homme de deux mètres soixante-trois, qui avait un belle carrure et une belle mâchoire d’acier, et n’était vêtu que d’un pagne multicolore en tissus pour cacher ses parties génitales inexistantes – les métalhommes comme les golems en général naissent de la magie et non par reproduction. C’était la personne la plus calme du groupe, et bien qu’il n’eût pas de palais pour apprécier les repas, il était le meilleur cuisinier de la bande – ce qui en disait long sur les capacités culinaires des autres.

Il y avait ensuite deux autres faux jumeaux, les musiciens du groupe : Mathilda et Karlson. Deux Fossegrims doués au violon qui en joués divinement bien. Vivant généralement dans les marais et les cascades, ils devaient se munir deux sacs d’eau collés aux branchies mais leurs peaux n’avaient pas l’air de sécher à l’air libre. Et contrairement aux restes du groupes, surtout au quatuor, et à l’instar de Marsaten, ils étaient plutôt calmes, ils ne se disputaient, finissaient les phrases de l’un et de l’autre et vivaient dans une symbiose plus que déconcertante. Tous les deux avaient sur la tête un nénuphar, l’un était vert et plat, et l’autre bleu avec une fleur dessus – contrairement à ce que vous croyez, c’était le garçon qui avait la fleur sur la tête. Les Fossegrims avaient des corps très svelte à la limite du maigre, de longs cheveux verts constamment mouillés ressemblant à des lianes et bizarrement, tous étaient vêtus d’un pantacourt – la raison ? Personne n’était au courant, et personne n’avait eu la brillante idée de leur demander. Mais pour s’adapter de tous les pays, Mathilda portait un haut.

Voilà le petit groupe du vampire dénommé Lucello.

Et la Fée passait un bon moment, elle ressentait chez eux, ce qu’elle ressentait lorsqu’elle était en compagnie du Héros – lorsque cela ne concernait pas le tournoi ou la légende – : un sentiment de découverte et d’apaisement qu’elle ne retrouvait pas chez ses amis et ses précepteurs qui étaient obnubilés par le tournoi. Pour la première fois depuis qu’elle était née qu’elle ne sentait plus prisonnière d’un quelconque devoir.

Pourquoi ressentait-elle cela maintenant ? C’était elle qui avait toujours été obnubilé par la possibilité de devenir reine et d’obtenir ses ailes ! Alors pourquoi maintenant ses épaules pesaient aussi lourds ?

Sans doute était-ce le fait qu’elle se rapprochait de plus en plus de son but et que l’inquiétude prenait le pas sur la détermination et l’immense espoir qu’elle avait accumulée durant plus d’une décennie ?

Sans doute.

Mais en tout cas, elle profiterait de ce maigre instant de repos en se sortant de la tête ses inquiétudes, le Héros et Beneltig, avant que les premières épreuves pour le trône de Sylvania ne débutent. Au moins pour aujourd’hui.

C’est en ressentant cela, qu’en vol stationnaire, Avelilinélia n’osa pas déranger la Fée alors qu’elle avait passé l’après-midi à la chercher les bras surchargés de programmes et de tactiques pour la faire accéder au trône.

Toutes les deux n’avaient pas le même âge et la même appréhension de la vie.

Elle pouvait bien être gentille et la laisser, au moins aujourd’hui, tranquille.

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