L’humiliation de l’« héroïne de Sylvania »

37 minutes de lecture

[Deux semaines et cinq jours après le départ du Héros]

Par gentillesse, Aveliline l’avait laissé se reposer un jour de plus, mais là, il n’y avait plus de temps à perdre. Pendant qu’elle était en train de regarder un match de shoot-balle, elle, elle se documente et étudiée toutes les manières de gagner. De ce qu’elle avait compris, il y avait deux jurés : l’un représenté par l’ancienne reine – dont le nombre a dû être drastiquement réduit après l’enquête sur la Secte de Marrynélia – dont la valeur valait soixante-dix pour cent du score final… mais pas cette année. La reine avait une nouvelle fois changer les règles pour que leur vote ne vaut que vingt-cinq pour cent du score, donnant les soixante-quinze autres pourcents au peuple.

Ce n’était pas la reine qu’il devait convaincre mais bien, le peuple dans son entièreté, indifféremment du statut et de la position sociale. Les Basfonds, Haute-vIlle et le Sanctuaire seront égaux cette année et rien ne fera changer d’avis la reine.

Bien sûr, connaissant l’amour des conservateurs pour leurs sacrosaintes lois immuables, injustes et partiales, la reine leur avait prévu quelque chose pour que leurs voix pèsent durant la bataille pour le trône.

Avelilinélia imaginait bien que si leurs voix pesaient, il faudra quand même leur faire de la lèche – ce qui aurait dû dur pour elle, tellement elle haïssait ces gens de ne rien faire pour les siens, au point que leur quartier est devenu une zone de non-droit. Néanmoins, cela la fit se demander comment cela se faisait que la reine avait pu devenir reine dans ces conditions : après tout, elle savait qu’elle était une vaillante guerrière dès son plus jeune âge, presqu’invaincue dans tous ses combats et invaincue parmi les siens. Mais elle ne la voyait pas participer à ce genre de concours… de beauté – moi non plus. Elle ne disait pas qu’elle était féminine, et elle ne pourrait pas lui reprocher son manque de féminité à cause de son corps musclé, puisqu’elle l’était elle-même – toutefois la faute revenait à ses gènes humains.

- Avelilinélia ? marmonna Lelelitio encore au prise avec la déesse du sommeil Zarlezatlezar, que fais-tu levée si tôt ?

- Je réfléchis comment faire gagner la princesse sans ailes de Java-Aleim.

Lelelitio hocha la tête et alla s’offrir une gorgée d’eau au robinet.

- Ça fait du bien que les systèmes de canalisations aient atteint notre maison, enfin.

- Logique : il n’y a plus personne qui pouvait ou oserait s’opposer à la prise de décision de la reine après l’affaire de la secte.

- Toutefois, je n’aurais pas pensé que ça serait aussi rapide…, précisa Lelelitio.

- C’est logique quand la reine participe aux extensions.

Audisélia en bleu de travail, ses cheveux attachés qui pouvaient aussi servir de lampe-torche ou de balise de repérage, grosses bottes aux pieds et protection aux ailes… Une vision qui ne m’aurait pas déplu de voir de mes propres yeux. Mais ça amusait moins son grand conseiller, ses ministres, les nobles du Sanctuaire, une partie de la population de Haute-Ville, un seul des Chevaliers Saints qui n’était pas Sawyer et… Sawyer. Ceux qui riaient ou auraient ri de cette situation « outrancière » étaient Morvian, feu Elena, Mathgen, Caemgen – moins que les autres, mais je l’ai vu avoir un petit gloussement quand on lui avait annoncé – et feu Globox.

Même si cela ne lui faisait pas rire, Sawyer reconnaissait que c’était dans ce genre d’initiative qu’il reconnaissait la femme qu’il aimait - les mains dans le cambouis et la merde dirons-nous. C’est bien sûr une boutade. Et peut-être n’était-ce pas une mauvaise chose qu’elle se réfugie une nouvelle fois dans la tristesse de la perte d’un être cher, il savait qu’à un moment, en plein repas, en pleine course avec des enfants des Basfonds, de Haute-Ville ou de Sanctuaire, ou dans son sommeil, elle finirait par craquer et éclater en sanglot, une nouvelle fois, mais si travailler et s’occuper de choses futiles pouvait écarter cet inévitable moment, cela serait pour le mieux.

Cependant, il savait aussi qu’elle lui cachait quelque chose, mais il n’était pas encore l’heure pour l’interroger.

- En revanche, toi, je me demande pourquoi tu travailles bénévolement pour l’une des prétendantes au trône en lise, siffla entre ses dents Lelelitio en se resservant à nouveau de l’eau.

- Parce que le Héros me la demanda, lui répondit-elle.

- Quoi ? Juste pour ça ? cracha-t-il son verre d’eau, si c’est encore ton obsession pour le héros de la légende.

- Penses-tu réellement que l’un des sauveurs des Basfonds ne m’a pas proposé un marché pour que je l’aide ? sourit Avelilinélia.

- Quel marché ? demanda Lelelitio en haussant un sourcil.

- Mais attends, s’arrêta la princesse, je ne te l’ai vraiment pas dit ?

- Bah, à ce que je sache, non, lui répondit-il en haussant les épaules.

Avelilinélia déposa ses feuilles, son stylo, ses fausses lunettes et ses livres, et se tourna vers son servant.

- Je ne te l’ai vraiment pas dit ? dit-elle choquée.

- Tu ne me l’as vraiment pas dit ! lui réaffirma Lelelitio.

- Très étonnant, se dit à elle-même Avelilinélia.

- Mais il te l’a dit quand ce marché ? Parce que je n’ai pas envie que cela vienne du fruit de ton imagination…

- Bah… après ma défaite lors de notre affrontement et pendant l’anniversaire de la Fée-Sans-Ailes-Et-Sans-Nom.

Lelelitio se claqua le visage.

- Qu’est-ce qu’il t’arrive ? ricana la fée.

- Bah bien sûr que tu ne t’en souviens pas ! Après ta défaite, tu étais complètement déphasée. J’ai dû te rappeler deux fois que tu étais une apprentie karyoten.

- Oh c’est bon ! ronchonna Aveliline, j’avais la tête à autres choses.

- T’avais surtout la tête à la disparition de ton idole.

Certainement, elle était perturbée par sa défaite – rencontrer un obstacle comme le héros de la légende ce n’était pas rien –, mais rien n’était comparable aux adieux qu’elle avait eu avec le Héros. Ses yeux rouges vides, éteints, comme s’ils appelaient à l’aide… Qu’importe que la malédiction cachât les traits de son visage, elle, elle avait eu la tristesse qui le déchirait, ses jambes tremblantes qui ne voulaient pas passer le portail. Tout cela gâchait la voix décidée et nonchalante qu’il s’efforçait à avoir.

Une fois qu’il fut parti, Avelilinélia vint voir la reine dans ses appartements, passant la sécurité du château et en claquant la porte de sa chambre. Même si la reine aurait voulu la réprimander, le regard qu’avait à ce moment-là l’aurait fait hésiter le temps d’un court instant. Elle lui exposa ce qu’elle avait vu, elle lui dit ce qu’elle lui avait dit et ce qu’il lui avait répondu, ce qu’il lui avait dit et ce qu’elle avait répondu, et ce qui la perturbait depuis.

- Tu veux partir à sa poursuite ?

- Je… sais pas… Je sens que si je n’y vais pas… Quelque chose de grave va arriver ! explosa-t-elle.

- Je te comprends. J’avais eu la même impression lorsque ma meilleure amie s’en est allée pour affronter son destin, mais contrairement à toi, j’ai reçu un présent moins glorieux que des adieux, lui dit-elle en pointant sa blessure qui allait de sa poitrine à son épaule en passant par ses clavicules, est-ce que tu es décidée à prendre la route pour le monde dangereux qui se trouve au-delà de ses murs ?

- Bien sûr que je le suis si c’est pour l’empêcher de mourir !

- Je crois que tu n’as pas très bien compris, ma chérie, lui dit la reine, je ne vais pas y aller par quatre chemins : est-ce que tu es prête à affronter le monde d’où proviennent le Démon-Sans-Visage qu’affectueusement vous appelez Nalo, celui qui avait une liste longue comme mon bras de crimes en tout genre, et le braconnier qui t’as arraché tes ailes, Avelilinélia Malalalivia Talemilia Grave, protectrice des Basfonds de Sylvania ?

À l’énonciation du jour où on lui avait pris le plus grand attribut qui faisait-elle une fée, un frisson de torpeur lui parcourut l’échine et une douleur fantôme se fit sentir dans son dos. Si elle n’était pas face à la reine, elle se serait déjà écroulée au sol. Le traumatisme de cette atroce nuit n’était pas encore fini.

- Apparemment pas, lâcha la reine le regard froid, ce que tu as subi et a été témoin n’est qu’une fraction de ce qui se trouve dehors, ma belle. Reste entre ces murs, tu n’as pas les épaules pour…

- Et pourtant… ET POURTANT ! rugit la princesse des Basfonds, je devrais m’y rendre dans ce monde hostile si je veux l’empêcher de mourir ! Peu importe que de l’autre côté des murs de Sylvania, qu’en dehors du pays de Kano, qu’à l’autre bout du monde se trouvent les plus gros enfoirés que cette planète ténébreuse n’est jamais portée, j’irais le chercher par la peau du cou s’il le faut, mais je ne laisserai pas une personne que j’admire et apprécie mourir parce que j’ai été impuissante !

La reine ne dit rien, elle colla seulement sa main devant sa bouche, ses lèvres étaient aux prises avec son pouce et son index. Elle était admirative face à cette jeune fille qui avait tant grandi. Elle n’avait pas changé d’un iota, mais sa force physique et sa force du cœur n’avait eu de cesse de grandir. Sa pugnacité n’avait pas d’égale parmi ses congénères. Audisélia ne pouvait en aucun cas se comparer à elle, car dans la même situation, elle n’avait fait que se lamenter, Avelilinélia, elle, elle serait partie à la recherche de son ami malgré la blessure qu’il lui aurait infligé.

Qui était cette fée que le Destin n’arrivait pas à entraver dans ses fils ?

- Parfois, je me demande comment tu fais pour ne pas désespérer alors que tu n’as rien à l'inverse de moi ? marmonna dans sa barbe inexistante la reine.

- Je n’ai pas entendu, dit la princesse sans ailes.

- Non rien…, je délire… parfois…

De retour à la maison des Grave, Lelelitio se pose contre le lavabo de racines en continuant à se resservir continuellement de l’eau.

- Et c’est au moment de son départ qu’il t’a donné sa parole qu’on nous aiderait si tu aidais sa protégée ? persista le servant.

- Mais puisque je te dis que c’était durant la fête et à la fin du combat au stade.

- Et elle est au courant sa fée qu’elle est censée nous rendre la pareille ? la questionna encore Lelelitio.

- Bah oui ! On dirait que tu lui fais pas confiance ?

- Je lui fais confiance à LUI justement, j’ai aucune confiance à accorder envers une fée du Sanctuaire.

- Tu sais qu’à l’origine je suis originaire de là-bas.

- C’est faux, Lelelitio, le rabroua-t-elle sèchement, ne redis plus jamais cela !

Un des sourcils de Lelelitio se souleva. C’était bien la première fois qu’il la voyait s’énerver pour ce genre blagues. Depuis qu’ils étaient enfants, il la charriait sur le fait qu’en réalité elle était originaire de Haute-ville puisqu'elle était de sang royal. C’était une plaisanterie amicale habituelle que supportait assez mal Avelilinélia mais ne l’affichait pas, elle savait qu’il ne la méprisait en faisant cette boutade… Néanmoins, à l’heure actuelle, elle ne voulait plus en entendre parler, à la grande surprise de Lelelitio. Celui-ci ne comprenait pas ce revirement soudain puisque lorsqu’elle était contrariée, elle venait lui en parler avant que cela ne se voit que cela la gênait.

- Très bien, l’héroïne de Sylvania

- Évite ce surnom aussi…, exprima-t-elle un peu moins violemment que précédemment.

- Pourtant celui-ci me paraît moins insultant que l’autre pour toi…, bougonna-t-il en haussant les sourcils, c’est encore parce que tu te sens pas digne d’être désignée ains…

- Non ce n’est pas ça…, dit-elle avec un petit ricanement en détournant les yeux.

Ce surnom n’était pas anodin puisqu’il a été attribué, comme vous vous en souvenez, par le Héros, excité par la soif de combat, lors de leur affrontement au tournoi, et ce surnom n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd puisque, d’abord repris par les enfants des Basfonds puis par les habitants en général du quartier des Basfonds, mais cela n’avait jamais atteint les autres sujets du royaume, que ça soit ceux d’Haute-ville ou de ceux du Sanctuaire. Et ce n’était pas à cause d’un quelconque respect pour le Héros – qui, après tout, n’était rien qu’un vil humain aimé que par les lépreux qui avait abandonné toute notion de patriotisme, d’endogamie et de conservation de la race – mais car elle avait accompli le plus ignoble des actes : être une fée sans ailes capable de voler. Au sein de cette société, qu’elle soit féérique ou Féérique, et même au-delà de celle-ci, il existait d’innombrables tabous plus connus les uns que les autres, et beaucoup étaient perçus comme innée chez tout un chacun…

Vous vous n’êtes pas demandé pourquoi, depuis que nous avions eu connaissances des déboires des deux fées aptères, celle du Sanctuaire n’avait jamais pris l’initiative d’utiliser un sort de vol ? C’était un sort pourtant rudimentaire pour elle. Après tout, n’était-elle pas de ceux qu’on pouvait considérer comme des génies et ses ailes manquantes n’étaient pas un si grand frein à sa manipulation du mana et sa pratique de la magie. Un simple sort de classe complexe – voire classe maîtrisée si on veut faire les choses correctement.

Pourquoi alors ?

Ne soyez pas bêtes, haha ! Vous le savez aussi bien que moi puisque, pour bon nombre d’entre vous, vous êtes humains, et vous avez connaissance du passé : elle n’y a pas le droit. Cela fait partie des nombreux tabous et interdits censés innés dans l’esprit de tout un chacun et surtout d’une fée aptère. Qu’est-ce que cela signifierait une fée qui est capable de voler sans l’aide de ses ailes ? Cela marquerait un énormissime manque de respect pour toutes les fées puisque cela signifierait que cette fée n’a pas besoin d’ailes pour voler contrairement à vous.

« En plus, d’être moche, elle est arrogante », dirait certains.

Mais ce tabou, Avelilinélia l’avait rompu. En connaissance de cause – même si elle n’avait osé le faire avant ce combat face au Héros où elle savait qu’elle devrait redoubler d’efforts, de génie, de stratagème pour vaincre un tel adversaire, mais elle l’avait fait. Crachant ainsi, à la face de tous, cet immonde interdit : « les fées aptères n’ont pas le droit de voler. Les fées aptères ne sont pas des fées. »…

Après tout, si les dieux leur avaient pris leurs ailes, que cela soit à la naissance ou par un quelconque malheur, c’est qu’elles ne les méritaient pas.

Une façon de penser abjecte mais qui était commune ici.

Et vous vous en doutez bien : elles ne sont pas les seules à être dépourvues d’ailes ou à être mutilées à cause d’elles. Toutes étaient jetées dans les Basfonds pour y mourir de famine ou en étant dévorés par les rongeurs qui peuplent ces basses couches de la population. Peu avaient le privilège de pouvoir rester vivre au sein de Haute-Ville et encore moins au Sanctuaire, sauf une qui avait fait exception. Bien évidemment, tous n'avaient pas été abandonnés comme des ordures dans ce qui était considéré comme la poubelle du royaume, certains arrivaient à se dérober au regard des autres fées en usant de sortilège et de potions pour se faire passer pour d’autres espèces, et même, était ramené à ce qu’on pourrait appeler des formes primitives de fées. Et d’autres, en secret, pouvaient subir un sort pire que d’être dévoré vivant à la naissance, en étant enfermés dans les sous-bassement-racines des maisons branches de certaines fées, qu’elles soient Haute-villoises ou Saintes.

Si le Héros avait mis au courant… je ne pense pas que l’histoire entre la reine et celui que certains surnommaient affectueusement Nalo allait prendre cette tournure.

Néanmoins, ce sujet était conscientisé par la reine. Elle était au courant, et luttait contre activement. Malheureusement, contrairement à sa lutte contre la secte, ce genre de traitements était accepté par une grande part, peut-être même les neuf dixième de la population. Et c’est bien pour cela qu’elle avait mis en place le champ de surveillance électrique et, et pour elle, depuis ce jour, le recul de ce traitement envers les enfants aptères était acquis. Malheureusement, depuis l’affaire de la secte de Marrynélia, Avelilinélia et Audisélia prirent conscience qu’il y avait peut-être des enfants et des adultes qui étaient enfermés depuis des années dans des endroits reclus, et elles n’ont jamais été mises au courant.

Le coup dur que cela fut d’apprendre pour la reine que depuis des années, ce système qu’elle pensait infaillible ne l’était pas. Voilà pourquoi elle redoublait d’efforts depuis quelques temps.

De son côté Avelilinélia ne pouvait que continuer à s’occuper des enfants abandonnés qu’elle trouvait sans pour autant entreprendre des recherches actives dans ces quartiers qui la rejetaient malgré son ascendance royale. Mais, même elle, était débordée avec tous ces enfants à charge, au point qu’elle en confiant à certaines familles qui avaient la gentillesse de s’en occuper en leur assurant de pourvoir à leur besoin comme elle le pourrait. Et ses rondes servaient à savoir s’ils étaient en bonne santé, si les familles avaient besoin de quelque chose, et redonnaient courage à ses enfants en leur rappelant qu’elle avait autant perdu qu’eux et que malgré cela, elle continuerait à se battre pour leur paver une route pour qu’ils puissent vivre convenablement – et cela valait aussi pour les adultes.

Alors, le jour du combat contre le Héros, ce n’était pas seulement une démonstration de puissance de sa part, pas seulement un acte de rébellion d’une gamine ne voulant plus être soumise au dogme archaïque, mais un acte politique montrant sa révolte contre le traitement de ces personnes que ces gens faisant preuve d’un eugénisme abominable perpétrés en torturant ces personnes, en les abandonnant à leur sort ou en les transformant en créatures qu’elles ne sont pas. Cet acte devait être la pierre angulaire de la politique qu’elle allait mener pour obtenir le trône de Sylvania. Peut-être était-ce provocateur, mais de cette manière qu’elle avait compté marquer les esprits !

Toutefois, son plan incroyable prit fin dès lors qu’elle s’était confrontée au champion remplaçant de la Fée. Comme si le destin lui-même s’était mis en travers de sa route pour accomplir sa volonté et la volonté de tous ceux dont elle avait la promesse de les aider.

En fait, depuis qu’elle avait su qu’il serait son adversaire, elle savait que ses chances d’être reine étaient réduites à néant. Elle n’était pas dupe, elle avait lu les récits de sa mère avec les héros de la légende et les miracles qu’ils ont réussi à accomplir. C’était la fin pour elle dès le moment de sa venue…

Au début, elle lui en avait d’abord voulu à cause de son attitude dénigrante envers le héros de la légende, et lui a même reproché ouvertement, avant de lui reprocher de sacrifier la chance de pouvoir faire changer les choses dans ce royaume. Mais elle avait fini par voir qu’il n’était qu’un gamin comme tous ceux dont ils s’occupaient, Lelelitio et elle, bien que lui avait la responsabilité de tous les sauver du danger à venir – et qui était même déjà présent.

N’oubliait-elle pas qu’elle aussi était une enfant aux yeux des autres fées ? Il était même étrange que cela soit elle, juste parce qu’elle était la dernière descendante des Grave, qu’elle se doive de gérer toute son agglomération à elle toute seule !

Mais cessons de digresser.

Dès lors, elle voulut faire comprendre au Héros que peut-être accéder au vœu égoïste de sa protégée n’était peut-être la bonne chose à faire… mais il n’en démordait pas mordicus. Et elle comprenait pourquoi, c’est pour cela qu’elle avait cessé de lui en vouloir mais de redoubler d’efforts pour le convaincre et de redoubler d’efforts dans ses entraînements. Tout cela dans l’espoir vain d’accéder au trône… et d’être comme la reine Audisélia avant elle qui, finalement, était son modèle… Une fée capable d’obtenir le royaume et de le changer à la seule force de ses bras pour le rendre meilleur.

Cependant à l’inverse de la femme la plus crainte et la plus respectée du royaume de Sylvania, elle avait échoué à vaincre le héros de son époque et voyait filer sous ses yeux l’objet lui permettant d’accomplir tous les désirs de ceux sur qui elle comptait. Et le Héros semblait l’avoir compris, c’est bien pour cela qu’il avait pris l’initiative de faire que la Fée aide Avelilinélia dans sa quête de justice sociale.

Par son acte de défi à l’égard des dogmes de son royaume, elle s’était attirée la foudre de celle qui était son adversaire et qui allait devenir son alliée par la suite, car son acte n’était pas seulement un crachat à ceux qui perpétuaient ces actes barbares envers les fées aptères, mais pouvaient aussi être considéré comme tel par celles et ceux qui n’avaient jamais eu le courage de le faire, comme une certaine fée protégée par la reine de ce royaume.

Et tout cela pourquoi ? Alors qu’elle avait fait tout ce qu’elle avait pu, elle avait fini par perdre devant tout le royaume. Il était peut-être le héros de la légende, il était peut-être celui qui pouvait combattre le Némésis et le Maléfique à armes égales, selon ce qu’on disait, ce jour-là, il était le gardien d’un système inégalitaire et égoïste, mais il ne le savait pas. Il n’avait fait que tenir parole. Mais sa promesse allait causer bien plus de dommages que ce qu’il aurait pu imaginer.

Et rongé par le regret, le Héros avait exigé de sa fée qu’elle aide sa congénère à aider les siens.

Si elle était une mauvaise personne, Avelilinélia aurait pu lui dire que s’il avait voulu aider, il aurait dû lui laisser gagner, mais non, il avait préféré faire gagner ceux qui avaient déjà tout ! Néanmoins, à l’inverse d’énormément de gens, elle n’était pas le genre de personnes à avoir trop d’égo pour refuser l’aide des autres, c’était tout l’inverse d’ailleurs, elle la recherchait.

Cependant, à ce moment précis, à ce point d’axe temporel de l’histoire de sa vie, elle aurait dû accomplir son devoir seul. C’était son heure ! Celle de prouver que toutes ses tribulations n’avaient pas été vaines, que toutes ses épreuves n’étaient que des défis à surmonter pour un plus grand projet ! Elle n’était pas vraiment croyante, mais dans cette course au trône, elle avait pensé être, le temps de ce tournoi être l’héroïne de ce projet qu’on avait mis sur sa route.

Ironie du sort, c’est un héros légitime, croyant en un dieu qui lui était inconnu, qui vint la stopper dans son élan.

Dire qu’elle avait pleuré pendant des heures et des heures seraient un euphémisme – et par respect pour elle, Lelelitio avait utilisé Silencio sur sa chambre pour que personne n’entende ses lamentations et exigea que personne ne la gêne. Beaucoup de gens vinrent la féliciter pour son parcours, mais des petites voix assourdissantes critiquèrent sa défaite.

« N'avait-elle pas fanfaronné devant nous tous en prophétisant pouvoir nous sortir de cette merde ? », ne disait d’aucuns.

Alors qu’elle était déjà détestée à cause de ce combat qu’elle prônait auprès de tous en les défendant car bon nombre des habitants des Basfonds avaient perdus l’espoir d’avoir de meilleurs conditions et s’étaient soumis à cette condition larvaires acceptant tous les sévices qu’ils subissaient, la voir être vaincu par l’incarnation de la victoire de l’humanité Féérique a été la preuve de l’arrogance de la dernière descendante des Grave.

Une cuisante débâcle à la vue de tous.

Plus que quiconque, elle était consciente de son échec, mais malgré cela, elle ne montra jamais au Héros cette petite rancœur qu’elle avait à son encontre. Et accepta humblement, la charité dont il avait fait preuve à son égard en disant à sa protégée de participer à son projet de sauver les Basfonds. Mais elle était consciente dans quelle position cela la mettait vis-à-vis de celle qui était encore en lis pour le trône. Mais elle ne dit rien. Elle accepta ce cadeau empoisonné dont le Héros n’était même pas conscient.

Elle était devenue le clown de l’histoire de sa vie.

Elle s’était attirée l’opprobre sur elle en brisant un tabou aux yeux de tous, la fée dont elle était désormais l’acolyte la détestait à cause de cela et les gens n’avaient plus aucune confiance en ses paroles. Et pourtant, malgré tout cela, elle se devait de garder bonne figure – c’est pour cela qu’elle a quand même accepté de jouer à l’anniversaire de la Fée alors que cela lui semblait une humiliation – et de continuer à se battre pour les plus désœuvré.

Sa seule rétribution, si elle pouvait considérait cela comme ça, était l’acquisition de son titre de karyoten, mais cela en valait-il la peine ?

Voilà pourquoi, bien que cela parte d’un bon sentiment, elle ne pouvait accepter le surnom de « héroïne de Sylvania ».

- Li…line, bredouilla Lelelitio, je sais que ce n’est pas une phase facile pour toi, et n’ai aucun moyen de t’aider efficacement dans cette nouvelle épreuve à part en m’occupant des enfants et en rapportant autant d’argent que je le peux avec mes missions, mais sache une chose, quoi qu’il arrive, je serai toujours là pour t’épauler.

- Je le sais déjà, Leleli, lui sourit-elle doucement, c’est pour cela que tu dois aller te rendormir, pour avoir la capacité de t’occuper d’eux à leur réveil.

- Tu pourrais être plus clémente quand tu me chasses, la taquina-t-il.

- Je vais acheter l’un de ses jouets à jet d’eau qu’ils sont en train de vendre à Haute-Ville, on va voir si je ne suis pas clémente, le provoqua-t-elle.

- Ok, ok, j’ai compris, s’avoua-t-il vaincu, je m’en vais.

Il déposa son verre dans le lavabo de racine et s’en alla en direction des escaliers. En haut de ceci, il dit une dernière chose avant de rentrer dans sa chambre :

- Souviens-toi de tout ce que tu as fait, Avelilinélia. Ce n’est pas la plus grande humiliation que tu as eue, je sais que tu le penses comme ça, mais rappelle-toi que sans toi, je ne serai plus de ce monde, alors redresse-toi et comme une fééli, remets-toi à planer jusqu’à pouvoir voler, l’encouragea-t-il gaiement, je déteste ce mot et l’emprise qu’il a sur toi, mais oui, ma maîtresse, vous êtes bien notre héroïne.

Avelilinélia hocha la tête en guise de remerciements, puis se replongea dans ses documents pendant que Lelelitio retourna dans sa chambre.

Toutefois, cette plongée dans son travail n’était qu’une façade, on pourrait plus dire qu’elle était au bord de la plage à attendre.

Attendre quoi ?

Elle-même ne le savait. Elle ne faisait que se pencher sur ses feuilles lisses, éclairées à la lumière de la luxinite.

Les mots réconfortants de Lelelitio ne paraissaient pas suffisants pour redonner courage à Avelilinélia, ce poids qui s’accrochait à ses tripes et qui ne voulait pas la lâcher était bien trop lourds pour simplement l’ignorer. Toutes les espérances des habitants des Basfonds étaient sur ses épaules, le peu de confiance qu’ils lui avaient accordé, le mince bonheur qu’elle pouvait leur apporter… Tout cela ne tenait qu’à un mince fil qui ne cessait de s’effiler, surtout depuis qu’elle avait perdu devant tout le monde face au héros de la légende, la personne dont elle admirait le plus le plus courage et qui… qui avait trahi toutes les certitudes, la foi qu’elle avait envers les principes qu’elle avait adoptés jusque-là.

Tout était aligné pour ce moment précis ! Mais encore une fois, malgré la force de ses convictions, elle avait échoué.

Finalement, bien que certaines fois, les gentils gagnent, c’est le mal et l’injustice qui triompheraient à la fin ? s’interrogea Avelilinélia, c’est ça ? Et peut-être que cela valait aussi pour Nalo… sauf si…

Ne trouvant aucune réponse à ses questions, Aveliline s’écroula sur ses documents et s’enfonça le crâne, à l’aide de ses bras, dans la table. Mais ce qui l’énervait le plus, et elle avait du mal à se l’avouer puisqu’elle n’était pas du genre à médire sur les autres, c’était de devoir devenir le larbin de son homologue de Java-Aleim. Ce n’était qu’une gamine volatile et fantasque, rien de la future leadeuse du royaume de Sylvania. Elle était caractérielle, excentrique et obnubilée par la quête de ses ailes. Et Avelilinélia savait très bien qu’au mieux sa présence la gênait, au pire la dégoûtait, parce qu’après tout elle n’était que le reflet déformée de la princesse des Basfonds, et les gens n’avaient jamais eu de cesse de lui faire remarquer et cela avait dû l’énerver à un point que la présence d’Avelilinélia lui donnait de l’urticaire. Bien qu’elle ne le montrât, la Fée n’en avait que faire des enjeux diplomatiques à venir, de la rescousse des Féériques à travers le monde, de son futur rôle de reine… Tout ce qu’elle voulait c’étaient ses fichues ailes !

Avelilinélia ne savait même pas d’où lui venait cette obsession pour celles-ci, elle n’avait jamais même entendu parler d’un quelconque rôle que pouvait jouer le trône sur l’obtention de ses ailes.

Sans doute encore une facétie de la reine qui s’est laissé aller prendre à une des nombreuses légendes entourant le royaume.

De tout cela mena à une seule chose : Avelilinélia était las.

- Mères…, soupira la princesse déchue, pourquoi êtres venus m’encourager si ce n’est que pour me voir perdre et devenir la servante de cette fée capricieuse ? s’interrogea-t-elle.

Une douce et chaleureuse étreinte vint l’enserrer, cette agréable et reposante chaleur vint lui réchauffer le dos et la réconforter.

- Lelelitio, je t’ai dit d’aller te rendormir, lui ordonna-t-elle, la lumière du jour va bientôt le bout de son nez…

Mais cette chaleureuse embrassée se renforça encore et encore.

- Arrête maman, tu es étouffante ! rit Avelilinélia.

A ses propres mots, Avelilinélia sursauta. Elle sauta de sa chaise et par reflexe tira de sa main un rayon de mana dans la direction d’où provenait l’étreinte. Mais personne ne se trouvait la pièce.

La princesse aptère avait le souffle haletant, encore surpris par cet enlacement fantomatique. Des gouttes de sueur se mirent à perler sur son front. L’expression qu’elle affichait sur son visage était un mélange d’horreur, de surprise et d’incompréhension.

Qu’est-ce qu’il venait de se passer ? se demanda-t-elle.

Elle se souvenait avoir aperçu lors de son combat contre le Héros Malalalivia et Talemilia, et de l’avoir parlé, mais à la fin du combat, elle s’était dit que c’était une hallucination de son esprit fatigué par tous les efforts qu’elle avait avant sa confrontation. Il n’y avait aucun moyen qu’elle puisse voir ses deux mères – même cela lui permis d’avoir un second souffle et de pouvoir se confronter à l’héritier de la légende.

Des bruits de pas retentirent à l’étage et des petites se glissèrent au-delà du mur collé aux escaliers, elles sortirent à la manière de taupes dans un chasse-taupes, tous les enfants regardèrent le trou qu’avait Avelilinélia à la fenêtre de la salle à manger avant de crier leur interrogation au sujet de ce trou nouvellement formé.

- Euh… bah…, bredouilla Aveliliénélia.

Puis elle mima le fait de regarder une montre à gousset qu’elle sortit d’une poche de sa chemise blanche au bouton d’or, aux épaulettes pailletté et à la cravatte rouge d’officiel – alors qu’il ne s’agissait-là que d’un bout de métal circulaire qu’elle avait trouvé la veille.

- Oh bah, je dois y aller ! s’écria-t-elle, dites à Lelelitio de réparer ça et de préparer votre petit-déjeuner ! Et à seize heures, on fera cours, hein, donc profitez de votre journée jusqu’à que je revienne !

Elle n’allait sûrement pas revenir à cette heure convenue comme la veille.

Et les enfants le savaient aussi, d’où leurs rictus complaisant lui disant « oui, c’est cela, oui. », donc ils allaient encore pouvoir embêter Lelelitio toute la journée.

Pourtant, il y avait un garçon parmi eux qui ne sourit pas à l’affirmation de la princesse. Apparemment, lui tenait à ce qu’elle revienne à 16 heures comme elle venait de le dire.

- Aveliline, tu vas vraiment revenir à 16 heures ? lui demanda Ylio, tu as dit que tu m’apprendrais à manier l’épée.

- Mais j’ai jamais dit ça ! réfuta la fée.

- Si ! s’exclamèrent tous les enfants, t’as dit que t’allais te battre contre lui !

Avelilinélia se frotta les tempes de son crâne avec frustration.

- J’ai pas dit ça, protesta Avelilinélia, j’ai dit que j’allais lui apprendre à se battre, mais je suis pas une grande bretteuse moi. Je ne me bats pas vraiment à l’épée, j’ai appris avec la reine mais… vous savez très bien avec quoi je me bats, non ? coupa court la princesse, je demanderais au seigneur Sawyer de passer te voir pour t’apprendre à manier l’épée…

- Non, c’est avec toi que je veux apprendre ! exigea le garçon.

- Pourquoi ? râla encore la princesse.

- C’est pas Sawyer qui a affronté le héros de la légende, c’est toi !

- Techniquement, étant donné qu’il l’a entraîné… bafouilla-t-elle.

- Arrête ça, Liline ! C’est de toi que je veux apprendre et de nulle autre !

Le regard rempli de conviction que lui lança Ylio ne laissa pas indifférente Avelilinélia, elle reconnaissait ses yeux, elle avait eu les mêmes lorsqu’elle exigea un apprentissage auprès de la reine ou tout autre demande enflammée. Elle se redressa alors et fit face au garçon.

Ce garçon empli d’assurance et de désir de force n’était nulle autre que celui qui remarqua que le Héros n’était qu’un vil menteur lorsqu’ils avaient entrepris de kidnapper Beneltig. Il était l’un de ces enfants abandonnés par leurs parents à cause d’une malformation qui fit qu’il était né qu’avec une aile au lieu d’une paire d’ailes comme toutes les autres fées à la naissance. Ce qui le condamna à être jeté comme un malpropre dans le bidonville de Sylvania après des années à être enfermé dans le sous-sol enraciné de sa famille de nobliau. Il n’était qu’une jeune fée, à peine sortie de sa féélicité – l’état transitoire entre la phase bébé d’une fée et sa phase enfant – lorsque les rongeurs profitèrent de sa faiblesse pour lui grignoter les membres et son unique aile. Il fut sauvé de justesse par Avelilinélia alors qu’elle revenait de l’un de ses entraînements avec la reine, elle l’emmena immédiatement au tout nouvellement construit hôpital de Sylvania pour qu’il y soit soigné en toute urgence. Et malheureusement d’après les prévisions des médecins, il n’y avait aucun moyen de sauver son aile sans qu’il en meure puisque son dos entier avait été grignoté par les nuisibles des Basfonds. C’est après une opération de quatorze heures qu’Ylio put être sauvé, mais désormais, comme l’anciennement nommée Malalalivia, il avait été dépossédé de son unique aile. Comprenant l’immense douleur que pourrait ressentir l’enfant à son réveil, Avelilinélia resta à son chevet en lui donnant la main pour le rassurer quand son sommeil était agité, en lui chantant de belles berceuses pour le calmer et lui faire goûter à de délicieux rêves dans son sommeil.
À son réveil, comme attendu, Ylio s’écria de terreur en ressentant la perte de son unique aile, mais Avelilinélia l’attrapa et le serra dans ses bras, tout en lui promettant que tout ira bien , elle le répéta, et le répéta jusqu’à ce que les larmes du garçon s’estompent et qu’il reste silencieux grimaçant de terreur et en m^me temps de douleur. La seule chose qu’il pensait le relier à la race des fées venait de lui être arraché et il n’y pouvait rien… Il n’était devenu rien.

Cependant, cette dernière phrase, Avelilinélia se chargerait de la faire mentir.

Personne ne naît rien.

Personne n’est rien.

Personne.

C’est en côtoyant sa tutrice pendant toutes ces années qu’Ylio se prit d’admiration pour elle et voulut devenir comme elle. Elle était son modèle.

Et Avelilinélia le savait bien.

- Très bien ! Je reviendrai à 16 heures pétante commencer ta formation.

Et tous les deux hochèrent la tête sous les hués des autres enfants qui comprirent que, cette fois-ci, Aveliliénlia ne se déroberait pas à sa promesse.

- En attendant, faites ce que je vous ai dit ! ordonna Avelilinélia, moi je suis en retard !

Elle prit toutes les affaires dont elle avait besoin et les enfourna dans un sac avant de courir en-dehors de la maison. Derrière elle, les enfants lui crièrent :

- Vas-y notre championne ! On est tous avec toi !

Avelilinélia rougit de honte que tout le voisinage puisse entendre les encouragements des enfants dont elle s’occupait.

Et sans faire attention, alors qu’elle marchait à reculons en exigeant qu’ils se taisent, elle percuta Cassandre la mulière.

- Oh désolée ! Je suis désolée !

- Ce n’est rien, j’aurai dû me faire remarquer mais j’étais intriguée par ton altercation avec ses gamins.

- Non mais c’est rien, ils m’embêtent comme chaque matin.

- En tout cas, je suis ravie qu’ils soient autant plein de vie, s’esclaffa-t-elle.

- Moi aussi…, lui sourit la fée aptère.

- Sinon, dit la mulière en tapant dans ses pattes, vu que tu portes cet accoutrement, c’est que tu comptes te rendre au château.

- C’est exact… Et je le trouve très bien cet habit moi : Le collant, la jupe, la chemise militaire…

En fait, il s’agissait plus d’une chemise sertie de boutons d’or avec une doublure dorée et un grand col, qui s'ouvre pour laisser apparaître une chemise à col et une cravate turquoise pailletée en dessous, des petites épaulettes pailletés et sur l’une d’elle se trouvait une cape avec l’emblème du royaume de Sylvania tissé dessus, en plein milieu de sa poitrine y était emboîté une brassière de fer qui avait été forger sur-mesure pour correspondre à ses courbes et qu’elle lui soit légère, les manches de sa chemise était rentré dans une magnifique paire de gants à la couleur blanc nacré et aux contours d’or, et avec un bas qui faisait mi-jupe mi short. Aux pieds, elle portait de longues bottes blanches avec des bordures de la même couleur que celle de sa tenue entière. Cet uniforme de Karyoten avait énormément de ressemblance avec la tenue de commandante de la reine, cependant, il avait été fait sur mesure pour qu’il aille à Avelilinélia, elle fut même à l’initiative des couleurs avec lesquels sa tenue avait été teinté. C’est bien à cause de cela qu’elle en était fière – si elle pouvait la portait chaque jour, elle l’aurait sans nulle doute fait.

- Les goûts et les couleurs j’imagine…

- Ma tenue de Karyoten de déplaît ? lui demanda choquée la princesse.

- Et si je t’accompagnais jusqu’à l’entrée des Basfonds ? esquiva la mulière.

- Ça ne sera pas dangereux pour vous de revenir après ? s’inquiéta la princesse.

- Bien sûr que non, et de toute manière…, chuchota Cassandre, je n’aurais qu’à franchir la frontière pour que de gentils messieurs me reconduisent chez moi, ricana-t-elle à voix basses la vielle femme.

Avelilinélia souffla du nez en haussant les épaules, puis accepta sa volonté de l’accompagner jusqu’à la sortie de leur bidonville.

Les deux femmes Féériques discutèrent de tout et de rien, de leur journée, du beau temps, de leurs hobbies respectifs, des travaux engagés par la reine, de l’immonde soupe qu’on leur avait servi à la cantine du quartier… tout cela sous les regards admiratifs et agacés des habitants. Avelilinélia sentait toute la haine, la rancœur et le mépris des habitants face à celle qui a échoué à tenir sa promesse de devenir reine… Cassandre lui mit un léger coup de genoux dans la cuisse pour la ramener pour eux.

- Mais pourquoi ? dit Avelilinélia décontenancée.

- Concentre-toi Avelilinélia, pourquoi tu écouterais ces minables qui baignent dans leur fange ?

- Tu ne devrais pas dire ça, Cassandre…, les défendit Avelilinélia, je les comprends. J’ai eu de grands discours, j’ai fait des grandes promesses… et je n’ai pas su les tenir… Tu sais je pense parfois que… je ne suis juste pas légitime d’être ce que je prétends être, en fait, dit-elle d’un ton hésitant, je suis une descendante royale après tout. Je me dis que peut-être, je devrais faire comme la reine et vous aidez par un intermédiaire… Finalement, je commence à mieux la comprendre quand elle disait qu’elle, elle ne pouvait pas changer les choses… Toi, Cassandre, ou le vieux Louison, vous iriez très bien dans mon rôle alors…, ne finit-elle pas.

Cassandre fit un bond de quelques centimètres et lui mit une gifle bien senti, avant de l’attraper par le col la princesse déchue. Ses moustaches frétillantes, son pelage marron aux bandes blanches, dru et sale chatouillait le visage de la fée, les yeux jaunes criard de la mulière et le frémissement de ses lèvres effrayaient quelque peu la jeune femme qui n’avait pas l’habitude de lui parler d’aussi près – surtout de la voir aussi agressive, bien qu’elle le soit souvent mais dans une moindre mesure.

- Cesse de te complaindre aussi servilement, Malalalivia, l’invectiva-t-elle, je sais qui tu es vraiment : une trouillarde qui veut à tout prix éviter tout conflit, qui veut se réfugier dans le coin le plus tranquille et le plus reculé du monde pour ne pas se confronter aux autres, et pourtant, tu combats cette lâche envie. Tu as combattu à armes égales avec l’homme que tu admires le plus au monde, tu lui a brillamment tenu tête au point qu’il perde ses moyens, et même lui a reconnu ta bravoure de l’avoir affronté. Tu n’es plus Malalalivia Talemilia, Aveliline, tu n’as plus besoin de te cacher derrière les noms de feu tes parents pour avoir du courage, tu as prouvé que TU es courageuse. Peu importe que tu aies eu une grande gueule en proférant toutes tes désillusions, peu importe que tu échouée à devenir reine, tu ne nous l’as jamais promis ! Ce que tu nous as promis et juré de faire, c’est de laver notre honneur d’êtres vivants, et tu l’as toujours fait sans te dérober à ton rôle. Tu t’occupes d’enfants qui ne sont pas les tiens, tu les éduques, comme tu éduques aussi les adultes qui ont envie d’apprendre à lire, à écrire, à entreprendre, à mener à bien leurs misérables vies, et leurs propres désillusions. Tu leur donnes de quoi être fier de se lever le matin. Bien sûr que tu n’as pas pu faire cela seule, que tout le mérite ne te revient pas, mais ne dénigre pas ce que tu as fait…

- Mais Cassandre, tu es bien gentil dans tout ce que tu dis mais… je reste une princesse, je reste différent de vous. Pour nos concitoyens, je reste une princesse qui doit jouer aux lépreuses…

La colère de Cassandre s’amplifia et elle augmenta la pression qu’elle exerçait avec son empoignade.

- Je vais pas trop te salir avec ma souillure, mais écoute-moi bien princesse sans diadème ni couronne : je t’ai vu avoir le dos couvert de sang à cause de tes blessures, te ramasser lamentablement par terre parce que tu n’arrivais plus à maintenir ton équilibre, te déchirer en deux lorsque les autres fées te méprisaient à cause de la perte de tes ailes, que tu es venu me voir pour le mal-être de Lelelitio d’avoir perdu votre mère alors que tu avais des marques de strangulation au cou, que tu tombais beaucoup plus malade que n’importe qui… Oui la reine a pris soin de toi car elle s’en voulait de n’avoir pu prendre soin d’une parente à elle et qu’elle s’en voulait d’avoir laissé le pays ainsi, mais je te jure que tu vas bien m’écouter Avelilinélia Grave, aucun, et je dis bien aucun d’entre eux, à peut-être quelques exceptions près, et puis qu’est-ce que j’en ai à foutre, aucun d’eux ne pourra prétendre avoir autant souffert que toi ! Et tu souffres encore aujourd’hui alors…

Cassandre relâcha le col et reprit son calme.

- Alors ne pète plus haut que ton cul en te pensant mieux que nous. Tu ne vaut pas mieux que nous car tu n’as jamais eu l’occasion d’être une princesse, ni ta mère avant toi, vous êtes pas d’ascendance royale, vous êtes des rejetés et des parias comme nous, comme l’a été le premier habitant des Basfonds, le prince Grave qui a été rejeté par ses frères, tout comme son nom a été rejeté de l’histoire. Alors contente-toi d’agir pour ce qui te semble juste, continue à avancer sans jamais t’arrêter, fuis cette cachette qui te rend prisonnière bien qu’elle te semble chaleureuse. Ce n’est pas parce que tu n’es pas devenue reine que ton combat est terminé. Le combat ne s’arrête jamais. Le combat continue. Tu es tout aussi minable que nous, l’héroïne des Basfonds.

Avelilinélia ne put cacher un sourire qui allait la mettre au bord des larmes. Il est vrai qu’elle en avait fait du jamais depuis le jour où des malfrats avaient pillée et brulée sa maison, et tuée sa mère, depuis le jour où ses ailes lui ont été arrachées par ces braconniers, depuis le jour où sa seconde mère s’est sacrifiée pour qu’ils puissent vivre pendant les heures sombres du royaume… Elle avait flanché à de nombreuses reprises, mais s’était toujours relevée grâce à ses fortes convictions, son espoir d’avenir radieux pour ses proches et elle, mais surtout grâce à leurs indéfectibles encouragements… Elle aurait voulu s’écrouler sur le sol en les remerciant infiniment de croire toujours en elle malgré son échec au tournoi.

Mais la vieille mulière la stoppa en lui mettant un coup de pied aux fesses.

- C’est pas fini tes pleurnicheries ? se mit elle en colère, il est temps pour toi d’aller fait ce pourquoi tu te bats.

Les yeux grands ouverts, choquée du geste de sa compagnon, Avelilinélia secoua la tête, se redressa et lui sourit fièrement, le corps droit, la poitrine bombée et avec un regard assuré.

- Oui. Il est l’heure pour moi de reprendre ce que nous est dû de droit.

Cassandre lui sourit à pleine dent, lui dévoilant ses crocs de rongeur, puis lui dit plus posément, avec une voie calme et plus sage.

- N’oublie surtout pas pour qui tu te bats et pourquoi tu le fais et tout ira bien.

La princesse aptère hocha le tête, puis poursuivit sa route jusqu’à la capitale rejoindre celle à qui elle avait promis à prendre le trône de Sylvania.

Ah, ces jeunes… Si on leur met pas du plombs dans le ciboulot, ils perdent tout leur moyen, pensa la vieille femme en redescendant en direction de sa tanière.

Cette défaite l’avait au premier abord enragé, surtout quand elle a vu la plage de Haute-Ville, puis les remords et la honte avaient commencé à empoissonner sa volonté, mais désormais il était l’heure de sa revanche, il était l’heure de reprendre ce pourquoi elle se battait. Comme avait la mulière : « Le combat continue ».

Alors va, digne héritière de la volonté des trois anciens Rois-Combattants et de ……… et obtient ce que tu as promis à ton peuple : de la dignité.

La reine l’avait encouragé de la même manière lors du départ du Héros.

- Ne te préoccupe pas des affaires de mon fils, je m’en chargerai moi-même, lui dit Audisélia, continue à te battre pour ces gens à qui tu as promis le bonheur, d’accord ?

- Mais, et les affaires du royaume ? demanda Avelilinélia, et la compétition ? Vous allez pas laisser tout en plan juste après votre destitution ? On va vous détester pour ça.

- Tu sais très bien que je gère cela d’une main de maître ! rit la reine, quoi qu’il arrive, quand j’aurais fini ici, on me jettera sûrement des fleurs pour mon départ tellement les gens m’aiment !

Deux mois plus tard, au tribunal de Haute Cour de Justice de Sylvania.

Habillée de haillons, couvertes de bleus et de blessures, enchainée de la tête aux pieds et dirigée par deux gardes golems de sables, Audisélia était clouée au sol par des chaines d’anti-magie, son corps pendant au-dessus du sol par ses poignets qui étaient surélevés, ses yeux étaient rouges à cause des artères qui avaient éclatés dans ses globes oculaires. Au sol avait été sculpté une horloge de pierre jaune sans aiguilles et au milieu était gravé le symbole du royaume de Sylvania. Face à elle, sur des estrades de la même couleur que la sculpture au sol, se présenta les jurés de la Haute Cour de Sylvania, les conseillers de tout le royaume, aussi bien que son ancien conseiller privilégié que Matgem et Caemgem – tous les deux avaient le regard attristé et impuissant face à cette situation tout bonnement ahurissante, totalement consternés – et les treize juges titulaires, le haut juge président, les trois juges présidents et huit juges vice-présidents. D’autres estrades étaient présentes sur les côtés de la salle de la Haute Cour et y étaient présents toutes les familles nobles de Sylvania, dont celle de la Fée au complet, et la population entière de Sylvania assistait devant leurs écrans au jugement de la reine.

Mais parmi cette assemblée se trouvait aussi la toute nouvelle reine de Sylvania, celle qui avait décidé de convoquer cette assemblée exceptionnelle.

Le haut juge président prit la parole :

- Avez-vous conscience de pourquoi vous êtes là, reine déchue Audisélia.

- Ancienne reine de Sylvania, Audisélia, précisa-t-elle, j’ai le droit au même titre que mes ancienne prédécesseuses.

- Sauf dans le cas qui nous intéresse ici aujourd’hui, réfuta le haut juge président, au cas certains ne seraient pas au courant et pour informer nos plus reculés citoyens, ici est présente celle qui est accusée de haute trahison par le royaume de Sylvania.

- D’ailleurs, je devrais pas avoir le droit d’avoir un avocat ?

- Sauf dans le cas qui nous intéresse ici aujourd’hui, répéta le haut juge président, mais vous devriez le savoir.

- Justement, dit Audisélia, à moins que Sa Majesté n’ait changé la loi juste pour moi, quel honneur ça serait, ricana-t-elle.

L’un des golems de sables fortifia son pied pour qu’il devienne de la pierre et mit un coup de pied dans le menton de la fée, lui blessant les gencives.

- Ne commencez pas à être outrageuse.

Audisélia lança un regard d’une fureur outrancière en direction du haut juge président qui frissonna de tout son corps, tremblant furieusement le temps d’un instant, devant la menace à peine voilée de la reine. La fée au crâne dégarni n’avait jamais eu l’occasion de se confronter à l’ancienne reine, vieillissant en ayant eu aucune affaire notable tellement le travail qu’elle abattait à elle seule était conséquent. Il la voyait passer de loin, et comme un enfant dans une cour de récréation, il s’informait sur elle en entendant les ragots et autres rumeurs qui se répandaient parmi les conseillers. Malheureusement, n’ayant fait aucune formation militaire ou policière, il n’eut jamais eu l’occasion d’assister aux exploits d’Audisélia en personne, mais ce qui en résultait le terrifiait comme un petit enfant redoutant l’arrivée du croque-mitaine dont lui parlait les contes et ses amis à la sortie de l’école. Ce croque-mitaine était désormais là en face d’elle enchainée de part et d’autre et il allait pouvoir être celui qui pourfendra le mal qui terrifiait ses nuits.

C’est ainsi qu’il put reprendre ses esprits et décider de se confronter à celle qui était redoutée par tout le royaume et au-delà.

- Ne vous croyez pas tout parmi parce que vous êtes beaucoup la puissante de nos congénères ! s’égosilla le haut juge président pour palier la torpeur qu’il avait subir à l’instant, surtout dans votre position. Dire que vous êtes une de nos congénères est déjà une assez bien grande insulte envers nous autres fées… La sans-nom ici présente, plus communément connue sous le nom d’Audisélia II Vanguard, a non seulement été accusée d’avoir usurpé l’identité de la supposée fille du grand héros Torn et de dame Audisélia première du nom, d’avoir trompé nombre d’habitants de notre royaume, dont le fils de Torn et la reine ici présente, mais pire que tout, parmi tous les crimes que nous notifieront plus tard, elle est accusée du plus abominable crime, celui d’avoir dupé tous ses « congénères » et concitoyens en manipulant ses origines et ne pas être naitre fée mais… de n’être qu’une création maléfique ! Audisélia, de son faux nom, n’est rien d’autre qu’un homonculus !

Nous y voilà…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire ImaginaryFlame ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0