Nouvelles amitiés et nouvelle discorde

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Quelques heures plus tôt, à la fin de la première heure et dernière heure de cours pour les princesses candidates, la Fée qui devait rendre son dernier devoir à sa professeure principale, Dame Sepalani, une vieille fée issue du Sanctuaire qui avait prévu de prendre sa retraite après l’élection de la prochaine reine – bizarrement en même temps que la reine… Je plaisante, c’était une simple coïncidence. Alors que la Fée, tenant fermement son devoir entre ses mains, pour ne pas qu’ils « disparaissent » malencontreusement parce qu’elle l’aurait quitté des yeux en le posant sur le siège en bois juste à côté du sien, attendant dans le couloir que Dame Sepalani ait terminé son entrevue avec une autre fée pour une tout autre raison, vit, du coin de l’œil, s’approchant d’elle depuis le fond du couloir, une candidate princière aux grandes ailes scintillantes brunâtres, vêtue d’une robe brillante aux raies de perles serties de façon sinusoïdales et aux manches bouffantes, et chaussée d’escarpins noirs pailletés très chics. Et cette princesse n’était nul autre que Lavemmelia B’chiret. Une princesse qui ne portait pas notre Fée dans son cœur – et c’était bien évidemment réciproque pour notre protagoniste féminine.

Par respect mutuel chacune pour l’autre, elles se saluèrent cordialement avec un simple hochement de tête, ensuite la princesse rivale vint s’asseoir à côté de notre protagoniste féminine, jambes et bras croisés, une position ultra défensive à l’encontre de la Fée. Bien entendu, la haine que se portait les deux jeunes filles datait de bien avant l’organisation de l’élection de la nouvelle reine – mais préalablement, cela a joué puisqu’elle s’y prépare depuis leur naissance, et cela s’est renforcé avec l’annonce d’une élection prématurée. Toutefois, comme souvent, elle était née de rien. Pas d’un rien, mais vraiment de rien. Des affinités et des amitiés naissent sans qu’on sache pourquoi et de cela ressort des inimitiés pour des raisons puériles comme souvent : « parce qu’untel n’est pas l’ami d’untel donc je suis pas l’ami de cette personne », « cette personne s’est disputée avec celle-ci donc je peux plus être ami avec cette personne ou du moins ne plus lui parler »,… Que cela soit pour les petites ou grandes personnes, c’est toujours ainsi que cela se déroule et la maturité n’y changera rien, juste on dira que cela nous passe au-dessus et qu’on peut être ami avec quiconque sans savoir que c’est aussi une pensée puérile et qu’on se dirige nous-même vers l’ostracisme, car comme le dit l’adage : « l’ami de tout le monde n’est l’ami de personne ». C’est ainsi que des « clans » se formèrent qui, forcément avait quelques personnes qui pivotaient d’un clan à l’autre, servant de jointure, d’espions ou d’apostats puisque s’écartant du noyau central de leurs groupes respectifs… Mais comme dans beaucoup de cas, comme je l’ai dit avant, ces inimitiés naissent de rien et cela tout le monde l’oublie…

Cependant, contrairement à bon nombre de personnes s’arcboutant sur leurs aprioris d’alors, les deux jeunes futures reines l’ont découvert à leur insu puisque étant coincé dans ce couloir en attendant que la professeure Sepalani finisse de discuter avec cette autre fée. Elles découvrirent que chacune se haissait sur la base de rien. Bien sûr, Lavemmelia B’chiret avait ses aprioris concernant la Fée puisqu’elle n’avait pas d’elle et qu’instinctivement, à cause des dogmes, des traditions et histoires qu’on lui avait inculqué, elle rejetait son homologue aptère, mais à la différence de Mananélia qui détestait la Fée pour des raisons plus palpables, beaucoup plus tangibles, Lavemmelia n'en possédait aucune. Cette détestation de l’autre n’était la résultante de mésentente, de rumeurs, de platitudes… insignifiantes dans la vie de chacune. Et toutes les deux le découvrirent à leur grande incompréhension. Elles découvrirent chacune qu’elles avaient plus de choses en commun que de choses sur lesquels se diviser, elles étaient effectivement capables de s’entendre sur leurs goûts musicaux, culinaires, les histoires qu’elles avaient en commun, leur humour…

Lavemmelia qui était, au départ, sur la défensive, finit par se relâcher et se rapprocher de la Fée qui, elle, s’était mise en retrait pour ne pas à avoir à se confronter à une nouvelle crise. Toutes les deux se rapprochèrent l’une de l’autre, tout sourire et parlant de plus en plus fort, s’apercevant qu’elles partageaient autant de qualités, de traits de personnalités et de hobbies. Ces discussions entre elles refit penser à la Fée qu’un jour le Héros avait été accosté par Lavemmelia qui avait tenté de sympathiser avec lui, mais contre toute attente, le Héros s’était aussi essayé à cette démarche puisque quelqu’un était venu l’accoster, cependant cela a tourné au vinaigre puisque le Héros avait fait une tentative d’humour qui avait été mal comprise par la fée qui s’était en allée en pestant.

Lavemmelia éclata de rire en entendant cette histoire :

- Mais moi je croyais qu’il s’était fâché parce que je ne me souvenais plus du nom que les gens des Basfonds lui avaient donné ! Je n’avais pas compris que c’était de l’ironie ! s’écria-t-elle.

- En même temps, non seulement cet idiot porte cette malédiction qui nous empêche de bien distinguer ses émotions, mais en plus, lorsqu’il ne connait pas quelqu’un il a tendance à chuchoter. Parfois, je regrettais où je lui avais offert cette tablette magique, rit la Fée au bord des larmes.

- Après, je pense qu’on s’est bien rabiboché puisque je dois dire qu’il reste un garçon très intéressant et sympathique quand on le connait un peu plus.

- C’est vrai, c’est vrai, dit-elle en essuyant ses larmes, et puis j’imagine que tu n’es pas au courant qu’il te tarissait d’éloges malgré votre chicanerie.

- Non. Mais je vois que tu uses de mots désuets pour parler, rit la princesse rivale, ne te fais pas plus vieille que tu ne l’es.

- Je ne fais que me mettre à la hauteur de mon futur titre, se pavoisa-t-elle en imitant une grande dame.

La princesse rivale s’esclaffa de rire et la Fée fut rassurée que Lavemmelia n’ait pris sa remarque trop au sérieux pour qu’elles puissent continuer à bien s’entendre.

- Et c’était quoi ses fameux compliments ? demanda Lavemmelia.

- Que bien que tu ne sois pas son style de fille, il te trouvait très jolie, surtout avec tes cheveux frisés, que tu étais une personne très sérieuse et intelligente, et moins austère que Roxannélia.

- Compréhensible puisque je le suis, se vanta de façon ironique Lavemmelia, mais pour sa première, il a dû dire ça puisqu’il devait déjà avoir son style de fille à ses côtés, gloussa-t-elle en mettant une de ses mains devant ses lèvres.

- Hein ? dit la Fée pleine d’incompréhension.

- Et toi, ça ne te gêne pas que ton prince charmant te parle de ses goûts en matière de filles ? la titilla-t-elle en lui mettant des petits coups de coude dans les côtes.

Prenant la teinte d’un rouge écarlate faisant disparaître sa couleur naturellement rosée des fées, la peau de la Fée rougit et ses yeux grossirent en une fraction de secondes, cela fut suivi de borborygmes totalement incompréhensibles et sa bouche prenant des formes bizarroïdes devenant une fleur, un cercle parfait, une muraille d’émail d’où s’échappait un simple sifflement… jusqu’au moment où des mots finirent par sortir de sa cavité buccale.

- B… B… Bah… Bah non ! ABSOLUMENT PAS ! J’AI DÉJÀ QUELQU’UN ! cria-t-elle.

Lavemmelia était amusée de voir sa rivale aussi vivante. Généralement quand elle la voyait, elle avait le regard dans le vague, le visage pâle, n’affichant que tristesse et lassitude lorsqu’elle n’était pas accompagnée de ses amis ou de son amoureux actuels.

- Ce qui est amusant, commenta la princesse aux cheveux bouclés, c’est qu’il a eu la même réaction que toi quand on lui a demandé, mais lui a prétexté que tu étais trop jeune avant de s’en aller tout grognon, même si on savait Marinélia et moi que ce n’était que de l’esbroufe.

A ce moment-là, la Fée eut un simple rire. En un instant son cerveau se mit à cogiter, autant sur le fait que le Héros avait eu la même réaction qu’elle, ce qui laissait sous-entendre qu’ils partageaient peut-être les mêmes sentiments l’un pour l’autre, mais le plus important, ce n’était pas cela, elle aurait le temps de ronger son oreiller d’avoir rien pu dire au Héros avant son départ, non le plus important, c’était que bien qu’elle était considérée comme une paria, un déchet, une moins-que-rien, elle était quand même sujette à enquête et qu’elle était peut-être en retard sur le plan stratégique vis-à-vis des autres princesses puisqu’elles avaient déjà commencé à s’allier bien avant que vienne l’heure des élections. Jacob lui en avait déjà parlé et lui avait dit que c’était le meilleur moyen d’accéder au trône, d’où son sacrifice lors du tournoi, mais elle aurait pensé qu’après le tournoi, ça serait chacun pour soi… Mais non ! Le jeu d’alliances se poursuivait, et son point culminant était ici et maintenant ! Et elle avait des mois, voire des années de retard sur ses concurrentes.

Comment avait-elle pu être aussi naïve ? se disait-elle, c’était sûrement car elle avait un rêve puéril, des parents compréhensibles et gentils ou elle ne savait quoi d’autres qu’elle ne s’était pas mise en tête que c’était une véritable compétition, et que peut-être qu’il était temps qu’elle arrête de considérer cette compétition comme un « simple jeu ». Après tout, bien que cela soit indirecte, Thoosa était morte à cause de celui-ci, elle-même avait subi bon nombre de tentatives d’assassinats… L’enjeu du trône était bien plus important qu’obtenir le moyen d’avoir des ailes ou être la fée de la légende, et bien que la reine veuille rendre cette compétition la plus fairplay possible, il reste que de nombreuses personnes tirent les ficelles en coulisses et que la Fée était peut-être face à plusieurs grandes machinations qui finiront par la broyer sans qu’elle s’en rende compte.

Un déclic s’était fait dans le cerveau de la Fée, cela allait peut-être un peu plus de temps pour qu’elle le réalise complètement, mais quelque chose allait changer.

La Fée poursuivit la conversation avec Lavemmelia comme de si rien n’était, explicitant qu’elle ne ressentait qu’une profonde amitié pour le Héros et qu’elle était fidèle à Beneltig, ensuite elles discutèrent de la future représentation scénique d’un certain artiste du nom de Jackomiel, puis la discussion se poursuivit dans la joie et la bonne humeur.

- Et donc le Héros n’est pas ton prince charmant ? dit Avelilinélia.

- C’est tout ce que tu as retenu ? rouspéta la Fée.

- Bien sûr que non, soupira la princesse déchue, néanmoins, je suis ravie que tu t’es aperçue que la compétition était série…

Un flash se fit dans l’esprit d’Avelilinélia, elle aussi eut un déclic inespéré. Elle réfléchit quelques instants et s’écria en se levant de sa chaise adorée.

- Mais c’est bien sûr ! Les votes !

- Quoi ? Les votes ? demanda la Fée.

- Pour l’instant ce n’est qu’une supposition, alors je vais pas te perturber avec ça alors que tu as énormément à apprendre durant ces deux semaines donc je vais me contenter d’y réfléchir seule… Tu as un carnet vierge ?

La Fée hocha la tête, baissa la tête en-dessous de son lit et en sortit un d’un casier en bois, Avelilinélia la remercia et elle se dirigea vers son bureau pour noter des trucs.

- D’ailleurs, pendant que tu me racontais ton histoire, qui d’ailleurs va devoir se poursuivre, on doit avoir quelques candidates dans la poche et même d’ex-candidates pour sortir victorieuses de cette batailles, je pense que les épreuves de la reine porteront bien entendu sur la magie, la stratégie militaire, l’histoire du pays et son roman national, mais aussi l’entraide citoyenne, le chant la danse…

L’écoutant ânonner la liste des choses auxquelles elle devrait se préparer, la Fée se rendit compte de la chance qu’elle avait d’avoir sous son aile – si elle en avait – une personne aussi contentieuse, sérieuse, pas avare en travail… Il lui avait bien fait une sale crasse, mais Avelilinélia était bien le meilleur cadeau qu’il aurait pu lui donner. Elle se rendit compte de la chance d’avoir une personne aussi dévouée pour compagnon et directrice de campagne.

Désormais, quoi qu’il arriverait dans le futur, elle tiendrait sa parole.

[Deux mois, deux semaines et trois jours plus tard]

Au milieu de la grand-place, parmi la foule effrayée qui assistait à ce combat se dressait deux fées, toutes les deux étaient armées d’une épée et se toisait du regard. Leurs vêtements étaient déchirés, leurs visages bleutés par les coups et lacérés par leurs armes, l’une avait perdu l’une de ses bottes pendant que l’autre s’était retrouvé complètement les pieds à nu et ensanglantés. La tension était palpable, l’atmosphère était électrique, le mana tourbillonnait autour d’eux et faisait trembler toute la foret des fées à l’extérieur du royaume. Les deux adversaires se jaugeaient, bien que l’une des deux se savaient bien plus novices dans le combat que l’autre, mais elle avait une chance de pouvoir la vaincre sur ce terrain puisqu’elle pensait être bien plus adroite et avoir une meilleure maîtrise de la magie qu’elle, et que l’épée n’était pas son arme de prédilection. Cela était suffisant pour la Fée pour penser avoir une chance face à Avelilinélia. C’est pour cela quand sans plus attendre, elle s’élança en direction de son ancienne directrice de campagne en se boostant à la magie complexe de vitesse de niveau sept pour la prendre de court, ce qui fonctionna puisqu’Avelilinélia ne l’aurait pas cru aussi imprudente, mais sa colère grignotait sur sa raison. Celle-ci esquiva de justesse le coup d’épée qu’elle allait recevoir, la lame lui éraflant la joue, mais arrêta la Fée grâce à son pouvoir vectoriel et lui décocha un violent coup de pommeau dans le foie, lui faisant cracher ses tripes avant de l’envoyer valser contre le mur d’une boutique. Sans plus attendre, la Fée se releva à l’aide de son épée, tout en foudroyant du regard son ancienne amie.

- Comment oses-tu me trahir, Aveliline ? s’insurgea la Fée.

Aveliliénlia descendit des gravats de la fontaine qu’elles avaient détruite et s’avança en direction de son ancienne protégée.

- Je ne te laisserai pas la tuer ! dit Avelilinélia.

- Après tous ses mensonges et toutes ses trahisons, la moindre des choses, c’est qu’elle meurt ! hurla la Fée.

- Arrête ça ! Tout ce que tu veux c’est te venger pour tes envies puérils ! la conspua-t-elle.

- Comme s’il n’y avait que moi qui n’avait pas le droit de me venger : elle, ce connard de Nalo, mais aussi toi ! brailla-t-elle en secouant son épée comme une folle, vous tous avez le droit d’arracher la vie de ceux qui vous ont fait du mal, mais moi je devrais apprendre le pardon ? déclama-t-elle, non… ni aujourd’hui, ni plus jamais, je ne vous laisserai dicter qui je suis…

- De qui veux-tu que je me venge, ma chère enfant ? L’homme qui m’a pris mes ailes s’est enfui, il y a bien longtemps avec elles… De qui putain veux-tu que je me venge ?

- De nous, bien sûr…, rétorqua la Fée, nous qui t’avons laissé dans ce bidonville alors que tu es censée faire partie des nôtres, toi la descendante légitime des Rois-Combattants…, lui sourit la Fée

- Tu n’es personne, gamine…

Entendant cette dernière phrase, la Fée s’immobilisa, la bouche ouverte, le regard beaucoup plus sombre qu’elle n’avait affiché auparavant.

- Qu’est-ce que tu sous-entends, la moins-que-rien ? s’offusqua-t-elle.

- C’est un groupe informe de personnes qu’on appelle « population » qui a accepté la décision des Rois-Combattants de bannir mon ancêtre, ta décision ne vaut rien s’ils refusent de s’y plier. Alors, je ne compte en rien me venger de gens qui sont déjà morts et enterrés.

- Arrête de me prendre de haut, alors que tu ne vaux pas plus que moi. Devant tout le monde, elle s’est parjurée en faisant preuve de félonie, alors si tu tiens tant que ça à te mettre en travers de ma route et de ma justice, moi en tant que, …

- A mes yeux, tu n’es rien de cela alors évite de donner ce titre !

- …, je veux mettre fin à cette maudite lignée de traîtres que sont les Grave en vous tuant toutes les deux, l’anathématisa les deux fées.

Et tous les deux s’élancèrent l’une contre l’autre, croisant le fer de leurs épées l’un contre l’autre et provoquant des bourraques de mana partout dans Haute-Ville.

Tout cela sous les yeux hagards de Lucello.

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