À un souffle de la chute.

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Point de vue Elijah.

Le silence du bureau de mon patron pesait comme un étau autour de moi. Je restai debout, les mains dans les poches pour masquer la tension qui nouait mes doigts. Derrière son large bureau en bois sombre, Lorenzo m’observait, le regard froid et perçant. Depuis la partie de poker, je savais qu’il me testait et pourtant, ce soir, il y avait autre chose. Tout comme la veille où je n'avais fais que des conneries.

Il s’appuya contre le dossier de son fauteuil en cuir, un verre de whisky à la main. Sous la lumière tamisée, l’ombre découpait la ligne stricte de sa mâchoire ainsi que la courbe arrogante de son sourire à peine esquissé.

— T’as fait du bon boulot. Sa voix était calme, trop calme. Mais tu n'est pas idiot, Elijah. T’as compris que Berkov est un problème.

J’acquiesçai sans un mot, il savait déjà ce que j’avais découvert. Il savait toujours tout et c’était ça le vrai danger avec lui : il voyait au-delà des apparences.

— Je gère Berkov. Il posa lentement son verre sur le bureau. Toi… Tu restes là où je te dis de rester.

Je détestais cette façon qu’il avait de me parler, comme si j’étais un jouet entre ses mains. Mais je détestais encore plus la chaleur sourde qui me mordait le ventre chaque fois qu’il s’adressait à moi. Depuis quand ressentais-je cela ?

— Si je suis là, c’est parce que je sais me rendre utile. Ma voix était plus sèche que je ne l’aurais voulu. Je ne suis pas un pion.

Un silence. Un de ces silences lourds et étouffants. Il se leva sans me quitter des yeux, contournant lentement son bureau et quand il s’arrêta juste devant moi, la tension se resserra d’un cran.

— Pas un pion… Il répéta mes mots avec un murmure presque moqueur. Tu joues avec le feu, Elijah.

Son parfum, un mélange de cuir et de tabac, me frappa de plein fouet. Trop près, trop intense. Je savais que je devrais reculer mais mes pieds restaient ancrés au sol. Il y avait habituellement cette frontière invisible entre nous et ce soir, elle semblait dangereusement fragile.

— C’est vous qui avait commencé ce jeu. Ma voix se fit plus basse, plus rauque.

Un éclair passa dans ses yeux. Pas de colère, plutôt quelque chose de plus trouble, de plus insidieux. Il s’approcha encore jusqu’à ce que nos épaules se frôlent. Je sentis alors mon souffle se bloquer dans ma gorge.

— Et toi, tu continues à y jouer. Il esquissa un sourire lent et calculé. Je me demande si tu sais seulement ce que tu risques.

Une décharge me traversa. Ce n’était pas seulement la menace ni même la manière dont il me fixait, c’était ce foutu courant électrique, cette attirance sourde et malsaine qui rampait sous ma peau. Et ce qui me perturbait le plus, c’était que je savais qu’il le ressentait aussi. J'en étais persuadé. Sinon, pourquoi se comporterait-il de la sorte ?

— Je prends mes risques. Ma voix se fissura légèrement sur la fin.

— Toujours. Il eut un léger rire, presque bas. C’est ce qui me plaît chez toi.

Ces mots m’arrachèrent une brûlure au creux du ventre, je me détestais de réagir comme ça. De ne pas être capable d’ignorer l’ombre d’envie dans sa voix, cette tension qui vibrait entre nous depuis des semaines et qui, ce soir, semblait sur le point d’exploser.

Il leva lentement la main et son pouce effleura ma pommette. Un geste léger et presque distrait, bien trop intime pour être banal.

— Tu n'es pas fait pour ce monde, Elijah. Son murmure glissa contre ma peau, m’arrachant un frisson que je ne pus retenir. Mais tu es toujours là.

Je déglutis difficilement, luttant contre l’envie de reculer ou peut-être contre l’envie de ne pas le faire.

— Et toi, tu me gardes... Susurrais-je en le tutoyant pour la première fois. Je n'avais pas réfléchis, agissant simplement sous la pulsion et l'ambiance du moment.

Les mots m’échappèrent avant que je ne puisse les ravaler. Il y eut un éclat dans ses yeux, un mélange de défi et de quelque chose de plus sombre, de plus profond. Il ne répondit pas tout de suite mais sa main glissa lentement de ma joue avant de retomber.

— Mais si je découvre que tu joues sur deux tableaux, Elijah… Je te briserais.

Je ne répondis pas, ce n'était pas utile. Il savait déjà que je comprenais la menace. Et ce n’était pas seulement la peur qui me collait à la peau, c’était cette sensation plus perverse, plus dangereuse.

Je devrais le détester. Je devrais vouloir m’éloigner de lui avant qu’il ne me détruise vraiment mais au fond, une part de moi voulait encore jouer.

L’air était devenu plus lourd, presque étouffant. Chaque seconde s’étirait, tendue comme un fil prêt à se rompre et Lorenzo était toujours trop près. Son parfum m’encerclait, brouillant mes pensées. Je devrais reculer. Je devrais partir mais je n’en faisais rien. J'en étais incapable comme si une force invisible m'en empêcher.

Son regard s’était durci mais sous la surface, quelque chose de plus trouble vacillait. Cette tension qu’on ignorait depuis trop longtemps menaçait d’exploser. Il n’y avait plus d’espace entre nous et à chaque inspiration, mon torse effleurait le sien.

— Tu joues un jeu dangereux, Eli… Sa voix était basse et rauque, comme un grondement au creux de ma poitrine.

Je sentis sa main frôler ma taille. Ce ne fut pas un geste brusque mais plutôt une provocation calculée. Mes nerfs étaient à vif, mon cœur battait trop vite et trop fort. Je le haïssais de me faire ressentir ça tout comme je me haïssais encore plus de ne pas vouloir m’éloigner.

— Je ne suis pas le seul à jouer... Les mots m’échappèrent, plus rauques que je ne l’aurais voulu.

Son sourire effleura le coin de ses lèvres, un sourire sans chaleur mais terriblement dangereux. Il pencha légèrement la tête, assez pour que son souffle brûlant glisse contre ma joue. Une part de moi savait qu’il jouait avec moi, qu’il me testait, qu’il me poussait à franchir une limite qu’on n’était pas censés franchir. Mais l’autre part… L’autre part voulait céder.

Son pouce traça un cercle lent sur ma hanche et mon corps réagit avant mon esprit, je me rapprochai. Je sentis la tension trembler dans ses muscles ainsi que la chaleur de sa peau sous sa chemise. Nos lèvres n’étaient plus qu’à un souffle.

— Tu es sûr de vouloir ça ? Murmura-t-il mais je vis dans ses yeux qu’il était aussi près de la rupture que moi.

Je n’avais pas de réponse. Peut-être qu’il n’y en avait pas. Ses lèvres effleurèrent les miennes, juste un instant. Une brûlure douce, frustrante mais ô combien insuffisante. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, prêt à éclater. Si je l’embrassais, il n’y aurait plus de retour en arrière et pourtant, je n’avais jamais été aussi près de le faire.

Puis soudainement, la porte claqua.

— Boss.

La voix sèche de Rocco nous figea comme une gifle glacée. Lorenzo se redressa aussitôt, son visage retrouvant cette froideur impénétrable. Moi je reculai d’un pas, le cœur battant à tout rompre, tentant de reprendre le contrôle de mes nerfs. Le second, fidèle bras droit du patron, se tenait dans l’encadrement de la porte. Sa mâchoire était serrée, ses yeux sombres glissèrent lentement de moi à Costa. Il avait tout vu et clairement, ça ne lui plaisait pas.

— Je dérange peut-être ? Lança-t-il, sa voix teintée d’une ironie glaciale.

Je me mordis l’intérieur de la joue pour m’empêcher de réagir. Lorenzo lui, resta impassible mais je vis l’ombre d’une tension crispée au coin de sa mâchoire.

— Qu’est-ce que tu veux, Rocco ? Sa voix était redevenue tranchante et je n’étais pas dupe, il n’aimait pas particulièrement qu’on l’interrompe. Encore moins à cet instant précis.

Rocco croisa les bras, le regard toujours braqué sur moi comme si j’étais un intrus.

— Un problème avec Berkov, il bouge sur les docks plus vite qu’on ne le pensait. On doit agir.

Un silence, un battement trop long. J’aurais dû partir mais mes jambes restaient clouées au sol, incapables de bouger alors que la tension de ce qu’il venait de se passer flottait encore dans l’air. Lorenzo hocha lentement la tête sans quitter le nouveau venu des yeux.

— J’arrive.

Rocco ne bougea pas tout de suite, me fixant un instant de plus avec un éclat dur dans le regard. Un avertissement silencieux. Puis il pivota sur ses talons et quitta la pièce, laissant la porte entrouverte. Je laissai échapper un souffle tremblant, mes poings toujours crispés.

— Il ne m'aime pas beaucoup. Ma voix était plus stable que je ne m’y attendais.

— Il n'aime pas ce qu’il a vu. Répondit Costa, le ton neutre mais ses yeux me brûlaient encore.

Je relevai le menton comme pour défier la tension qui vibrait entre nous.

— Et toi ? Lui demandais-je sans détour, ayant arrêter de réfléchir avant de parler.

Il ne répondit pas tout de suite. A la place, il s’approcha de nouveau, juste assez pour que nos épaules se frôlent en passant. Sa voix, basse et menaçante, effleura mon oreille :

— Moi, je déteste qu’on me coupe au milieu de quelque chose d’intéressant.

Je restai figé alors qu’il quittait la pièce à son tour, me laissant seul avec ce foutu feu sous la peau. Un feu qu’il venait d’allumer et que personne ne pourrait éteindre.

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