Suspicion et tension.
Point de vue Elijah.
La salle de réunion improvisée, située dans un des sous-sols de l’Antre d’Or, était plongée dans une ambiance lourde. Les murs de béton brut et les néons clignotants renvoyaient une atmosphère oppressante, bien loin du faste et des paillettes du casino. Rocco, visiblement agacé, faisait les cent pas autour de la table, ses chaussures martelant le sol de manière rythmée. Moi, j'étais assis au bout de la table, l'observant calmement. Je savais que cette conversation ne serait pas simple. Depuis quelques jours, depuis qu'il nous avait surpris dans le bureau du patron, Rocco semblait de plus en plus méfiant à mon égard et cette réunion improvisée ne présageait rien de bon.
— Tu crois que je ne te vois pas ? Lança t-il d’une voix tranchante. Tu penses peut-être que t’es plus malin que tout le monde ici mais je te connais, Carter. Y’a quelque chose qui cloche chez toi.
Je restais impassible bien que je sentais la tension monter en moi mais je choisis de ne pas répondre tout de suite, laissant le silence jouer en ma faveur. Rocco continua en s’approchant de moi, les poings serrés.
— Tu débarques ici avec ton air de mec parfait, tes solutions miracles pour blanchir l’argent et Monsieur Costa te fait confiance les yeux fermés ? C’est trop beau pour être vrai.
— Ce que vous dites là, Rocco, commence à ressembler à une accusation, répondis-je d’un ton calme mais ferme. Si vous avez quelque chose de concret contre moi, dites-le. Sinon, vous perdez votre temps et le mien avec.
Rocco se pencha brusquement vers moi, ses mains s’écrasant sur la table dans un bruit sec.
— Ne joue pas à ça avec moi, Carter. Je sens ces choses-là. Si t’as un truc à cacher, je te démasquerai.
Je le fixais droit dans les yeux, ne laissant transparaître aucune émotion. Je savais que montrer la moindre faiblesse serait un aveu de culpabilité hors, ce n'était pas le moment de flancher.
— Je fais mon boulot, répondis-je enfin d’une voix glaciale. Si vous avez un problème avec ça, vous pouvez toujours aller en parler à Monsieur Costa. Mais si vous continuez à perdre votre temps à essayer de m’intimider, vous risquez de passer à côté de vrais problèmes.
Mon ton calme et assuré semblait déstabiliser Rocco. Ce dernier recula légèrement mais son regard restait méfiant.
— Tu crois peut-être que t’es intouchable parce que Lorenzo t’aime bien ? Tu ferais bien de faire attention, Carter. Les gens ici, ils peuvent sentir la peur et moi, je sens un truc chez toi...
Je me levais lentement, les mains dans les poches et affichant un air décontracté.
— Rocco, je comprends que vous soyez loyal envers Monsieur Costa mais votre paranoïa pourrait bien vous faire commettre une erreur. Si vous voulez lui faire perdre son temps avec vos soupçons infondés, faîtes-le. Moi, j’ai du travail.
Je contournais la table, jetant un dernier regard à Rocco avant de quitter la pièce.
— Tu te crois malin, Carter, entendis-je Rocco grognait dans mon dos. Mais on verra combien de temps tu tiendras.
Je continuais de marcher sans me retourner, me rendant dans le bureau qui m'avait été attribué à mon arrivée ici, bien conscient que Rocco ne lâcherait pas l’affaire. Mais je savais aussi que chaque pas que je faisais dans cet univers était un pas plus près du danger. Je me promis de redoubler de prudence, Rocco n’étant pas un homme à prendre à la légère et je le savais mieux que personne.
Une heure à peine après cette confrontation, mon patron me rendit une petite visite. J'aurais dû sentir le coup venir quand il est arrivé ce matin avec un léger sourire en coin et une petite fille accrochée à sa main. Elle avait les mêmes yeux sombres que lui, une cascade de cheveux noirs soigneusement attachés en deux couettes désordonnées et une énergie débordante qu'elle ne cherchait même pas à contenir.
— Elijah, je te présente Chiara, ma nièce.
Son ton était léger, presque trop décontracté et rien que là, j'aurais dû me méfier. Lorenzo ne faisait jamais rien sans raison. Mais avant que je ne puisse poser la moindre question, il m'avait déjà assené la suite.
— Je dois m'absenter quelques heures, un contretemps. Tu peux me la garder jusqu'à midi ? Je ne peux pas l'emmener avec moi, tu comprends certainement pourquoi sans que je ne doive te faire un dessin.
Refuser n'était pas une option, pas quand c'était Costa qui demandait. Alors j'avais haussé les épaules, ravalé mon soupir et lancé un sourire crispé à la gamine.
— Euh… Ouais, bien sûr. Pas de souci.
Chiara m'avait fixé avec un grand sourire plein d'assurance, comme si elle avait senti mon inconfort et Lorenzo, avant de partir, m'avait tendu un bout de papier griffonné à la va-vite.
— Mon numéro perso. Si il y a le moindre problème, tu m'appelles.
Son numéro personnel. Je l'avais glissé du bout des doigts dans ma poche comme s'il était brûlant alors que mon patron repartait aussi vite qu'il était arrivé, me laissant avec un petit démon. Je n'avais jamais été très à l'aise avec les enfants, n'ayant pas spécialement la patience pour m'occuper d'eux mais après tout, il n'y en avait que pour quelques heures à peine. Elle pourrait sans doute se tenir tranquille, n'est-ce pas ?
Cette mission aurait dû être simple.
Ça ne l'a pas été.
En moins de dix minutes, Chiara avait exploré tout le bureau. Elle avait ouvert chaque tiroir, touché chaque objet et posé mille questions à la minute. Elle ne semblait pas vouloir m'épargner, moi qui ne savait pas m'occuper d'un môme. Un long soupir franchit mes lèvres alors que mon regard se fit presque désespéré.
— Pourquoi y a une arme dans ce tiroir ?
— Referme ça tout de suite.
— Pourquoi je dois refermer ?
— Parce que je te le demandes.
La petite fit la moue quelques secondes, avant de reprendre aussitôt :
— T'es amoureux de mon tonton ?
J'ai failli m'étouffer, toussotant pour essayer de reprendre contenance. Cette gamine allait finir par m'achever.
— Quoi ?! Non ! Pourquoi tu dis ça ?
Elle avait haussé les épaules d'un air trop malin pour une enfant de huit ans.
— Parce que tu rougis.
Je n'étais pas sûr de survivre jusqu'à midi.
Après une heure à la suivre à la trace pour éviter qu'elle ne mette le feu à l'immeuble, j'avais déjà les nerfs en pelote. Elle semblait avoir une capacité innée à découvrir les zones interdites et à toucher ce qu'elle ne devait pas. J'allais devenir fou. Je n'avais pas signer pour ça en entrant dans ce foutu casino.
Et puis fatalement, il fallait que ça se produise.
Elle jouait avec une chaise pivotante quand j'ai entendu un bruit sec, suivi d'un petit cri. Quand je me suis retourné, elle était par terre, une main plaquée contre son genou à vif et bien gonflé.
— Bordel… Ca va ?
Chiara hocha la tête, mâchonnant sa lèvre inférieure pour ne pas pleurer mais son genou saignait et je ne savais absolument pas comment gérer ça. Pourquoi Costa m'avait collé cette tornade entre les mains, déjà ? J'attrapais mon téléphone et composa le numéro qu'il m'avait laissé plutôt dans la matinée. Après deux sonneries, il décrocha.
— Oui ?
Sa voix grave et posée, même au téléphone, me fit perdre mes moyens l'espace d'une seconde.
— Hum, désolé de vous dérangez. Ce n'est rien de grave mais Chiara s'est fait mal au genou. Je l'emmène aux urgences, juste au cas où.
Le silence tomba comme un couperet avant qu'il ne me réponde finalement :
— J'arrive.
J'ai raccroché, les paumes moites avant de me tourner vers la petite.
— Allez, on bouge.
Je dû la porter jusqu'à ma voiture, prenant directement la route parce que je savais que mon patron avait quitter le casino après me l'avoir laisser.
Dans la salle d'attente des urgences, Chiara jouait avec un vieux magazine pendant que je jetais des coups d'œil à l'entrée. J'étais tendu et nerveux. Quand Costa fit son apparition et poussa la porte, il n'avait pas l'air fâché. Juste… Concentré et quand il croisa mon regard, quelque chose dans son expression vacilla l'espace de quelques secondes. Finalement, il se dirigea vers l'enfant et vient s'accroupir devant elle, sa main large se posant dans ses cheveux.
— Comment tu te sens, Kiki ?
— Ca va, j'ai même pas mal ! J'ai même pas pleuré !
Je levais les yeux au ciel. Bien sûr. Lorenzo laissa échapper un soupir léger avant de se redresser pour me faire face.
— Merci de t'être occupé d'elle.
Il me remerciait ? Je m'attendais à un sermon ou au moins à un regard noir. Mais non. Juste cette gratitude légère, presque déroutante. Pourtant, je n'avais gardé sa nièce que deux heures à peine et cette dernière avait finit aux urgences.
— Ce n'est rien, je voulais juste être sûr qu'elle aille bien.
Son regard se posa sur moi un peu trop longtemps avant qu'un sourire en coin ne vienne étirer ses lèvres.
— Tu as survécu. Impressionnant.
J'aurais voulu répondre quelque chose de malin mais mes pensées étaient un chaos total. Je détestais l'effet qu'il avait sur moi.
— Ouais, enfin… C'était limite.
Il rit doucement et pour une raison obscure, ce son fit battre mon cœur plus fort. Comme si c'était un privilège d'être la cause de ce rare amusement chez lui et ça, c'était dangereux. Très dangereux.
Quand il tendit la main pour ébouriffer les cheveux de Chiara, ses doigts frôlèrent les miens brièvement. Un contact anodin, peut-être même accidentel mais suffisant pour envoyer un frisson sous ma peau.
— Si jamais tu veux te perfectionner en baby-sitting, je saurai à qui m'adresser, plaisanta-t-il.
Je me forcé à rire doucement, tentant d'ignorer cette étrange chaleur qui s'attardait entre nous. Mais en le regardant partir avec sa nièce, une certitude me frappait. On était en train de franchir une ligne et plus je m'en approchais, plus elle me semblait impossible à éviter.
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Bien le bonjour ! J'attends vos avis avec impatience !
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