Le faucheur.

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Point de vue Lorenzo.

L'adresse fut rapidement localisé et nous ne perdions pas plus de temps. Accompagnés de quelques uns de mes hommes de confiance, nous nous rendions sur place avec discrétion. Mais à notre arrivée, l'endroit était complètement vide. Un entrepôt désaffecté, encore plus délabré que celui que j'avais fais surveillé plus tôt. Les murs étaient couverts de graffitis effacés par le temps, le sol jonché de débris et d'ordures laissées par des squatteurs de passage. L'air répandait une odeur de moisissure et de poussière. Il n'y avait aucune trace de lutte, aucune présence récente. Juste un lieu froid et abandonné, comme si quelqu'un s'était amusé à me faire perdre du temps volontairement. Hors, jouer avec mes nerfs était une très mauvaise idée.

Je serrais les poings si fortement que mes jointures blanchissaient sous l'effet de la pression. Ma mâchoire se contracta violemment alors que je balayais les lieux d'un regard acéré. Quelqu'un jouait avec moi. Pire encore, cette diversion signifiait que je m'éloignais peut-être de la véritable piste qui me mènerait à Elijah. L'adrénaline battait dans mes tempes, alimentant une colère froide et calculée. Je détestais être manipulé.

Debout devant l'entrepôt, je finis par me tourner vers mes hommes, mes yeux sombres et perçants transperçant chacun d’entre eux d’un regard qui ne tolérerait aucune erreur. Ils savaient ce que cela signifiait : l'heure n'était plus aux conjectures mais à l'action.

— On ne tombe plus dans leur jeu, grondais-je d’une voix tranchante. Je veux que toutes les ressources soient concentrées sur les derniers mouvements de Carter avant sa disparition. Fouillez chaque transaction, chaque appel, chaque putain de personne qu'il a croisée ces dernières semaines. Quelqu’un, quelque part, sait quelque chose. Et je vais le trouver.

Un silence lourd s’abattit sur le groupe. Je n’avais pas besoin de hausser le ton pour me faire obéir, la rage glaciale qui imprégnait mes paroles suffisait. Mon regard s'attarda finalement sur l’un de mes hommes en particulier, un des plus anciens dans mon cercle de confiance.

— Toi, repris-je en pointant Marco du menton, reprends contact avec nos informateurs. Je veux savoir si d’autres noms circulent en dehors de ceux qu’on a déjà. Et toi, ajoutais-je en désignant un autre, vérifie les allers-retours des docks ces dernières nuits. Si quelqu’un a fait sortir Elijah de la ville, je veux le savoir.

Je pris une pause de quelques secondes, observant de nouveau ce qui m'entourais, avant de dévisager un troisième de mes hommes.

— Toi, fouille les transactions suspectes dans nos réseaux habituels, ordonnais-je. Tout mouvement d'argent inhabituel doit remonter jusqu'à nous. Et te concernant... Dis-je cette fois en désignant le dernier, reprends toutes les bandes de surveillance des caméras de la ville, au moindre indice, on agit.

J'inspirais lentement, cherchant à contenir l’impatience qui menaçait de me consumer. Puis d’un geste brusque, je déclarais :

— On bouge. Maintenant.

Si quelqu’un pensait pouvoir me manipuler, il allait vite apprendre que jouer avec Lorenzo Costa était une grave erreur.

La journée fut longue et harassante pour tout le monde. Mes hommes passèrent des heures à remuer leurs contacts, à fouiller les moindres recoins des affaires d’Elijah, à interroger les habitués des cercles clandestins. Rien. Ou du moins, rien de concret. Nous avions travailler également sur quelques autres fausses pistes et le fil de ma patience commençait à être sérieusement usé.

Pourtant, nos efforts terminèrent par payer puisqu'alors que le soleil disparaissait derrière l’horizon, un de mes hommes revint avec une information cruciale. Il s’approcha rapidement, le souffle court, une lueur d’urgence dans les yeux.

— Patron, j’ai quelque chose.

Je relevais la tête, les traits tendus par l'impatience qui me rongeais.

— Parle.

— Un nom est revenu plusieurs fois aujourd’hui. Un mercenaire assez connu dans le milieu, du genre redoutable. Quelqu’un l’aurait payé une somme conséquente récemment. On ne sait pas encore qui mais ça coïncide avec la disparition de Carter.

— Comment avez-vous eu cette info ? Dis-je en fronçant les sourcils.

— Plusieurs sources, répondit l’homme en reprenant son souffle. D’abord, un de nos contacts du marché noir a entendu parler d’un transfert d’argent suspect. Un virement anonyme, une somme énorme qui a atterri sur un compte offshore avant d’être retirée en liquide. Puis, l’un des gars qui traînent autour des cercles de paris illégaux a entendu le nom de ce type mentionné dans une conversation discrète. Ils parlaient d’un "nettoyeur" engagé récemment pour un gros boulot. Et enfin… Il marqua une pause, hésitant. Un indic de la police nous a confirmé que ce mercenaire était dans le coin et que les fédéraux le surveillaient de loin.

Mon regard se durcit instantanément. Trois sources différentes qui se rejoignaient et parlés d'un même gars... Ce n’était pas une coïncidence. Je travaillais depuis bien trop longtemps de ce côté de la barrière pour savoir que quelque chose de louche fourmillais là-dessous.

— Ce mercenaire a un nom ? Demandais-je d’une voix glaciale.

— On l’appelle "Le Faucheur". Il n’a pas de visage connu et pas d’identité claire non plus mais quand son nom apparaît quelque part, ça finit rarement bien pour sa cible.

Je me figea un instant, mon expression se fermant comme un piège d’acier. Je connaissais ce nom. Pas seulement par rumeur ou légende urbaine. Et pour cause, j'avais déjà croisé sa route. Une mission ancienne, un contrat qui avait mal tourné. À l’époque, je devais éliminer une cible dans un deal d’armes mais Le Faucheur était intervenu, agissant pour un gang adverse qui avait acheté ses services. Notre affrontement avait été brutal et sanglant. Je m’en étais tiré de justesse à l'époque mais je n’avais jamais oublié la sensation d’être traqué par cet homme, comme une proie. Ce mercenaire ne laissait jamais rien au hasard.

Une dette restait en suspens entre nous. Un combat inachevé. Si Le Faucheur était impliqué, alors celui qui avait commandité ce contrat savait exactement ce qu’il faisait et il devait être déterminé comme jamais. Un rictus amer tordit mes lèvres et je passais une main sur ma mâchoire avant de lâcher :

— Trouvez-moi ce type. Maintenant.

Si quelqu'un avait osé toucher à ne serait-ce qu'un seul de ses cheveux... Il allait le regretter amèrement. Qui qu'il soit.

Les heures suivantes furent une course contre la montre. Mes hommes et moi avions passés la ville au peigne fin, mobilisant chaque contact, chaque source d’information. Puis nous avions finit par suivre une piste ténu mais persistante. Le Faucheur, ce nom résonnait comme un avertissement, un fantôme du passé qui ne laissait derrière lui que des cadavres et des souvenirs d’angoisse. Il était rusé, méthodique et imprévisible. Et plus inquiétant encore, il semblait avoir un don pour disparaître dans les ombres. Ce mercenaire était insaisissable mais pas inatteignable quand on savait où chercher. C'était un chasseur hors pair et à présent, c’était lui qui devenait la proie.

Le visage d’Elijah surgit soudain dans mon esprit, crispé d’angoisse. Malgré lui, il se retrouvait embarqué dans un jeu cruel à l'issu incertaine et dont je n'étais pas l'investigateur. Je n'avais pas eu le temps d'intervenir quand ses hommes l'avait enlevé. Je n'avais pas pu l’empêcher de disparaître mais je ne ferais pas la même erreur une seconde fois.

Mon téléphone vibra dans ma poche, l’écran allumé affichant un message codé. Un de mes hommes venait d’identifier un possible point de contact avec le Faucheur dans la zone. C'était là qu'il fallait frapper avant que l’ombre ne se glisse à nouveau entre les mailles du filet. Je n’hésitais pas une seule seconde, je savais exactement où je devais me rendre.

L’élégant restaurant était un bijou discret niché dans une ruelle pavée, à l’écart du tumulte de la ville. Derrière sa façade sobre, des lumières tamisées éclairaient un intérieur raffiné où chaque détail respirait le luxe feutré. Des nappes blanches immaculées recouvraient les tables et le tintement des couverts sur la porcelaine fine se mêlait aux murmures d’une clientèle soigneusement sélectionnée. Un parfum subtil de café fraîchement moulu et de bois ciré flottait dans l’air.

Je poussais la porte avec assurance, mon entrée ne passant pas inaperçue. Les regards se levèrent un instant avant de reprendre leur conversation, comme si mon charisme imposait une présence qu’on ne pouvait ignorer. Je portais un costume parfaitement taillé, sombre et sobre mais mon allure trahissait une tension contenue. Je n’étais clairement pas venu ici pour apprécier la cuisine, quel dommage. Mon regard balaya la salle avec efficacité, cherchant une silhouette bien précise.

Le Faucheur.

Il était là, installé dans un coin, loin des fenêtres et dos au mur. Son assurance était frappante. Il ne faisait pas partie de ces hommes qui tentaient de se fondre dans le décor mais de ceux qui savaient qu’ils n’avaient pas besoin de le faire. Grand avec une carrure développé, il respirait la puissance contenue. Ses cheveux sombres, légèrement ébouriffés, contrastaient avec la pâleur de sa peau. Un fin sourire flottait sur son visage tandis qu’il portait une tasse de café noir à ses lèvres. Il leva à peine les yeux lorsque je m’approchais, comme s'il attendait déjà mon arrivée. Son regard, d’un calme déconcertant, accrocha le mien avec une pointe d’amusement. Il était certain qu'il savait ce que je venais faire là.

D’un geste tranquille, il posa sa tasse et croisa les doigts devant lui.

— Tu es en retard, murmura-t-il d’un ton mesuré.

Sa voix était posée, douce, comme un serpent qui siffle avant de frapper. Je m’installais en face de lui sans un mot, mes doigts venant lisser un pli inexistant sur ma manche. Je n’aimais pas ce genre de rencontre, encore moins quand elles me plaçaient en position de demandeur. Mais Elijah était quelque part et chaque seconde comptait. Je croisais les bras, plongeant mon regard sombre dans celui du mercenaire.

— Où est Elijah ?

Le Faucheur inclina légèrement la tête, visiblement amusé par la question. Il fit tourner lentement sa tasse entre ses doigts avant de la reposer avec un soin presque cérémonial.

— Tu vas droit au but. J’aime ça.

Son sourire s’élargit à peine mais son regard restait impénétrable.

— Mais tu sais bien que ce n’est pas aussi simple.

Je serrais les mâchoires mais tâcha de ne rien laisser paraître de ma nervosité.

— Rien ne l’est jamais avec toi.

Le Faucheur émit un léger rire.

— Un contrat est un contrat, Lorenzo. Et celui-ci a été signé avec une « grosse tête ». Un homme qui ne plaisante pas. Je ne peux pas trahir mes engagements aussi facilement. En fait, je ne les trahis jamais, tu devrais le savoir.

Il laissa planer un silence, profitant du regard noir que je lui lançais comme s’il s’agissait d’un spectacle divertissant. Puis lentement, il se pencha légèrement en avant.

— Mais… il y a toujours moyen de s’arranger.

Je ne répondis pas tout de suite, sachant déjà ce qui allait suivre. L’argent ne suffirait pas. Le Faucheur n’était pas un mercenaire ordinaire, il ne se vendait pas au plus offrant comme un vulgaire tueur à gages.

— Qu’est-ce que tu veux ? Demandais-je enfin.

Le mercenaire sourit, savourant la question comme une bonne gorgée de son café.

— Un passe-droit.

Je haussais un sourcil, intrigué par sa réponse.

— Un passe-droit ?

— Sur ton territoire, précisa le Faucheur. Je veux pouvoir venir et repartir comme bon me semble, sans qu’on me pose de questions. Sans qu’on me suive, sans qu’on cherche à me déranger et surtout... Avec des petits coups de mains quand la situation le fait sentir.

Il s’adossa à sa chaise, observant ma réaction avec un plaisir évident.

— Tu te doutes bien que ce n’est pas une demande innocente.

Je le savais. Accepter, c’était ouvrir une porte sur mon empire, une brèche dans mon contrôle absolu. Le Faucheur était un homme dont il était difficile de prévoir les mouvements et lui donner carte blanche sur mon territoire pouvait être la pire des erreurs.

— C’est risqué, fis-je remarquer, la voix plus basse, plus tranchante.

— Très, acquiesça l'asiatique, son sourire toujours vissé aux lèvres.

Quant à moi, je haussais légèrement les épaules.

— Mais tout a un prix, non ?

Il reprit sa tasse et la porta à ses lèvres.

— Alors, Lorenzo… Es-tu prêt à payer pour récupérer Elijah Carter ?

Je le fixait sans ciller, pesant le pour et le contre de cette offre empoisonnée. Chaque fibre de mon corps me criait que c’était une mauvaise idée. Laisser un homme comme lui circuler librement sur mon territoire, c’était inviter le chaos à ma porte. Mais Elijah... J'inspirais profondément, maîtrisant ma frustration.

— Ce que tu demandes… C’est plus que risqué, soufflais-je, le ton bas et chargé d’un avertissement.

Le Faucheur inclina légèrement la tête, amusé.

— La vie est un risque permanent, non ?

Mon sang se mit à bouillir dans mes veines. Cet homme jouait ouvertement avec moi, savourant chaque instant de cette négociation comme s’il dégustait un met raffiné. Il était insupportable. Lentement, j'écartais les pans de ma veste, révélant l’éclat sombre de mon arme holstée à ma hanche. Un geste silencieux mais lourd de sens. Je n’avais pas de temps à perdre avec ces jeux.

— Arrête de tourner autour du pot, crachais-je. Donne-moi ce que je veux ou cette discussion s’arrête ici.

Un léger clic résonna sous la table. Discret. Presque imperceptible mais suffisant pour me glacer le sang. Le regard du Faucheur ne dévia pas d’un millimètre, affichant toujours cet air tranquille, presque amusé.

— Mauvaise idée, murmura-t-il.

Son bras était détendu, posé naturellement sur la table mais sous le bois poli, ses doigts tenaient fermement un pistolet braqué directement sur moi.

— Je te déconseille de jouer à ça avec moi, Enzo.

Le ton n’avait rien de menaçant. Juste une évidence. Une vérité absolue énoncée sans emphase, comme un simple fait. Je ne bougeais pas mais mon cœur battait plus fort. Je détestais être pris de court, encore plus par un homme comme lui.

— T’as toujours été du genre nerveux, fit le mercenaire en souriant. C’est ce que j’aime chez toi.

Un silence tendu s’étira entre nous. Je n’aimais pas cette position, j'étais plutôt habitué à être celui qui dominait la conversation, celui qui imposait ses règles. Mais là, je me trouvais face à un adversaire qui connaissait le terrain mieux que moi, un homme insaisissable dont la seule loyauté allait à ses propres intérêts.

Finalement, le Faucheur soupira et sans un mot, il ramena son arme sur ses genoux avant de reposer sa tasse sur la table.

— Tu veux Carter ? Alors accepte mon offre. Sinon, tu peux toujours essayer de me tuer mais dans ce cas… Tu ne le retrouveras jamais.

Je restais un instant immobile, pesant chaque option. Puis lentement, je refermais les pans de ma veste.

— Très bien, soufflais-je.

Le Faucheur sourit, victorieux.

— Sage décision.

Le silence s’étira un instant de plus, pesant comme une menace latente. J'étais conscient de franchir une ligne en acceptant ce marché mais refuser signifiait laisser Elijah aux mains d’un inconnu, sans la moindre piste. Je desserrais lentement la mâchoire avant d’arracher ma réponse d’une voix basse et tranchante :

— C’est d’accord.

Le sourire du mercenaire s’élargit légèrement. Il dégageait cette assurance agaçante de ceux qui savent qu’ils ont gagné d’avance. Il fit tourner sa tasse de café entre ses doigts, savourant ce moment avant de finalement livrer l’information que je n'espérais plus.

— Il est retenu dans un entrepôt, aux docks de Redcliff. Un bâtiment désaffecté mais toujours fonctionnel pour certains… Usages.

Je ne réagis pas tout de suite, me contentant d’ancrer mon regard dans le sien, cherchant à y déceler plus que ce qu’il voulait bien me donner. Mais ce dernier se contenta de hausser un sourcil, faussement innocent.

— Il est sous bonne garde, précisa-t-il en haussant les épaules. Mais ça, tu devais t’en douter.

— Combien d’hommes ?

Le Faucheur eut un léger rictus.

— Ah… ça ne faisait pas partie du marché.

Je serrais les poings sous la table. Il commençait sérieusement à me taper sur le système.

— Qui t’a engagé ?

L'asiatique gloussa, amusé par l’audace.

— Ça non plus.

Mon regard s’assombrit légèrement alors que je me redressais, marquant ainsi la fin de la conversation.

— Un marché est un marché, Enzo. Je t’ai donné ce que tu voulais. Le reste… C’est ton problème.

Il but une dernière gorgée de son café puis se leva sans précipitation, ajustant le col de sa veste. Il n’avait pas l’air pressé, comme s’il ne venait pas de vendre une information potentiellement explosive.

— C'était un plaisir de faire affaire avec toi.

Il fit un pas en arrière puis s’arrêta, posant un dernier regard sur moi.

— Oh, et… Bonne chance.

Un dernier sourire et il tourna les talons, quittant le restaurant, disparaissant dans la rue avec la nonchalance d’un homme qui ne craignait personne. Je restais un instant immobile, mon esprit déjà en train d’élaborer les prochains mouvements. J'avais enfin une piste sérieuse… Mais ce ne serait que le début des ennuis.

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