Le village
Le lendemain, quand Manon ouvre les yeux, il y a un gamin asiatique au dessus de sa tête, qui la fixe comme si elle était un extraterrestre. Il doit pas avoir plus de quatre ans et tripote ses cheveux avec curiosité. Faut dire que les cheveux de Manon sont une curiosité, ils sont blonds et crepus, ils pourraient servir de nid à une cigogne! Manon le laisse faire et referme les yeux. Le môme continue ses explorations et lui pince le nez. Manon imite le bruit d’un klaxon. Le gamin sursaute et se barre en courant comme s’il venait de voir un monstre.
Manon s'assied sur sa couche, Félix et Zoé qui somnolaient à côté se redressent également. À peine remis, une dizaine de gamins déboulent dans l’encadrement de la porte, en parlant avec conviction dans une langue qu'ils ne comprennent pas.
— Mais où on est, là ? murmure Félix, encore à moitié dans les vapes.
— On est dans un village de Papouasie, répond Zoé, l’air de rien.
— Super, je vais m’inscrire au club des déportés !
— Mon dernier souvenir, c’est d’être dans la prairie à attendre Élias, l’interrompt Manon.
La veille, ils m'ont attendu sans succès. Ils flippaient, à mort. Félix avait grimpé tout en haut de la colline pour demander de l’aide au berger qu'on avait vu quelques heure plutôt mais il avait disparu, juste quelques crottes qui prouvaient qu’il y avait eu du passage.
Ils se sont mis à discuter sur le plan qu'ils devaient appliquer. Manon était convaincue que les gars qui m'avaient emporté reviendraient me rendre propre comme un sou neuf et en bonne santé. Félix, pas vraiment optimiste, avait peur que le serpent m’ait transformé en zombie.
— S’il est mort, conclut Zoé, les clandestins vont pas rendre son corps, de peur d’être accusés de meurtre. Le mieux, c’est que tu ailles chercher de l’aide au village pendant qu’on reste ici. Au pire, on aura juste gâché le déjeuner de deux personnes, au mieux, on sauvera ton frère !
— Mais j’ai promis à ta mère qu’on ne se séparerait pas ! lâche Félix, inquiet.
— Sois pas macho Félix, laisse ma mère à ses flippages de couper le cordon. Il y a urgence, argue Zoé, vas-y ! On bougera pas, je te le promets !
Félix finit par accepter, soulagé.
Ensuite, plus rien. Félix se rappelle juste d’avoir couru quelques mètres vers l’aval, mais ça s’arrête là. Seule Manon se rappelle d’avoir vu une boulette bleue s’écraser sur la cuisse de Félix. Et bingo, il y a encore une tache bleue à cette endroit. Zoé jette un œil à sa sœur et remarque une empreinte similaire dans sa nuque. Elle réalise qu’elle en a aussi une sur le bras.
— En gros, on nous a drogués, comme ils l’ont fait avec Élias ! conclut Félix.
— Génial, c’est quoi cette galère ? grogne Zoé.
— Bah, si j’étais clandestin, je voudrais pas qu’on sache où je me cache, dit Manon. Donc, si je me décidais à sauver un d’entre eux, je m’assurerais d’endormir les autres avant de les amener au village.
Ils restent silencieux quelques instants. Félix finit par hocher la tête, convaincu par la théorie de Manon, après tout c'est la plus cool.
— D’abord, il faut retrouver Élias, dit-il. Puis, on avisera.
Il se plante devant les enfants et demande où est son frère. Les gamins le regardent avec des yeux ronds comme des billes, sans répondre, un petit sourire flottant sur leur frimousse, comme s’ils venaient de voir un clown.
Félix se met à gesticuler dans tous les sens, faisant un vrai numéro de cabaret, et ça provoque des éclats de rire partout.
— Ils comprennent rien, se plaint-il.
— Attends ! lance Manon. Je vais essayer.
Mais elle n'a pas le temps de s'exprimer qu'une fillette un peu plus grande, se fraie un passage parmi les gamins. Elle prend la main de Manon et l'entraîne hors de la pièce. Félix et Zoé suivent sans demander leur reste.
Ils sortent ensemble et découvrent le hameau dans lequel ils ont passer la nuit. Ce sont des huttes sur pilotis en forme de cercle. Au milieu, un énorme eucalyptus fait de l’ombre à quelques vieilles personnes, qui commentent leur passage en les fixant d'un oeil sévère. Une grande yourte trône pas loin. Quelques villageois les regardent avancer et font des remarques à la fillette. Celle-ci répond, sure d'elle sans se laisser démonter par leur ton parfois un peu impétueux.

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