l'oeuf et la sorcière

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Au bout d’une centaine de mètres après la dernière habitation, ils entrent dans une hutte un peu différente des autres. Elle est plus petite et dégage une odeur d’herbes brûlées qui les fait grimacer. La fillette qui les accompagne entre dans la hutte, la pièce est complètement enfumée. L’air y est si chargé qu’on pourrait croire qu’un barbecue s’est mal passé.

En s'efforçant de dissiper la fumée, ils finissent par me distinguer, à moitié étendu dans un hamac, complètement lâché, emporté par un sommeil agité. je marmonne des choses qui n’ont pas de sens.

Félix observe l’endroit avec un brin d’effroi. À juste titre, car cela ressemble à une vraie cabane de sorcier. Des plantes suspendues au mur, des flacons remplis de liquides dont la couleur a décidé de faire la fête. L’un d’eux est ouvert et un serpent, noyé dans une pâte gélatineuse, le fixe comme s’il attendait d’être reconduit là où on l'avait pris. Pour ma part, je suis encore dans les vappes. J'arrive pas à parler, je transpire à grosses gouttes et mes bras s’agitent dans des mouvements désordonnés. Pourtant, je les entends :


— Restez à côté de lui, je file à Abar chercher du secours, dit Félix.

— Comment tu nous retrouveras ? lui lance Zoé.

— Je ferai une piste ! Pas de souci. Pour trouver Abar, je vais juste suivre la rivière !

Sans même attendre une réponse, il s’élance hors de la hutte. J’imagine son esprit déjà en ébullition.

Il revient quelques minutes plus tard, accompagné d'un pêcheur. Ça commence à devenir flou. J’essaie de rester concentré, mais la confusion s’installe, le delirium commence à me piquer.

Étrangement, je me sens à la fois léger et lourd, comme si le poids des événements m’écrasait. Je réalise que je n’ai pas d’idées précises sur où et comment je suis arrivé là.

Félix a l’air de discuter avec l’homme, mais ses mots me parviennent à peine. Les sons se mélangent dans ma tête. Je ressens une vague de chaleur monter et je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour Félix. Est-ce qu’il va vraiment trouver de l’aide ?

Au moment où je pense que tout cela ne peut pas être plus perturbant, une vieille dame entre et commence à chanter et danser devant moi. Je réalise que je suis couché dans un hamac.

Elle danse avec une grâce familière, mais incroyable à la fois. Je veux comprendre, mais je ne peux pas. Tout est si flou et ma pensée déraille. Elle lance un regard vers moi, et bien que je sois inconscient, je sens comme une promesse dans son sourire.

Félix cherche à se précipiter vers moi, mais le pêcheur le retient, l’air sérieux. Je lutte pour rester conscient, mais je finis par sombrer complètement dans la mouise.

Des voix continuent à s’élever autour de moi, parler de « sorcière » et « femme-médecine ». À ce stade, je ne sais plus qui je suis.

La danse de la vieille dame continue à tournoyer autour de moi, et je me rends compte que je suis entouré d’une aura de mystère. Je me force à rester là, suspendu entre rêve et réalité, attendant de voir ce que la suite me réserve.

Félix se demande si la vieille femme n’est pas en train de m’envoûter ; il piétine sur place, anxieux. Je vois le pêcheur soupirer avant de se concentrer à nouveau sur la mélopée de la sorcière. Elle termine ses chants en brandissant ses poignets au-dessus de ma tête, une scène qui aurait pu faire un excellent numéro de magie.

Quand elle ouvre les yeux, elle scrute la pièce avant de repérer Manon et Zoé, qui sont aussi scotchés que Félix. Elle leur octroie un petit sourire rassurant, presque chaleureux. Les filles s’approchent lentement du hamac.

Je me sens un peu mieux mais je n'arrive pas à garder mes yeux ouverts.

Félix tente de me secouer, le pêcheur s'interpose:

  • Laisse-le reprendre ses esprits. Il est encore très fatigué.

Félix met deux doigts sur mon front et constate qu'en effet, ma fièvre est tombée.

Pendant ce temps, Manon observe nos hôtes, visiblement fascinée. Ils se dévisagent, échangeant des gestes et des regards, comme s’ils étaient au beau milieu d’un conseil secret. L’homme désigne Félix du menton, puis retourne son attention sur la sorcière. La vieille dame lui sourit, puis jette un coup d’œil vers moi avant de tourner la tête vers son interlocuteur en haussant légèrement les épaules. Ça a l’air de vouloir dire quelque chose d’important.

Extrêmement perplexe, Manon ne lâche pas des yeux nos hôtes. L’homme la scrute aussi, et lorsqu’il lui décocha un sourire un peu enjôleur, je peux presque sentir la tension dans l’air. Manon, méfiante, fronce les sourcils. “Trop séduisant pour être honnête”, se dit-elle, sur ses gardes.

Puis, Félix, toujours inquiet, s’interroge :

— Qu’est-ce qu’elle lui a fait ?

L’homme lui répond :

— Elle lui a remodelé son œuf.

— Son œuf ? s’écrie Félix, un peu perdu.

  • Tout être aurait autour de lui une enveloppe invisible qui le protège, explique-t-il. Quand celle-ci est rompu par un élément extérieur, comme ici le serpent, il faut la reconstituer. Une fois l’œuf à nouveau vaillant, la personne est totalement guérie. Vous verrez, Élias va bientôt revenir et, en plus, il sera dans une forme que vous ne lui connaissez pas.

Sans même se consulter, mes amis se lancent dans une avalanche de questions :

— Qui êtes-vous ?

— Où est-on ?

— C’est quoi, cette panthère ?

— Pourquoi nous suivez-vous depuis notre départ ?

— Pourquoi nous avez-vous endormis ?

— C’est qui l’homme aux bracelets ?

— Stop ! imposa le pêcheur avec un rire. Je vais vous raconter notre histoire, et ainsi je répondrai à toutes vos angoisses.

— On n’a pas peur, réagit immédiatement Félix. On veut juste savoir !

Le pêcheur lève un oeil amusé à Félix et sourit. Celui-ci rougit, c 'est vrai qu'ils ont quand même bien flippé !

Le pêcheur les invite à prendre place devant la hutte, pour leur raconter son récit.

Alors que je lutte contre l’envie de plonger dans le sommeil, je sens un mélange de curiosité, sans être vraiment angoissé. Je veux savoir pourquoi nous sommes ici, et qu’est-ce qui nous attend vraiment. Je me laisse emporter par la vague d’histoire qui va suivre, espérant que chaque mot me rapprochera de la vérité et de mes amis.

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