05
Le regard perdu sur des cartes du royaume, Axine pleurait Arcturus dans un silence perturbant pour tous. Son esprit n’arrivait pas à se détacher du pendentif posé sur le coin d’une étagère. Elle avait promis de ne pas chercher la famille possédant ce blason. Malgré sa promesse, elle envisageait de demander à La Fouine, un receleur de la surface, de l’aider. Soudain, elle sentit comme un vide l’envahir. Quelque chose changeait. Son être réalisa qu’Arcturus n’était plus là pour la conseiller. Face aux cartes imparfaites du royaume, Axine aspira à une autre vie, à un autre combat. Olan, son frère d’âme entra à ce moment-là. Axine était certaine qu’il avait ressenti sa détresse.
Comme pour Axine, Arcturus avait recueilli ce gamin des rues. Tous deux furent élevés comme s’ils étaient frère et sœur. Ils reçurent une éducation de guerrier et des corrections d’enfant. Depuis l’annonce de la mort de leur père adoptif, Olan avait retenu ses larmes devant les habitants du camp. Il avait joué ce rôle qu’Axine aurait dû tenir. Il ne lui en voulait pas de s'être protégée. Il aurait simplement souhaité qu’elle lui exprime ce souhait. Olan aurait alors anticipé les réactions et la tristesse de chacun. Dès que le rideau s’abaissa, il perdit son masque et laissa des larmes glisser le long de ses joues. Il n’était plus possible de retenir sa peine.
Face à la tristesse de son frère, Axine resta de marbre. Elle ne chercha pas à le réconforter. Elle ne savait pas s’ouvrir aux autres et, encore moins, partager leur souffrance. Impatiente de retourner sur le terrain, elle étudiait des plans de la Cité et du palais. La douleur de son frère ne l’atteindrait pas.Il fallait que les combats cessent avant qu’une nouvelle génération ne doive reprendre le flambeau.
– Avons-nous une carte des égouts ? interrogea-t-elle.
– Personne n’a pris la peine d’en tracer une, précisa Olan en contrôlant son émotion. Pourquoi me demandes-tu cela ? Ce n’est pas une priorité.
– Passer par la Cité pose de plus en plus de problèmes. La ruse ne suffit plus pour ne pas se faire prendre.
Olan remarqua des signes de fatigue chez sa sœur. Depuis combien de jours n’avait-elle pas dormi ? La mort d’Arcturus venait s’ajouter aux longues heures d’angoisse de ne jamais sortir vivant des égouts. Les hommes avaient parlé de cette horrible expérience. Ils avaient mis des mots sur des peurs, des angoisses. Axine gardait trop de choses en elle. Olan était conscient qu’un jour, les blessures resurgiraient. La destruction du corps apparaîtrait comme une évidence. Sa sœur avait déjà essayé de mettre fin à ses jours, un secret gardé entre eux.
– Tu devrais aller te reposer.
– Je n’ai pas le temps ! fut la seule réponse qui traversa l’esprit de la jeune femme.
– Un chef qui ne connaît pas ses limites n’est pas un bon chef.
Ces mots glacèrent Axine. Elle refusait cette évidence. Elle ne souhaitait pas endosser ce rôle. Fatiguée, elle capitula. Son esprit était incapable de tenir une conversation sensée. Le moment n’était pas encore venu de disparaître, de prendre sa liberté. Cette dernière ne lui appartiendrait que dans la mort ou dans la victoire. Elle était le nouveau guide d’une résistance à l’agonie et n’avait pas son mot à dire. La tâche s’acceptait à contre-cœur.
– Je suis incapable de...
– Tu es fatiguée et effrayée, la coupa Olan. Tu ne réalises même pas que tu es déjà à la tête de ce clan depuis des années. Arcturus n’en était plus que l’image. Tu en as la tête.
– Resteras-tu à mes côtés ?
––T’ai-je déjà abandonné ?
La question n’attendait pas de réponse. Axine se contenta d’un sourire. Avec Olan à ses côtés, cette guerre civile serait vite un événement du passé. Même si les choix ne prenaient jamais le chemin envisagé, elle l’espérait fortement. Les années s’écoulaient et la situation n’évoluait toujours pas en leur faveur. Leur résistance n’en portait plus que le nom. Leur clan invisible des habitants de la surface deviendrait bientôt un quartier officiel de la Cité.
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